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rende au quartier général prussien, et je vais entrer en communication avec M. le Ministre des États-Unis pour me faire remettre le saufconduit que vous avez bien voulu obtenir.

Dès que j'aurai cette pièce entre les mains et que la situation de Paris me le permettra, je prendrai la route de Londres, sûr, à l'avance, de ne pas invoquer en vain, au nom de mon Gouvernement, les principes de droit et de morale que l'Europe a un si grand intérêt à faire respecter.

Veuillez, etc.

Signé JULES FAVRE.

No 128. M. JULES FAVRE AU COMTE DE GRAN ILLE.

Paris, le 10 janvier 1871.

Monsieur le Comte, vous me pardonnerez si, par infraction aux usages diplomatiques, le Gouvernement a cru devoir publier avant que V. Ex. l'eût reçue la dépêche que j'ai l'honneur de vous adresser aujourd'hui. La nécessité de mettre sous les yeux du public les documents qui peuvent l'éclairer sur les questions qui touchent à la Conférence de Londres, ne nous a pas permis d'attendre l'expiration du délai, malheureusement très-long, après lequel nous aurions appris l'arrivée de cette dépêche entre les mains de V. Ex.

Je vous prie de vouloir bien accueillir cette explication, et en même temps d'agréer, etc.

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La Russie accepte définitivement la rédaction suivante : « Aucune Puissance ne peut se délier, etc., qu'à la suite de l'assentiment des Parties contractantes, au moyen d'une entente amicale.

Lord Granville qui ne doute pas de votre consentement, vous prie d'accepter.

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M. JULES FAVRE AUX AGENTS DIPLOMATIQUES DE LA FRANCE
A L'ÉTRANGER.

Paris, ce 12 janvier 1874.

Monsieur, le Gouvernement a jusqu'ici cru de son devoir de rester dans une grande réserve en ce qui touche les négociations engagées sur la révision des Traités de 1856. Qu'une telle révision, si elle est nécessaire, appartienne exclusivement aux Puissances signataires de ces traités, c'est là une vérité si évidente qu'il est inutile d'y insister. Elle ne pouvait être mise en doute. Aussi, dès que l'une de ces Puissances a réclamé la modification des Conventions obligeant également tous les signataires, l'idée d'une conférence dans laquelle la question serait discutée a-t-elle été adoptée sans difficulté? La place de la Franee y était marquée. Mais pouvait-elle songer à l'occuper quand elle était tout entière absorbée par la défense de son territoire? Telle est la grave question que le Gouvernement a dû examiner, dans les circonstances que je vais sommairement rappeler.

C'est par une dépêche en date de Tours, 11 novembre, reçue à Paris, le 17, que le Ministre des Affaires étrangères a été informé par M. de Chaudordy de la circulaire de M. le prince de Gortschakoff. Cette nouvelle lui était transmise par un télégramme de notre Ministre à Vienne, ainsi conçu :

« Le Ministre de Russie a fait hier une communication de laquelle il résulte que son Gouvernement ne se considère plus comme lié par les stipulations des Traités de 1856.

Le même jour, 17 novembre, le Ministre des Affaires étrangères répondait à M. de Chaudordy en lui ordonnant la plus extrême réserve. Nous n'avions encore aucune communication officielle, et nous devions nous borner au rôle d'observateur, sans négliger toutefois de maintenir en toute occasion notre droit formel d'être associé à une résolution qui, sans notre participation, serait absolument dénuée de valeur.

L'Europe ne pouvait le comprendre autrement, et, dans les conversations et les notes échangées entre les différentes Puissances et nous, il a toujours été entendu que la France était partie nécessaire à la délibération, et qu'elle y serait appelée.

