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N° 1135.

M. JULES FAVRE AU COMTE DE BISMARCK.

(Télégramme.)

Paris, le 1er mars 1871, 10 h. 45 soir.

Je reçois à l'instant de M. Thiers une dépêche m'annonçant que ce soir, à sept heures, l'Assemblée nationale de Bordeaux a ratifié le traité du 26 février. Je rappelle à Votre Excellence que l'article 3 du traité porte :

<<< Immédiatement après la ratification du présent traité par l'As> semblée nationale, siégeant à Bordeaux, les troupes allemandes » quitteront l'intérieur de Paris, ainsi que les forts de la rive gauche << de la Seine. >>

Je prie, en conséquence, Votre Excellence de vouloir bien, conformément à cette spitulation, faire donner l'ordre à vos troupes de se retirer immédiatement. Je prie Votre Excellence de me faire savoir de suite si cet ordre va être exécuté.

Signé: JULES FAVRE.

N° 1136.

PROCLAMATION DU COMITÉ CENTRAL DE LA GARDE NATIONALE.

Paris, le 1er mars 1874.

Le comité central de la garde nationale, nommé dans une assemblée générale de délégués représentant plus de 200 bataillons, a pour mission de constituer la Fédération républicaine de la garde nationale, afin qu'elle soit organisée de manière à protéger le pays mieux que n'ont pu le faire jusqu'alors les armées permanentes, et à défendre, par tout les moyens possibles, la République menacée.

Le Comité central n'est pas un comité anonyme, il est la réunion de mandataires d'hommes libres qui connaissent leurs devoirs, affirment leurs droits et veulent fonder la solidarité entre tous les membres de la garde nationale.

Il proteste donc contre toutes les imputations qui tendraient à dénaturer l'expression de son programme pour en entraver l'exécution. Ses actes ont toujours été signés; ils n'ont qu'un mobile: la défense de Paris. Il repousse avec mépris les calomnies tendant à l'accuser

d'excitation au pillage d'armes et de munitions, et à la guerre civile. L'expiration de l'armistice, sur la prolongation duquel le Journal officiel du 26 février était resté muet, avait excité l'émotion légitime de Paris tout entier. La reprise des hostilités, c'était, en effet, l'invasion, l'occupation et toutes les calamités que subissent les villes ennemies.

Aussi la fièvre patriotique qui, en une nuit, souleva et mit en armes toute la garde nationale.

N° 1137.

M. WASHBURNE A M. HAMILTON FISH.

Paris, le 1er mars 1871.

Sir, ils sont entrés. A neuf heures, ce matin, trois hussards bleus ont passé la Porte-Maillot, monté l'avenue de la Grande-Armée et descendu au pas la magnifique avenue des Champs-Élysées, leurs carabines armées et le doigt sur la détente. Ces hussards ont surveillé avec soin les rues adjacentes, en s'avançant lentement dans l'avenue. Peu de personnes étaient dehors à cette heure matinale. Bientôt après, six autres apparurent par la même route et à chaque minute le nombre alla en augmentant. Alors arriva l'avant-garde, au nombre d'environ mille hommes, tant cavalerie qu'infanterie, Bavarois et Prussiens, faisant partie du 11° corps, sous le commandement du général Kamicki. A ce moment la foule s'était amassée dans les Champs-Élysées et accueillait les Allemands par des sifflets et des injures. Une portion des troupes allemandes fit alors halte, et les hommes, sans s'émouvoir, chargèrent leurs pièces de canon, sur quoi la foule, composée, de gamins et de vauriens, prit aussitôt ses jambes à son cou. Conformément à une entente préalable entre les Français, les boutiques et restaurants le long de la route étaient restés fermés, et, malgré les affirmations solennelles qu'à aucun prix on ne regarderait les Prussiens ni qu'on leur adresserait la parole, j'ai trouvé, en aliant aux Champs-Élysées à neuf heures et demie, un grand nombre de personnes qui y avaient été attirées par une curiosité à laquelle elles n'avaient pu résister. En descendant l'avenue jusqu'à l'endroit où le corps principal avait fait halte, en face du palais de l'Industrie, malgré les plus vives protestations qu'aucun Français ne regarderait un soldat prussien ni ne lui parlerait, j'ai compté un groupe d'environ vingt-cinq Français,

