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italienne étant parlées chacune d'un côté des monts à l'exclusion de quelques communes insignifiantes.

Le baron de Schleinitz me répondit qu'il était bien aise de recevoir les assurances pacifiques que je lui apportais de la part du comte. Cavour, dont il apprécie au plus haut degré les talents éminents et les hautes qualités d'homme d'État. Nous avons, dit le ministre, toujours eu la plus grande sympathie pour le Piémont, et nous suivons avec le plus grand intérêt toutes les phases de sa politique, parce qu'il y a une analogie frappante entre la situation du Piémont en Italie et celle de la Prusse en Allemagne. Certes, nous ne pouvons approuver tout ce qui s'est fait dans ces derniers mois, - c'est ce que j'ai dû faire sentir, bien à regret, par la note de M. Brassier de Saint-Simon, mais nous comprenons aussi combien votre position était délicate, et que vous pouviez difficilement prendre un autre parti. Aussi n'avonsnous pas rappelé notre ministre de Turin, malgré les vives instances qu'on faisait auprès de nous pour nous y déterminer.

et

Quant à la Vénétie, nous savons aussi combien elle est malheureuse, que l'état actuel des choses ne saurait durer. Il y a en Prusse beaucoup de personnes qui pensent que le quadrilatère est nécessaire à la défense des intérêts allemands (le baron, en disant ces mots, n'avait point du tout l'air de partager cette manière de voir); mais quoi qu'il en soit, vous pouvez être certain que nous ne jetterons pas de l'huile sur le feu, et que si l'Autriche se dispose tôt ou tard à en venir à un arrangement pour la Vénétie, nous n'y mettrons aucun obstacle.

Dans ce cas, ajouta encore le ministre, nous aurions seulement à combiner les meilleurs moyens de garantir les intérêts germaniques vers l'Adriatique.

Quant à la question de savoir ce que nous ferons dans le cas assez probable où le nouveau Parlement proclamerait Victor-Emmanuel roi d'Italie, nous ne pouvons dire qu'une chose c'est que nous nous attendons à ce qu'on ne nous mette pas le couteau à la gorge. Nous chercherons par tous les moyens possibles à éviter une rupture de nos relations diplomatiques, tout comme nous les maintenons jusqu'ici. Le comte Cavour, avec son esprit éclairé, saura trouver un moyen de s'entendre avec nous sur les moyens de sortir de cette difficulté.

Comment en finirez-vous avec Rome? demanda encore M. de Schleinitz. Je répondis que le comte Cavour n'avait pas perdu l'espérance de voir se résoudre avec le temps cette grave question; qu'ainsi qu'il l'avait dit à la Chambre, il croyait possible que le Pape restât à Rome avec le roi d'Italie; qu'en tout cas il ne pensait pas que le chef cu catholicisme pût abandonner Rome. La conversation se détourna ensuite vers des objets de moindre importance; mais toujours le mi

nistre se montra conciliant, et témoigna de s'intéresser à notre cause. Ces entrevues n'ont pas été les seules intéressantes parmi celles que j'ai eues à Berlin. En arrivant, je m'étais empressé de voir le prince de La Tour-d'Auvergne, qui à été très-sensible à cette démarche : je l'ai revu fréquemment depuis, et j'ai eu avec lui des entrevues assez dignes d'attention pour que j'en puisse signaler ici à Votre Excellence les points les plus saillants.

L'Autriche, disait donc le prince, a manqué le moment favorable. Si elle vous eût attaqués lorsque vous êtes entrés dans les Marches et à Naples, la France ne pouvait rien faire pour vous; mais si l'Autriche vient à mettre à présent un pied au delà de ses frontières, soyez persuadé que la France en mettra deux.

J'ai pu constater que les tiraillements entre la France et la Prusse continuent toujours, et ont même augmenté depuis quelque temps. Le ministre de France s'est plaint surtout devant moi des discours belliqueux que le Roi prononce à chaque instant, et à propos de rien, selon lui. Il croit qu'en cas de guerre entre les deux pays, la Prusse serait hors d'état de résister; mais je pense, pour mon compte, qu'il y aurait assez à dire sur les résultats d'une telle éventualité.

