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Le projet qui nous est soumis a aussi cet avantage de donner satisfaction à la conscience universelle, qui réclame l'arbitrage d'une manière chaque jour plus pressante. Si la conférence venait à se séparer sans avoir rien fait, la délégation argentine aura montré, par son vote, ses intentions et ses efforts pour aboutir.

La délégation de Belgique croit nécessaire de rappeler ses déclarations antérieures pour dissiper certains malentendus.

Dès le 9 juillet, elle a fait connaître que son gouvernement, favorable au principe de l'arbitrage obligatoire et désireux de coopérer à son extension, en accepte l'application, en réservant les conflits qui touchent aux intérêts essentiels des Etats, pour tous les cas de contestations d'ordre juridique naissant de l'interprétation et de l'application de tous les traités conclus ou à conclure entre les parties contractantes. Il accepte encore l'arbitrage obligatoire sous les mêmes réserves pour les réclamations pécuniaires du chef de dommages, pourvu que le principe même de l'indemnité ait été l'objet d'une entente préalable.

Insensible à toute influence, ne se laissant guider que par des considérations juridiques, la délégation de Belgique n'a pas dévié un seul instant de la voie qu'elle s'était tracée.

Le projet de convention, élaboré par le comité, est basé sur un sys tème de liste ayant pour objet de soumettre à l'arbitrage obligatoire un certain nombre de litiges, sans que les parties contractantes puissent réserver l'hypothèse où les différends qu'il s'agirait ainsi d'aplanir pourraient soulever des questions de nature à compromettre les intérêts essentiels des nations.

La délégation de Belgique a déclaré qu'elle ne saurait prévoir, pour aucun traité, si son interprétation ou son application ne pourrait, dans une circonstance déterminée, soulever des questions de nature à engager la souveraineté ou la sécurité des Etats; mais, par une pensée de conciliation, elle ne se refuse pas à livrer sans engagement cette question à un nouvel examen; c'est dans ce sens qu'elle s'est ralliée et qu'elle votera encore la résolution austro-hongroise.

Le système de la liste ne présente pas d'ailleurs le caractère d'arbitrage vraiment obligatoire qu'on se plaît à lui attribuer, puisque les parties pourront toujours refuser le recours arbitral en contestant le caractère juridique du différend; il est à remarquer, en outre, que le projet scumis à la commission, après avoir exclu toute réserve basée sur les intérêts vitaux des Etats, abandonne pour certains d'entre eux, à l'appréciation des Parlements, la liberté d'accepter ou de refuser le compromis sans lequel l'arbitrage est lettre morte.

«A la vérité», a dit son Excellence le baron Guillaume, «l'arbitrage obligatoire, que l'on voudrait opposer à la conception de la guerre, cet arbitrage portant sur des faits graves, politiques, de nature à troubler la paix du monde, parce qu'ils touchent à l'honneur et aux intérêts vitaux des nations, ce n'est ni la délégation de Belgique, ni telle autre délégation qui y sont opposées, c'est la conférence - ou tout au moins, le comité qui a été chargé d'examiner la question en son nom; il a déclaré solennellement qu'il n'en acceptait pas le principe. Personne n'a protesté; et les propositions basées sur le dit principe n'ont pas même été examinées.

« Il ne faut donc pas que l'opinion publique s'égare et qu'elle se figure que la conférence est partagée en partisans et en adversaires de l'arbitrage obligatoire général; il ne faut pas qu'elle s'imagine un instant que ce sont ceux-ci qui empêchent ceux-là de réaliser leurs plans. humanitaires et pacifistes. »

Son Excellence M. d'Oliveira tient à constater que le principe de l'arbitrage mondial a été reconnu unanimement par le comité «A». Ceux qui n'ont pas voté le projet anglo-portugais se sont cependant ralliés à la proposition suisse ou à la résolution austro-hongroise, qui prévoient toutes deux la conclusion, à échéance plus ou moins rapprochée, de traités mondiaux d'arbitrage. M. d'Oliveira s'efforce ensuite de grouper les objections juridiques dont le projet a été l'objet dans le comité, et les réponses qu'on leur a opposées.

