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qu'il aimoit et consoloit conme ses enfants, parce qu'il vous regardoit comme les meilleurs amis de son Dieu; et vous chrétiens, qui, devinant son noble cœur, lui prêtiez à l'envi votre concours, pour l'accomplissement des œuvres que la foi et la charité inspirent; et vous aussi, vierges consacrées au Seigneur, épouses de Jésus Christ, qu'il conduisoit d'une main si sûre dans les voies de la sainteté et à qui les doux accents de son éloquence donnoient un avant-goût des jouissances du ciel ; et vous encore, prètres infatigables, qu'il dirigeoit et soutenoit dans la carrière laborieuse mais glorieuse de l'enseignement; et vous surtout, qui partagiez avec lui le fardeau du ministère des âmes; et nous tous enfin, qui marchions à ses côtés et qu'il encourageoit par ses paroles et par ses exemples, nous sentons tout ce que nous avons perdu. D'autres regretteront le savant illustre, l'écrivain éminent, le grand homme dont la gloire réjaillissoit sur tous ceux qui eurent le bonheur de lui appartenir; pour nous, nous ne cesserons de répandre des larmes, au souvenir de notre guide, de notre bienfaiteur qui nous est ravi, du premier de nos amis, de notre père bien-aimé, qui n'est plus!

Hélas! ici ne s'arrête pas encore l'étendue du malheur qui nous a atteints. Dépouillés par la mort du noble objet de notre légitime fierté et de notre tendresse, nous devions perdre tout à la fois celui qui, comme Évèque, étoit, après Dieu, le principe de la sanctification et du salut de nos âmes. Que de bénédictions, répandues durant les quinze années de son apostolat, sur tous les points de son diocèse et sur chacune de ses ouailles! Que de prières, que de saints sacrifices offerts à Dieu pour nous et pour nos familles ! Que de pressants appels adressés aux pécheurs, que d'encouragements donnés aux justes! Quelle énergie pour maintenir et étendre le règne de Jésus Christ; quel indomptable courage pour soutenir jusqu'au bout la lutte et combattre les combats du Seigneur ! En un mot, que d'exemples de toutes les vertus sacerdotales, que de bonnes œuvres, que de nobles efforts de tout genre, pour nous préparer la voie et nous ouvrir les portes du ciel!

O le ciel, le beau ciel! Le ciel et Jésus, le ciel et Marie! Ce fut la préoccupation unique de sa vie, son aspiration constante, sa force et sa consolation à l'heure de la mort.

Que la pensée du ciel nous soutienne, à notre tour, N. T. C. F., au milieu de la tristesse qui nous accable. Pleurons, mais espérons. Tout. en laissant couler les larmes de nos amers regrets, de notre reconnoissance et de notre amour filial, levons, nous aussi, les yeux au ciel. Qui de nous connoissant la sainteté de sa vie et le long et douloureux martyre de sa maladie et de sa mort, oseroit douter que notre incomparable et saint Evêque y soit déjà, qu'il y règne, qu'il y jouit des récompenses réservées par Dieu à ses plus grands serviteurs Toutefois, la piété chrétienne et la piété filiale nous font un devoir de prier pour lui. Hâtons-nous donc, si cela étoit nécessaire, de lui prouver notre amour; et ne le quittons pas, avant de l'avoir introduit, par nos bonnes œuvres, par nos prières et saints sacrifices, dans le séjour de l'éternel bonheur. Et alors seulement, nous nous ré

jouirons avec lui de sa victoire, nous applaudirons à son triomphe. Mais par-dessus tout, nous le conjurerons de nous aimer toujours, de nous suivre partout du cœur et du regard; de se constituer, après Marie et Joseph, le protecteur de cette ville et de ce diocèse de Bruges, qu'il a tant aimés, des œuvres pieuses sans nombre qu'il y a fondées. Nous lui dirons enfin, par nos supplications incessantes, qu'il nous a laissés, nous orphelins, et son Eglise veuve, et que nous attendons de sa puissante intercession auprès de Dieu, nous un père, et son Eglise un nouveau pasteur, s'il est possible, digne de lui.

