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Des événements récents viennent de mettre mieux encore en lumière cette situation. Les efforts de l'Allemagne et de l'Italie nous indiquent à la fois le danger et le remède.

Il faut nous rappeler, à l'heure où nous constatons un fléchissement de notre influence et de notre situation économique au Brésil et dans plusieurs états voisins de l'Amérique du Sud, de cette vérité énoncée par M. Gervais, qui si le commerce suit le pavillon, il suit, à plus forte raison, la langue nationale.» Nous avons de vieux lycées à Mexico, à Montevideo quelques collèges au Chili il faut en améliorer les installations, et élargir l'enseignement, en favoriser le développement, mais il faut surtout créer dans un certain nombre de centres bien choisis des écoles primaires et primaires supérieures laïques, où soit enseignée la langue française et si le sacrifice n'était pas trop lourd, des Universités d'où rayonnerait au loin la pensée nationale et le génie de la France républicaine !

Boursiers envoyés par les écoles d'Occident

La France envoie annuellement à l'étranger des « boursiers du commerce », jeunes gens sortis de nos écoles supérieures qui, par voie du concours, obtiennent la faveur de voyager aux frais de l'État dans tel pays qu'ils choisissent eux-mêmes. Ils coûtent à la nation entre 6 et 8,000 francs et lui envoient quelques rapports sur des questions économiques. Ils sont censés se préparer à être des agents de notre exportation. Or, comment les choses se passent-elles en réalité ?

Les jeunes compatriotes en question arrivent inconnus dans le pays qu'ils doivent étudier. Leur situation n'est pas assez relevée pour leur permettre de pénétrer dans les millieux commerciaux ou administratifs qui pourraient leur fournir des renseignements inédits. Ils se contentent donc, lorsqu'ils sont consciencieux, de traduire ou de démarquer des articles de journaux. Comme la bourse est insuffisante pour leur permettre de vivre avec décence et surtout de voyager dans le pays, ils demandent et obtiennent généralement des emplois dans des maisons de commerce. Ils y restent souvent d'une façon plus ou moins définitive.

Ainsi, dans la seule ville de Montevideo, on peut citer MM. Delpech. Allegro, Deffarges et, plus récemment, M. Bonnereau.

En quoi la réussite à l'étranger, comme commerçants, des boursiers du commerce peut-elle servir le commerce français ? En quoi l'État est-il obligé de pourvoir à l'établisement de certains Français en pays étranger sans demander (en échange des sacrifices pécuniaires qu'il fait) une compensation de quelque nature qu'elle soit? Ne serait-il pas intéressant de renverser la proposition et de charger les écoles d'Occident de désigner par voie de concours ou au choix son meilleur ou ses meilleurs élèves et de les envoyer en France, d'où (après avoir passé deux ans dans une école pratique de commerce) ils retourneraient dans leur pays d'origine préparés à la défense de notre exportation.

Les dépenses ainsi occasionnées réduiraient à la moitié ou au tiers les dépenses actuelles pour les bourses de voyages. En effet, 1,200 ou 1,500 francs par an suffiraient largement par boursier et l'enfant, préparé à comprendre la

France dans les cours d'une école française à l'étranger, entrerait définitivement dans notre orbite pendant son séjour chez nous. Rentrant ensuite chez lui, il se trouverait fils de commerçant dans un pays où l'attachent mille liens de parenté et d'amitié, à même d'être un agent commercial de notre pays, convaincu et par suite réellement utile.

Le collège Carnot, à Montevideo, a voulu instituer des bourses de ce genre. La Chambre de commerce de ladite ville s'est déclarée prête à payer les frais de voyage aller et retour des boursiers. On a en outre écrit aux Chambres de commerce de nos villes ayant des transactions avec l'Uruguay. Roubaix, Tourcoing, Marseille ont gracieusement décidé qu'elles donneraient volontiers une subvention annuelle de 250 francs chacune. Le Ministère des Affaires etrangères a fait un don de 3,000 francs; le Ministère du Commerce n'a pas encore répondu à la requête qui lui a été adressée en même temps.