Je croirais commettre une indiscrétion inexcusable, si je révélais aujourd'hui les détails de ces pourparlers. Notre effort a été de profiter des dispositions bienveillantes qu'on nous y a montrées. et d'ame ner les Représentants des Puissances à reconnaître que, sar. déserter, ni diminuer en rien l'intérêt de premier ordre que soulève pour nous

la discussion des Traités de 1856, nous avions le devoir, en entrant dans la Conférence, d'y introduire un débat d'une toute autre importance, et sur lequel on ne pouvait nous opposer aucune fin de nonrecevoir.

Cependant il faut dire qu'en partageant complètement cet avis, la Délégation de Tours a toujours estimé que nous devions accepter l'invitation de l'Europe si elle nous était faite.

Résumant cette opinion, M. de Chaudordy écrivait dans sa dépêche du 10 décembre: La Délégation est d'avis, après avoir examiné toutes les dépêches avec moi, que nous devons aller à la Conférence, alors que nous n'aurions aucune promesse, ni un armistice. » L'opinion des membres de la Délégation n'a, du reste, jamais varié.

M. Gambetta l'exprime encore avec force dans sa dernière dépêche des 31 décembre 1870-3 janvier 1871. S'adressant au Ministre des Affaires étrangères, il lui écrit : « Vous devez être sur le point de quitter Paris pour vous rendre à la Conférence de Londres, si, comme on me l'affirme, l'Angleterre parvient à obtenir un sauf-conduit. Je me figure les déchirements que vous allez éprouver de quitter Paris et nos collègues. J'entends d'ici l'expression de vos douleurs et de vos premiers refus, et cependant je dois à l'intérêt de notre cause de vous dire qu'il le faut. »

Avant que M. Gambetta eût écrit ces lignes, le Ministre des Affaires étrangères suivant, autant que le lui permettaient l'inperfection et les retards des communications, les négociations engagées à Tours, continuées depuis à Bordeaux, avait fait connaître à M. de Chaudordy que le Gouvernement avait décidé que si elle y était régulièrement appelée, la France se ferait représenter à la Conférence de Londres, en y mettant toutefois cette condition que l'Angleterre, qui avait fait l'invitation verbale, voudrait bien se charger d'obtenir le sauf-conduit nécessaire à son Représentant s'il était choisi à Paris.

Cet arrangement a été accepté par le Cabinet anglais, M. de Chaudordy en avisait le Ministre des Affaires étrangères par une dépêche en date de Bordeaux, du 26 décembre 1870,- reçue le 3 janvier :Il l'informait en même temps que la Délégation du Gouvernement l'avait désigné comme devant représenter la France à la Conférence. Cette communication a été confirmée par la lettre suivante, écrite par Lord Granville, le 29 décembre (1), et remise le 10 de ce mois par l'intermédiaire de M. le Ministre des États-Unis.

Mis en demeure, par cette dépêche, le Gouvernement n'aurait pu, sans abdication des droits de la France, repousser l'invitation qu'il

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recevait en son nom. Sans doute, on peut objecter que, pour elle, l'heure est peu propice à une discussion sur la neutralisation de la mer Noire. Mais c'est précisément parce qu'à ce moment suprême elle lutte seule pour son honneur et son existence que la démarche officielle faite auprès de la République française par les Cabinets européens acquiert une gravité exceptionnelle. Elle est un commencement tardif de justice, un engagement qui ne pourra plus être rétracté.

Elle consacre, avec l'autorité du droit public, le changement de règne, et fait apparaître sur la scène où se jouent les destinées du monde la nation libre, malgré ses blessures, à la place du chef qui l'a menée à sa perte ou des prétendants qui voudraient disposer d'elle. D'ailleurs, qui ne sent qu'admise en face des Représentants de l'Europe, la France a le droit incontestable d'y élever la voix? Qui pourra l'arrêter, lorsque s'appuyant sur les règles éternelles de la justice, elle défendra les principes qui garantissent son indépendance et sa dignité. Elle n'abandonnera aucun de ceux que nous avons posés: notre programme n'a pas changé, et l'Europe qui convie celui qui l'a tracé, sait fort bien qu'il a le devoir et la volonté de le maintenir. Il n'y avait donc point à hésiter, et le Gouvernement eût commis une faute grave en repoussant l'ouverture qui lui était faite.