hommes femmes et enfants fraternisant cordialement avec les soldats allemands. M'étant arrêté un moment pour écouter la conversation, un soldat allemand s'est avancé pour me saluer, en m'appelant par mon nom; c'était un employé dans un hôtel de Hombourg, où j'avais demeuré pendant mon séjour dans cette ville d'eaux, en 1867 et 1869.

D'après ce que j'apprends ce soir, l'armée a été passée en revue par l'Empereur du nouvel empire allemand à Longchamp, avant l'entrée dans Paris, de sorte qu'au lieu de la grande masse de troupes annoncée pour dix heures, ce ne fut qu'à une heure et demie que la garde royale, en quatre colonnes serrées, entoura l'Arc-de-Triomphe. Alors une compagnie de hulands, avec leurs lances surmontées d'un petit drapeau bleu et blanc plantées dans la selle, précédaient la colonne en marche. Puis vinrent les Saxons à l'uniforme bleu clair, les chasseurs bavarois au lourd uniforme, à la démarche martiale. Ensuite d'autres hulands et de temps à autre un escadron des cuirassiers de Bismarck avec leurs tuniques blanches, leurs coiffures carrées couronnées de plumes, rappelant peut-être à l'esprit des Français intelligents présents les célèbres cuirassiers de Nansouty et de La Tour Maubourg, des guerres de Napoléon Ier. Puis arrive l'artillerie, avec ses pièces de six, qui a dû faire l'admiration de tous les militaires par sa splendide apparence et l'étonnante précision de ses mouvements. Alors arrive en ligne la garde royale de Prusse, aux casques reluisants et aux baionnettes étincelantes, qui s'était massée autour de cet arc-detriomphe renommé dans le monde entier, élevé (avec quel sarcasme amer peut-on le dire maintenant) à la gloire de la grande armée.

J'ai assisté à cette entrée du haut du balcon de M. Cowdin, à l'entrée des Champs-Élysées. Il y avait un grand nombre de Français sur les bas-côtés des deux côtés de l'avenue. Tout d'abord, les troupes furent accueillies avec des sifflets, des miaulements et autres cris insultants; mais, lorsqu'elles arrivèrent en colonnes plus serrées et en plus grand nombre, massées par compagnies et descendant l'avenue aux sons d'une musique martiale, il se fit un silence de mort parmi la foule et on n'entendit plus que le bruit des pas des soldats et le commandement des chefs.

L'entrée du corps principal des troupes prit environ deux heures ; après cela, elles se dispersèrent, dans les diverses parties de la ville qui leur avaient été assignées, à la recherche de leurs loge

ments.....

A cinq heures, je me rendis chez M. Jules Favre au sujet des bons de logements qui avaient subitement et à tort et à travers été imposés aux résidents américains. J'appris de lui qu'il était probable que la ratifica

tion du traité de paix par l'Assemblée à Bordeaux aurait lieu ce soir et il me fit part de son espoir que tout serait terminé avant demain matin et que les troupes allemandes sortiraient alors de Paris. Il me parût croire qu'il n'y avait aucun doute au sujet de la ratification du traité. Il avait espéré que cette ratification aurait eu lieu la nuit dernière et aurait ainsi empêché l'entrée des Allemands dans Paris; mais, malheureusement, M. Thiers avait éprouvé du retard pour se rendre à Bordeaux, ce qui avait reculé la décision de l'Assemblée jusqu'à aujourd'hui. M. Favre me promit de m'envoyer la nouvelle de la ratification du traité aussitôt qu'il l'aura reçue, afin que je pusse vous l'annoncer par télégraphe.

