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et l'avertissement du prince Gortschakoff, pour avoir quelque signification, doit être reçu comme une intimation que l'influence de la Russie sera employée à exciter les populations chrétiennes à se soulever, ce dont il y aurait peu de chances, si elles étaient livrées à ellesmêmes.

J'ai, etc.

Signé H. ELLIOT.

No 35. SIR H. ELLIOT AU COMTE DE GRANVILLE.

Therapia, le 24 novembre 1870.

Mylord. La circulaire du prince Gortschakoff a dû être si longtemps avant que cette dépêche ne vous parvienne en possession de votre Seigneurie, et aura été examinée avec un soin tel qu'il n'y a certainement pas lieu de ma part de faire remarquer combien futiles sont les arguments à l'aide desquels il cherche à justifier la répudiation arbitraire d'un acte international.

La première des infractions au Traité de 1856, citée par le prince Gortschakoff, pour justifier la mesure qui est sur le point d'être adoptée, est l'union des Principautés de la Valachie et de la Moldavie sous le gouvernement d'un prince étranger, qui, bien loin d'avoir été l'acte de la Porte, s'est effectué en dépit de sa résistance; mais il pourrait peut-être échapper au souvenir du gouvernement de S. M. que ce fut le comte Kisseleff, plénipotentiaire de Russie à la Conférence de Paris qui, dans les séances du 22 mai et du 5 juin 1858, déclara que le désir presque unanime des Principautés en faveur d'une union sous le gouvernement d'un prince étranger était légitime et rationnel, et que ce fut le même comte Kisseleff qui invoqua le Traité de Paris même, en faveur de leur droit d'avoir leur demande prise en considération.

J'ai, etc.

Signé H. ELLiot.

No 36.

- SIR H. ELLIOT AU COMTE DE GRANVILLE.

Therapia, le 24 novembre 1870.

Mylord. D'après la circulaire du prince Gortschakoff, l'Empereur de Russie serait prêt à renouveler et à confirmer les stipulations générales du Traité de 1856 ou à y substituer quelque autre arrangement équitable propre à assurer la tranquillité en Orient.

Il ne sera pas certainement possible de trouver un substitut à la neutralisation de la Mer Noire, mais si l'on en vient là, on pourra peat-être trouver quelque nouvelle garantie en modifiant légèrement

les engagements relatifs à la fermeture des détroits du Bosphore et des Dardanelles aux navires de guerre de toutes les nations.

Il est de la plus haute importance de maintenir les réglements qui prescrivent cette clôture, et la proposition, qui a été faite il y a quelque temps et qui aurait été acceptée avec empressement, par la Russie, de rendre la mer Noire entièrement ouverte, n'a rien pour se recommander et ne trouverait aucun accueil favorable auprès d'Aali-pacha. Par le Traité de Paris, ainsi que par celui de 1841, le Sultan a pris l'engagement, que toutes les Puissances sont convenues de respecter, que les détroits seraient fermés aux navires de guerre étrangers, tant que la Porte serait en paix.

Il semblerait utile d'examiner à fond, si, tout en maintenant le principe de la fermeture des Détroits, il ne pourrait pas être assuré à la Porte une sorte de garantie additionnelle en permettant au Sultan d'appeler les flottes de ses alliées, lorsqu'une circonstance exception'nelle rendrait leur présence désirable.

Conformément au Traité tel qu'il existe aujourd'hui, pourvu que la Turquie ne soit pas en guerre, la présence d'une flotte étrangère dans le Bosphore constituerait indubitablement une violation de ce Traité; et la Porte n'a contre un coup de main d'autre protection que celle qu'elle pourra trouver dans ses propres ressources.