Il serait infiniment désirable que le projet indiqué ci-dessus put devenir une institution qui, à peu de frais, assurerait à la fois la prospérité de nos écoles de commerce françaises en Amérique (l'appât d'une bourse de cette nature leur assurant une population scolaire nombreuse) et nous vaudrait, sans doute aucun, un nombre progressivement augmentant de propagateurs de notre industrie.

Les écoles françaises au Chili

Naguère encore, au Chili, c'étaient des français qui dirigeaient le mouvement intellectuel et scientifique; aujourd'hui, ce sont des Allemands. Ils ont vu tout le profit que l'on pouvait tirer de l'école, et, de suite, ils en ont fait un élément de germanisation: ils ont créé des cours, ils ont occupé les chaires les plus importantes dans les écoles qui existaient. A l'Université de Santiago, c'est un allemand qui est professeur de français, c'est un autre allemand qui enseigne la grammaire espagnole. Les directeurs et professeurs du « Collegio de los Padres franceses » anciennement français, sont tous bavarois maintenant. Tous s'efforcent de faire aimer l'Allemagne, de faire naître chez l'indigene qui déjà s'exprime en allemand, le désir d'aller continuer ses études à Berlin ou à Leipzig, où il sera définitivement conquis.

Il y a là un danger qui nécessite notre intervention en Occident, de même que pour d'autres raisons elle apparaît comme indispensable en Orient. Il faut maintenant que nous fassions certains sacrifices pour assurer au Chili et même dans toute l'Amérique un enseignement digne de nous, capable de supporter une concurrence redoutable et non pas un de ces enseignements ridicules comme celui créé il y a quelques années à Santiago, et qui, dirigé par un ancien contre-maître d'une école d'arts et métiers et par de jeunes français incapables de faire de bons commis dans les magasins de nouveautés, échoua piteusement.

L'an dernier, M. Millerand, alors Ministre du Commerce, mit à l'étude la création d'une école française en Amérique; l'initiative privée doit venir corroborer les efforts du Gouvernement; il faul multiplier les collèges français en Occident, c'est le seul moyen de maintenir le caractère français chez les jeunes créoles et de conquérir les enfants indigènes à notre influence.

« Si, malgré tout,

EN EXTRÊME-ORIENT

disais-je l'année dernière,

le souci d'un passé qui n'a

pas été sans grandeur, le désir de maintenir des traditions plusieurs fois séculaires, le souvenir d'un rôle dont la vieille France catholique a pu tirer quelque éclat peuvent justifier ou expliquer par quel excès de sentimentalisme national la République française n'a point cherché à se dépouiller encore de ce manteau du protectorat chrétien qui la cache et qui lui pèse, rien ne peut ni expliquer, ni justifier en Extrême-Orient notre rôle et notre action, au point de vue religieux.

« Si les missionnaires en Orient font peu de prosélytisme religieux, si le protectorat y revêt une forme éducatrice et administrative, s'il ne menace que de loin le pouvoir politique et la foi religieuse des musulmans, il n'en est pas du tout de même en Extrême-Orient.

<«<< Si dans le bassin méditerranéen nous avons le tort d'apparaître, nous qui sommes en Afrique une importante puissance musulmane, comme les défenseurs de la propagande catholique, il n'y a pas, du moins, de duel entre la croix et le croissant. En Chine, au contraire, l'action des missionaires est tout autre, et l'œuvre qu'ils poursuivent est toute de prosélytisme religieux et d'accaparement. »

Les missionnaires, dans les paroisses qu'ils sont appelés à diriger, habiles à s'identifier par le costume, par la langue et par les idées avec les Célestes, deviennent bien vite, grâce à la connaissance qu'ils ont de la législation du pays, les conseillers des convertis catholiques dans leurs différents avec l'autorité et leurs contestations avec leurs voisins. Cette métamorphose les rend absolument impropres à la propagation de l'influence française.

