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moins soutenu qu'il était dans le vrai en mentionnant la répugnance qu'a montrée la Grande-Bretagne à consentir à ce que la question fût prise en considération, et que, quand des ouvertures ont été faites pour des Conférences dans le but d'aplanir des difficultés qui auraient pu créer des complications en Europe, le Gouvernement britannique s'était toujours opposé à ces ouvertures dans la crainte que la question d'Orient fût posée à ces Conférences ou Congrès. Je lui dis néanmoins qu'à en juger par sa circulaire, il considérait que la question de la neutralisation de la mer Noire était distincte de la question d'Orient, ce à quoi il répondit que par question d'Orient il entendait le Traité de 1856.

Je lui demandai de me dire à quelle époque l'Angleterre avait refusé, pour la raison qu'il venait de mentionner, de prendre part à une Conférence, et il me répondit que c'était dans sa pensée le motif pour lequel elle a fait échouer les tentatives de réunir une Conférence, je lui fis alors observer qu'il était étrange de rendre des personnes responsables de leurs pensées avant qu'elles ne les aient exprimées.

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LE COMTE DE BEUST AU COMTE DE CHOTEK, A SAINT-
PETERSBOURG.

Bude, le 7 décembre 1870.

M. l'Envoyé de Russie s'est acquitté envers moi des ordres de son Gouvernement en me donnant connaissance des deux dépêches cijointes en copie, destinées à servir de réponse à celles que j'ai adressées à Votre Excellence, le 16 du mois dernier, au sujet de l'incident soulevé par la circulaire russe du 31/19 octobre.

J'ai accueilli la communication de ces pièces avec tout l'intérêt qu'elles méritent. Les matières qu'elles ont pour objet y sont traitées dans des termes tels à me laisser l'impression qu'à Saint-Pétersbourg on éprouve autant que nous-mêmes le désir de leur donner une solution satisfaisante pour toutes les parties intéressées.

A la veille d'une Conférence où la question dont il s'agit devra être soumise à de mûres délibérations, je crois inutile d'entrer en discussion sur le fond des répliques de M. le Prince Gortschakoff.

Il est pourtant un point que, dès à présent, je ne sauraís passer sous silence. Je veux parler de l'opinion émise dans la première de ces dépêches et d'après laquelle il faudrait attribuer à tous les traités contemporains une cohésion telle qu'aucun d'eux ne saurait être infirmé sans altérer la valeur de tous les autres et sans donner à au

cune des Puissances intervenantes dans ces derniers le droit de déclarer caduques celles de leurs stipulations qu'il ne lui conviendrait plus de laisser subsister. Nous croyons qu'une théorie pareille, si elle venait à prévaloir, porterait la plus grave atteinte à la foi des traités et aurait pour résultat de détendre tous les liens qui, jusqu'à ce jour, ont uni les nations.

Nous n'avons jamais prétendu que les transactions internationales fussent à l'abri des injures du temps et qu'elles dussent être maintenues intactes à tout jamais. Si ferme que puisse être, au moment de la signature d'un traité, la résolution des contractants de lui assurer une durée perpétuelle, il est incontestable, ainsi que le fait remarquer M. le Chancelier russe, qu'à la longue, il peut survenir tels événements qui changent les situations de sorte à faire désirer aux signataires une modification de tout ou partie de la convention. Mais, dans ce cas, le droit des gens indique la voie à suivre; c'est celle d'un recours fait par l'État qui y a intérêt aux autres Puissances intervenantes, dans le but de s'entendre sur les modifications à apporter au Traité.

En ce qui concerne les clauses du Traité de Paris relatives à la neutralité de la mer Noire, le Gouvernement Impérial et Royal avait luimême, il y a près de quatre ans, reconnu l'opportunité d'une révision; mais, comme je l'ai rappelé dans ma dépêche No 2, du 16 novembre, ce qu'il a eu en vue, c'est une révision qui, s'opérant par l'accord des Parties contractantes, tendît à raffermir, au lieu de l'ébranler, le respect dû au droit public de l'Europe.

M. le Prince Gortschakoff, en mentionnant cette initiative du Cabinet austro-hongrois, s'étonne de ce que j'ai parlé de la froideur de l'accueil qu'elle avait, dans le temps, rencontré en Russie et il invovoque, comme preuve du contraire, une dépêche adressée par lui au Comte Stackelberg au mois de novembre 1866. Je regrette de devoir faire observer que ce fait ne détruit en rien mon allégation, la dépêche russe en question étant antérieure de plusieurs mois à nos ouvertures du mois de janvier 1867 et ne pouvant, par conséquent, être citée à titre de réponse.

Enfin, M. le Chancelier se méprendrait absolument sur ma pensée s'il supposait, ainsi que cela semble résulter d'un passage de sa dépêche N° 2, que j'aie voulu dire dans la mienne que le Gouvernement Impérial de Russie, par sa récente circulaire, se serait proposé de mettre la question d'Orient sur le tapis. En qualifiant cette manifestation de stimulant pour les populations du Levant, j'étais loin de mettre en cause les intentions de la Russie; j'ai seulement voulu donner à entendre que l'effet, assurément non prémédité, de cet acte

serait de semer l'agitation dans les esprits et de faire naître ainsi des complications sérieuses. Certes, nous serions heureux de voir l'événement démentir nos prévisions, et la Cour de Saint-Pétersbourg n'aurait pas de meilleur moyen de s'assurer notre reconnaissance et celle du reste de l'Europe que de contribuer, pour sa part, à faire ressortir que nous nous étions livrés à de vaines alarmes.

