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DES ONZE ASSEMBLÉES PLÉNIÈRES DE LA DEUXIÈME CONFERENCE DE LA PAIX, TENUE A LA HAYE EN 1907.

DE L'ARBITRAGE OBLIGATOIRE

(SUITE) (1)

Examen en commission

La question de l'arbitrage obligatoire, qui avait déjà provoqué au sein du comité « A » des discussions si brillantes et si consciencieuses, a été reprise par la première commission, avec une hauteur de vues, une éloquence et une science juridique auxquelles il m'est un devoir de rendre ici un éclatant hommage. C'est avec un véritable sentiment de regret que je me vois privé, pour ne pas exagérer les dimensions de ce rapport, de la satisfaction de reproduire ici in extenso les discours qui ont ete prononcés au cours des deux séances tenues par la commission le 5 octobre. Je dois me borner à vous en offrir un résumé.

Son Excellence M. Beldiman constate qu'en principe et comme thèse générale, les partisans de l'arbitrage obligatoire sont unanimes à proclamer que son application, aussi étendue que possible, constituerait un progrès réel dans le domaine du droit international public et offrirait une nouvelle garantie de paix entre les nations. Mais, dès qu'il s'agit de mettre ce principe en pratique, apparaissent de multiples difficultés, dont quelques-unes inextricables, auxquelles on se heurte aujourd'hui.

L'orateur jette d'abord un coup d'œil rapide sur l'ensemble du projet que le comité d'examen a élaboré et dont celui-ci recommande l'adoption à la commission.

La proposition anglo-américaine débute par un article qui tend à établir l'arbitrage obligatoire pour les différends d'ordre juridique et ceux relatifs à l'interprétation des traités, avec la réserve bien connue de toutes les questions mettant en cause les intérêts vitaux, l'indépendance ou l'honneur de l'un ou l'autre des Etats contractants. Il n'y a pas moins de trois problèmes complexes qui viennent immédiatement se greffer sur cette proposition.

D'abord, comme il s'agit de différends d'ordre juridique et de l'interprétation des traités qui souvent peuvent donner lieu à des litiges de même nature, la question se pose: Quels seront les effets de la sentence arbitrale sur la juridiction nationale? La sentence arbitrale

(1) Archives Diplomatiques 1908, vol. II.

pourra-t-elle infirmer les arrêts rendus par les tribunaux nationaux? Quelle est la situation créée à la juridiction nationale par une stipulation qui obligerait l'Etat de soumettre à un arbitrage des litiges qui sont de la compétence des tribunaux nationaux?

On a tâché de résoudre cette grave question par une formule, élaborée par un sous-comité spécial, qui tendait à exclure de l'arbitrage obligatoire les conventions conclues ou à conclure. en tant qu'elles se réfèrent à des dispositions dont l'application et l'interprétation sont de la compétence des tribunaux nationaux.

Mais, dans le comité d'examen, cette solution, en fin de compte, n'a pas prévalu, et on en a préféré une autre qui met la justice nationale à l'abri des sentences arbitrales, seulement en ce qui concerne leur effet rétroactif.

Second problème: Quels seront les effets de la sentence arbitrale lorsqu'elle concernera l'application ou l'interprétation d'un traité conclu par plusieurs Etats, dont quelques-uns seulement ont dû recourir à l'arbitrage en vertu de l'obligation contractée, tandis que les autres signataires sont restés en dehors du litige?

C'est un cas qui peut se produire assez souvent, par exemple, pour les conventions universelles. Comment prévenir ces divergences dans l'interprétation d'un pareil traité, voire même de sérieuses contradictions entre la sentence arbitrale,, valable seulement pour les parties en litige, et une application différente des mêmes stipulations par les autres cosignataires, qui n'ont pas pris part à ce procès ?

Le comité d'examen s'est arrêté à une solution qui exige l'unanimité de tous les Etats signataires pour que l'interprétation du point en litige, adoptée par la sentence arbitrale, devienne obligatoire pour tous (article 16н du projet). A défaut de cette unanimité, le projet ne prévoit aucune solution pour cette question pourtant si importante, et les conventions universelles restent ainsi livrées aux complications provenant de sentences arbitrales qui ne concernent que quelques-uns des Etats signataires.

Certes, ces mêmes problèmes, celui de l'effet des sentences arbitrales sur la juridiction nationale, et l'autre, concernant l'interprétatation de traités coclus par plusieurs Etats, comme les conventions unverselles certes, ces deux problèmes peuvent se poser dans tous les cas d'arbitrage international, indépendamment de leur origine. Mais la différence essentielle qu'on ne devrait pas méconnaître est de tout autre nature. De quoi s'agit-il aujourd'hui? Le projet qu'on nous propose invite les gouvernements représentés à la conférence à prendre l'engagement soit général avec les réserves connues, soit spécial pour certaines catégories déterminées de différends, mais alors sans réserves de soumettre à l'arbitrage les litiges qui se produiraient entre eux sur les matières prévues dans la convention à conclure. Or, prendre un pareil engagement, signifie accepter d'avance toutes ces complications inévitables dans un grand nombre de cas, sans en pouvoir prévoir les conséquences.

Une des conditions élémentaires de chaque stipulation internationale entre Etats souverains, c'est l'égalité, la réciprocité parfaite de l'obligation contractée. Or, tel ne peut être le cas avec les Etats

Unis d'Amérique et les autres républiques, dont la Constitution est conforme à celle des Etats-Unis.

En effet, l'article 4 de la proposition américaine prévoit que le compromis doit être établi conformément aux constitutions ou aux lois respectives des puissances signataires, ce qui signifie que pour les Etats-Unis, par exemple, le compromis ne devient obligatoire qu'apres avoir été approuvé par le Sénat, tandis que pour la plupart des puissances européennes il l'est déjà dès qu'il a été signé par le gouver

nement.

