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l'impuissance le Gouvernement princier, ne permettent pas de compter, de ce côté, sur une résistance efficace.

La situation qui résulte d'un pareil état de choses ne peut guère laisser de doute sur le fait que c'est en Macédoine même qu'il convient de tenter d'entraver les progrès de l'agitation parmi les populations chrétiennes. La plupart des représentants des Puissances en Turquie, dont M. Bapst a recueilli l'avis, ont marqué un sentiment analogue. L'Ambassadeur d'Autriche croit à l'efficacité de certaines réformes administratives; et cette opinion est partagée à Vienne où l'on verrait favorablement une action concertée des Puissances, ainsi qu'en témoigne une lettre que je viens de recevoir de M. de Reverseaux. L'Ambassadeur d'Angleterre a proposé à son Gouvernement un plan d'organisation nouvelle de la Macédoine; et nous savons déjà, par l'aide-mémoire que m'a remis Sir Edmund Monson le 18 du mois dernier, que le Cabinet britannique « serait heureux de s'associer à toute tentative pour empêcher que les désordres actuels ne s'étendent davantage ». En l'absence de M. Zinovief, M. Bapst n'a pu s'assurer de l'opinion de l'Ambassadeur de Russie, mais M. Zinovief a dû rapporter directement de Liviada des recommandations spéciales du Sultan pour l'introduction de réformes en Macédoine.

En ce qui nous concerne, mon opinion reste la même que dès la première heure, sur l'intérêt et l'urgence d'arrêter la propagande révolutionnaire par la réalisation immédiate des réformes nécessaires. Je me suis exprimé dans ce sens avec les ambassadeurs d'Angleterre, d'Autriche, de Russie et de Turquie dès le milieu du mois d'octobre.

Il importe donc que les Gouvernements français et russe puissent se mettre d'accord, à bref délai, sur une ligne de conduite commune en vue de préconiser l'adoption des réformes les plus pratiques et les plus efficaces. A cet égard, je serais porté à recommander le programme qu'a suggéré notre Consul à Salonique et qui porte spécialement sur la réforme de la gendarmerie et sur le mode de perception des dîmes. Je vous serai obligé de vous informer des sentiments du Gouvernement impérial à ce sujet.

L'essentiel est de ne pas laisser passer l'heure.

Soucieux avant tout du résultat, nous admettons qu'on s'en tienne à des démarches auprès de la Porte auxquelles participeraient ceux des Gouvernements qui pensent de même que nous. Nous ne pouvons méconnaître, en effet, les difficultés d'une entente unanime entre les grandes Puissances.

Toutefois le fait que les Puissances les plus intéressées dans les questions balkaniques, telles que la Russie et l'Autriche, se trouveraient d'accord sur la solution à poursuivre, pèserait sur les déterminations des autres et permettrait d'augurer un résultat favorable.

En tout cas, si le Gouvernement impérial pense qu'il faut essayer de grouper toutes les bonnes volontés en vue de combattre le mal dans ses véritables causes, d'assurer aux populations de la Macédoine la sécurité et la justice, et de conjurer ainsi de plus graves complications, il peut être convaincu que le Gouvernement de la République ne lui ménagera pas son concours. Comme nous, sans doute, il jugera que rien ne doit être négligé pour prévenir, s'il est possible, des événements dont les conséquences doivent être pour lui, comme pour nous, l'objet des plus sérieuses préoccupations. DELCASSÉ.

N° 40

M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères,

à M. Bapst, Chargé d'affaires de France à Constantinople.

Paris, le 1er décembre 1902.

Vous connaissez notre sentiment sur la nécessité d'améliorer sans retard la condition des populations de la Macédoine afin de prévenir des complications que tous nos renseignements font prévoir prochaines et qui peuvent avoir des conséquences graves.

J'ai invité notre Chargé d'affaires à Saint-Pétersbourg à insister sur l'utilité d'une ligne de conduite commune aux Gouvernements français et russe en vue de préconiser l'adoption des réformes les plus pratiques et les plus efficaces. Je recommande le programme de notre Consul à Salonique sur les réformes de la gendarmerie et de la perception des dîmes. Soucieux avant tout du résultat, nous admettons que, sans s'obstiner dans l'idée d'une conférence à la réunion de laquelle on peut craindre dès maintenant que ferait défaut l'assentiment unanime des Puissances, on s'en tienne à des démarches pressantes auprès de la Porte, auxquelles participeraient ceux des Gouvernements qui auraient les mêmes sentiments,

Dès maintenant je vous autorise à saisir toute occasion, d'accord avec l'Ambassadeur de Russie et les Ambassadeurs des Puissances qui voudraient se joindre à vous, pour bien convaincre le sultan que les mesures à prendre doivent être sérieuses et efficaces et qu'il les faut prendre sans plus de délai.