Mais en le reconnaissant, il a pensé, comme moi, que le Ministre des Affaires étrangères ne pouvait, à moins d'une raison d'intérêt supérieur, quitter Paris au milieu d'un bombardement que l'ennemi dirige sur la ville. Voici huit jours qu'à l'improviste, sans prévenir les inoffensifs et les neutres, le commandement en chef de l'armée prussienne couvre nos édifices de ces projectiles meurtriers. Il semble qu'il ait choisi de préférence nos asiles hospitaliers, nos écoles, nos temples, nos ambulances. Les femmes sont tuées dans leur lit, les enfants entre les bras de leurs mères, sous l'œil de leurs instituteurs; hier nous accompagnons à leur dernière demeure cinq petits cercueils de jeunes élèves, écrasés sous le poids d'un obus de 90 kilogrammes.

L'église où les restes étaient bénis par le prêtre et arrosés par les larmes de leurs parents témoignait par ses murailles déchirées, la nuit même, de la fureur des assaillants.

Je ne sais combien de temps dureront ces inhumaines exécutions. Inutiles à l'attaque, elles ne sont qu'un acte de déprédation et de meurtre destiné à jeter l'épouvante. Notre brave population de Paris sent son courage grandir avec le péril. Ferme, irritée, résolue, elle s'indigne et ne plie point. Elle veut plus que jamais combattre et vaincre, et nous le voulons avec elle. Je ne puis songer à m'en sépa

rer dans cette crise. Peut-être nos protestations adressées à l'Europe, celle des membres du Corps diplomatique présents à Paris, y mettront-elles un terme prochain. Jusque-là l'Angleterre comprendra que ma place est au milieu de mes concitoyens. C'est ce que j'explique au Ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, dans la réponse qui suit, et qui, naturellement, clôt cet exposé (1).

Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien donner connaissance de cette dépêche au Représentant du Gouvernement près duquel vous êtes accrédité. Il importe que l'Europe soit éclairée sur nos intentions et nos actes c'est à son équité que nous les soumettons. Agréez, Monsieur, l'expression de mes sentiments de considération très-distinguée.

Le Ministre des Affaires étrangères,
Signé JULES FAVRE.

No 130.

M. JULES FAVRE AU COMTE DE CHAUDORDY, A BORDEAUX.

Paris, le 12 janvier 1871.

Mon cher Monsieur, j'ai reçu hier matin une lettre de Lord Granville, datée de Londres, du 29 décembre, et que M. de Bismarck a retenue jusqu'au 10 janvier. Il m'annonce que les sauf-conduits ont été obtenus, que M. de Bismarck les tient à ma disposition, mais qu'à raison de certaines difficultés survenues dans les relations des parlementaires, il attendra qu'un officier français vienne les chercher au quartier général prussien. J'ai convoqué le conseil le jour même et mon départ a rencontré une très-vive opposition. La majorité de mes collègues a pensé qu'il était impossible dans les circonstances actuelles, qu'il pouvait exposer la cité à des troubles, qu'il ébranlait le Gouvernement au moment où il avait besoin de toute sa force. Plusieurs de mes collègues estimaient qu'arrivés aux derniers jours du siége, nous ne pouvions plus accepter de convocation à la Conférence. Cette opinion n'a cependant pas prévalu. Je n'en aurais pas accepté la responsabilité, ayant déclaré par votre organe que nous irions à la Conférence si on nous procurait des sauf-conduits. J'ai proposé, cédant aux observations qui me touchaient personnellement, d'y envoyer un Plénipotentiaire. Ce parti a été rejeté. Que faire alors? Nous nous trouvions entre deux impossibilités. On s'est arrêté à un

(1) Voir cette dépêche plus haut à la date du 10 janvier 1871, No 127, page 290.

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