A ces causes, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit: 1o Un Service Funèbre pour le repos de l'âme de feu Sa Grandeur Mgr Jean-Baptiste Malou, sera célébré dans les églises paroissiales de la ville de Bruges, le Mercredi, 15 du mois d'Avril, lendemain du jour du Service solennel, célébré à la Cathédrale. Dans les autres églises et oratoires publics du diocèse, une Messse solennelle de Requiem avec le libera sera chantée aux mêmes fins, aussitôt que les rubriques le permettront.

2. A dater de la réception de ce présent mandement, jusqu'au jour du sacre du nouvel Evèque, on ajoutera aux collectes de la Sainte Messe, Salvis rubricis, comme première imperata, l'oraison De Spiritu Sancto; et l'on récitera, avant la messe principale des Dimanches et jours de fète, les litanies de la sainte Vierge, avec les prières qui suivent au rituel, en y ajoutant. Sub unica conclusione, l'oraison de saint Donatien, telle qu'on la dit aux suffrages.

Et sera le présent Mandement lu, dans toutes les églises et oratoires publics du diocèse, le Dimanche, qui en suivra la réception.

Donné à Bruges, sous notre seing, le sceau du Chapitre et le contreseing du Secrétaire de l'évêché, le 28 Mars 1864.

L. + S.

J. FAICT, VICAIRE CAPITULAIRE,

Par mandement de Mgr le Vicaire Capitulaire,
F. NOLF, Chan. Secrét.

MÉMOIRES

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE MON TEMPS,

PAR M. GUIZOT.

Tome VI. Paris 1864. Prix fr. 7-50

Ce nouveau volume de l'important ouvrage, dont nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos lecteurs, embrasse l'histoire du régime parlementaire français depuis la formation du ministère du 29 octobre 1840 dont M. Guizot fut le chef jusqu'à la clôture de la session de 1842. L'éminent homme d'Etat expose la série de succès que son ministère obtient pendant cette période sur les questions de politique

extérieure et intérieure. Que de légitimes espérances il fut alors en droit de concevoir sur la force et la durée de ce régime parlementaire qu'il travailloit si activement à fonder! Cependant jamais édifice politique ne fut plus fragile et ne fut plus rapidement emporté au premier souffle d'une révolution. M. Guizot ne vit pas que le gouvernement de juillet ne cessoit de s'affoiblir sous les apparences les plus brilJantes qui lui promettoient l'avenir; mais on ne peut lui reprocher ses illusions sur la solidité de l'œuvre politique à laquelle if devouoit sa vie; avant la catastrophe de 1848, il étoit difficile d'apercevoir le travail sourd des idées qui minaient la société, de mesurer la redoutable profondeur à laquelle ce mal s'étendoit, et de voir clairement le désordre qu'apportoient dans les âmes de funestes doctrines.

« L'âme et la vie des peuples, dit tristement M. Guizot, ont des profondeurs infinies où le jour ne pénètre que par des explosions imprévues et rien ne trompe plus sur ce qui s'y cache et s'y prépare qu'un succès à la surface et du moment.»>

M. Guizot indique rapidement les idées politiques, sociales et religieuses dont la fatale influence empêcha l'établissement en France d'un régime de liberté.

