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à la solution de la question allemande par les armes, veut pour autant nous lier d'une manière quelconque; cela dans deux huts: le premier paraît être celui d'exercer une pression sur l'Autriche pour résoudre soudainement la question des duchés de l'Elbe, pour laquelle il veut conserver toute sa liberté d'action sous le prétexte spécieux que cette affaire est trop mesquine pour en faire l'objet d'un traité. Le second but qu'il tend à atteindre me paraît être de prévenir l'Autriche, de laquelle il craint des propositions directes au gré du cabinet de Florence pour la cession de la Vénétie. Et immédiatement après, il est entré dans d'autres dissertations diverses relativement à ses démarches actuelles à Munich pour avoir la Bavière avec lui, et relativement à la guerre contre l'Autriche, guerre qu'il ferait dans le but de s'emparer de la Bohême, non pour la garder, mais pour en faire un objet d'échange, afin de faire sortir l'Autriche de la Confédération.

Après tout cela, dis-je, le comte de Bismarck a passé comme incidemment à l'offre que pourrait faire l'Autriche de vendre la Vénétie; il a dit que ce serait un leurre coutre lequel nous ferions bien de nous mettre en garde. Il a ajouté que ce serait fournir à l'Autriche l'argent même avec lequel elle tenterait de reprendre la Vénétie et la Lombardie; qu'il était donc de beaucoup préférable d'employer dans une guerre que nous ferions, unis à la Prusse, l'argent qui serait destiné au rachat. Je me suis borné à faire observer que certainement la solution par les armes serait préférée par nous à celle du rachat.

En résumé, monsieur le général, l'impression qui subsiste chez le comte de Barral et chez moi, d'après les ouvertures du comte de Bismarck, a été que, du moins pour le présent, la Prusse est loin de penser à la guerre; que, si elle désire entrer en accord avec nous, cet accord se rapportant à des éventualités plus éloignées, ne paraît pas pouvoir nous convenir quant à présent, parce qu'ils tendent à entraver la solution de la question vénitienne directement entre nous et l'Autriche, laquelle vous paraîtra peut-être d'autant plus acceptable, si par hasard elle se présente jamais, qu'il semble y avoir peu de fondement à pouvoir établir sur la sincérité et la bonne foi de la Prusse, en demandant de pareils engagements, et sans doute même sur la fidélité à les tenir, si jamais ils étaient réalisés. Mais, puisque le comte de Bismarck désire une convention ou un traité quelconque, fût-ce même seulement d'alliance perpétuelle et d'amitié, et, puisque j'ai promis d'en référer à Votre Excellence, j'attends à ce propos les ordres de Votre Excellence, ainsi que les instructions catégoriques dans lesquelles Votre Excellence croira adhérer à l'une ou l'autre des combinaisons émises par le comte de Bismarck, et qui peuvent se résumer comme suit : Engagement pris dès à présent de suivre la Prusse dans le développement

de la question allemande comme elle sera soulevée par le comte de Bismarck, ou bien engagement qui commencerait à être validé seulement quand ce développement aura abouti à la réunion effective du parlement allemand. Réciproquement, la question vénitienne est mise solidairement de pair avec la question allemande de la Prusse.

Votre Excellence voudra bien me pardonner si je me suis étendu excessivement. Il me semble, dans une si grave question, que je dois mettre sous les yeux de Votre Excellence les arguments, les combinaisons et quelquefois les paroles mêmes du comte de Bismarck plutôt que de vous donner l'analyse ou le résumé des impressions que j'ai éprouvées, afin que Votre Excellence puisse déduire elle-même les considérations qui découlent de toutes les circonstances exposées et qu'il me semble que j'ai rapportées assez approximativement.

Il est inutile que je vous dise, monsieur le Général, que j'ai été appuyé, avant et pendant les entretiens avec le comte de Bismarck, par les conseils pleins d'autorité, et ensuite par le langage efficace de M. le comte de Barral. Je crois que l'impression que le ministre du Roi à Berlin a éprouvée desdites conversations avec le chef du cabinet prussien a été à peu près semblable à celle que j'en ai eu moi-même.

Signé: GOVONE.

No 20

LE GÉNÉRAL Govone au GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 15 mars 1866,

Monsieur le Général, relativement à la question pour laquelle j'ai été envoyé à Berlin, je joins ces deux lignes dans un billet à part.

Si la question pour laquelle j'ai été envoyé ici était simple, et s'il s'agissait uniquement de conclure, oui ou non, un acte avec le gouvernement prussien, il conviendrait, à mon avis, de rompre sans retard toute démarche, après la conversation que j'ai eue hier avec le comte de Bismarck.

Comme pour les autres démarches que Votre Excellence m'a signalées, il nous devient utile qu'on croie, à Vienne, que la Prusse et l'Italie sont disposées à la guerre, et sont sur le point de s'entendre et de se lier. Peut-être Votre Excellence, monsieur le Général, croira que

je doive demeurer ici quelques jours et abonder dans le sens du comte de Bismarck, accepter même ses propositions ad referendum, et peutêtre même conclure, en dernier lieu, le fameux traité d'amitié éternelle et d'alliance qu'il veut. De cette manière restent le temps et le moyen de tenter les autres combinaisons dont Votre Excellence m'a parlé, et la vipère aura piqué le charlatan.