Ces quelques observations faites, je tiens à bien établir que ce ne sont en aucune façon des sentiments hostiles à la Russie qui ont dicté notre réponse aux déclarations russes du 31/19 octobre dernier, mais uniquement la préoccupation de sauvegarder le développement régulier et pacifique du droit international. Cette préoccupation, jointe à celle de mettre à couvert les intérêts de l'Europe en général et les nôtres en particulier engagés dans la question, servira aussi de guide à notre conduite lors des délibérations de la Conférence.

Ainsi que le Prince Gortschakoff le constate avec raison, nous comprenons les intérêts légitimes de son Gouvernement tout aussi bien que les intérêts généraux de l'Europe, et la dépêche russe ne fait que me rendre justice en disant que j'ai trop le sentiment de la dignité de mon pays pour ne pas apprécier ce que réclame de la Russie le souci de la sienne. C'est précisément à concilier toutes ces considérations et tous ces intérêts que devra, dans notre conviction, s'appliquer la Conférence. Le chef du Cabinet russe peut compter que le Gouvernement Impérial et Royal abordera cette tâche sans parti-pris d'aucune sorte et dans le seul but de consolider la paix de l'Orient, en donnant au différend soulevé par la Russie un dénouement qui soit de nature à ménager des susceptibilités nationales que nous savons respecter, sans affaiblir les garanties que réclament les autres nations également intéressées dans les questions qui se rattachent à la mer Noire. Car nous comptons bien que c'est ainsi que notre pensée a été saisie à Saint-Pétersbourg. Comprendre, apprécier les sentiments de dignité d'un pays voisin, ce n'est pas abdiquer en sa faveur, et le désir sincère de faire cesser tout sujet de discorde ne saurait nous amener à y sacrifier nos propres intérêts. Si, comme nous l'espérons, les Puissances se placent sur ce terrain, on arrivera, ainsi que le désire le Gouvernement impérial de Russie, à garantir le repos de l'Orient et l'équilibre de l'Europe.

Veuillez, Monsieur le Comte, communiquer cette dépêche à M. le Prince Gortschakoff, et recevoir, etc.

Signé: BEUST.

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J'ai reçu aujourd'hui vos dépêches nos 28 et 29. Je me conformerai aux instructions que vous voulez bien me donner. La Conférence est acceptée par toutes les Puissances, mais on est loin de croire qu'il n'y ait pas de graves difficultés dans la discussion. Je m'étais borné à dire officiellement que nous avions envoyé la proposition à Paris en l'appuyant, puisque c'était la décision prise par la Délégation. En principe, il m'avait toujours semblé que nous devions répondre par la contre-proposition d'un Congrès où nos affaires seraient traitées, et qui serait précédé d'un armistice avec ravitaillement pour faire des élections. J'ai tâté le terrain par tous les moyens, tant auprès des ambassadeurs à Tours qu'à l'étranger, et j'ai pu m'assurer qu'on n'était pas disposé à nous suivre dans cette voie. Mes dernières démarches, plus pressantes encore, datent d'avant-hier. La réponse définitive des Puissances ne peut tarder à me parvenir. Si elle est favorable, ce dont je doute, la Conférence sera transformée en un congrès et nous aurons un armistice préliminaire, ou bien l'action des cabinets deviendra effective en notre faveur. Si la réponse est défavorable, j'expliquerai l'impossibilité où nous sommes d'assister à cette Conférence, et cela conformément à vos instructions, et en développant les raisons que vous me marquez et toutes celles qui sont dans le sens de votre décision. L'Angleterre sera vivement blessée et l'Europe surprise, car elle pensait que nous avions intérêt à accepter cette réunion pour pouvoir y traiter de nos affaires. Peut-être que notre refus ranimera le sentiment des vrais intérêts de ces gouvernements. En tout cas, l'effet de notre résolution sera considérable.

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(Télégramme.)

LE PRINCE GORTSCHAKOFF AU BARON DE BRUNNOW.

Saint-Pétersbourg, le 7 décembre (25 nov.) 1870.

Buchanan m'a lu télégramme d'Odo Russell, reçu par Granville, 1er décembre, d'après lequel formule de convocation de Conférence proposée par Bismarck est qu'elle se réunira « without assumption of any foregone conclusion. » C'est ainsi que nous l'entendons. Chacun y apportera sa libre appréciation. Votre courrier pas encore arrivé.

No 82.

LE COMTE DE BEUST AU BARON DE PROKESCH,
A CONSTANTINOPLE.

(Télégramme.)

Bude, le 8 décembre 1870.

Il importe de s'entendre sur la question de savoir quelles garanties pourraient être substituées à la neutralisation de la mer Noire. Veuillez en causer avec le Grand-Vizir et M. Elliot et nous envoyer le plus tôt possible un travail que nous puissions considérer comme convenant à la fois à la Turquie et à l'Angleterre.

No 83. LE BARON DE PROKESCH AU COMTE DE BEUST.

(Télégramme.)

Constantinople, le 12 décembre 1870.

En suite d'une conversation de moi et de mon collègue d'Angleterre avec le Grand-Vizir, nous sommes à même de dire que, pour l'abolition de la neutralité de la mer Noire, la Porte ottomane n'insiste que sur deux garanties:

1° Sur le maintien du Traité de Paris dans toutes les stipulations qui restent encore debout;

2° Que le Sultan rentre dans son droit de souveraineté à l'égard des détroits, c'est-à-dire que, tout en maintenant le principe de la clôture, il soit maître d'ouvrir les détroits exceptionnellement selon l'exigence de ses intérêts.

La Porte ottomane serait enchantée, sans en faire une condition sine quânon, si les Puissances parvenaient à généraliser le Traité trilatéral du 15 avril. Le langage de la Russie, dans la circulaire et depuis, lui font croire qu'elle ne s'y refuserait pas.

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