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Ils faisaient valoir que ce n'était pas la Belgique, mais la colonie ellemême qui reprenait l'actif et le passif de l'Etat Indépendant.

L'honorable ministre de la justice, soutenu par l'honorable M. De Lantsheere, rapporteur du projet sur le traité de reprise, a observé que la loi coloniale n'aurait pu produire ses effets avant le vote du traité de reprise, et que cette loi, pour produire pareils effets aurait même dû être votée avant la date de la conclusion du traité, soit le 29 novembre 1907; qu'en effet, la ratification d'une convention rétroagit jusqu'au jour où elle a été signée. Il en résultait, d'après lui, que la Belgique, annexant le Congo, reprenait et faisait siennes les obligations de l'Etat Indépendant (art. 1er du traité de transfert), au moins provisoirement jusqu'à la transmission faite par elle à la colonie et partant était engagée dans le sens de la réponse du gouver

nement.

Il a été répondu que le traité de reprise ne comportait cette conclusion ni dans son texte, ni dans son esprit; que la Commission des XVII avait interprété le traité dans un autre sens sans rencontrer de contradiction; que la Belgique succédait à la souveraineté de l'Etat Indépendant, mais sans en retenir ni actif, ni passif, lesquels passaient directement et entièrement à la colonie.

Qu'au surplus, il serait peu logique de rendre la Belgique responsable pour des engagements auxquels elle n'avait pas participé, alors qu'elle serait complètement dégagée pour les dettes résultant de dépenses approuvées et votées dans le budget par la législature. Qu'il fallait admettre de deux choses l'une, ou la séparation des patrimoines, et, dans ce cas, les engagements contractés de part et d'autre demeuraient bien distincts; ou la confusion des patrimoines et, dans ce cas, le gage étant commun, les dettes devaient être communes pour l'avenir comme pour le passé.

Les opinions défendues à la Chambre étant divergentes, l'honorable M. Woeste, pour empêcher toute équivoque, proposa comme amendement le 4° alinéa. Ce texte fut adopté par 74 voix contre 44. D'après ce texte, rien ne s'oppose à ce que la Belgique accorde sa garantie ou fasse des avances à la colonie, en cas de besoin, mais ce sera la loi qui décidera.

En seconde lecture, le gouvernement, qui ne s'était pas rallié à l'opinion contraire, proposa, tout en laissant subsister le texte voté, un nouvel amendement, qui fut écarté par 75 voix ocntre 54 et 6 abstentions.

Répondant à une question de l'honorable M. Wauwermans, l'honorable ministre de la justice a déclaré que le siège du gouvernement colonial sera à Bruxelles et que les questions de compétence et de procédure devaient être réglées non par la charte coloniale, mais par des décrets spéciaux.

CHAPITRE II.

((
« Art. 2.

Des droits des Belges, des étrangers
et des indigènes.

Tous les habitants de la colonie jouissent des droits reconnus par les articles 7, alinéas 1 et 2, 8 à 15, 16, alinéa 1,17, alinéa 1, 21, 22 et 24 de la Constitution belge. Les mots « la loi », mentionnés dans les articles 7, alinéas 2, 8, 9, 10, 11, 17, alinéa 1 et 22 de la Constitution belge sont remplacés, en ce qui concerne la colonie, par les mots « les lois particulières ou les décrets ».

>> Aucune mesure ne peut être prise en matière de presse que conformément aux lois et aux décrets qui la régissent.

>> Nul ne peut être contraint de travailler pour le compte ou au profit de particuliers ou de sociétés.

>> Des lois régleront à bref délai, en ce qui concerne les indigènes, les droits réels et la liberté individuelle.

» Art. 3. L'emploi des langues est facultatif. Il sera réglé par des décrets de manière à garantir les droits des Belges et des Congolais, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires.

» Les Belges jouiront au Congo, en ces matières, de garanties semblables à celles qui leur sont assurees en Belgique. Des décrets seront promulgués à cet effet au plus tard dans les cinq ans qui suivront la promulgation de la présente loi.

>> Tous les décrets et règlements ayant un caractère général sont rédigés et publiés en langue française et en langue flamande. Les deux textes sont officiels.

>> Art. 4. Les Belges, les Congolais immatriculés dans la colonie. et les étrangers jouissent de tous les droits civils reconnus par la législation du Congo belge. Leur statut personnel est régi par leurs lois nationales en tant qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public.

