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Deux autres prises militairement opérées se sont élevées l'une à 230.158 fr. 40 et l'autre à 165.645 fr. 45.

La prise opérée par les missionnaires à l'insu de l'autorité militaire contre tout droit est un véritable acte de brigandage. Si l'autorité militaire a cherché à arracher des mains des soldats la part qui leur avait été attribuée, pour en faire une masse commune, ce fut pour ne pas créer, dit le rapport, « une véritable prime à la maraude et au pillage ».

Nous aurions pu nous en tenir à ce jugement du commandant en chef des troupes françaises de l'expédition de Chine, sur les agissements des missionnaires mais pour qu'on ne puisse pas croire à une opinion isolée, sur un méfait unique, il nous a semblé utile d'ajouter à cette haute autorité celle de M. le contre-amiral Cloué qui, en 1869, commandant en chef la division du Pacifique et dont les sentiments très chrétiens n'étaient pas douteux.

Voici ce qu'écrit, à bord de l'Estrée, cet officier général à la suite de l'enquête dont avait été chargé M. le commandant Aube.

« Deux grandes congrégations françaises semblent avoir été choisies par le Saint-Père pour la mission spéciale de convertir les habitants des îles sans nombre des archipels du Pacifique : ce sont les Pères de Picpus et les Pères Maristes... Le pouvoir est réellement exercé dans les îles Gambier par les missionnaires, et ce pouvoir est absolu... La régence a été confiée au prince Arone Teikatrava, individu insignifiant, créature des missionnaires et qui paraît devoir vivre peu, mais rien ne sera changé pour cela, un autre sera nommé et le Père Laval continuera à régner..... »

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« Il n'y a pas l'ombre d'un doute à avoir, les Gambier sont un couvent dont le Père Laval est le supérieur sévère; les habitants sont soumis à une règle rigide : dans l'intervalle des offices et des chants de cantiques, ils vont au travail dont le produit est pour le chef ou roi. C'est le Père Laval qui ordonne les travaux, c'est par lui qu'ont lieu les transactions de commerce, et elles ne peuvent se faire par une autre voie. C'est lui qui encaisse les bénéfices dans le trésor du roi, lequel est, dit-on, conservé chez les missionnaires.

« La plus sérieuse, la plus plausible et la plus souvent proférée des accusations portées contre l'usage que les missionnaires font de leur influence souveraine sur la population et les chefs des îles Gambier, est celle d'en exploiter les ressources au profit de leurs maisons et dans ce but pour assurer leur monopole, d'empêcher l'établissement de tous les étrangers qui pourraient leur faire concurrence. »

La loi est là-bas à leur profit, une loi des suspects. L'article 8 de la loi du 5 octobre 1856 dit que tout étranger arrivant aux Gambier devra signer une déclaration portant : « Je consens a être renvoyé de ces îles si je tiens une conduite contraire au bon ordre... si même seulement je me rends suspect à l'autorité des lieux sous quelque rapport que ce soit. »

Il n'est pas rare, dans ces parages de voir les jeunes gens s'enfuir devant cette tyrannie des moines et la population qui était de 2.400 âmes lors de leur apparition n'en compte plus qu'un millier à peine.

Les missionnaires dit le commandant Aube — sont obligés eux-mêmes de reconnaître le résultat de leur système. Les missionnaires le prennent d'ailleurs de très haut et le rapport cite le refus de l'évêque de Taïti d'aller

voir le commandant français à son bord, à l'arrivée, parce qu'on n'a pas salué le préfet de neuf coups de canon.

Aux îles Samoa, la France, dit l'amiral, aurait été dignement représentée par les missionnaires à raison de leur rivalité avec les missionnaires anglais.

Aux îles Wallis, au contraire, on n'aurait qu'une répétition de ce qui se passe aux îles Gambier; les missionnaires règnent en despotes dans cet archipel fertile. Ils n'y tolèrent que de bons cotholiques. Il en est de même aux îles Foutouna.

