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l'hectare à la Fondation deux blocs de terres de 20,000 hectares chacun, situés dans le Mayumba pour y faire des essais de culture du

cacao.

Le territoire du domaine de la Couronne est immense, disons-nous, en Europe il correspondrait à celui d'un grand Etat. Cela est vrai, mais en résulte-t-il que la Fondation dont ce vaste territoire dépend, constitue par là même un Etat dans l'Etat. Rien n'est moins exact et sans qu'il faille faire remarquer que l'importance des valeurs sur lesquelles porte une transaction n'en change pas la portée ni la nature, n'est-il pas facile de constater que, loin d'être investie des droits de la souveraineté et de l'indépendance, inséparables de la notion de l'Etat, la Fondation, son titre l'indique, n'est qu'une administration subordonnée, dont le domaine n'échappe à l'action d'aucune des lois de l'Etat.

En effet, les lois générales de police ne perdent pas leur empire aux frontières du domaine de la Couronne comme le prouve l'existence des nombreux postes que l'Etat y a installés.

Le domaine n'est pas soustrait à l'autorité des lois d'impôts. Le régime fiscal, le régime foncier de l'Etat n'ont pas cessé d'y être en vigueur. Les indigènes y sont protéges dans la possession des terres qu'ils occupent. Il n'est pas douteux que les biens composant la dotation sont soumis à toutes les lois qui régissent l'ensemble du territoire et spécialement aux lois de police et d'impôt. Quelle preuve plus tangible en pourrait-on donner, si la chose n'allait de soi, que la convention du 22 décembre 1906 par laquelle la Fondation confie à l'Etat, pour un terme de douze ans, l'exploitation des forêts à caoutchouc. La partie actuellement la plus productive de son domaine est donc administrée en régie par les agents du fisc, dans les mêmes conditions que le domaine proprement dit de l'Etat et moyennant un partage des produits de l'exploitation qui attribue à l'Etat, outre les frais de gestion, la part qui revient à l'impôt et ne laisse à la Fondation que la rente, c'est-à-dire la part du propriétaire. On ne peut songer à soutenir que le domaine de la Couronne pourrait se soustraire, en quelque manière que ce soit, à l'action des changements que le législateur croirait devoir apporter au système des lois foncières ou fiscales.

Le domaine de la Couronne, soumis aux mêmes lois, aux mêmes charges que l'ensemble du territoire, échappe-t-il à d'autres égards à l'action gouvernementale? Comment est-il administré?

L'article 2 du décret organique, dans la forme que lui donne le décret nouveau du 22 juin 1907, confie l'administration à un comité de six personnes à la nomination du Souverain. Ces six personnes sont ce que nous appellerions les administrateurs spéciaux de la Fondation. Mais ce mode de nomination ne restera en vigueur qu'aussi longtemps que le fondateur lui-même sera là pour tenir la main à la stricte exécution des volontés qui ont inspiré la Fondation.

A son décès, le droit de désignation des membres du comité appartiendra pour trois places aux membres nommés par le Souverain Fondateur ou à leurs successeurs par voie de cooptation. Pour les trois autres places, il sera exercé par le Roi des Belges, agissant en cette qualité et aussi comme représentant de la Fondation. De sorte qu'au

cun acte du Roi ne pouvant constitutionnellement avoir d'effet que s'il est contresigné par un ministre, la nomination de la moitié des membres du comité sera à la disposition du gouvernement belge. Et d'après l'article 3, les administrateurs ont le devoir de renseigner sur leur gestion le fondateur et après lui le chef de la Maison royale de Belgique en qualité de Roi des Belges et en qualité de représentant de l'auteur de la Fondation. On voit donc qu'au décès du fondateur, le gouvernement aura un droit de contrôle auquel le décret n'impose aucune limite sur la gestion des administrateurs de la Fondation dont il nommera la moitié. De ces dispositions, il résulte que loin de constituer un organisme indépendant de l'Etat, la Fondation sera soumise à l'autorité prépondérante du gouvernement belge.

