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une action immédiate, la Prusse n'étant engagée que pour une éventualité plus ou moins lointaine.

Le comte de Barral qui m'a conseillé avant ma visite au comte de Bismarck, et auquel j'ai communiqué ce qui était arrivé, m'a confirmé dans l'opinion que je partage: qu'il n'y avait à attendre ici rien de sérieux et de pratique des négociations pendantes en faveur de l'Italie.

Le comte de Bismarck m'a écrit, ce matin, un billet pour me faire savoir que le Roi est indisposé, et que le médecin lui a défendu de s'occuper d'affaires. Il me fera savoir quand il pourra être reçu un autre jour.

No 25

Signé GOVONE.

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 18 mars 1866.

Hier, après le dîner que le comte de Barral a donné à la légation d'Italie, et auquel j'assistais avec les principaux membres du corps diplomatique, S. Exc. le comte de Bismarck, président du conseil, m'a de nouveau entretenu de l'utilité réciproque d'un traité d'alliance entre l'Italie et la Prusse. Le comte de Bismarck m'a dit que les nouvelles qu'il avait reçues dans la journée lui prouvaient que la cour de Vienne n'avait encore conçu aucun soupçon sur les négociations avec l'Italie ; il ajouta que si la Prusse n'avait pas encore brûlé ses vaisseaux, elle allait les brûler; que nous pouvions avoir pleine confiance dans le traité proposé, parce que S. M. le roi Guillaume était, sans aucun doute, le dernier souverain en Europe qui reculerait devant un engagement pris. Puis il ajouta : Il est évident que la question italienne est plus mûre que la question allemande : c'est pourquoi il serait peut-être convenable que les premiers coups pour mettre le feu aux poudres partissent de l'Italie; et ici il me parla de corps francs lancés dans la Vénétie. Je lui répondis que, dans ce moment, l'Italie n'était disposée à rien de pareil; que l'opinion publique sensée et droite était entièrement occupée à compléter l'administration et les finances du pays, sachant bien que, cette tâche une fois accomplie, les autres questions politiques se résoudraient d'elles-mêmes; que l'opinion publique aurait sans doute accueilli favorablement une occasion propice et im

prévue de vider plus tôt la question de Venise, et que c'était à ce point de vue que Votre Excellence m'avait envoyé ici, ayant cru que la Prusse était disposée à la guerre; mais que l'Italie comprenait trop bien combien il convenait de ne rien précipiter, pour que le gouvernement trouvât prudent de prendre une initiative de la nature de celle qu'il nous proposait.

Alors le comte de Bismarck dit: mais vous pouvez attendre; ce ne sont pas les finances qui vous forcent à précipiter une solution, et vous pouvez vous unir à nous pour procéder ensemble dans six mois à l'exécution du programme que je vous ai développé. Je repris qu'on pouvait porter remède à l'état des finances. .

L'opinion que nous pourrions être amenés à précipiter une solution par suite de l'état de nos finances, n'était donc pas fondée. Mais attendre en nous engageant avec la Prusse seulement sur des éventualités éloigrées je croyais que le gouvernement de Florence s'y refuserait; parce que, pour rester fidèle aux traités, il pourrait arriver que l'Italie dût plus tard sacrifier d'autres intérêts. Que Votre Excellence pense, dis-je au comte de Bismarck, à la possibilité, par exemple, de nous trouver dans six mois en face de la question romaine, et elle comprendra la valeur de nos scrupules.

Dans la journée d'hier, j'ai vu l'ambassadeur de France, M. Benedetti, qui juge la situation de l'Allemagne et la tension entre l'Autriche et la Prusse au moins, sinon plus grave qu'à l'époque des conférences d'Olmütz en 1850. Lui aussi toutefois est d'avis que cette fois encore la Prusse n'osera affronter la guerre.

Signé: GOVONE.

N 26

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 19 mars 1866.

La médiation de l'Angleterre vient d'être proposée à la Prusse qui a refusé, en chargeant son envoyé à Londres de déclarer qu'elle devait l'adresser à l'Autriche, le véritable agresseur et le violateur du traité de Gastein.

En me faisant part tout à l'heure de cet incident, Bismarck, qui était

dans un état de violente surexcitation, m'a tout à coup demandé si l'Italie serait disposée à déclarer immédiatement la guerre à l'Autriche, en ajoutant que dans ce cas la Prusse suivrait aussitôt après, en la déclarant de son côté.

J'ai répondu que je ne pensais pas que le gouvernement du Roi fût disposé à prendre la responsabilité d'une initiative qui, dans les circonstances actuelles, me paraissent avant tout appartenir à la Prusse; mais qu'au surplus lui seul était appelé à se prononcer sur une aussi grave question.

