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Roi et de son gouvernement, et je vous prie, monsieur le Ministre, de le présenter à ce titre à S. Exc. M. le comte de Bismarck, et, selon les circonstances, à S. M. le roi Guillaume.

M. le général Govone connaît les vues du gouvernement du Roi sur la situation respective de la Prusse et de l'Autriche. Vous le savez, monsieur le Ministre, nos résolutions dépendent de celles que la Prusse pourra prendre, des engagements qu'elle est disposée à contracter, de la portée enfin du but qu'elle poursuit. Si la Prusse est prête à entrer avec décision et à fond dans une politique qui assurerait sa grandeur en Allemagne ; si, en présence de la persistance de l'Autriche à suivre une politique d'hostilité envers la Prusse et envers l'Italie, la guerre est une éventualité réellement acceptée par le gouvernement prussien; si l'on est disposé enfin à Berlin à prendre avec l'Italie des accords effectifs en vue de buts déterminés, nous croyons le moment venu pour la Prusse de ne pas tarder davantage à s'en ouvrir franchement avec nous, et nous sommes prêts à entrer avec elle dans un échange de communications qui lui donnera lieu d'apprécier combien nos dis positions sont sérieuses.

Le but de la mission de M. le général Govone est de s'assurer des combinaisons militaires que, par suite de la situation politique actuelle, le gouvernement de S. M. le roi de Prusse pourrait vouloir concerter avec nous pour la défense commune. Les membres du cabinet de Berlin, ou les personnages de la cour qui seraient appelés par S. M. le Roi et par S. Exc. le président du conseil à entrer en rapport avec le général Govone, pourront (vous en donnerez l'assurance formelle à qui il appartiendra) s'expliquer avec lui avec toute la clarté et la précision que l'objet de cette mission comporte, et avec la certitude de l'importance particulière que nous attacherons à ce qui nous sera transmis par son intermédiaire.

Vos bons offices et vos indications éclairées, monsieur le Ministre, seront très-utiles à M. le général Govone, et je vous prie de les lui prêter sans réserves. Il n'ignore pas, de son côté, quelle autorité personnelle vous appartient, et combien vos conseils méritent de considération. Les qualités distinguées de M. le général Govone et les missions qu'il a déjà remplies me sont une garantie de plus pour que cette mission atteigne le but qui lui est assigné, et qui consiste, comme je viens de vous le dire, à établir avec netteté la situation respective de l'Italie et de la Prusse, en présence des complications qui s'annoncent pour l'Europe. 19. ⚫ Agréez, etc.

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No 19

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 14 mars 1866.

Excellence, en vous annonçant mon arrivée à Berlin, je dois tout de suite ajouter qu'elle avait été ébruitée depuis avant-hier, et que *** en avait lui-même donné avis au ministre de Hanovre, par qui le bruit s'en était répandu dans la ville avec la rapidité de l'éclair. Le comte de Bismarck, à qui le comte de Barral a rapporté cette indiscrétion, s'en est montré extrêmement surpris et fâché, et il a dit qu'il ferait intervenir le Roi pour la punir. Je ne ferai pas de commentaires sur une indiscrétion qui servirait assez bien les intérêts de S. Exc. le président du conseil, s'il était vrai que le cabinet de Berlin tente aujourd'hui de faire plus que nouer de sérieuses intelligences avec l'Italie propres à produire des résultats réciproquement favorables, tente, dis-je, d'intimider l'Autriche à l'avantage exclusif de sa politique particulière.

Le comte de Barral, à qui j'ai présenté ce matin, aussitôt après mon arrivée, la dépêche confidentielle de Votre Excellence, a informé sans retard de mon arrivée le comte de Bismarck, qui en avait déjà manifesté le désir; et le président du conseil a répondu par un billet qu'il me verrait avec plaisir dans la journée, et que, pour éviter la surveillance des agents qui l'épiaient, il se rendrait à trois heures de l'après-midi auprès du comte de Barral au ministère d'État, qui est situé en face de la légation d'Italie.

