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dépenses et rembourser ce capital, il faut de toute nécessité imposer une taxe sur les navires. Mais à cette idée, le gouvernement austrohongrois en mêlait une autre qui lui était connexe. Il voulait que la Conférence, en même temps qu'elle résoudrait, pour ainsi dire instantanément, la question de la taxe, décidât que l'exécution des travaux fût confiée à l'Autriche-Hongrie, sauf pour celle-ci à s'entendre avec les Etats coriverains pour la partie technique et financière de l'entreprise.

On ne saurait nier que l'ouverture des Portes de Fer ne soit dans l'intérêt de la civilisation. Ecarter les obstacles que la navigation du Danube rencontre en cet endroit, c'est ouvrir le fleuve au commerce du monde entier, et assurer aux Etats riverains la communication directe avec toutes les contrées de l'Europe. Mais, outre ce premier motif tiré de l'intérêt général, il en est un second, qui, bien que n'étant pas décisif, a pu aussi gagner les puissances au projet de l'AutricheHongrie. Le gouvernement austro-hongrois avait, dans ses récents traités de commerce et de navigation, admis le principe que les bâtiments portant le pavillon des Etats avec lesquels ces traités avaient été conclus auraient le droit de cabotage dans tous les ports de l'Autriche-Hongrie. Or, aussi longtemps que les Portes de Fer ne seraient pas dégagées, les Etats européens ne pourront retirer aucun avantage pratique de ce droit. Il n'est donc pas étonnant que de prime- abord presque toutes les puissances se fussent montrées enclines à favoriser un projet qui devait rendre le Danube navigable sur tout son par

cours.

En vous faisant connaître le contenu de la proposition austro-hongroise, j'ajoutais: Que le plénipotentiaire ottoman était encore sans instructions relativement à cette proposition; que la Russie ne pensait pas élever d'objections, et que les autres puissances en général se montraient évidemment favorables.

La capacité incontestable du comte Szecsen, jointe à la faveur des circonstances, fit gagner du terrain au projet de l'Autriche-Hongrie, que des personnages bien disposés pour la Serbie et d'une haute expérience diplomatique estimaient que toute tentative pour le combattre

serait vaine.

En dépit de ces fâcheux pronostics, le gouvernement princier n'hésita pas à prendre ouvertement la défense d'un droit positif de la Serbie. Sa résolution ne faiblit pas, même quand il eût acquis la certitude que nous ne pouvions plus compter sur notre seul allié naturel dans cette affaire : la Roumanie. La Porte partageait notre manière de voir, sans que les espérances de l'Autriche en fussent ébranlées. Le omte Szecsen, dans les fréquents entretiens qu'il avait avec moi,

témoignait d'une imperturbable confiance dans le succès final, « en dépit de toute opposition de notre part ». Et ce langage était parfaitement conforme à celui que M. Kallay vous tenait à Belgrade. C'est alors que je reçus l'ordre du gouvernement d'user de l'unique ressource qui nous restât, en rédigeant un Mémoire pour exposer nos vues et protester contre toute résolution de la question des Portes de Fer par la Conférence.

Sur la conviction que j'avais acquise, après de longues informations, que cette voie était la meilleure et celle qui nous menait le plus directement au but, j'adressai le Mémoire en original au plénipotentiaire ottoman; les autres membres de la Conférence en reçurent simplement copie.

Entreprendre de démontrer aux représentants des grandes puissances qu'ils n'avaient pas qualité pour statuer sur une question à laquelle ils prenaient un si vif intérêt, n'était pas certes une tâche agréable. Cependant, je dois dire qu'elle me fut grandement facilitée par la bienveillance que je rencontrai chez tous les membres de la Conférence indistinctement, et je ne crois pas me tromper en interprétant cette bienveillance et l'attention avec laquelle ils examinèrent notre Mémoire, comme un témoignage d'estime et de sympathie à l'égard de la Serbie. J'ai eu l'honneur de vous mander, dans le temps, que l'on regardait ici comme un fait politique très-significatif (et flatteur en même temps pour le gouvernement serbe) que les membres de la Conférence et son président, lord Granville, ministre des affaires étrangères de Sa Majesté britannique, eussent accepté de mes mains, sans hésitation, le Mémoire en question.