Le prince m'a encore lu un rapport de l'amiral Le Barbier de Tinan, dans lequel j'ai remarqué avec une certaine surprise des appréciations plus favorables à notre égard que je ne les aurais attendues d'un homme que je tenais pour nous être hostile. L'amiral mandait que la place ne pouvait résister que peu de jours à cause des mauvaises conditions où se trouvaient les assiégés, et des moyens énergiques et de l'habileté déployés par les assiégeants. M. de Tinan ajoutait que le roi François II aurait probablement cédé aux instances de l'Empereur qui lui conseillait de capituler avant que la flotte française quittât Gaëte; mais que plusieurs ministres étrangers qui se trouvaient près du Roi l'avaient décidé à continuer sa résistance. M. de Schleinitz a nié cette circonstance au prince en ce qui concerne le ministre de Prusse; je crois savoir, cependant, que M. Perponcher devait être envoyé à Gaëte pour répondre à l'envoi fait par le roi de Naples du général Cutrofiano à Berlin. La dernière fois que j'ai vu le prince de La Tour-d'Auvergne, il me dit que le baron de Schleinitz s'était entretenu avec lui de la possibilité que l'amendement Vincke obtînt la majorité à la Chambre, et il m'affirma que ce ministre lui avait dit ouvertement que l'amendement, fût-il adopté, ne changerait rien à la situation ni à la politique du gouvernement.

J'ai encore vu quelquefois, pendant mon voyage à Berlin, le général... qui, décidément, en visitant l'Italie l'année dernière, a changé de voir à notre égard. En parlant avec moi de la marche suivie par

le gouvernement prussien, il la désapprouva nettement, et dit que la Prusse laisse échapper, chaque fois qu'elle se présente, l'occasion de modifier sa configuration territoriale, qui est des plus absurdes, sans avoir jamais le courage de rien entreprendre.

J'aurais pu facilement me mettre en rapport avec les membres du parti libéral, et notamment avec M. de Vincke, qui, lui aussi, aurait désiré me voir; mais, persuadé que dans ce moment le Roi et son gouvernement auraient pu prendre en mauvaise part une démarche de ce genre, j'ai évité de le faire. Cette réserve ne m'a pas empêché, du reste, d'arriver au même résultat que si j'avais vu M. de Vincke; car je me suis servi dans cette conjoncture d'un très-ancien ami à moi, officier supérieur en retraite, grand libéral, qui a été plusieurs fois en Italie, et qui a toujours été chaud partisan de notre cause, par sympathie pour les Italiens et en raison de l'identité de la situation des deux pays M. de... s'est donné beaucoup de mouvement auprès de Vincke, et j'ai des motifs pour croire que le bon vouloir et le savoir-faire du premier ont eu quelque influence sur le récent vote de la Chambre prussienne, lequel est un véritable événement politique très-favorable à notre

cause.

J'ai cru de mon devoir de profiter de ma mission pour me renseigner sur l'état actuel de l'armée prussienne. Je n'ai pas la prétention d'avoir réuni, pendant le peu de jours que je suis resté en Prusse, toutes les informations nécessaires pour porter un jugement complet sur cette grande armée; néanmoins, comme j'avais été déjà trois fois antérieurement en Prusse, dans le dessein d'en étudier l'organisation militaire, et que, dans ce quatrième voyage, je n'ai négligé aucune des circonstances qui m'ont mis à même de mieux apprécier les changements qui se sont opérés, je n'hésite pas à émettre en peu de mots mon opinion. La Prusse conserve ses neuf corps d'armée (y compris celui de la garde) tels qu'ils existaient déjà, chaque corps d'armée étant composé de deux divisions d'infanterie, d'une de cavalerie, d'un régiment d'artillerie, etc., etc. Mais une division entière d'infanterie et une portion de la cavalerie et de l'artillerie n'étaient mises sur pied cadres très-imparfaits que pour l'état de guerre, et quelquefois aussi pour des camps. Le grand changement que l'on vient d'opérer et qui est à peu près achevé, consiste à rendre permanente la division d'infanterie et tout ce qu'il y avait de landwehr dans chaque corps d'armée. L'armée, par suite de cette mesure, a presque doublé son effectif de paix, mais, avec cette immense augmentation, elle arrive à avoir juste une division d'infanterie pour chacun de ses dix-huit millions d'habitants, proportion que j'ai toujours regardée comme étant celle que l'on ne peut en aucun cas dépasser. Pour le surplus, rien n'a

avec des

été changé dans l'armée prussienne, ni quant à ses règlements ni quant à l'organisation de ses régiments; en sorte que la Prusse maintient ses bataillons à quatre compagnies et ses régiments de cavalerie à quatre escadrons: c'est la formation qu'elle regarde à juste titre comme la meilleure.