Le commandant de la Mégère, dit avec une certaine tristesse : « Comme tous ceux qui les ont vus à l'œuvre, j'éprouve pour nos missionnaires une affection et sympathie dont je me suis efforcé de leur donner des preuves et qui les ont profondément touchés, j'en suis sûr, aussi m'est-il pénible de ne pouvoir approuver en tous leurs tendances et les résultats de leurs pieux efforts. »

« La conséquence du consciencieux rapport du commandant Aube, dit M. le contre-amiral Cloué, c'est que partout où nos missionnaires ont à lutter comme aux Samoa, aux Tonga, aux Viti et même aux Sandwich, ils sont admirables, mais là où ils règnent sans conteste, comme aux Gambier, aux Wallis, à Foutouna, et d'après ce que nous savons par ailleurs, à l'île de Pâques même, ils ne tolèrent aucun dissident, ni même aucun indifférent et leur pouvoir devient assez tyrannique, l'existence arrangée par eux, assez ́intolérable, pour que les habitants cherchent à y échapper, même par la fuite.

« Quand aux conséquences politiques : la race anglo-saxonne envahit les îles Fidji et doit forcément déborder plus tard sur les Samoa, les Wallis et les Tonga. >>

Où est en tout ceci le service rendu à la France ? En quoi apparaît le prétendu souci des missionnaires de répandre l'influence française et l'esprit de notre civilisation?

Ils se couvrent du drapeau français quand ils ont besoin de notre appui et de notre bras. Leur unique préoccupation là comme partout, et le rapport dont on vient de lire les extraits le prouve jusqu'à l'évidence, est d'imposer leurs croyances, par un prosélytisme tyrannique, et de servir de leurs mieux les intérêts matériels de Rome.

En résumé, comme nous le disions l'année dernière, —Voir aux annexes, ― nous sommes à la fois mal secondés et mal représentés par les missionnaires, qui se servent de nous au bénéfice de Rome, quoi qu'en ait pensé Paul Bert, beaucoup plus que nous ne nous servons d'eux, au profit de l'influence française, et qui masquent notamment aux yeux des Célestes et des populations d'Extrême-Orient la grande et noble figure de la Francè républicaine.

Laissons il en est temps si nous voulons prendre notre part de la vie commerciale et industrielle de ces pays qui s'ouvrent 'à l'activité du monde et y trouver, sans risque de conflits nouveaux, des avantages économiques laissons l'Eglise catholique à elle-même : sachons nous désintéresser de ses destinées religieuses, pour n'apparaître dans le Pacifique comme en Orient et en Extrême-Orient, avec nos ingénieurs, nos commerçants, nos médecins et

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nos instituteurs, que sous l'unique drapeau de la France, dans le rayonnement de son génie.

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PROTECTORATS

Rapport fait par M. Etienne Flandin, Député, au nom de la Commission du Budget, chargée d'examiner le projet de loi portant fixation du Budget général de l'exercice 1903.

Messieurs,

Les dépenses auxquelles donne lieu, pour le budget de la France, l'établissement de notre protectorat en Tunisie comprennent le traitement de notre Ministre Résident à Tunis, les frais de défense militaire et navale el la part de garantie d'intérêt afférente à la section tunisienne des chemins de fer Bône-Guelma. Ces différentes dépenses sont incorporées aux budgets des Affaires Etrangères, de la Guerre, de la Marine et des Travaux publics.

Il n'y a donc pas, pour le Parlement français, de budget du Protectorat de la Tunisie. Cependant, par une tradition empruntée à l'époque où le budget du Ministère des Affaires étrangères était divisé en deux sections, concernant, la première, le service ordinaire, la seconde, le service des protectorats, l'usage s'est continué pour votre Commission du budget de vous présenter, à l'occasion du vote du chapitre IV du budget des Affaires Etrangères, Traitement des agents diplomatiques et consulaires, un exposé de la situation financière de la Tunisie.