Après cet exposé des conjonctures favorables et défavorables au milieu desquelles s'est produite l'action de notre gouvernement, permettez-moi de résumer, en ce qui nous concerne, les résultats de la Conférence, en mettant en regard ce que nous demandions et ce que nous avons obtenu.

Nous demandions :

Que la question des Portes de Fer ne fût pas résolue par une Conférence européenne ;

Que les droits que la Serbie possède en vertu du traité de Paris, comme membre de la commission riveraine, soient maintenus;

Enfin, et surtout, que la question des Portes de Fer ne fût pas résolue en dehors de nous.

Pour ce qui est de l'établissement d'un droit de péage, nous avions déclaré que nous ne nous opposions pas à ce que la Conférence admit en principe que l'on pourrait percevoir une taxe sur les navires aux Portes de Fer.

Si maintenant l'on examine la teneur du nouveau traité de Londres, voici les résultats que l'on constate :

En premier lieu, la question relative aux Portes de Fer n'a pas été résolue par la Conférence, l'Autriche-Hongrie ayant été amenée à retirer sa proposition sur ce point.

Ensuite, par l'article 5, les clauses du traité de Paris, relatives aux Principautés du Danube comme membres de la commission riveraine, sont expressément réservées (1).

Enfin, en ce qui concerne le troisième point, l'article 6 porte qu'une taxe provisoire pourra être perçue sur les navires aux Portes de Fer, et que, pour le restant, les « puissances riveraines de la partie du Danube où se trouvent les Portes de Fer » auront à se concerter entre elles.

Quant au sens de cette dernière expression : « puissances riveraines des Portes de Fer », je me flatte que, d'après mes derniers rapports, il ne saurait plus rester aucun doute dans votre esprit. Suivant l'interprétation qui y a été donnée ici, notamment par le plénipotentiaire ottoman, ces mots ne veulent pas et ne peuvent pas signifier qu'on veut éluder un droit de la Serbie. En me reportant au télégramme par lequel vous m'informiez de la manière dont le grand-vizir s'est exprimé là-dessus, je suis fondé à croire que vous êtes tranquille de ce côté. D'apres ce que j'ai pu voir, la phrase en question doit être entendue uniquement dans ce sens: que le Wurtemberg et la Bavière, ou mieux l'empire d'Allemagne, n'auront pas voix au chapitre dans la question des Portes de Fer. La Conférence a voulu, comme on me l'a assuré, simplifier l'affaire, et c'est pour cela qu'elle a exclu de son règlement les Etats qui, n'étant pas riverains des Portes mêmes, n'y ont pas un intérêt aussi direct. Il suit de là comme conséquence que la question ne saurait être résolue sans la participation de la Serbie et de la Roumanie; car si la Conférence avait entendu exclure les deux principautés sur le territoire desquelles sont situées les deux Portes de Fer, et par lesquelles la Turquie même est « puissance riveraine » (2), il est évi dent qu'au lieu de simplifier l'affaire on n'aurait fait que la compliquer.

Or, comment supposer que les plénipotentiaires, qui n'avaient rien tant à cœur que de consolider la paix en Orient, eussent voulu faire nattre de nouvelles complications sur un terrain aussi scabreux qu'est l'Orient?

(1)« Sans préjudice de la clause relative aux trois Principautés danubiennes. (Traité de Londres, art. V.)

(2) En effet, les Portes de Fer ne touchent pas le territoire proprement dit de la Turquie la rive gauche est autrichienne aux Cataractes, roumaine aux Portes de Fer; la rive droite, en haut comme en bas, est serbe. (Note de la Rédaction.)

Pour mieux préciser encore la portée des résultats que nous avons obtenus à Londres, je prendrai la liberté, monsieur le Ministre, de vous rappeler le langage que me tint le plénipotentiaire de l'AutricheHongrie, comte d'Apponyi, lorsque j'allai lui faire ma visite de congé. Son Excellence me dit en termes exprès, comme je vous le marquai précédemment, « que la Serbie avait obtenu un certain succès; que l'Autriche-Hongrie, en retirant sa proposition, avait fait une concession, et que cette concession elle l'avait faite surtout pour montrer son désir de conserver ses relations amicales avec la Serbie ».