>> Les indigènes non immatriculés du Congo belge jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la législation de la colonie et par leurs coutumes en tant que celles-ci ne sont contraires ni à la législation ni à l'ordre public. Les indigènes non immatriculés des contrées voisines leur sont assimilés. »>

Ces articles ont donné lieu à un grand nombre d'amendements et à une discussion très approfondie qui s'est prolongée du 23 au 31 juillet. Le texte primitif a été plusieurs fois remanié tant par le gouvernement que par des membres de la Chambre.

Lors de la seconde lecture, l'article 2 a été divisé en trois parties formant les articles 2, 3 et 4. Le dernier alinéa, ajouté à l'article 22 en première lecture, est devenu le second alinéa de l'article 2.

La Commission ds XVII avait fixé les libertés constitutionnelles garanties à tous les habitants de la colonie; en énumérant les articles y relatifs de notre pacte fondamental, le gouvernement a ajouté à cette énumération l'article 17, § 1, proclamant la liberté d'enseignement.

MM. Vandervelde et consorts ont proposé d'y comprendre aussi les articles 18 (liberté de la presse), 19 (liberté de réunion) et 20 (liberté d'association). Ils voulaient accorder ces libertés politiques, contrairement aux autes législations coloniales, même aux indigènes non civilisés et aux étrangers.

Quant aux citoyens belges, il importe d'observer que le fait de ne pas proclamer ces libertés dans la loi organique n'emporte pas prohibition. Le Parlement belge, conservant au Congo le pouvoir législatif, pourra les édicter dans la suite, sauf à les réglementer; mais des inconvénients et même des dangers y font obstacle dans la situation actuelle. Les législations, pour être bonnes et durables, doivent s'adapter aux nécessités et aux réalités variables.

L'adjonction de l'article 18 de la Constitution a été rejetée par 70 voix contre 52 et 5 abstentions (dont 2 pour cause de pairage).

Un amendement subsidiaire de l'honorable M. Mechelynck visait la liberté de la presse, restreinte uniquement dans les cas prévus par une loi ou par un décret; il a été écarté par 64 voix contre 47 et 3 abstention (dont 2 par suite de pairage). L'honorable M. Beernaert s'est abstenu, quoique ayant proposé par ses amendements une liberté de la presse réglementée, parce que la liberté de la presse n'était nullement condamnée et parce qu'il tenait compte des concessions faites à ses idées.

Cet amendement, adopté à l'ancien article 22, a été inséré dans l'article 2.

L'adjonction de l'article 19 a été repoussée par 72 voix contre 49. Celle de l'article 20 par 66 voix contre 48.

Un amendement subsidiaire de l'honorable M. Destrée, stipulant que les Belges ne pouvaient être privés de leurs droits politiques, même quand ils étaient établis au Congo, a été écarté par 61 voix contre 47 et 3 abstentions. L'honorable M. Janson a donné comme motifs d'abstention qu'il ne reconnaissait pas à la Chambre le droit de délibérer sur le point de savoir si elle peut priver les Belges se trouvant dans un territoire annexé à la Belgique les droits qui leur sont garantis par la Constitution.

Il a été entendu que les mots « les Belges » signifiaient les citoyens belges, par opposition au terme général de sujets belges qui s'applique aussi aux Congolais.

Le texte nouveau de l'article relatif à l'emploi des langues a obtenu l'adhésion de MM. Henderickx et consorts qui ont retiré une proposition dont le but était de défendre les droits de la langue flamande.

Un sous-amendement de MM. Bruyninckx et consorts ajoutant les mots « les deux textes sont officiels », a été admis par 80 voix contre 27 et 3 abstentions.

Les amendements proposés à l'article 4 (ancien art. 2) ont été retirés.

Les mots «< colonies limitrophes » ont été remplacés par les mots « contrées voisines » dont le sens plus étendu pouvait comprendre les Soudanais, les Sénégalais, les Zanzibaristes, etc.

Un amendement de MM. Vandervelde et consorts, établissant pour les étrangers une distinction qu'il aurait été impossible de réaliser par les décrets, a été écarté par 82 voix contre 41.

Le dernier alinéa de l'article 2 a cte inséré sur l'initiative de l'honorable M. Beernaert, malgré qu'il ait plutôt le caractère d'un vœu, pour bien marquer les intentions de la Chambre au sujet des réformes à introduire par la loi relativement aux droits réels et à la liberté individuelle des indigènes.

A ce dernier alinéa se rattachait une série d'amendements.