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Ces idées propagées sous des formes multiples, sous des noms divers, l'illustre écrivain les résume en ces termes: le droit universel des hommes au pouvoir politique; le droit universel des hommes au bien être social; l'unite et la souveraineté démocratiques; - la rivalité entre le peuple et la bourgeoisie succédant à la rivalité entre la bourgeoisie et la noblesse ; la science de la nature et le culte de l'humanité mis à la place de la foi religieuse et du culte de Dieu. On accuse souvent la liberté de la facile propagation des erreurs qui troublent et corrompent les âmes. Mais les bons esprits qui déplorent cette funeste propagande doivent avant tout se reprocher à eux-mêmes, de ne pas consacrer assez d'efforts pour la prévenir et pour la combattre ; les principes qui sont la sauvegarde de l'ordre, du droit, de la morale, de la paix s'affoiblissent au sein d'une société non pas tant par les attaques auxquelles ils sont en butte qne par la foiblesse de ceux qui devroient les défendre dans la presse, dans l'enseignement, dans la littérature et dans la science. C'est surtout par l'apathie des honnêtes gens que les mauvaises doctrines s'emparent des esprits; parmi ceux qui ont le plus pressant devoir de les combattre, qui s'effrayeroient le plus de voir se réaliser leurs conséquences sociales plusieurs gardent à leur égard un silence complaisant; d'autres par légèreté, aveuglement, intérèt ou faux calculs favorisent le succès des livres qui les propagent. M. Guizot constate le fait du défaut de résistance que rencontrèrent avant 1848 les idées qui ont produit la révolution; ceux même quifcomprenoient les principes qui pouvoient fonder en France un régime de liberté, les abandonnoient sans défense à toutes les attaques et à toutes les injures; si l'expérience de 1848 a dû les faire sortir de leur quiétude et les désabuser, elle n'a pas cependant eu des résultats bien durables; de nos jours comme avant 1848 on remarque chez un trés

grand nombre d'écrivains, de publicistes, de journalistes, d'hommes influents la même complaisance, le même aveuglement, la même inertie en présence de ce que M. Guizot appelle avec raison « d'énormes et détestables erreurs. »>

M. Guizot assigne diverses causes à ce fait caractéristique de l'indifférence avec laquelle les erreurs les plus dangereuses se propagent de nos jours sans éveiller l'inquiétude de ceux mêmes qui devroient être les défenseurs de l'ordre social.

Il faut bien le reconnoître, il règne dans beaucoup de consciences bien des nuages, bien des obscurités sur les plus grands problèmes de la vie humaine; les souffles du siècle leur apportent le doute sans y faire luire aucune lumière; ceux qui sont dominés par leurs hésitations et leurs incertitudes ne peuvent trouver le courage nécessaire pour lutter contre les mauvaises doctrines; ils manquent le plus souvent de pénétration pour voir leur fatale portée et leurs funestes conséquences.

« C'est dans la région intellectuelle même, dit M. Guizot, qu'il faut combattre les mauvais courants qui s'y élèvent; c'est la vérité qu'il faut opposer à l'erreur; ce sont les esprits sains qu'il faut mettre aux prises avec les esprits malades. Emportés, surmontés par les affaires de chaque jour, les dépositaires du pouvoir perdent souvent de vue cette part de leur tâche, et, satisfaits de vaincre dans l'arène politique, ils ne se préoccupent pas assez de la sphère morale dans laquelle ils ont aussi tant et de si grands combats à livrer. Nous n'avons pas été tout à fait exempts de cette faute ; nous n'avons pas pris assez de soins ni fait assez d'efforts pour soutenir dans la presse,dans les journaux, dans l'enseignement public, par des moyens de tout genre, une forte lutte contre les idées fausses que je viens de résu mer et qui assailloient sans relâche le gouvernement dont la garde nous étoit confiée. Un fait explique et excuse dans une certaine mesure cette lacune dans notre action; les champions nous manquoient pour une telle lutte. Contemporaines de notre grande révolution, nées dans son berceau ou de son souffle, les idées qu'il s'agissoit de combattre étoient encore, dans la plupart des esprits, implicitement admises et liées à sa cause. Les uns les regardoient comme nécessaires à la sûreté de ses conquêtes; les autres, comme ses conséquences naturelles et le gage de ses progrès futurs; d'autres y tenoient sans y penser, par routine et préjugé. On ne sait pas assez à quel point se sont étendues et à quelles profondeurs ont pénétré les racines des mauvaises théories philosophiques et politiques qui entravent si déplorablement aujourd'hui le progrès régulier des gouvernements libres et du bon état social. Même parmi les hommes qui, de 1830 à 1848, en sentoient l'erreur comme le péril, et qui, dans la pratique de chaque jour, en combattoient avec nous les conséquences, la plupart, et quelques-uns des plus éminents, ne remonLoient pas jusqu'à la source du mal et s'arrêtoient avant d'y atteindre, soit incertitude dans la pensée, soit crainte de venir en aide à la réaction vers l'ancien régime et le pouvoir absolu. La jeune génération aussi, élevée dans les ornières ou séduite par les nouvelles pers