Ce qui, dans la création de la Fondation, déconcerte certains esprits, c'est l'immensité du territoire qui constitue sa dotation. Immopiliser tant de terres en une institution de main-morte, les soustraire à jamais au mouvement des transactions, c'est méconnaître, dit-on, des principes de droit public et d'économie sociale, qui sont à la base de notre système politique.

L'observation serait de nature à émouvoir profondément si la Fondation était une institution belge et si elle frappait d'indisponibilité une partie notable du territoire. Mais elle née et est destinée à se mouvoir au Congo où des espaces sans limites s'ouvrent à l'activité humaine, où pendant des siècles encore la population et la main-d'œuvre feront défaut pour une mise en valeur intégrale du sol. En Belgique, la Fondation ne possède plus guère d'immeubles. On sait qu'elle a remis presque tous ceux qu'elle y avait acquis à l'Etat Indépendant, c'est-à-dire en cas de reprise au domaine public belge. Les immeubles, objet de cette transaction, sont évalués à 29 millions de francs environ. Par le fait de la reprise, la Belgique rentrera donc, dans une large mesure, dans l'avance de 30 millions qu'elle a faite au Congo et au remboursement de laquelle l'annexion lui enlevait tout droit.

Au surplus, et ceci répond aux préoccupations que nous signalons, quelle est la nature véritable de cette main-morte? Est-il vrai de dire que la neuvième partie du territoire du Congo est immobilisée. On l'a affirmé, mais rien n'est moins exact. Si la Fondation considérée en elle-même revêt un caractère d'indiscutable pérennité, la composition de sa dotation, au contraire, n'a rien d'immuable. Ses immeubles ne sont pas inaliénables. L'article 4 du décret permet de les aliéner ou hypothéquer pour cause de nécessité absolue ou d'avantage évident. Il n'admet pas seulement l'aliénation en vue de replacement, mais il autorise même l'aliénation sans emploi pour la réalisation du programme de travaux sanctionné par le fondateur.

Que ce programme prenne assez d'extension pour que les revenus de la Fondation ne suffisent plus à son exécution et la dotation immobilière de celle-ci devra être entamée. Elle le sera encore le jour, et il n'est pas éloigné, où il y aura possibilité et avantage évident à mettre en valeur la partie de son territoire qui n'est pas couverte de forêts. Il y a là de vastes espaces où des plantations et des cultures seront utilement tentées. Il semble naturel de supposer que pour les

exploiter les administrateurs feront appel à des capitalistes, particuliers ou sociétés, auxquels ils seront amenés à vendre ou à concéder des immeubles du domaine. De sorte qu'un jour les valeurs mobilières de la Fondation pourraient dépasser en importance son avoir immobilier. Et ce qui permet de croire que cette éventualité n'est pas inconciliable avec les vues du Fondateur, c'est que l'article 7 de la Convention du 22 décembre 1906 confère à l'Etat Indépendant le droit, pendant la durée de cette Convention, d'acheter les forêts à caoutchouc de la Fondation pour un prix qui représente en argent ou rentes congolaises ou belges 3 p. c. un capital donnant un revenu équivalent à celui perçu en 1906 par la Fondation du chef de la vente des produits de ses forêts. On aurait donc tort de redouter l'immobilisation permanente de cette partie du territoire congolais que détient actuellement la Fondation.

Après avoir envisagé celle-ci dans son origine, dans sa nature juridique et dans son fonctionnement, il reste à chercher les fins pour la réalisation desquelles elle a été érigée.

L'article 6 du décret constitutif nous l'apprend. Il veut que les administrateurs, après avoir prélevé les frais et charges de leur gestion ainsi que leurs émoluments, emploient le revenu net aux objets et dans l'ordre suivant :

1. Une rente annuelle et viagère de 150,000 francs sera servie à toute Reine, veuve du Souverain, pourvu que celui-ci soit un membre de la Famille royale de Belgique, descendant de S. M. Léopold Io.