Peu ou point d'écoles où l'on enseigne la langue française alors qu'il serait si facile d'utiliser des employés tels que secrétaires de mairie et commis de consulats, qui pourraient cumuler leur emploi avec celui d'instituteur en se faisant aider par des Chinois connaissant notre langue ainsi qu'il arrive à Shanghaï où le Dirccteur de l'École municipale seul est français et secondé par des adjoints chinois.

A côté de l'enseignement du français, un autre moyen puissant de propagande que nous utilisons déjà, mais d'une façon insuffisante, est à notre portée. Les maigres succès remportés par les Anglais et Américains sont dus à ce que, plus ou moins diplômés, ils pratiquent la médecine. Les missionnaires catholiques ont compris toute l'importance de ce moyen de propagande; aussi lorsqu'ils ont l'intention de fonder une paroisse leur premier soin est-il d'envoyer dans la ville un médecin-pharmacien les deux professions se confondent en Chine qui s'installe et fait des distributions de médicaments. Il ne tarde pas à se conquérir un noyau de clientèle que le missionnaire à son arrivée trouve tout prêt pour la prédication. Le Chinois a une grande confiance dans la médecine, il absorbe beaucoup de médicaments, on prétend qu'il y consacre jusqu'à 1/3 de ses revenus. Il apprécie beaucoup les nôtres qui viennent compléter sa matière médicale presque exclusivement composée de simples.

A chacun de nos Consulats est attaché un docteur français, dont les soins sont très recherchés, mais dont l'action serait bien plus puissante s'il se trouvait secondé par des médecins indigènes parlant notre langue. Forts de notre appui, ces praticiens formés selon nos méthodes, se répandraient dans le pays, où ils propageraient à la fois notre langue et nos idées scientifiques. Rien ne serait plus utile dans ce but que la création d'une école de médecine française en Chine. L'École de Tien-Tsin qui reçoit les anciens élèves des missions de Hon-Kong, uniquement recrutés dans la colonie anglaise, en contact constant avec les missions britanniques, enseignés en anglais, ne peut servir que l'intérêt de nos voisins d'outre-Manche, malgré la présence de deux médecins français qui dirigent cet établissement pour le compte de la province et grâce aux subsides du Vice-Roy.

C'est à Shanghaï que cette création d'école de médecine française pourrait le plus utilement se réaliser, là un effet, nous possédons une concession, là se trouvent de nombreux jeunes gens possédant parfaitement notre langue et en mesure de suivre avec fruit des cours de médecine. Notre concession qui date de 50 ans, considérablement accrue depuis la dernière guerre, abrite à l'heure actuelle plus de 100.000 Célestes, le Gouvernement français trouverait pour la fondation de cette École et d'un Hôpital, s'il voulait faire la première avance d'argent, l'empressement de la municipalité à lui céder le terrain nécessaire et à lui assurer un concours financier.

Ce serait là une œuve patriotique et une utilisation précieuse des ressources que l'État français alloue et qui vont se perdre dans les caisses des missions catholiques trop souvent composées de belges, d'italiens ou d'allemands.

Nous avons mieux à faire qu'à continuer à subventionner un apostolat religieux qui n'a d'autre but, que de substituer à l'autorité locale, l'autorité des missions et à faire de leurs agents les véritables mandarins des districts dont elles ont conquis la direction spirituelle.

Se rendre maîtres des âmes et devenir propriétaires du sol. par tous les moyens tel est l'objectif des missionnaires. La République française n'a rien à gagner auprès des Chinois de se constituer la protectrice de cette action. Bien loin de là, il reste évident que les missions ont accumulé contre elles les haines et suscité les massacres, les incendies et les désastres répétés et périodique que nous enregistrons. Ce n'est pas en vain qu'elles s'efforcent d'affranchir les catholiques recrutés par elle, parmi les refraclaires aux lois du pays, des charges fiscales dont le poids retombe lourdement sur la population. Ce n'est pas en vain qu'elles heurtent chez ces payens, si profondément indifférents d'ailleurs aux formes religieuses, leurs superstitions, leurs coutumes et leurs rites auxquels ils sont si fidèlement attachés.