pectives de la révolution, étoit peu disposée à entrer dans les voies plus laborieuses et plus lentes de la liberté sous la loi. Les philosophes étoient en proie aux mêmes perturbations, aux mêmes hésita tions que les politiques; l'école spiritualiste, qui avoit si brillamment et si utilement combattu les erreurs du siècle dernier, maintenoit honorablement son drapeau, mais sans y rallier les masses et sans pouvoir empêcher que beaucoup d'esprits distingués ne tombassent dans un matérialisme prétendu scientifique, tantôt ouvertement déclaré, tantôt déguisée sous le nom de panthéisme. En un tel état des faits, comment trouver, en assez grand nombre, des esprits assez sûrs de leur propre pensée et assez résolus pour proclamer et développer, tous les jours et sur tous les points, les vrais principes rationnels et moraux de ce gouvernement libre que, dans l'arène pulitique, nous travaillions à fonder? »

Parmi les fausses doctrines qui se répandirent alors M. Guizot signale celle de l'école positiviste ou critique de M. Comte et de ses disciples. Leur système c'est la négation absolue de toute religion; M. Guizot reconnoît cependant qu'avant 1848 cette idée étoient encore obscure et presqu'inaperçue; ce n'est qu'en ces derniers temps qu'elle est montée sur la scène et qu'elle a commencé à faire du bruit; elle n'a donc pas pu avoir une grande influence sous le gouvernement de Juillet; mais d'autres idées moins radicales préludoient à cette doctrine d'athéisme.

La religion étoit sans cesse attaquée au nom du libéralisme et de la démocratie et M. de Tocqueville, cet esprit si pénétrant et si sagace pouvoit à cette époque se considérer comme un libéral d'une espèce toute nouvelle parce qu'il vouloit professer un attachement profond pour la morale et les croyances religieuses (1). Ces croyances étoient en effet en butte aux attaques incessantes d'une dénigrante critique, d'une hostilité inquiète. On ne parloit de la foi et de l'influence ecclésiastique que pour les signaler comme une source d'erreurs et d'oppression, on les accusoit sans cesse d'avoir entravé la pensée et la liberté humaine; certains esprits, comme il en existe encore de nos jours, sembloient s'être condamnés à soulever toujours ces questions, à y chercher sans cesse un texte d'accusations, un sujet d'insulte; triste labeur qui répandoit partout cet amer désenchantement, ce scepticisme moral, cette tristesse du doute qui anéantissent l'énergie de l'âme et atteignent le sentiment religieux dans la source de sa vie. Le positivisme n'est que la conclusion naturelle de tant d'attaques, d'insultes, de railleries dont les croyances religieuses avoient été l'objet : ce système en

(1) V. l'article sur les lettres inédites de M. de Tocqueville, Journ. hist., T. 37, page 592.

«Je professerai, disait M. de Tocqueville, un si grand respect pour la justice, un sentiment si vrai d'amour de l'ordre et du bien, un attachement si profond si raisonné pour la morale et les croyances religieuses que je ne puis croire qu'on n'aperçoive pas nettement en moi un libéral d'une espèce nouvelle et qu'on me confonde avec la plupart des démocrates de nos jours. >>

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