En traversant la Seine pour rentrer chez moi, j'ai trouvé le pont de la Concorde gardé par des soldats français qui s'opposèrent formellement à mon passage. Bientôt une assez grande foule de vauriens essaya de forcer la garde, et pendant quelque temps il y eut une espèce de lutie. Après une attente de près d'une heure, je pus, grâce à la courtoisie d'un officier français, passer et enfin regagner ma maison. Mon cocher avait une telle peur des Prussiens, qu'il refusa préremptoirement d'atteler les chevaux ; et comme j'ai dû rester sur pied toute la journée, vous pouvez vous imaginer quelle fatigue j'éprouve au moment où je m'assieds pour vous écrire cette dépêche, dans la soirée.

Au moment où je vous écris, il est onze heures du soir. Le jour s'é tait levé brumeux et sombre, l'air frais et humide. Un peu après midi, le soleil apparût chaud et brillant et le reste de la journée fut magnifique. Le colonel Hoffman et M. Harrisse, qui ont parcouru la ville ce soir, m'apportent leurs renseignements sur ce qu'ils ont vu. Depuis le faubourg du Temple jusqu'à l'Arc-de-Triomphe, pas une boutique ni un restaurant ne sont ouverts, à l'exception de deux restaurants dans les Champs-Élysées qui sont restés ouverts par ordre des Allemands. La foule n'est pas surexcitée sur les boulevards et, ce qui est remarquable et sans précédent dans la mémoire des plus vieux habitants, aucun omnibus ne circule dans la ville et leurs bureaux sont tous fermés. On ne voit pas non plus de voitures particulières ni de fiacre, à moins qu'un cobillard ne soit considéré comme une voiture publique, et malheureusement on en voit trop à toute heure du jour. Paris a l'air d'être complétement mort, on n'entend ni chants, ni cris dans les rues, la population tout entière circule morne et silencieuse. Le gaz n'est pas allumé et les rues offrent un sinistre et sombre aspect. Toutes les boucheries et boulangeries situées dans la partie de la ville occupée par les Allemands sont fermées, et si la population n'avait pas fait ses provisions à l'avance, il y aurait eu bien des souf

frances. La Bourse a été fermée par l'ordre du syndic des agents de change; aucun journal n'a paru, à l'exception du Journal officiel. Aucune affiche n'a été mise sur les murs de Paris, et jusqu'à ce moment, je n'ai entendu parler d'aucun acte important de violence. Le quartier général du général Kamicki, commandant des troupes d'occupation, est au magnifique hôtel de la reine Christine. Il n'est que juste de dire que la population de Paris s'est conduite aujourd'hui avec une dignité et une attitude qui lui font le plus grand honneur. J'ai, etc.

N° 1138.

Signé: WASHBURNE.

NOTE DU Journal officiel.

Paris, le 2 mars 1871.

La population de Paris s'est étonnée de voir un certain nombre de soldats allemands pénétrer dans les bâtiments du Louvre. Cette visite avait été stipulée dans la convention. Il avait été formellement convenu que les soldats allemands pourraient visiter deux seulement des monuments de Paris: le Louvre et l'hôtel des Invalides, mais qu'ils ne pourraient le faire que par escouades, sans armes, et sous la conduite d'officiers.

Le général en chef a pris toutes les mesures nécessaires pour l'exécution de ces conditions, et la convention à cet égard a été strictement appliquée. L'émotion douloureuse de la population ne s'explique que trop dans les cruelles épreuves que nous traversons; mais elle a cru à tort à une violation des conventions faites: elles ont été rigoureusement observées. Sur les représentations du général Vinoy, les chefs de l'armée allemande ont même renoncé à visiter les Invalides.

Le général Vinoy a fait, en outre, observer aux généraux allemands que la plupart des tableaux du Louvre avaient été retirés par les soins du ministre de l'instruction publique et des beaux-arts; que les cadres seuls étaient en place; qu'enfin les statues étaient dans des salles dont les fenêtres étaient blindées et où, par conséquent, l'obscurité était complète.

La visite du Louvre a donc été bornée à la promenade dans les cours. C'est par une erreur de consigne, bientôt réparée grâce à l'in

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