Leur naturelle insouciance s'exaspère en colères violentes et des faits de la nature de ceux que nous a révélés le rapport du général Voyron, commandant en chef les troupes françaises de l'expédition de Chine, jettent une singulière clarté sur l'attitude des missionnaires, sur leurs agissements et de leur rôle et expliquent jusqu'à l'évidence l'hostilité dont ils sont l'objet et qu'ils réussissent dans une certaine mesure à nous faire partager.

Ce document, qui a fait grand bruit, à raison de la haute autorité de celui qui l'a écrit et du mystère dont on l'a un instant entouré, et que nous devons

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à la confiance du Ministre de la Marine dans la discrétion de la Commission du Budget, nous montre que si dans l'ensemble la conduite des troupes françaises, a l'exception de quelques fautes individuelles, d'ailleurs promptement réprimées, a été excellente, si aucun acte collectif ne peut leur être reproché on n'en peut dire autant des missionnaires conduits par M. l'Évêque de Pékin. On doit regretter, comme le dit très énergiquement M. le général Voyron, que l'article 109 du Règlement des armées en campagne, relatif aux prises, ait reçu au cours de l'expédition une fâcheuse application.

« Sans doute, dit le général, une armée sera toujours amenée à prendre possession des ressources de toute espèce qu'elle trouvera en pays ennemi: argent, vivres, etc..., mais il faudra que ce soit dans les formes légales, et que cette main-mise s'effectue au profit exclusif de l'armée tout entière et non de quelques individus ; maintenir un certain droit aux prises ne peut que provo. quer un esprit de lucre et de rapine, destructeur de la discipline, exposant les chefs à des suspicions. Les prises sont le reste d'anciens usages militaires, aujourd'hui disparus, et dont aucune trace ne devrait subsister dans notre réglementation. J'insiste, dit-il, tout particulièrement sur ce point. »

Mais si des règlements militaires, d'un autre temps, permettent encore à des soldats régulièrement commandés de faire des prises, que dire de l'acte de missionnaires religieux, fussent-ils couverts par l'autorité d'un évêque, qui vont, à la faveur du trouble causé par la guerre, littéralement dévaliser une maison.

Or, il est avéré, et les documents de l'enquête militaire en font foi, qu'après la délivrance du Petang, le 16 août, les missionnaires, «sans doute bien renseignés », vinrent au palais Ly et qu'avec une quarantaine de charrettes et 200 à 300 chrétiens indigènes employés comme coolies, y firent une « fouille méthodique ».

On évalue à 400.000 francs la somme recueillie par eux en lingots d'argent. Et ce qui est pire, c'est que les missionnaires se firent aider dans cette opération par des soldats et matelots stationnés au Petang auxquels ils donnèrent comme gratifications des chèques individuels d'une valeur de 2.000 francs sur l'une de leurs maisons de banque.

A un certain moment, d'autres hommes, cantonnés dans le voisinage, attirés par l'aubaine, vinrent aussi chercher des barres pour leur propre compte, et comme ils ne pouvaient les utiliser sur place, ils les cédèrent à l'amiable contre des chèques nominatifs soit à un industriel de Pékin, soit au Père procureur de la mission, moyennant un courtage qui fut, paraît-il, d'un taux singulièrement élevé.

L'autorité militaire, informée de l'incident, fit cesser l'enlèvemont des barres d'argent et fit réclamer les chèques pour en faire une masse commune. Mais il n'obtint ni de la mission ni de l'industriel de Pékin la liste des bénéficiaires et si un grand nombre d'hommes firent la restitution qui leur était demandée, d'autres s'y refusèrent obstinément.

La somme ainsi distraite du partage qui fut fait ultérieurement suivant les anciennes règles militaires est d'environ 100.000 francs, non compris les bénéfices du courtage. C'est ainsi que la première prise fut d'environ un million de francs, dont la moitié seulement put être répartie.

« EdellinenJatka »