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Le président du conseil m'a présenté à Sa Majesté, qui a été bienveillante et m'a offert de visiter les établissements militaires prussiens, étant convenu avec le comte de Bismarck que ma présence ici se justifierait par ce prétexte.

J'ai été présenté à M. Benedetti, qui a dit seulement que je faisais beaucoup de bruit, faisant allusion à la publicité qu'on a donnée à mon arrivée. Y

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L'ambassadeur L.-L... à qui j'ai été également présenté, m'a questionné directement sur la solidité du cabinet de Florence, et m'a demandé si j'étais venu avec une mission. Je lui ai répondu : « Avec celle de voir le matériel militaire et l'armée de la Prusse. » Il a ajouté: << Mais la Prusse a-t-elle fait des propositions à Florence? » J'ai répliqué que je l'ignorais tout à fait. Alors il m'a dit que chez nous on armait, mais que ce n'était pas prudent. J'ai nié les armements, et je lui ai demandé, à mon tour, si la Prusse était près de faire la guerre à l'Autriche. « Je ne connais pas encore l'état des choses », a-t-il répondu, «< étant ici depuis peu; mais je ne crois pas. Que l'Italie se garde de s'engager avec la Prusse, parce qu'elle serait ensuite abandonnée au premier moment opportun. Telle est l'opinion de L.-L.

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Signé: GOVONE.

N° 21

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU COMTE DE BARRAL, A BERLIN

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J'approuve entièrement réserve, que vous et général Govone avez gardée.

Dites à Govone de rester à Berlin en observation.

Signé: LA MARmora.

No 22

LE GÉNÉRAL GOVONE AU COMTE DE LA MARMORA

Berlin, le 17 mars 1865.

Le comte de Bismarck répète que la guerre immédiate pour les duchés de l'Elbe offrirait beaucoup d'inconvénients. L'Angleterre la désapprouve, tandis qu'elle ne pouvait faire d'objections sérieuses à une guerre pour la nationalité allemande. L'empereur Napoléon, de son côté, la juge peu convenable et nullement justifiable, au point de vue de délivrer une province de la domination étrangère, comme ce serait le cas, pour l'Italie, par la guerre de Venise. A l'égard de l'Empereur, il a ajouté: « On peut croire qu'il désire une grosse guerre allemande, parce qu'à la tête d'une armée comme l'armée française il pourra toujours trouver sa part de profit (disait Bismarck); mais en dehors de cela, comme question de principe, il (l'Empereur) appuierait plutôt la grande guerre pour la nationalité allemande que la guerre pour les duchés de l'Elbe. »

Toutes ces raisons, a conclu le comte de Bismarck, nous engagent à différer la guerre et à la préparer peu à peu. Mais, avant de nous engager dans la voie des préparatifs, nous désirons nous assurer l'appu de l'Italie.

No 23

Signé: GOVONE.

PROJET DE TRAITÉ

Art. 1er.-La Prusse prendra l'initiative de la réforme, germanique conformément aux besoins des temps modernes. Si cette réforme peut altérer la bonne harmonie de la Confédération et mettre en conflit la Prusse et l'Autriche, dans ce cas, l'Italie, en ayant reçu communication, déclarera la guerre à l'Autriche et à ses alliés.

Art. 2. Les deux puissances engageront toutes les forces que la divine Providence a mises dans leurs mains, pour le triomphe de leur juste cause et de leurs droits, et aucune des deux parties ne déposera les

armes et ne signera aucune paix ni aucun armistice sans le consentement de l'autre.

Art. 3.-Ce consentement ne pourra être refusé quand l'Autriche aura évacué le royaume lombard-vénitien, et que, d'un autre côté, la Prusse aura entre les mains un territoire autrichien équivalent au royaume lombard-vénitien.

No 24

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 17 mars 1866.

Le comte de Bismarck a encore traité un autre point: il m'a dit que pour des raisons spéciales et personnelles le gouvernement prussien avait résolu d'envoyer à Florence, auprès du comte d'Usedom le général comte de Moltke, chef de l'état-major. Il ajouta que le Roi avait craint que je ne fusse étonné, et il dit même offensé, de cette mission, puisque j'avais été envoyé à Berlin pour traiter avec le cabinet prussien. Je lui répondis que je tenais ma mission du cabinet de Florence, et que tout ce que le cabinet de Berlin pouvait faire dans ses intérêts ne pouvait ni ne devait me déplaire. Qu'il y avait peut-être cet inconvénient que je me permettais de lui signaler, dans la nouvelle mission du général de Moltke, qu'elle pouvait attirer grandement l'attention . publique, sur les négociations pendantes dont le secret était déjà fortement compromis.

Le comte de Bismarck répliqua que le général était désigné pour partir avant mon arrivée, qu'il se rendrait à Nice avec sa famille pour dissimuler sa mission, et que de là il se rendrait ensuite à Florence.

Il est inutile que je dise à Votre Excellence que la mission du général de Moltke ne peut qu'augmenter mes soupçons que le comte de Bismarck cherche à faire croire à l'Autriche, pour l'intimider, qu'il a des intelligences sérieuses avec l'Italie.

A dire vrai, tout le but de l'entretien du comte de Bismarck d'hier soir paraît avoir ce que je n'ébranlasse pas, dans l'esprit du Roi, sa croyance dans la probabilité d'une entente de la Prusse avec l'Italie, et que je laissasse entrevoir devant lui que le point de vue des deux parties est effectivement différent : voulant nous engager par

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