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qui est Dieu. Donc nous ne sommes point athées puisque nous proclamons Dieu. Ainsi parloit Hegel, et quelquefois M. Renan. >>

Ainsi ces écrivains font les plus inimaginables efforts pour maintenir comme vêtement nécessaire le nom de Dieu et l'idée de Dieu, tout en niant l'être de Dieu et l'existence de Dieu ?» Est-ce parce que, en habiles calculateurs, ils comprennent que le hideux aspect de l'athéisme franchement avoué éloigneroit d'eux tous les esprits? Est-ce que le fond de leur doctrine les effraye eux-mêmes, de sorte qu'ils cherchent à s'en dissimuler les abîmes? Le P. Gratry dans sa généreuse charité présente un autre motif de cette contradiction. Tous ces écrivains manifestent un ardent amour de la science, de la vérité, de la liberté, ils enseignent à pratiquer le devoir le sacrifice, le dévouement, à s'y rattacher comme à une certitude qui ne trompe jamais; en invoquant ces sentiments, en les exprimant éloquemment, le nom de Dieu se trouve sur leurs lèvres, en dépit même de leur système. Dans tous les temps on voit toutes les vertus qu'une société produit, intimement rattachées aux idées religieuses qui y règnent; et le cœur humain dans toutes ses hautes aspirations, dans tous ses généreux mouvements se sent saisi, comme par une force invincible, de l'idée de Dieu. « Ils disent dans leurs écrits, fait observer le P. Gratry, ils disent dans leur esprit, il n'y a pas de Dieu; mais ils ne le disent pas dans leur cœur. »

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C'est à eux que je pourrois dire: vous croyez au devoir et au droit, à la justice, à la liberté, à la nécessité du dévouement, du travail pour vos frères; donc votre âme en cela tient à Dieu...

Relisez, par exemple, certaines pages de M. Vacherot, pleines d'éloquence et de chaleur, où il prétend démontrer Dieu, parler à Dieu, adorer Dieu. Qu'on lise les pages où M. Littré parle de la sainteté du devoir, de l'amour sacré, du dévouement religieux avec lequel l'individu, sans attendre de récompense, doit travailler pendant sa vie entière, et se sacrifier tout entier pour le bien de l'humanité à venir. Ces hommes-là disent dans leur esprit : il n'y a pas de Dieu; encore une fois, ils ne le disent pas dans leur cœur. Ils ne sont pas cet insensé qui a dit dans son cœur: il n'y a point de Dieu. Eux n'ont pas dit cela dans leur cœur, mais seulement dans leur esprit. »>

Toute cette secte de sophistes et d'athées travaille ardemment à détruire la croyance en la divinité de Jésus-Christ.

Pascal, en exposant les crédulités de l'incrédule, s'écrioit qu'il étoit glorieux à la religion d'avoir de tels ennemis, et c'est assurément un honneur pour les chrétiens de nos jours de voir leur croyance attaquée par ceux qui cherchent à détruire la raison et la notion du Dieu vivant.

Le R. P. Gratry aborde ensuite l'examen de l'ouvrage de M. Renan, il y signale des fautes et des contradictions qui témoignent de la légèreté avec laquelle ce livre a été écrit ; l'Allemagne savante l'a

considéré comme un roman; le portrait que M. Renan a tracé de Jésus est un portrait de fantaisie reposant sur des conjectures, mais la science ne peut procéder de cette manière à l'égard du plus grand fait historique qu'ait vu le monde ; et c'est assurément rabaisser ce grand sujet que d'y chercher un texte de nuances destinées à plaire aux esprits rafinés et délicats.

La doctrine du sophisme, l'habitude de professer la vérité des contradictoires, et de réunir en les nuançant des idées contraires en une même affirmation, donnent à la pensée une duplicité qui se traduit nécessairement dans le style; le P. Gratry en trouve plusieurs exemples dans l'ouvrage de M. Renan. Ainsi après avoir dit que la Galilée, à l'époque de Jésus, étoit une sorte de vaste fournaise où s'agitoient les éléments les plus divers, il ajoutera un peu plus loin: Ce joli pays... surabondoit à l'époque de Jésus de bien-être et de gaieté.... »

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M. Renan se pose comme l'admirateur et le vrai continuateur de Jésus; ses critiques, ses outrages mêmes, il les glisse en les atténuant, en les dissimulant le plus possible, en les cachant parfois à côté de grands élans d'admiration; il y a donc dans son livre deux courants d'idées, d'une part M. Renan admire Jésus, de l'autre il le rabaisse ; il mêle le respect aux outrages; ces deux ordres de sentiments contraires qui règnent dans tout l'ouvrage, ont été mis au jour par le P. Gratry avec une netteté qui ne laisse rien à désirer :