L'honorable M. Lorand a proposé le texte suivant : « Les lois, décrets et règlements auront pour objet de garantir efficacement aux indigènes la sécurité de leur personne, de leur famille et de leurs biens, la libre disposition de leur travail et de son produit, la liberté individuelle et la jouissance d'une propriété foncière suffisante pour assurer leur subsistance. >>

Cet amendement a été rejeté par 72 voix contre 47 et 6 abstentions (dont un pairage).

L'honorable M. Beernaert et quatre de ses collègues se sont abstenus parce que les principes proposés étaient impliqués dans d'autres dispositions de la loi et parce que l'amendement ne réunissait pas les conditions de précision nécessaire pour un texte de loi.

Un amendement de MM. Vandervelde et consorts, interdisant le travail forcé, même à titre d'impôt, et autorisant les indigènes à récolter les produits naturels dans tout le territoire sur les terres domaniales, soulevant ainsi tout le problème foncier du Congo, a été repoussé par 78 voix contre 46.

MM. Royer et consorts ont déposé un amendement subsidiaire ainsi conçu :

« Nul ne peut être contraint de travailler pour le compte ou au profit de sociétés commerciales ou de particuliers. Nul ne pourra, notamment être contraint à la récolte des produits qui, aux termes des conventions intervenues le 12 septembre 1906 entre l'Etat Indépendant du Congo et les Sociétés Abir et Anversoise du Commerce au Congo, doivent être cédés à ces sociétés.

» De même, nul ne pourra être contraint au travail dans les territoires exploités par l'Etat pour compte de la Compagnie des Grands Lacs aux termes de la convention du 4 janvier 1902. »

La première phrase énonçait un principe qui a rallié l'unanimité de la Chambre et est devenu le troisième alinéa de l'article 2.

Le reste a été retiré sur les observations de l'honorable M. Monville, qui préférait ne pas atténuer, par l'indication d'exemples, la portée générale et précise du vote émis sur la première phrase.

Un autre amendement de l'honorable M. Destrée était conçu dans les termes suivants :

Les terres vacantes appartiennent à l'Etat. La détermination des terres vacantes se fera en tenant compte des droits d'occupation individuels ou collectifs des indigènes, appréciés au point de vue de leurs droits, coutumes et besoins.

>> Tout habitant de la colonie pourra, avant cette détermination, lors de celle-ci et dix ans après son accomplissement, réclamer la reconnaissance des droits individuels ou collectifs des indigènes, soit contre l'Etat, soit contre tout tiers concessionnaire ou détenteur. ›› Il a été rejeté par 72 voix contre 51 et 9 abstentions.

L'honorable M. Van Marcke a donné comme motif d'abstention que l'état actuel de la documentation sur la situation de la colonie ne permettait pas d'entrer dans les détails d'organisation. L'honorable M. Beernaert s'est abstenu, quoique très favorable au développement de la propriété indigène, parce que le gouvernement avait admis son amendement relatif au règlement administratif à bref délai de tout ce qui concernait les droits réels et la liberté individuelle au Congo, se réservant l'initiative nécessaire à cet égard.

L'honorable M. Denis avait proposé un amendement comprenant deux parties et ainsi conçu :

« Le décret du 3 juin 1906, autorisant à astreindre un contingent de travailleurs à l'exécution de travaux publics pendant une durée de cinq ans, est abrogé.

>> En matière fiscale, aucune contrainte par voie de détention ne peut être ordonnée sans l'intervention de l'autorité judiciaire. >>

La première partie a été rejetée par 65 voix contre 58 et 2 abstentions; la seconde, par 66 voix contre 58 et 3 abstentions, dont un pairage. Les honorables MM. Beernaert et Mabille se sont abstenus au vote sur la deuxième partie tout en étant d'avis qu'aucune détention ne peut être ordonnée que par l'autorité judiciaire, ces dispositions devaient trouver place dans la loi promise sur la liberté individuelle.

«Art. 5. Le gouverneur général veille à la conservation des populations indigènes et à l'amélioration de leurs conditions morales et matérielles d'existence. Il favorise l'expansion de la liberté individuelle, l'abandon progressif de la polygamie et le développement de la propriété. Il protège et favorise, sans distinction de nationalités ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables, créées et organisées à ces fins ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation.

>> Les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs, leurs escortes, avoir et collections sont l'objet d'une protection spéciale.

» Art. 6. — Il est institué une Commission permanente de sept membres chargée de veiller sur tout le territoire de la colonie à la protection des indigènes et à l'amélioration de leurs conditions morales et matérielles d'existence.

>>La Commission est présidée par le procureur général. Les autres

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