On a mis en garde le comité contre le danger des sentences arbitrales contradictoires dans l'interprétation des conventions universelles. Les contradictions seraient si fréquentes, d'après quelques-uns, qu'on pourrait, dit M. d'Oliveira, les résumer par l'adage : Quot capita tot sententia. Mais on a répondu que le danger, s'il est réel, existe déjà actuellement, puisque les Etats interprètent ces conventions comme ils veulent, et d'après leurs seules convenances réciproques. Au contraire, le jour où le recours à l'arbitrage sera obligatoire, il agira comme un régulateur, et substituera l'équité et la justice au bon vouloir ou au caprice des Etats. Si une première sentence est juste, on la confirmera; si elle est injuste, on la réformera. Le danger qu'on signale ne serait donc pas crée par l'arbitrage, mais, au contraire, celui-ci le ferait peu à peu disparaître. D'ailleurs, le danger est en grande partie illusoire. Les conventions universelles reposent sur les intérêts convergents des Etats qui tiennent tous également à leur assurer une interprétation uniforme. L'arbitrage obligatoire existe depuis longtemps dans la convention postale, sans donner lieu à aucun inconvénient.

On a fait ressortir les dangers de l'application de l'arbitrage, même sans effet rétroactif, aux sentences des tribunaux nationaux. Pour donner satisfaction à ce scrupule, on a proposé de restreindre l'arbitrage aux engagements réciproques et directs entre les Etats. Mais, après réflexion, M. d'Oliveira croit que le désaccord sur cette question, au sein du comité, a été plus léger qu'on ne se l'est imaginé. Il est vrai qu'on a fait valoir l'utilité d'obtenir des arbitres des sentences interprétatives pour l'avenir, au cas où les sentences des tribunaux paraîtraient notoirement erronées. Mais personne n'a dit que cette obligation dût être imposée par rapport à des conventions qui reconnaissent la compétence des tribunaux, et qui par suite excluent toute autre. Quand l'Etat ne s'est obligé qu'à donner force de loi nationale à telle diposition de la convention, son devoir est rempli lorsqu'il a tenu cette promesse. La convention d'arbitrage ne modifie pas l'étendue ou la portée des conventions antérieures, et n'est applicable qu'aux engagements prévus par ces conventions.

On a dit enfin, que l'exécution des sentences arbitrales pourrait provoquer des conflits avec les Parlements. Mais cette difficulté est commune à tout arbitrage. Les sentences arbitrales impliquent géné

ralement le paiement d'indemnités pour lequel il faut obtenir le concours parlementaire. Si la crainte de l'intervention parlementaire devait s'imposer aux gouvernements, il n'y aurait que les Etats autocratiques qui pussent conclure des traités d'arbitrage. Pourquoi nous préoccuper ici de l'accueil que les Parlements feront à la convention? Ils auront à la ratifier et verront alors à quoi ils s'engagent. Il est difficile de croire qu'ils rejeterront un projet dont la formule nous a été donnée par l'union interparlementaire, dans laquelle vingt-trois Parlements sont représentés par des hommes aussi respectés que nos collègues MM. Beernaert et d'Estournelles. D'ailleurs, le refus d'un Parlement d'exécuter une sentence arbitrale lui occasionnerait de sérieuses responsabilités. Il s'exposerait à des blâmes et à des accusatiosn de mauvaise foi; il s'exposerait aussi à la dénonciation de la convention de la part des Etats lésés.

On a perdu de vue que toutes ces objections s'appliquent intégralement aux nombreux traités généraux d'arbitrage actuellement en vigueur en Europe et en Amérique.

La loi internationale sera toujours lex imperfecta parce qu'elle n'a pas de sanction supérieure à la bonne foi des parties sur laquelle elle repose. Si nous nous laissons effrayer par des dangers théoriques, nous ne ferons point de progrès, et nous nous mettrons dans la position de celui qui ferait son chemin à pied au lieu de prendre le train, sous prétexte qu'il n'encourrait pas ainsi les risques d'un déraille

ment.