2. Une rente annuelle et viagère de 120,000 francs sera payée à l'héritier présomptif du Souverain à sa majorité et pour autant que cet héritier soit un membre de la Maison de Belgique descendant de S. M. Léopold Ier.

3. Une rente annuelle de 75,000 francs sera remise, à moins qu'ils ne recoivent une dotation belge, à chacun des autres princes de Belgique et, jusqu'à leur mariage, à chacune des princesses de Belgique. Cette annuité leur sera servie à l'âge de 18 ans et aussi longtemps qu'ils conserveront leur domicile en Belgique.

4. Une rente de 600,000 francs sera affectée annuellement et comme corollaire de la donation royale des 9 avril et 15 novembre 1900 et 29 avril 1901, au maintien et au développement des collections formant partie de cette donation, notamment des collections du Stuyvenberg et du Belvédère à Laeken, au maintien et à l'amélioration des bâtiments et à la solde du personnel employé à l'entretien de ces collections afin qu'il puisse se rendre utile au Congo au service de la Fondation de la Couronne.

5. Une somme de 150,000 francs sera employée annuellement à l'établissement et à l'entretien des chemins, à l'achèvement et à l'entretien des bâtisses du domaine national des Ardennes.

Voilà définitivement réglé par l'acte constitutif de la Fondation et dans l'ordre de préférence qu'il détermine l'emploi de ses premiers revenus. Il paraît difficile de contester la pensée de complet désintéressement qui préside à ce règlement, et sa haute utilité.

Depuis 1889, le Fondateur a fait connaître son intention de se dépouiller du Congo et des biens qui en dépendent au profit de la Belgique et attesté son invariable résolution de renoncer pour lui-même à tout avantage dérivant de la souveraineté de cet empire qu'il donne à sa patrie. Il a voulu dès la première heure que la colonie coopère à l'exécution du programme qu'il a conçu pour l'expansion morale et matérielle, pour l'embellissement de son pays. D'après ses intentions, la rondation de la Couronne doit servir d'instrument à la réalisation de ce dessein. Aussi paraît-il naturel qu'il y intéresse et y associe et les souverains qui lui succèderont sur le trône de Belgique et les princes de Sa Maison. N'est-ce pas pour cela qu'il confie, comme nous venons de le voir, au chef de la Maison royale de Belgique, le soin de veiller à la perpétuité de l'œuvre personnifiée dans la Fondation de la Couronne; pour cela aussi qu'il impose aux revenus de cette Fondation la charge, dont il est difficile de méconnaître l'extrême modération, d'acquitter certaines pensions, dont l'allocation s'explique par le désir de faciliter aux princes, qui en seront les bénéficiaires, le maintien de la dignité de leur rang.

Mais il est une autre préoccupation, plus impérieuse encore nous le savons, pour le Fondateur. Elle consiste à empêcher que ses libéralités ne soient la cause de sacrifices pour le budget belge. C'est à cette préoccupation que répond l'imputation sur les revenus de la Fondation des dépenses qu'entraînent le maintien, le développement et l'entretien des collections et des domaines qui ont fait l'objet de la donation entre vifs que Sa Majesté a faite à la Belgique et qui a été acceptée par la loi du 31 décembre 1905. Par son intervention, la Fondation de la Couronne dégrève le contribuable belge de toute charge de ce chef. Conformément aux intentions manifestées par la lettre du Roi du 31 décembre 1903, elle met à la disposition des personnes chargées d'administrer ces biens les fonds indispensables à l'exercice de leur mandat.