Le comte de Bismarck est venu, et après quelques paroles sans valeur, il m'a laissé aborder la question qui m'amenait à Berlin. Je lui ai dit que le Roi et Votre Excellence avaient lieu de supposer, d'après les communications verbales réitérées et pleines d'insistance du comte d'Usedom faites en dernier lieu, que la Prusse était décidée à chercher la solution des questions qui en ce moment touchent à ses intérêts en Allemagne, au prix même de la guerre avec l'Autriche; que le Roi et le cabinet de Florence étaient disposés à seconder la Prusse afin de chercher la solution de la question vénitienne, en même temps que la Prusse poursuivrait l'accomplissement de son programme. C'est pourquoi, ai-je ajouté, l'Italie pouvait attendre, et n'avait voulu faire aucun pas décisif sans qu'il fût précédé des engagements formels qui rendissent solidaires les deux programmes, l'italien et prussien; qu'une

fois ces bases admises, j'étais donc chargé d'une mission pour ainsi dire technique, savoir : la mission de concerter une convention militaire dérivant des accords politiques susmentionnés. Le comte de Bismarck a accueilli mes paroles avec une grande attention et d'un œil pénétrant; ensuite il a exposé ses vues. Remontant à l'époque de la convention d'Olmutz, il a dit qu'il serait désirable pour lui qu'une situation compliquée comme celle de 1850 existât en ce moment en Allemagne, parce que le caractère du Roi actuel était pour lui une garantie certaine que la guerre en aurait procuré la solution, qu'avait alors fait avorter la susdite convention d'Olmutz; que son intention était aujourd'hui de ramener l'Allemagne à un état de complication semblable à celui-là, afin d'atteindre le but qu'il se propose, et qu'il avoue hautement être celui de satisfaire l'ambition de la Prusse, ambition qui s'étend, mais en même temps se borne à la domination du nord de l'Allemagne; quant à faire surgir la guerre de la seule question des duchés de l'Elbe, cela lui serait assez facile, a-t-il ajouté; mais une telle et si grande guerre pour une si petite question choquerait l'opinion de l'Europe; tandis que l'Europe trouverait légitime la guerre qui aurait pour but une solution plus large et nationale de la question allemande.

Ici le président du conseil est entré dans beaucoup de développements. Il a dit que son opinion personnelle a toujours été que l'Autriche doit se considérer comme l'ennemie naturelle de la Prusse, que par conséquent il voit avec plaisir, de longue date, l'attitude de la maison de Savoie et les heureux résultats obtenus par elle, mais que cette opinion était isolée en Prusse. D'ailleurs, a-t-il ajouté, ici on regarde comme sacrilége la guerre contre l'Autriche et l'alliance française; pour l'opinion générale, l'Italie se personnifiait dans Garibaldi, voire même dans Mazzini. Il a réussi à modifier cette opinion; il a encore proposé en dernier lieu une expérience au roi Guillaume: celle d'appeler l'Autriche à prendre part à la guerre de Danemark et à tâcher de cimenter ainsi l'alliance austro-prussienne. Cette expérience a complétement échoué, ou plutôt, a-t-il dit, complètement réussi selon ses prévisions; la rivalité naturelle de l'Autriche et son animosité se sont manifestées plus vivement que jamais, et l'expérience a guéri le Roi et beaucoup de personnes de l'alliance autrichienne. Le roi Guillaume a désormais abandonné les scrupules trop strictement légitimistes, et il peut ainsi l'amener à ses vues.

Le comte de Bismarck a alors formulé ses vues comme suit: Dans peu de temps, trois ou quatre mois par exemple, « remettre sur le tapis la question de la réforme germanique assaisonnée d'un Parlement allemand », avec cette proposition et le Parlement produire un

bouleversement qui ne tardera pas à mettre la Prusse en face de l'Autriche. La Prusse était décidée à avoir recours à la guerre, guerre à laquelle l'Europe ne pourrait s'opposer, puisqu'il s'agirait d'une grande question nationale.

Le comte de Bismarck a ajouté que, pour accomplir le plan (qui, comme le voit Votre Excellence monsieur le Général, ne manque pas d'une certaine complication), et pour pouvoir facilement y faire persister le Roi son souverain, il était nécessaire de conclure dès à présent un traité avec l'Italie. Il désirait que ce traité fût un engagement pris dès aujourd'hui de notre part de suivre la Prusse dans l'exécution de ce plan, bien entendu que la Prusse prendrait par réciprocité l'engagement que la guerre qui s'en suivrait devrait résoudre en même temps la question vénitienne.

Telle a été eu substance la signification dans sa crudité du langage du comte de Bismarck.