DELCASSÉ.

N°41

M. Bapst, Chargé d'Affaires de France à Constantinople,

à M. Delcassé, Ministre des Affaires étrangères.

Péra, le 1er décembre 1902.

En présence de l'attitude prise par les principales Puissances, le Sultan vient d'instituer deux Commissions, l'une pour aller étudier sur place les « améliorations » à apporter à la situation en Macédoine, l'autre à la Porte pour examiner les propositions de la première.

Il semble que ces décisions aient été prises pour éluder les demandes de l'Ambassadeur de Russie, qui a été chargé par l'empereur de réclamer des réformes efficaces et qui dans sa dernière audience a pressé vivement le Sultan. Mais M. Zinovieff vient de me dire qu'il ne se contenterait pas de palliatifs, et qu'il avait reçu l'ordre formel de l'Empereur d'insister pour des réformes. Les décisions prises par le sultan à l'égard de la Macédoine et promulguées hier par iradé, sont publiées par la presse dans les termes suivants :

« S. E. Husséin Hilmi Pacha, gouverneur général du Yémen, est chargé, avec le titre d'inspecteur, de surveiller et de poursuivre l'application des mesures récemment arrêtées pour les vilayets de la Turquie d'Europe et

approuvées par iradé impérial. Husséin Hilmi Pacha aura avec lui un des membres de la haute commission militaire siégeant au Palais Yldiz.

<«< Comme suite à cette nomination, une Commission sera formée à la Sublime Porte, ayant pour objet l'examen des rapports qui seront envoyés des vilayets susdits et par l'inspecteur. S. E. Férid Pacha, gouverneur général du vilayet de Konial, est nommé président de cette Commission ».

Harassé ces jours derniers par les remontrances des Ambassadeurs, la Porte veut se donner l'air d'avoir pris en considération tout ce qui lui a été dit, et de consentir à quelque réforme en Madédoine; mais, pour peu qu'on examine le texte livré à la presse, on s'aperçoit vite qu'aucune intention sérieuse n'est dans l'esprit du Gouvernement.

L'inspecteur nommé doit «< surveiller et poursuivre l'application des mesures récemment arrêtées pour les vilayets de la Turquie d'Europe et approuvées par iradé impérial ». Or, en dehors de l'envoi de troupes en Macédoine, aucunes mesures n'ont été édictées par le Souverain; est-ce donc la répression par la force armée que doit « surveiller et poursuivre » Husséin Hilmi Pacha?

Pourquoi aussi vouloir, sous le nom de vilayets de la Turquie d'Europe, agglomérer la Macédoine, c'est-à-dire la partie non rédimée de la Grande Bulgarie du traité de San Stéfano, avec l'Albanie, l'Épire et les districts grecs ou turcs des vilayets d'Andrinople et de Salonique ? Les réformes appropriées à une de ces régions ne sauraient convenir aux autres; cette incompatibilité offre un motif pour ne rien changer,

Hussein Hilmi Pacha jouit de la, réputation d'un homme intègre et travailleur; et Férid Pacha, dans son Gouvernement de Koniah, a fait montre d'idées larges et de grandes qualités administratives. Mais l'activité de l'un doit se borner à faire des rapports, et celle de l'autre à les examiner. Ils pourront donner de sages conseils, mais à quoi bon ? Les décisions continueront, comme par le passé, à être prises exclusivement à Yldiz.

EDMOND BAPST.

P. S. Je reçois à l'instant de la Porte le texte des «instructions » qui viennent d'être approuvées par le Sultan touchant les vilayets de la Turquie d'Europe. Ces instructions contiennent les « mesures » auxquelles faisait allusion le communiqué reproduit dans ma dépêche. Elles n'apportent de modification sensible au régime actuel que sur un point, réclamé, d'ailleurs, par M. Zinovief; elles accordent l'introduction de l'élément chrétien dans la gendarmerie.

ANNEXE

INSTRUCTIONS CONCERNANT LES VILAYETS

DE LA TURQUIE D'EUROPE

PREMIÈRE PARTIE

ORGANISATION

CHAPITRE PREMIER

ADMINISTRATION

ART. 1er. Les valis devront veiller à l'application de toutes les mesures propres à assurer le progrès des travaux publics, du commerce, de l'agriculture et des institutions industrielles ainsi que le développement de l'instruction publique.