M. d'Oliveira résume ensuite les résultats des votes dans le comité. La votation en première lecture avait paru peu homogène. Le second vote n'a pas confirmé ces craintes : 8 numéros de la liste, dont 3 très importants (réclamations pécuniaires, protection ouvrière et protection littéraire), ont obtenu la majorité absolue. Les 22 littéras des diverses listes, suédoise, serbe, britannique et portugaise, ont été tous votés par la France, la Norvège, les Pays-Bas, la Serbie et le Portugal; la Suède en a voté 19; la Grande-Bretagne, 16; l'Italie, 15; le Mexique, 14; les Etats-Unis, 12; l'Argentine, II; le Brésil, 9; et la Russie, 4. Ces adhésions permettent de constituer, en dehors de la liste, une union arbitrale, selon le mode indiqué par le protocole britannique. Ce protocole, développant une idée heureuse de la proposition suisse, rend possible la conclusion, pour ainsi dire automatique, des conventions d'arbitrage, sans la nécessité, pour chaque cas, de négociations directes et de traités séparés.

Son Excellence M. d'Oliveira espère que ces importants résultats seront appréciés par la commission et qu'un accord unanime sortira de ses délibérations.

M. Max Huber tient, avant le vote, à préciser l'attitude de la délégation de Suisse.

Bien que son pays ait toujours été sympathique à la propagation de l'institution de l'arbitrage, le Conseil fédéral estime que les réserves de l'indépendance, de l'honneur et des intérêts vitaux sont essentielles et indispensables; car il est impossible, à l'heure actuelle, de se rendre compte de la portée d'un traité d'arbitrage mondial inconditionnel. La délégation de Suisse ne pourra donc accepter aucune proposition stipulant une obligation d'arbitrage sans réserves.

Mais la délégation de Suisse, qui attache le plus grand prix à la conclusion de traités particuliers, ne s'oppose pas à l'introduction du principe de l'arbitrage inconditionnel dans la convention. C'est dans ces vues qu'elle a présenté, dans un esprit de conciliation et de transaction, une proposition dont le principal but est de permettre à chaque puissance d'offrir ou d'accepter l'arbitrage sans réserves, au moment et dans la mesure qui lui paraîtraient convenables. Grâce au système de notifications que prévoit cette proposition, le lien juridique est créé automatiquement aussitôt et pour autant que ces notifications portent sur des matières identiques. La conclusion de traités d'arbitrage serait ainsi singulièrement simplifiée et facilitée, et l'obligation de l'arbitrage pourrait prendre corps dans l'étendue la plus diverse et aux degrés les plus variés.

Il en est autrement d'un traité d'arbitrage mondial qui, précisément parce qu'il doit comprendre tous les Etats et tenir compte de la divergence de leurs intérêts et de leurs besoins, ne peut nécessairement comprendre qu'un nombre très restreint de matières.

La pensée qui est à la base de la proposition suisse a été reconnue juste et pratique, puisqu'elle a été adoptée dans des projets présentés aftérieurement, et notamment dans celui du comité d'examen. Cependant, en ce qui concerne le protocole mentionné à l'article 16E, cette dernière formule offre ce désavantage de limiter la liberté des offres d'arbitrage, puisqu'elle implique une entente préalable entre au moins deux puissances; elle ne stipule pas non plus que ce sont les déclarations d'Etat à Etat qui font naître le lien juridique, et non pas les inscriptions dans un tableau qui n'est qu'un registre de notifications.

La délégation de Suisse, tout en se réservant la faculté de reprendre sa proposition, en se montrant disposée à en éliminer la liste pour s'assurer l'unanimité des suffrages, accepterait cependant le protocole dont il s'agit, si c'est sur cette base qu'une entente générale pourrait s'établir.