« Voici les deux tons du livre. L'Evangile n'a-t-il pas tout prévu? Ecoutez: « Ils lui disoient: salut, ô roi des juifs, et ils lui donnoient » des soufflets: Et dicebant: Ave, rex judaeorum, et dabant ei ala» pas. » Ce sont là les deux tons du livre: le salut : les soufflets!! Mais, à vrai dire, les grossiers soldats qui insultoient Jésus n'avoient qu'un ton, car ils disoient: Salut! du ton de la plus grossière ironie, et les soufflets s'accordoient avec le salut. Ici, il est incontestable que M. Renan salue parfois Notre-Seigneur Jésus d'un ton sérieux, respectueux et pénétré. Cela ne peut pas être méconnu. Ainsi, lorsqu'un instant après il l'injurie ou le soufflette, on peut dire qu'il n'y a jamais eu de plus odieux et de plus horrible mélange !..... › Après avoir parfaitement séparé dans M. Renan les deux ordres d'idées qui y régnent relativement à la personne de Jésus, le Père Gratry ajoute :

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« J'aperçois depuis quelques jours, un touchant phénomène. La vie de Jésus, ce tissu de contradictions et d'erreurs, ce livre plein d'outrages pour Jésus-Christ, renferme dix ou douze pages d'admiration, d'hommages et de respect pour sa beauté. Dans ces lignes on voit briller, quoique bien réduits et flétris, quelques-uns des traits de Jésus. Eh bien! voici que je rencontre plusieurs àmes qui, dans tout le livre, n'ont compris et vu que cela. L'éclat divin des traits de Jésus-Christ a, pour elles, effacé tout le reste. Le reste à leurs yeux n'y est pas. Et de fait, si ces quelques traits sont les vrais

traits du Christ, le reste ne subsiste pas. L'esprit n'accepte pas, et ne porte pas en même temps les contraires. La disjonction des carac tères s'opère dans l'esprit des lecteurs plus nettement qu'elle n'est opérée dans le livre. Les uns voient et approuvent les outrages, les autres l'admiration et la vénération. Nul ne conçoit les deux ensemble. »

(La suite à la prochaine livraison.)

DES RITES ORIENTAUX.

RITUS ORIENTALIUM coptornm, syrorum et armenorum, IN ADMINISTRANDIS SACRAMENTIS EX Assemanis, Renaudotio, Trombellio, aliisque fontibus authenticis collectos, prolegomenis notisque criticis et exegeticis instructos, concurrentibus non nullis theologis ac linguarum orientalium peritis edidit HENRICUS DENZINGER. Phil. et S Theol. doctor et in universitate Wizceburgensi theologiæ dogmaticæ professor publ. ord. Wizceburgi typis et sumptibus stahelianis 1863-4864. 2 vol. grand in-8°.

Les sectes dissidentes de l'Orient qui se sont séparées de l'Eglise mère dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, présentent cette particularité qu'elles ont conservé avec un soin jaloux certains rites, certaines cérémonies qui n'étoient pas directement opposés à l'erreur spéciale qui avoit déterminé teur schisme.

Il en résulte que l'étude de ces rites présente une double utilité. D'une part elle peut aider puissamment au rétablissement de l'union si malheureusement rompue depuis environ quatorze siècles: d'antre part elle fournit un argument plein de force pour prouver la fixité et la perpétuité de la tradition de l'église catholique en ce qui concerne le dogme de l'eucharistie, et les autres sacrements, la vénération des saints et des reliques, le purgatoire, la prière pour les morts, etc. Puisque les églises orientales n'ont plus rien emprunté de l'église catholique depuis leur séparation au Ve siècle, car elles sont monophysites et nestoriennes, on a le droit de conclure que les doctrines qu'elles ont retenues sur les points que nous venons d'énumérer étoient généralement admises à l'époque de cette sépa

ration.

Les liturgies (messes) des orientaux avoient été publiées par Renaudot, Lebrun et d'autres mais jusqu'ici personne n'avoit donné la collection complète des rites pour l'administration des Sacrements. Un travail de ce genre avoit été commencé au XVI° siècle, mais il n'avoit pas été poussé jusqu'au bout: Asseman le jeune n'avoit pu éditer qu'une partie de son Codex liturgicus ecclesiæ universo. Le travail de M. Denzinger a consisté principalement dans la réunion et la mise en ordre des documents relatifs aux sacrements de pénitence, du mariage et des ordres pour quatre nations: 1° les

coptes monophysites avec les abyssiniens ou éthiopiens soumis à l'église d'Alexandrie; 2° les syriens monophysites; les syriens nestoriens ou chaldéens; 4° les arméniens monophysites.