L'armée prussienne a l'inconvénient que ses généraux, et même beaucoup de ses officiers supérieurs, sont trop vieux et n'inspirent pas grande confiance à l'armée, d'autant plus qu'ils n'ont pas fait la guerre. Elle a encore un système très-nuisible à l'esprit militaire, celui de ne jamais changer de garnison. Mais, en revanche, il règne dans l'armée une discipline parfaite, et nulle part les instructions théoriques et pratiques ne se font avec plus d'ordre, d'activité et avec une gradation mieux combinée.

J'ai pu voir les canons rayés, dont on a formé les batteries dans la proportion d'un tiers, les deux autres tiers étant composés de batteries de douze et d'obusiers. Ces canons rayés sont en acier et se chargent par la culasse, selon le système Warendorff; on en dit beaucoup de bien.

En revenant de Ferlin, j'ai jugé à propos de prendre la rive gauche du Rhin pour donner un coup d'œil aux forteresses de Cologne, de Coblentz et de Mayence, que l'on a considérablement augmentées, au moyen surtout de forts détachés. Toutes trois sont fort importantes par le développement qu'on leur a donné, bien disposées et approvisionnées. J'ai également examiné dans cette course trois ponts sur le Rhin, tous construits d'après le système américain : l'un à Cologne, l'autre à Strasbourg, et le troisième à Mayence. Celui de Cologne sert en même temps au chemin de fer et à la circulation des piétons et des voitures; il est assez élevé pour que les bâtiments passent au-dessous, au lieu que celui de Strasbourg, à mon avis, a le grand inconvénient de ne servir qu'au chemin de fer seulement, et celui plus grand encore d'avoir des portières qui s'ouvrent pour livrer passage aux bâtiments : ce qui exige un double mécanisme selon moi trop compliqué. Le pont de Cologne est en plein exercice; celui de Strasbourg est achevé, mais non encore ouvert au public; celui de Mayence est à peine commencé, et j'ignore sur quels plans. J'ai cru convenable de parler de ces ponts, et d'insister surtout sur la différence qui existe entre celui de Cologne et celui de Strasbourg, puisqu'il s'agit de faire un pont à Plaisance, et probablement d'en établir d'autres dans la suite sur le Pô; et il serait fort regrettable qu'en considération d'une économie de quelques centaines de mille francs on reculât devant la construction d'un pout de nature à satisfaire à la fois aux besoins civils et militaires, surtout alors qu'il s'agit d'une forteresse. Notre consul à Cologne m'a assuré

que pour faire connaître le pont de Cologne, qui est, je crois, le plus complet, il a envoyé au ministre des travaux publics, à Turin, les dessins et les détails de la construction.

Je ne saurais terminer ce rapport sans mentionner à Votre Excellence l'accueil parfait que j'ai reçu à Francfort de M. de Barral et à Berlin de M. de Launay ; j'ose même rendre à ces deux diplomates le témoignage qu'ils représentent très-dignement le gouvernement du Roi dans ces deux villes importantes.

Signé LA MARMORA.

No 6

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 19 novembre 1861.

J'appelle, autant que je puis le dire, sur ce qui suit, toute votre

attention.

D'après un entretien que j'ai eu avec M. Drouyn de Lhuys et suivant d'autres informations de sources diverses, mais également dignes de foi, il résulte à mes yeux :

Que l'Autriche ne serait pas éloignée de reconnaître le royaume d'Italie, et de nouer avec nous des relations diplomatiques régulières;

Que, dans ce dessein, elle ne nous demanderait pas de renoncer à la Vénétie, mais qu'elle se contenterait d'avoir l'assurance que l'Italie accomplira loyalement les devoirs internationaux envers l'empire d'Autriche;

Que l'Autriche ne serait pas éloignée de conclure avec nous des traités de commerce;

Que l'Autriche désirerait que les négociations pour la reconnaissance de l'Italie passassent par les mains de la France et avec l'aide des bons offices de cette puissance;

Que la tendance de la politique autrichienne et de l'opinion publique, à Vienne, se prononce dans le sens d'un rapprochement avec la France, et, par conséquent, avec nous;

Que l'Espagne pourrait être réduite à suivre l'exemple de l'Autriche et à reconnaître le royaume d'Italie;

Que l'Espagne se contenterait que nous laissassions au Souve

ARCH. DIPL. 1873. IV.

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