La question posée dans ces termes ne m'a pas paru correspondre le moins du monde aux vues de Votre Excellence; aussi n'ai-je pas hésité à ajouter, lorsque le comte de Bismarck s'est arrêté, que le roi d'Italie et son gouvernement étaient bien disposés à prendre des engagements pour une solution immédiate et simultanée de la question vénitienne et de la question allemande, lorsque le moment leur paraîtra opportun, mais non à engager maintenant leur action pour des éventualités éloignées, lors de l'arrivée desquelles la position de l'Italie pourrait être différente de ce qu'elle est actuellement; j'ai ajouté que cependant j'en référerais avec vous, monsieur le Général. Alors le comte de Bismarck a dit : « Je comprends, peut-être l'Italie a t-elle quelques sentiments de défiance envers nous et des craintes sur notre bonne foi; dans ce cas, pour votre garantie, la Prusse pourrait dès à présent indiquer les différentes phases par lesquelles passera le développement de la question allemande selon mes plans, et chercher le point déterminé, la phase déterminée à laquelle les choses étant parvenues la Prusse sera engagée irrévocablement sans plus pouvoir reculer, et alors, mais seulement alors, l'Italie, qui n'aurait plus à craindre notre abandon, resterait engagée aussi elle-même. Si, par exemple, nous fixons ce point, cette phase à la convocation du Parlement allemand, n'est-il pas vrai que, ce Parlement se réunissant, la Prusse aurait brûlé ses vaisseaux et serait forcée de marcher sans rémission? Quel inconvénient y aurait-il pour l'Italie à déclarer dès maintenant que, quand nous serons arrivés à cette phase, sa politique sera solidaire de la politique prussienne, et que les deux questions, celle de la Vénétie et celle de l'Allemagne, doivent se résoudre ensemble ? N'est-il pas vrai qu'on pourrait enfin conclure un traité sur ces bases? »

Il me semble que la question, bien que posée dans ces termes, ne change pas beaucoup, et que les conséquences pratiques d'un semblable traité ne répondaient en aucune manière aux vues de Votre Excellence, monsieur le Général, quand vous m'avez confié la mission de me rendre à Berlin. Afin de forcer absolument le comte de Bismarck dans ses retranchements, et, s'il était possible, de découvrir si dans le fond de sa pensée tout cela n'était pas un expédient pour obtenir un nouveau moyen de pression sur l'Autriche dans la question spéciale des duchés de l'Elbe, j'ai répondu que je manquais d'instructions pour une telle combinaison, et que je ne vous en avais pas référé. C'est pourquoi, s'il m'était permis d'exprimer dès maintenant ma pensée et mon opinion personnelle, je devais croire que le gouvernement du Roi n'aurait pas pris quant à présent d'engagements dans de telles conditions, à moins peut-être qu'il ne fût bien convenu et établi qu'en tout cas aucune question, même celle des duchés de l'Elbe, ne fût résolue par la Prusse avec l'Autriche, sans qu'en même temps fût résolue la question vénitienne. Sans cette condition préliminaire, je croyais que Votre Excellence n'aurait pris aucun autre engagement.

Il me semble que la réponse qu'a faite le comte de Bismarck à une pareille proposition avait mis à nu ses vues intimes. Le comte de Bismarck a dit en effet : « Mais nous ne pouvons introduire dans un traité la question des duchés. C'est une question de trop peu d'importance pour en parler; nous demandions le concours de l'Italie pour des résultats plus élevés et dans divers buts: d'abord pour que nous augmentions la force d'action réciproque, ensuite pour qu'unis à l'Italie nous gagnions plus facilement la bienveillance de la France. Toute la France répugne de prendre des engagements avec nous. L'Empereur dit que dans la question des duchés il nous laissera faire et gardera une neutralité bienveillante. En outre, il aura à mettre d'autres conditions, qu'il ne veut pas indiquer quant à présent. Donc, si nous sommes unis à l'Italie, nous pourrions encore plus facilement nous entendre avec la France. » Le comte de Bismarck a terminé en disant que, quand même, dans un tel ordre d'idées, nous ne serions pas disposés à stipuler une convention, dans ce cas il demanderait encore comme minimum de ce qu'il désire un simple traité général d'amitié et d'alliance perpétuelles. Ce traité, bien que dépourvu d'une importance pratique réelle et d'un but déterminé, lui serait cependant utile pour maintenir le roi Guillaume dans la voie de ses combinaisons (les combinaisons propres à lui Bismarck).

Je me suis réservé d'en référer à Votre Excellence. Comme le voit Votre Excellence, monsieur le Général, il ressort de tout cela, à mon avis, que le comte de Bismarck, qu'il ait ou non l'intention réelle d'arriver plus tard

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