Des postes de directeur des travaux publics seront nouvellement créés auprès de chaque vali.

Des directeurs de l'instruction publique et de l'agriculture seront aussi nommés dans les provinces où il n'en existerait pas.

ART. 2. Les affaires touchant les étrangers dans les provinces resteront, comme par le passé, sous la responsabilité des valis. Un fonctionnaire, ayant le titre de «<oumour edjnébié mudiri » (directeur politique) nommé par le Ministère de l'Intérieur et connaissant le droit international, les dispositions des traités et les usages diplomatiques, se trouvera auprès de chaque vali. Les drogmans des vilayets seront également nommés par le Département de l'’intérieur. Toutefois le Ministère des affaires étrangères devra certifier au préalable que les candidats proposés pour ses postes possèdent les connaissances requises.

ART. 3. Un poste de caïmakam sera créé au chef-lieu du vilayet pour s'occuper de l'administration du caza central.

ART. 4. Les valis devront veiller à ce que les employés nommés par le vilayet possèdent les capacités requises. Quant aux mutessarifs adjoints des valis, mextoubdji caïmakams et autres fonctionnaires, les documents relatifs à leurs choix seront référés à la Commission du personnel civil qui, après s'être livrée à une enquête et avoir demandé l'avis des valis, procèdera à leur nomination conformément au règlement.

ART. 5. La destitution, le remplacement et la nomination des officiers supérieurs et subalternes de gendarmerie et des directeurs et commissaires de police, se feront par les Départements respectifs avec l'avis des valis.

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ART. 6. Les gendarmes seront recrutés dans les provinces parmi les musulmans et les chrétiens. Ils devront, lors de leur nomination. prêter serment suivant la règle.

ART. 7.— Parmi les musulmans qui seront admis dans la gendarmerie, ceux qui auront accompli leur service militaire sans avoir subi aucune condamnation auront la préférence. En dehors de ceux-ci, les individus, tant musulmans que chrétiens, qui seront engagés comme gendarmes, devront jouir d'une bonne réputation et n'avoir subi aucune condamnation.

ART. 8.- Le commissaire et les agents de police des provinces seront recrutés parmi les musulmans et les chrétiens et seront, lors de leur engagement, assermentés conformément à la règle. Ils devront également être honnêtes et probes et n'avoir point subi de condamnation. Ils devront savoir lire et écrire le turc: Parmi les musulmans, ceux qui possédant ces qualités auraient accompli leur service militaire seront considérés, lors de l'engagement, comme ayant un droit de préférence.

ART. 9. Dans le cas où un incident de nature à troubler l'ordre public viendrait à se produire et que l'insuffisance des gendarmes étant constatée, le vilayet jugerait nécessaire de disposer de troupes, le gouverneur général en avisera immédiatement le commandant militaire qui, tout en préparant des troupes, en informera télégraphiquement sans perte de temps le Ministère de la Guerre en vue de solliciter l'autorisation impériale à ce sujet. Après avoir reçu en réponse communication de l'iradé impérial, le commandant avisera au nécessaire. Toutefois, lors d'une pareille éventualité, le vali devra en faire l'exposé des motifs qui sera également approuvé par le commandant militaire.

ART. 10.

CHAPITRE II
JUSTICE

Dans les localités où il n'existe point de tribunaux nizamiés, il en sera établi conformément à la loi sur l'organisation judiciaire. Le mode en vigueur aujourd'hui pour le choix des juges sera aboli et les membres des tribunaux, qui devront avoir les capacités requises, seront choisis par le Ministère de la Justiée, moitié parmi les musulmans, moitié parmi les chrétiens, comme par le passé.

Les membres des tribunaux devront appartenir à la carrière judiciaire et les licenciés de la Faculté de droit seront nommés de préférence.

ART. 11. Les tribunaux de première instance chargés des affaires civiles et pénales des cazas seront, à l'instar de ce qui se fait dans les sandjaks et quelques cazas, divisés en deux sections distinctes pour les procès civils et pénaux.

Les naïbs continueront à présider les tribunaux civils. Pour les tribunaux correctionnels, il sera nommé un président de carrière ainsi qu'un substitut de procureur et un juge d'instruction.

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ART. 12. Les tribunaux sont indépendants et à l'abri de toute.immixtion. Lorsqu'il sera constaté que les juges et les fonctionnaires judiciaires auront

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