On peut se faire une idée des efforts persévérants que le savant professeur de l'université de Wurzbourg a dû faire pour réunir ces intéressants documents.

M. Denzinger a puisé à des sources très-différentes et il a eu l'heureuse chance de faire de véritables découvertes. Il s'est procuré à Constantinople le rituel des arméniens, le seul qui ait été imprimé. Il a compulsé, à la bibliothèque impériale de Paris les travaux de Renaudot qu'on y conserve en manuscrit. La bibliothèque du Vatican lui a fourni des pièces très-intéressantes.

L'auteur a fait suivre l'exposé du rite de chaque sacrement de dissertations plus ou moins étendues et il y a inséré les notices qu'il a pu recueillir dans les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, dans les relations des voyageurs, enfin dans les canons des nations elles

inêmes.

DERNIÈRES SEMAINES LITTÉRAIRES

PAR ARMAND DE PONTMARTIN.

Paris 4864. Prix 3 frs.

C'est toujours avec charme que l'on passe en revue avec M. de Pontmartin la série des ouvrages récents qui ont marqué dans le monde littéraire. Les dernières semaines qui forment le neuvième volume de critique de l'élégant et spirituel écrivain renferment des études sur des auteurs considérables; on y rencontre successivement les noms de M. Guizot auquel il a voué une sympathique admiration; de M. de Lamartine dont il a parfaitement apprécié la douce, noble et idylique fiction de Fior d'Aliza ; d'Eugénie de Guérin dont il n'a peut-être pas mesuré exactement la supériorité; de Maurice de Guérin qu'il à mieux senti et compris ; d'Alfred de Vigny, qui survécut à son talent pendant les longues années ou le chantre d'Eloa abandonna ses premières inspirations; de Mine Schwetchine dont il admire plus les écrits qu'il ne semble les goûter, malgré l'ingéniosité suprême » qu'il y signale; de M. Louis Veuillot qu'il conjure d'une manière pathétique de revenir à la liberté :

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Il est, dit-il plus facile d'en médire que de se passer d'elle, plus dangereux de contribuer à sa ruine que de pardonner à ses fautes. La vérité vous compte parmi ses défenseurs les plus dévoués, les plus éloquents, les plus énergiques: eh bien! croyez-en le moins im

peccable, hélas! mais le plus sincère de vos admirateurs et de vos amis. Cette vérité que vous aimez tant et que vous servez avec une si généreuse ardeur n'est jamais mieux défendue que lorsqu'elle a à sa gauche le plus grand bienfait, à sa droite la plus grande vertu du christianisme: la liberté et la charité. »

M. Renan, Victor Hugo et Georges Sand appellent le critique sur le terrain des brûlantes questions religieuses et sociales qui soulèvent de nos jours tant d'émotions. M. de Pontmartin ne cherche pas à faire connoître d'une manière complète les ouvrages qu'il examine, il ne taille pas dans le vif des portraits littéraires, son talent consiste à effleurer avec autant de grâce que de charme et de vivacité tous les sujets, il n'enfonce pas le trait, ne va pas chercher dans les profondeurs de la pensée des vérités cachées, mais il glisse agréablement sur la surface des idées. Il aime à reprendre et à traiter à sa manière le sujet des ouvrages qu'il examine, ses appréciations sont ordinairement bienveillantes; mais quand il s'abandonne à sa critique il sait être singulièrement incisif et mordant, et mettre une ardeur entraînante dans ses attaques. Sa polémique avec M. SainteBeuve lui a donné l'occasion de montrer tout son talent; les deux critiques en se déchirant à belles dents sous les yeux du public ont déployé toute la souplesse, toute la finesse, toutes les ressources de leur esprit. A ceux qui veulent faire de la polémique avec de gros mots, ces pages de M. de Pontmartin rapprochées de celles de M. Sainte Beuve pourront apprendre que la meilleure manière d'accabler un adversaire c'est de ne pas l'injurier, et que les formes les plus littéraires et les plus agréables rendent les sarcasmes plus déchirants et les épigrammes plus pénétrantes.

DE L'INFLUENCE DE LA PRESSE

SUR LA POLITIQUE DANS L'ÉTAT ACTUEL DE LA SOCIÉTÉ.

La presse a acquis de nos jours un prodigieux développement, il importe de savoir mesurer exactement sa puissance et de connoître son influence sur la société. On l'a souvent considérée comme une force prédominante, mattresse des destinées des nations; on a dit que c'étoit dans l'Etat un quatrième pouvoir, représentant la raison publique. dont tous les autres pouvoirs relevoient; et des esprits qui prennent des métaphores pour des réalités se sont accoutu

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