Nous croyons utile d'y joindre quelques réflexions sur l'œuvre accomplie par le Protectorat et sur l'urgente nécessité de la compléter en opposant, par le développement de la petite colonisation française, un contre-poids, de jour en jour plus indispensable, à l'immigration étrangère, particulièrement à l'immigration italienne.

Situation financière

Toute la gestion financière de la Tunisie est confiée, sous le contrôle du Résident général et du Département des Affaires étrangères français, à un Directeur des finances, qui a sous son autorité immédiate quatre services subordonnés:

La recette générale des finances;

La Direction des douanes;

La Direction des contributions diverses;

La Direction des monopoles.

Le Directeur des finances et tous les autres principaux fonctionnaires, ses collaborateurs, sont Français. Aux degrés inférieurs, on emploie les indigènes. Le budget annuel est préparé par le Directeur des finances, examiné en Conseil des Ministres où siègent, sous la présidence du Résident général, les chefs de service de l'Administration du Protectorat, soumis à l'approbation du Ministre des Affaires étrangères de la République, et présenté ensuite à la sanction du Bey, qui le promulgue par décret.

Conformément au vœu que la Commission du budget avait exprimé en 1900, par l'organe de son rapporteur, M. André Berthelot, le budget tunisien est aujourd'hui publié avec tous les éclaircissements nécessaires pour en assurer la complète connaissance à quiconque entend être fidèlement renseigné sur les recettes et les dépenses.

Le budget des recettes et celui des dépenses sont divisés en trois parties: Recettes et dépenses sur ressources ordinaires ;

Recettes et dépenses des exercices clos et périmés ;

Recettes et dépenses sur ressources exceptionnelles.

Ces trois divisions du budget se justifient d'elles-mêmes. Les recettes et dépenses des exercices clos et périmés sont présentées séparément au lieu d'être confondues dans les recettes et dépenses du budget ordinaire, on donne ainsi à chaque exercice plus de clarté. Les dépenses et recettes sur ressources exceptionnelles constituent le budget extraordinaire de la Tunisie.

L'évaluation des recettes n'est pas, comme en France, établie conformément à la règle qui adopte pour base le produit de l'antépénultième année.

Il a paru plus sage de prendre la moyenne des récoltes des cinq budgets antérieurs. Cette méthode, pour un pays essentiellement agricole, où le rendement des impôts est grandement exposé aux brusques contre-coups des intempéries, a permis jusqu'à présent, d'une façon presque invariable, d'éviter tout mécompte. Sur 16 budgets, de 1885 à 1901, 14 ont été réglés par des excédents de recettes; deux seulement se sont trouvés en déficit, ceux des années 1888 et 1889, qui furent des années de récoltes désastreuses.

Aucun impôt ne peut être établi s'il n'a été proposé par le Conseil des chefs de service et sanctionné par le Bey, après autorisation du Gouvernement de la République. Si l'impôt doit établir une charge nouvelle pour la colonie française, la Conférence consultative est appelée à exprimer son avis.

Aucune dépense ne peut être engagée ou soldée, si elle n'a été prévue au budget annuel.

Aucun crédit ne peut être ouvert, en cours d'exercice, sur « les ressources générales du budget. » Si des dépenses imprévues, mais d'un caractère ordinaire, se présentent, il y est pourvu au moyen d'un prélèvement sur les ressources d'un chapitre spécialement ouvert pour cet objet et doté, depuis 1887, d'une somme de 300.000 fr. On a critiqué une semblable ouverture de crédit comme semblant devoir laisser trop de place à l'arbitraire du Résident, maître ainsi d'accroître à son gré telles ou telles dépenses; mais, à moins d'avoir la faculté de rectifier les évaluations en cours d'exercice et d'ouvrir des crédits supplémentaires, comment pourrait-on. pratiquement régler les dépenses ordinaires imprévues ?