Si la Porte, cependant, venait à déclarer aujourd'hui que par suite du changement des choses occasionné par la démarche de la Russie, le Sultan, tout en étant résolu à maintenir comme règle l'exclusion des navires de guerre étrangers des détroits, se considérait comme ayant la liberté en cas d'événements imprévus, d'inviter les flottes de ses alliées à y entrer et si les différents signataires du Traité venaient à reconnaitre le droit de la Porte de faire ce changement dans les circonstances actuelles, un nouvel appui très important serait ainsi donné à la Turquie, en garantissant sa capitale contre une surprise.

J'ai suggéré cette idée hier dans le courant d'une conversation avec Aali-Pacha en lui disant que j'ignorais complètement si elle aurait l'approbation de votre Seigneurie, mais qu'elle me paraissait au moins mériter d'être prise en considération et que je serais aise de savoir ce qu'il en pensait.

Sa première impression m'a paru être qu'il n'était pas à propos de faire quoique ce soit qui pourrait affaiblir la règle d'après laquelle les Détroits sont tenus fermés; je lui dis que, si ce changement devait avoir un pareil résultat, j'étais d'accord avec lui pour penser qu'il était préférable de ne pas le tenter.

Il y aurait peut être à éléver une objection d'une certaine valeur, celle de suivre le pernicieux exemple qui venait d'être donné de la

modification d'un Traité international par la simple déclaration d'une seule Puissance, mais on devait dans ce cas s'assurer à l'avance du consentement des autres.

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Le comte de Bismarck m'a reçu hier à une heure pour s'entretenir avec moi au sujet de la correspondance contenue dans la dépêche de votre Seigneurie du 12 courant; et le résultat de 3 heures de conversation a été que son Excellence m'autorise à vous assurer :

1° Que la circulaire russe du 19 octobre l'a pris par surprise;

2o Que, malgré qu'il pensât que le Traité de 1856 imposait des conditions trop dures à la Russie, il désapprouvait complètement le mode qu'elle avait adopté et le temps qu'elle avait choisi pour réclamer une révision du dit Traité;

3° Qu'il regrettait de ne pouvoir ni intervenir, ni même répondre officiellement pour le présent à la circulaire russe à cause de la guerre; mais que

4o Désireux qu'il était de prévenir une autre guerre, il recommandait fortement que des Conférences eussent lieu à Constantinople avant d'en venir aux hostilités.

Après avoir télégraphié ces premières réponses à votre Seigneurie, je suis retourné, avec sa permission, chez le comte de Bismarck hier soir à 10 heures.

Notre seconde conversation s'est prolongée jusqu'après minuit, et le chancelier qui dans l'intervalle avait télégraphié au ministre de Prusse à Saint-Petersbourg, m'autorisa à télégraphier à Londres, que si votre Seigneurie y consentait, il prendrait l'initiative de proposer une Conférence dans le but de chercher à trouver une solution pacifique à une question que je lui avais franchement démontré être de nature dans l'état actuel, à nous forcer à faire la guerre à la Russie avec ou sans alliés.

Le comte de Bismarck, qui s'était assuré que le prince Gortschakoff était tout disposé à recevoir les représentants des Puissances co signa taires, était en faveur de la réunion de la Conférence à Saint-Pétersbourg où la présence de l'Empereur qui pouvait donner son consentement immédiat aux décisions des réprésentants, amènerait une solution plus rapide et plus satisfaisante de la question que si la Conférence était

tenue à Constantinople, d'où les communications à faire à SaintPétersbourg amenèraient nécessairement une perte de plusieurs jours. Le chancelier prie votre Seigneurie, si elle veut bien y consentir, d'en faire part au gouvernement français et de l'inviter à se joindre à la Conférence.

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LE PRINCE GORTSCHAKOFF A M. DE NOVICOFF,
A VIENNE.

Tsarskoe-Sélo, le 10/22 novembre 1870.

J'ai reçu de M. le comte Chotek communication des deux dépêches de M. le comte de Beust qui ont trait à notre circulaire du 19 octobre. Je me suis fait un devoir de les placer sous les yeux de Sa Majesté l'Empereur.

La première est plus particulièrement destinée à exprimer l'opinion du Cabinet de Vienne sur nos communications.