Pourrait-on songer à modifier cet état de choses et serait-il équitable de porter au compte de la métropole des dépenses dont les plus importantes, celles relatives aux collections du Stuyvenberg et de Laeken par exemple, sont faites principalement dans l'intérêt du Congo, en vue d'études et de recherches inspirées par l'espoir de rendre plus fructueuse l'exploitation de ses territoires (1).

Après avoir ainsi fixé l'mploi des premiers revenus de la Fondation, l'acte constitutif affecte le surplus, conformément aux instructions et dispositions du Souverain Fondateur, à des destinations d'utilité publique pour le Congo et la Belgique, et spécialement à

(1) Le jardin colonial de Laeken a pour but principal d'assurer l'importation au Congo de plantes et de graines de toutes les espèces végétales, mais surtout de plantes économiques originaires de colonies tropicales. Il reçoit également du Congo des plantes utiles et d'ornement qui sont l'objet d'études, tant au point de vue botanique qu'au point de vue économique. Les candidats aux emplois du service de l'agriculture en Afrique y reçoivent des leçons pratiques d'agronomie coloniale.

des destinations ayant pour objet le développement des entreprises maritimes et coloniales, l'hygiène publique et l'éducation physique, les sciences et les arts, les travaux d'embellissement et les œuvres d'assistance sociale. On le voit, le décret tient les promesses de son préambule. La Fondation n'est créée que pour la poursuite de buts d'ordres élevés, patriotiques et désintéressés, et l'on constate qu'elle est restée fidèle à ce programme quand on étudier les documents qui nous ont été communiqués, spécialement la convention avec la Compagnie Immobilière et qu'on se demande dans quelles vues la Fondation a successivement acheté en Belgique les propriétés immobilières dont, par la convention du 24 décembre 1906 elle a remis les titres à l'Etat Indépendant.

Le programme comporte notamment des travaux sur le domaine national belge et sur des terres appartenant à la Fondation, la construction de bâtiments pour les départements et écoles de l'Etat Indépendant du Congo, à élever à Bruxelles et aux environs.

A juger l'œuvre par les résultats qu'elle a déjà produits, on en comprend mieux le caractère et la grandeur.

On peut l'affirmer, tous les buts que la Fondation poursuit sont des buts utiles subsidier des entreprises scientifiques, exécuter des travaux d'embellissement, étendre le champ d'action de l'enseignement public et l'adapter aux nécessités des temps modernes, travailler au développement des entreprises maritimes et coloniales, relever le niveau de l'éducation physique de l'homme et lui procurer les bienfaits d'une bonne hygiène, assister les populations africaines dans la lutte contre la maladie du sommeil, ce sont autant de préoccupations fort nobles.

Le Souverain aurait pu imputer ces dépenses sur le budget général de l'Etat. Il a préféré affecter à leur service une dotation et un organisme spécial. Après avoir assuré à l'Etat du Congo les ressources indispensables à l'accomplissement de sa tâche et sauvegardé pleinement de cette façon les intérêts de la Nation belge pour l'éventualité de son entrée en jouissance, il lui a été possible, par la création d'une personnalité juridique distincte investie de la possession d'un important domaine, de donner des garanties de stabilité aux œuvres que son patriotisme a conçues pour le commun avantage du Congo et la Belgique.

Nous disons de stabilité, car on aurait tort d'attribuer aux œuvres dont la Fondation favorise l'éclosion un caractère de perpétuité absolue, indélébile.

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On a déjà v uque la composition de son patrimoine est susceptible de subir toutes les modifications que le cours du temps rendra désirables. Quant à la Fondation elle-même, l'acte constitutif disposait (article 7) que « si elle cessait d'exister ou si les clauses et conditions mises à l'utilisation de ses biens n'étaient plus respectées, ces biens seraient désaffectés et feraient retour au Fondateur ou seraient attribués, sous les charges qui les grèvent, aux institutions, individualités juridiques ou établissements publics, congolais ou autres que le Fondateur aurait désignés ».

Conçue dans ces termes, la disposition, bien qu'elle soit parfaite

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