L'ambassadeur d'Italie a caractérisé cette situation das les termes suivants, qui méritent d'être retenus :

« Il y a donc évidente inégalité dans les obligations que les deux parties auront contractées en signant le traité général. »

On nous convie donc à conclure un traité général qui n'établit nullement des engagements égaux entre les Etats signataires : les uns seront liés au compromis par la signature de leur ministre compétent; les autres, conformément à leur Constitution, auront à soumettre le compromis déjà signé à l'approbation d'un corps législatif, indépendant du pouvoir exécutif et qui est libre d'accepter ou de rejeter le compromis.

Nous nous trouvons donc en présence d'un projet de la plus haute importance en matière de droit international public qui laisse trois graves problèmes non résolus, pour lesquels on ne nous indique aucune solution; mais on nous invite à passer outre en faveur d'un principe général dont l'application pratique soulève, ainsi que je l'ai démontré, les plus graves difficultés.

L'orateur s'attache à démontrer que toutes ces difficultés inextricables ont leur origine dans une conception erronée de la nature même de l'arbitrage international, auquel on demande des résultats contraires à son essence. Il analyse en détail les éléments constitutifs de l'arbitrage pour établir que le principe facultatif en est une des conditions essentielles, et que, par conséquent, ce qu'on appelle l'arbitrage obligatoire ne peut trouver son application pratique que sur un terrain très limité, et en somme d'une importance tout à fait secondaire.

La preuve évidente en est que les catégories de litiges qu'on veut Soumettre à l'arbitrage obligatoire sans les réserves connues, n'ont trait qu'à des matières d'une importance si restreinte qu'une des personnalités les plus marquantes de la conférence les a qualifiées d' anodines >>, et qui ne sauraient avoir donc la moindre influence sur les bonnes relations normales entre les Etats, et encore moins sur le maintien de la paix.

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C'est cette équivoque qui pèse sur tout ce débat, et l'orateur conque son gouvernement ne saurait adhérer à un projet qui laisse non résolus des problèmes de droit international de la plus haute importance, tout en ne présentant aucun avantage réel pour la cause

de la paix.

Son Excellence le marquis de Soveral s'est surtout attaché à faire ressortir les conclusions qui, à son avis, se dégagent de l'importante

discussion à laquelle sa proposition a donné lieu dans le comité «‹ A ». Il remarque que cette proposition a été adoptée comme une des bases des travaux du comité; elle a également servi de point de départ aux propositions successives des délégations de Suisse, de Serbie, d'Autriche-Hongrie, de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Il n'oublie pas, cependant, que la liste portugaise est un héritage de la première conférence de la paix, repris ensuite par l'union interparlementaire, et il est heureux de la voir consacrée par les votes du comité, qui l'a modifiée et précisée, mais n'en a pas altéré le caractère essentiel.

M. le premier délégué de Portugal constate que la grande cause de l'arbitrage a été abordée par la conférence avec l'attention et l'intérêt que le monde entier lui accorde. Le principe de l'arbitrage obligatoire a été unanimement reconnu par le comité « A », et les divergences n'ont porté que sur les conditions de son application immédiate. Personne n'a trouvé la liste inacceptable; seulement quelques Etats ont voulu se donner le temps de l'étudier plus à fond, tout en promettant de nous apporter bientôt le résultat positif et favorable de leur étude. Le comité s'est donc divisé sur une question d'opportunité, et non pas de principe. Et même sur ce terrain, une évolution intéressante s'est produite. Au commencement de la discussion toutes les difficultés du problème ont d'abord apparu, et quelques grands Etats, dont les intérêts multiples et considérables s'étendent à toutes les parties du monde, ont hésité un moment sur la voie à suivre. Mais à mesure que la discussion se poursuivait, et qu'on se rendait compte que ces difficultés, ou bien été communes à tout problème de droit international et ne s'appliquaient pas seulement à la notion de l'arbitrage, ou bien n'avaient pas la gravité qu'on leur attribuait, un sentiment de confiance a succédé aux premiers mouvements de légitime prudence, et on a pu voir l'Angleterre et les Etats-Unis donner leur pleine adhésion au projet portugais. M. de Soveral espère que ce grand exemple sera suivi par l'unanimité de la commission. L'arbitrage sort innocent et acquitté du jugement sévère auquel il a été soumis dans le comité. Il demande à la commission de confirmer cet acquittement.

Qu'on ne dise pas que c'est l'arbitrage obligatoire qui sort victorieux du débat, mais non pas l'arbitrage mondial. Les difficultés soulevées embrassent tout le champ du droit international. Si elles étaient fondées, il faudrait conclure qu'aucune convention mondiale n'est possible en aucune matière; c'est-à-dire qu'il faudrait clore tout de suite la conférence et ne plus jamais la rouvrir. Mais, loin de là, la conférence élabore depuis trois mois des conventions mondiales sur les questions les plus complexes du droit des gens, sur la Cour des prises, sur la Cour d'arbitrage; elle engage dans ces conventions les intérêts vitaux des puissances; elle ne peut redouter d'agir de la même façon lorsqu'il s'agit de la solution de différends où ni l'honneur, ni l'indépendance, ni les intérêts essentiels des Etats ne sont en cause.

Son Excellence M. de Soveral rappelie que le Portugal, lors d'un différend connu, a dit, dans des termes qui ont porté, puisqu'ils ont convaincu son adversaire, que « le refus d'accepter un arbitrage proposé par la partie la plus faible laisse planer des doutes sur l'équité de la réclamation formulée par la partie ia plus puissante ». Les trai

« EdellinenJatka »