C'est, je l'avoue, avec regret que j'aborde la discussion dans laquelle M. le Chancelier Austro-Hongrois a cru devoir entrer. Elle peut difficilement conduire à la bonne entente que nous avions, en vue d'établir avec le Cabinet de Vienne comme avec les autres signataires du Traité de 1836.

Je dois néanmoins relever quelques-unes des assertions qui ne répondent point à la pensée du Cabinet Impérial, ni, je le crois, à la situation.

M. le comte de Beust rappelle que l'article 14 stipule expressément que la Convention spéciale de limitation annexée au Traité, » ne pourra être ni annulée ni modifiée sans l'assentiment des Puissances signataires. >>

Il s'entend de soi-même qu'une transaction conclue en commun ne peut être modifiée que d'un consentement commun.

Mais il s'entend également de soi-même qu'une telle transaction ne conserve sa valeur obigatoire pour tous qu'autant que les bases essentielles et les conditions en ont été pareillement observées et main

tenues.

Tel n'a pas été le cas du Traité de 1856.

Les bases de cette transaction étaient, d'une part, les obligations contractées par la Russie, de l'autre, les engagements assumés par la Porte et ses Alliés.

Parmi ces derniers le principal, le seul qui formât équilibre aux concessions faites par la Russie, le seul qui ait pu la déterminer à souscrire à ces concessions, c'était le principe de la neutralisation de la mer Noire.

Ce principe n'avait d'autre base que la foi des traités.

Or, nous demandons ce que sont devenus depuis 15 ans la plupart des traités sur lesquels reposait l'assiette politique de l'Europe.

M. le comte de Beust ne saurait affirmer que les altérations subies par l'équilibre des situations et des forces en Europe soient indifférentes au statu-quo créé en Orient par le Traité de 1856.

D'un côté, la notion du droit est une. Elle ne peut être invalidée sur plusieurs points et subsister sur un seul.

De l'autre côté, l'Europe d'aujourd'hui n'est plus celle qui a signé le Traité de 1856.

Les conditions politiques dans lesquelles cette transaction avait été conclue, ont été radicalement modifiées.

Certes, ce n'est pas la Russie qui peut être accusée de porter atteinte au respect du droit. Pendant 40 ans elle en a été le plus ferme soutien en Europe, même au détriment de ses propres intérêts. Si ce principe s'est affaibli par le cours des choses, la responsabilité n'en saurait retomber sur elle.

Mais lorsque les traités les plus solennels ont été anéantis sous ses yeux, lorsque la valeur des garanties Européennes est frappée de nullité par les Cabinets mêmes qui les donnent, lorsque, pour conserver quelque efficacité, elles doivent être renouvelées selon les circonstances du moment, il est impossible que la Russie seule soit liée au respect absolu d'un principe qui a cessé de prévaloir dans les transac-· tions politiques, et surtout qu'elle en fasse dépendre sa sécurité matérielle.

Quant aux infractions spéciales dont le Traité de 1856 a été l'objet, M. le comte de Beust me permettra de ne point m'arrêter à l'objection que les Principautés de Moldavie et de Valachie n'ont pas été signataires de cette transaction.

Ces provinces, liées à la Porte par des relations de vassalité, ne pouvaient pas être parties contractantes de transactions conclues entre Grandes Puissances. Elles y sont restées étrangères et ne sauraient être rendues responsables des dérogations dont elles ont été le prétexte, en accomplissant des révolutions intérieures sous l'inspiration de leurs passions locales.

L'infraction réside précisement dans le fait que les Grandes Puissances, réunies en Conférence, après avoir inutilement rendu des arrêts qui frappaient de réprobation les faits accomplis, ont fini par les tolérer et les reconnaître, bien qu'ils fussent contraires à l'esprit comme à la lettre du Traité et bien que le Plénipotentiaire de Russie ait signalé que cette tolérance les plaçait en contradiction formelle avec les stipulations de ce Traité.

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