M. Louis Renault demande à défendre en jurisconsulte l'œuvre du comité.

Il laisse de côté certaines objections qui ne tendraient à rien moins qu'à écarter tout traité d'arbitrage visant des litiges futurs. Etant donné qu'on trouve acceptable et même désirable un traité de ce genre, quand il est conclu avec un Etat déterminé, y a-t-il une limite infranchissable entre un pareil traité et un traité conclu avec l'ensemble des Etats? Il ne s'agit pas de nier les différences qui doivent exister naturellement entre ces deux cas, mais de savoir si tout traité est impossible dans le second.

L'arbitrage proposé concerne des pays avec lesquels on a conclu des traités dont on veut soumettre l'interprétation à la justice arbitrale. Si l'engagement est pris dans des termes généraux, c'est sous des réserves dont on a pu sourire, mais qui ne s'en trouvent pas moins dans des traités conclus par des puissances n'ayant pas l'habitude de s'engager à la légère. La vérité est qu'on entend se lier sans compromettre ses intérêts essentiels et, si l'engagement est par là for

cément restreint, il n'en existe pas moins, et un gouvernement y regardera à deux fois avant de se prévaloir d'un prétendu intérêt vital pour se soustraire à sa promesse.

Tel est le sens des deux premiers articles du projet. Après la formule générale, on a prévu des cas dans lesquels l'arbitrage pouvait être établi sans réserve. On a qualifié d'anodine la liste établie par la majorité du comité. Il n'est pas sûr que tous les cas soient si insignifiants, et il suffit d'indiquer le cas où il s'agit de déterminer le montant des dommages-intérêts quand le principe de la responsabilité est reconnu par l'Etat débiteur; M. Drago a montré toute l'importance que peuvent présenter des questions de ce genre. D'ailleurs, les partisans du projet ont-ils l'idée qu'avec leur formule la guerre pourra être évitéc? Evidemment non; ils veulent seulement que les peuples s'habituent à soumettre à des règles leurs relations normales, à terminer judiciairement les différends de la vie journalière. Cette habitude. se développera, les applications de l'arbitrage deviendront plus nombreuses et plus importantes, et ainsi le droit régira plus complètement les relations internationales.

M. Renault aborde ensuite les objections particulières relatives à des difficultés qu'entraînerait l'exécution des sentences arbitrales dans certains cas.

Le premier est celui des unions universelles. L'arbitrage obligatoire appliqué à une union de ce genre entraînerait, dit-on, une véritable confusion par suite des sentences divergentes qui interviendraient. Suivant M. Renault, la conséquence logique serait d'exclure même l'arbitrage facultatif pour de pareils traités. Pourquoi supposer que les sentences seront nécessairement contradictoires? L'arbitrage se conçoit, au contraire, appliqué à des unions, pour empêcher que l'uniformité qu'elles ont pour but d'établir soit détruite par des jurisprudences divergentes. La convention de 1899 a prévu un litige de ce genre (article 56) et lui a donné une solution rationnelle.

Le second est celui où un arbitrage fonctionne pour une question à propos de laquelle les tribunaux nationaux auraient statué. La sentence arbitrale infirmera-t-elle les décisions judiciaires? La réponse négative n'est pas douteuse, d'après M. Renault. Les décisions nationales restant intactes, la sentence ne peut avoir qu'une valeur interprétative pour l'avenir. La dignité des tribunaux n'est pas plus atteinte que par la promulgation d'une loi interprétative, et il semble que leur prestige souffrirait davantage par l'établissement de la Haute Cour internationale à laquelle certains gouvernements paraissent songer et qui pourrait annuler leurs décisions.

On a enfin parlé des difficultés pouvant résulter des règles constitutionnelles de certains pays, et de nature à entraver la conclusion du compromis ou l'exécution de la sentence. Il est impossible, suivant M. Renault, d'avoir la prétention d'exiger la parité des institutions des pays contractants, autrement l'arbitrage serait exclu de beaucoup de relations. Un Etat s'engage suivant ses règles constitutionnelles et il doit tenir ses engagements. Voilà l'essentiel. C'est au gouvernement à s'arranger de manière à dégager sa parole, c'est affaire d'ordre intérieur. Même dans les cas où un compromis a été

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