Il ne suffit pas, pour un État, d'avoir un budget périodiquement établi et promulgué et des règles de perception rigoureusement déterminées ; il faut, pour assurer la marche régulière des services, les moyens de trésorerie, les disponibilités particulières grâce auxquelles le Gouvernement a la certitude de faire face à ses engagements, alors même que les rentrées subiraient des retards. On ne pouvait, en Tunisie comme dans la Métropole, recourir à

l'emprunt à court terme, puisque tout emprunt tunisien est soumis aux lenteurs, d'ailleurs salutaires, de la ratification par le Parlement français. De là, l'institution des « réserves du Trésor ». Les excédents budgétaires sont reportés à un compte dit des « réserves du Trésor », divisé en deux parties: le fonds de réserve proprement dit et le fonds des excédents disponibles.

Le fonds de réserve, constitué par un décret beylical du 21 juillet 1886, est plus spécialement affecté à parer à l'insuffisance éventuelle des recettes destinées à assurer le paiement des dépenses ordinaires du budget. Après avoir reçu une première dotation de 10.962.210 fr. 67, formée à l'aide des ressonrces disponibles de l'Administration antérieure au Protectorat et des sommes restées sans emploi sur la conversion de la Dette tunisienne 5 % en 1884, il s'est accru, en 1886, à titre de deuxième dotation, d'un prélèvement de 696.408 fr. 38 sur l'excédent des recettes de l'exercice 1903 (1), et, depuis lors, des revenus, intérêts et bénéfices des titres et valeurs acquis avec ces capitaux. Le 6 novembre 1896, ces revenus, intérêts et bénéfices, avaient atteint un total de 4.895.172 fr. 35 formant avec les dotations originaires, un actif de 16.553.791 fr. 41. Cet actif fut jugé hors de proportion avec les risques en vue desquels il avait été constitué. Un premier décret du 6 novembre 1896 le réduisit, avec l'autorisation du Gouvernement français, à 8.000.000 de francs, et un second décret du 25 avril 1900, pris également d'accord avec la Métropole, à 5.000.000 de francs; c'est à ce chiffre qu'il s'élève actuellement. Il est représenté par des rentes françaises 3%.

Les décrets des 6 novembre 1896 et 25 avril 1900 ont attribué au « Fonds des excédents disponibles » les portions d'actif non maintenues au « Fonds de réserve ».

Le « Fonds des excédents budgétaires » ou « des excédents disponibles » (2) a été constitué : 1o par les excédents budgétaires annuels, au total de 52.011.178 fr. 95; 2o par les capitaux (2.916.066 fr. 70) d'un compte spécial dit des dettes antérieures à l'exercice 1299 éteintes par la déchéance (3); 3° par les revenus, intérêts et bénéfices des réserves du Trésor postérieures au 31 juillet

(1) L'exercice financier tunisien, jusqu'en 1889, a emprunté son nom au millésime de l'année musulmane, au cours de laquelle il s'ouvrait. Il ne suivait, d'ailleurs, ni l'année grégorienne, ni l'année musulmane. Il avait pour base une période d'une année commençant le 13 octobre pour finir le 12 octobre de l'année suivante. Un décret beylical du 16 décembre 1890, dont les dispositions ont été empruntées à la loi française du 5 janvier 1889, a reporté le point de départ de l'exercice financier tunisien au désormais le nom.

or

1 janvier de l'année grégorienne, dont il doit prendre

(2) La première, dénomination a été en vigueur jusqu'au décret du 6 novembre 1896; la seconde a été inaugurée par ce décret.

(3) A son institution, le Protectorat pouvait craindre de se trouver exposé à des réclamations d'anciennes créances contre le gouvernement tunisien. Pour parer à ce danger, il a édicté une législation spéciale sur la déchéance des créanciers de l'État et, en attendant l'expiration du temps prévu pour cette déchéance, il a constitué, avec des disponibilités de l'ancienne administration, un fond d'assurance dit de dettes antérieures à l'exercice 1299, qui s'est accru encore des revenus de ces capitaux et qui, après avoir supporté le paiement des diverses dettes, possédait encore, lorsque la déchéance a été légalement acquise, un disponible de 2.916.063 f. 70, qui a été incorporé au fonds des excédents disponibles.

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