Du reste, avec quelque modestie que nous appréciions le succès que le gouvernement a obtenu à Londres, il est certain que ce succès est d'autant plus significatif qu'il a été obtenu sur un terrain qui, jusqu'à ce jour, avait été, pour ainsi dire, fermé à la Serbie. Aussi est-ce un devoir pour moi de témoigner hautement ma gratitude pour l'accueil que j'ai reçu ici comme délégué du gouvernement princier près du ministre des affaires étrangères de Sa Majesté britannique.

L'accueil distingué dont j'ai été honoré à Londres vous causera, je n'en doute pas, une satisfaction encore plus vive quand vous vous rappellerez que nous le devons en quelque sorte « à ce louable esprit. d'ordre » dont notre peuple, suivant les paroles de l'éminent homme d'Etat anglais, a donné une si éclatante preuve dans une circonstance des plus critiques.

J'ai l'honneur, etc.

LE

No 31

ÉTRANGÈRES Α M. CRISTITCH

MINISTRE DES AFFAIRES

A CONSTANTINOPLE, ET A M. ZUKITCH, A BUKHAREST

Belgrade, le 1er/13 avril 1871.

Monsieur, je désirerais vous faire connaître la manière dont le gouvernement de la Régence envisage les résolutions de la Conférence de Londres qui intéressent directement la Serbie,

Vous connaissez, par mes précédentes communications, le point de vue auquel se plaçait le gouvernement et les démarches qu'il a faites. pour garantir le droit de la Serbie dans la question des Portes de Fer.

L'Autriche-Hongrie, comme vous le savez, a soumis à la Conférence de Londres un projet par lequel les puissances cosignataires du traité

de Paris de 1856 décideraient par un acte de la Conférence que les Portes de Fer seraient dégagées; que ce travail serait confié à l'Autriche-Hongrie, qui le ferait exécuter à ses frais, mais acquerrait par là le droit de percevoir un droit de péage, jusqu'à ce que le capital employé eût été couvert.

Ce projet a rencontré, dès le début, de nombreuses sympathies et un puissant soutien dans le sein de la Conférence. Presque toutes les puissances, par des motifs tirés de l'ordre politique ou économique, s'y montraient favorables. On ne faisait pas de doute qu'il ne fût pas adopté par la Conférence.

Nous avons alors invité notre délégué à Londres à expliquer aux membres de la Conférence que le projet austro-hongrois violait un droit acquis du pays: car le fait de décider si et de quelle manière les Portes de Fer seront dégagées, comme aussi à qui ce travail sera confié, appartient incontestablement, en vertu de l'article 17 du traité de Paris, à la commission riveraine dont la Serbie est membre.

On nous objectait le risque que nous courions en nous déclarant catégoriquement contre un projet qui avait obtenu l'assentiment de presque toutes les puissances. Mais malgré tout son désir de ne rien. faire qui fût de nature à diminuer les sympathies des puissances à l'égard du peuple serbe, le gouvernement a pensé qu'il était de son devoir de défendre ouvertement, quoi qu'il pût arriver, le droit national. Notre délégué ne pouvant pas siéger dans la Conférence même, d'après la situation politique de notre pays, nous l'avons chargé de plaider semi-officiellement notre cause près de chacun de ses membres. Nous nous sommes adressés à la Sublime-Porte, qui nous a donné l'assurance que son réprésentant à Londres appuierait nos vues au sein de la Conférence, et qu'il n'adhérerait à aucune rédaction qui ne contiendrait pas la déclaration expresse que la question des Portes de Fer ne pourra être résolue autrement que par une entente entre les Etats riverains.

Afin de sauvegarder plus efficacement notre droit, nous avons ordonné à notre envoyé à Londres de rédiger et de remettre aux représentants des puissances un memorandum à l'effet de démontrer que la question des Portes de Fer ne pouvait être résolue en dehors de nous, et que dans aucun cas elle ne pouvait ressortir à une Conférence des puissances européennes.

Nos efforts ne sont pas restés infructueux, et quoique la plupart des membres de la Conférence fussent, au commencement, favorables au projet de l'Autriche-Hongrie, ces dispositions se sont modifiées de telle sorte que celle-ci s'est vue amenée à la fin à retirer sa proposition.

Notre succès est complet, en ce que nous sommes parvenus, comme

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