En supposant, ai-je ajouté, que l'Italie se décidât à prendre l'offensive, vous engageriez-vous, par un traité formel, à la prendre non pas aussitôt après, mais le lendemain ?

A cette question j'ai vu parfaitement Bismarck hésiter, et il a fini par me dire Il faudrait que je consultasse une dernière fois le Roi, et s'il refusait je lui offrirais ma démission.

:

Bismarck m'a ensuite posé la question si nous pourrions lui prêter l'appui de notre marine dans la mer du Nord, où il suppose que les armements de la flotte autrichienne à Paola et à Trieste ont pour but de la faire arriver pour écraser la marine prussienne, évidemment inférieure. J'ai de nouveau répondu que c'était encore là une question à laquelle je n'étais pas en état de répondre.

Veuillez écrire à votre gouvernement pour avoir une réponse sur les deux questions, m'a dit alors Bismarck; et là-dessus nous nous sommes quittés.

Mon opinion personnelle est que Bismarck se trouve dans une impasse produite par l'offre de médiation de l'Angleterre, qui y a ajouté sa désapprobation de la politique prussienne; pour en sortir Bismarck cherche à intervertir les rôles en tâchant de nous pousser les premiers contre l'Autriche, avec l'espérance bien plus que la certitude d'entraîner le Roi.

Je crois que ce serait de notre part une politique excessivement dangereuse, et que moins que jamais nous devons prendre des engagements en présence d'éventualités aussi obscures et qui peuvent se terminer par une médiation étrangère ou par une reculade de la Prusse.

La reine, la reine-douairière, la princesse et le prince royal supplient le Roi de s'arranger avec l'Autriche, et comme ils supposent que l'audience du général Govone peut amener un engagement belliqueux, ils ont réussi déjà hier matin à la faire remettre sous prétexte d'indisposition.

Signé: BARRAL.

N 27

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 20 mars 1866.

Bismarck toujours plus agité vient de me proposer une nouvelle combinaison.

L'on signerait de suite un traité d'alliance et d'amitié, conçu en termes généraux, mais portant que certaines éventualités belliqueuses venant à se réaliser, l'on procéderait immédiatement à la signature d'un traité d'alliance offensive et défensive, stipulant action commune et engagement réciproque de ne pas déposer les armes sans consentement mutuel et but atteint de part et d'autre.

Les termes de ce dernier traité devraient être convenus dès à présent, de manière à pouvoir être instantanément signé.

Il reste toujours la grave question de savoir celui des deux qui devrait prendre l'initiative de l'agression contre l'Autriche.

Le Roi, interrogé aujourd'hui, a dit que ce devrait être l'Italie. J'ai dit à Bismarck qu'à mon avis ce devait être la Prusse.

La difficulté est la même, et il resterait à déterminer quelles éventualités belliqueuses engageraient la parole du Roi.

Le Roi est très-occupé des armements de l'Autriche, et le gouvernement prussien va immédiatement procéder à un achat considérable de chevaux, en attendant la mobilisation qui ne se ferait qu'après.

Signé : BARRAL.

No 28

LE COMTE DE BARRAL AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 21 mars 1866.

Les armements de l'Autriche sont venus modifier profondément la situation en augmentant considérablement les probabilités de guerre. Les raisons du comte de Bismarck pour insister sur un traité éventuel

sont l'une de pouvoir peser sur les résolutions du Roi et l'autre d'être en sûreté contre un arrangement que pourrait nous proposer l'Autriche au sujet de la Vénétie.

Cela étant, ne pourrait-on pas peut-être accepter le traité éventuel, mais en lui fixant un délai de deux mois pendant lequel la Prusse pourrait trouver son casus belli, et passé lequel'nous reprendrions notre liberté d'action?

Il est possible, il est vrai, que la Prusse se serve de notre traité pour peser sur l'Autriche; mais d'un autre côté, si nous ne fournissions pas à Bismarck le moyen qu'il demande pour entraîner le Roi, n'est-il pas à craindre que nous augmentions les probabilités d'un arrangement dont le premier résultat sera l'avènement d'un ministère choisi dans le parti autrichien et par suite l'ajournement indéfini de la coopération prussienne pour la Vénétie?

N° 29

Signé : BARRAL.

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU COMTE DE BARRAL, A BERLIN

Florence, le 21 mars 1866.

Avant de nous décider même pour un traité éventuel limité, il est indispensable que le gouvernement prussien nous fasse une proposition par écrit, nette et précise.

Signé: LA MARMORA.

No 30

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 22 mars 1866,

Comme je l'ai télégraphié hier à Votre Excellence après deux audiences fixées puis contremandées par les influences qui s'agitent

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