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nous ont entretenus, jusqu'à ce que nous parvenions au nom qui nous a inspiré cette confiance.

Les impressions reçues dans l'enfance, se conservent jusque dans l'extrême vieillesse, et se renouvellent alors même que des impressions profondes de l'âge mûr sont entièrement effacées. Il semble que les premières impressions gravées profondément dans le sensorium, n'attendent pour re paraître, que l'affaiblissement des impressions subséquentes, par l'âge ou par la maladie: à peu près comme les astres qu'effaçait la clarté du jour se montrent dans la nuit ou dans les éclipses de soleil.

Les traces de la mémoire acquièrent de l'intensité, par l'effet du temps et à notre insu. Les choses que l'on apprend, le soir, se gravent dans le sensorium pendant le sommeil, et se retiennent facilement par ce moyen. J'ai observé plusieurs fois, qu'en cessant de penser pendant quelques jours, à des matières très-compliquées, elles me devenaient faciles, lorsque je les considérais de nouveau.

Si nous revoyons un objet qui nous avait frappés par sa grandeur, long-temps après que la vue fréquente d'objets du même genre, beaucoup plus grands, a di̟minué l'impression de grandeur qu'ils font éprouver, nous sommes surpris de le trouver fort au-dessous de son impression conservée dans la mémoire.

Quelques hommes sont doués d'une mémoire prodigieuse. L'exactitude avec laquelle ils répètent de longs discours qu'ils viennent d'entendre, nous étonne. Mais lorsqu'on réfléchit à tout ce que renferme la mémoire de la plupart des hommes, on est bien plus étonné que tant de choses y soient placées sans confusion. Considérez un chanteur sur la scène : sa mémoire lui rappelle chaque mot de son rôle, le ton, la mesure et le geste qui doivent l'accompagner. Un nouveau rôle suc

cède-t-il au premier, celui-ci semble comme effacé de sa mémoire qui retrace, dans l'orde convenable, toutes les parties du second rôle, et qui rappellerait, de la même manière, les divers rôles que le chanteur a étudiés. Ces traces dont le nombre est immense, ou du moins les dispositions propres à les faire naître, existent à la fois dans son sensorium sans se confondre, et l'acteur peut les rappeler à sa volonté. Je dois répéter ici, que par les mots, trace, image, vibrations, etc., je n'entends exprimer que des phénomènes du sensorium, sans rien affirmer sur leur nature et sur leurs causes; comme en mécanique, on n'exprime que des effets, par les mots force, attraction, affinite, etc.

Les opérations du sensorium et les mouvemens qu'il fait exécuter, deviennent plus faciles et comme naturels, par de fréquentes répétitions. De ce principe psychologique découlent nos habitudes. En se combinant avec la sympathie, il produit les coutumes, les mœurs et leurs étranges variétés. Il fait qu'une chose généralement reçue chez un peuple, est regardée par un autre avec horreur. Les combats de gladiateurs, dont les Romains aimaient passionnément le spectacle, et les sacrifices humains qui souillent les annales des nations, nous paraîtraient horribles. Quand on considère l'état déplorable des esclaves, l'avilissement des Parias dans l'Inde, et l'absurdité de tant de croyances contraires à la raison et au témoignage de tous nos sens, on est affligé de voir jusqu'à quel point l'habitude de l'esclavage et les préjugés ont dégradé l'espèce humaine.

Cette disposition que la fréquence des répétitions donne au sensorium, rend très-difficile la distinction des habitudes acquises, d'avec les penchans qui, dans l'homme, tiennent à son organisation; car il est natu

rel de penser que l'instinct si étendu et si puissant chez les animaux, n'est pas nul dans l'espèce humaine, et que l'attachement d'une mère à son enfant en dérive. La double influence de l'habitude et de la sympathie, modifie ces penchans: souvent elle les fortifie, quelquefois elle les dénature au point de leur substituer des penchans contraires.

Plusieurs observations faites sur l'homme et sur les animaux, et qu'il est bien important de continuer, portent à croire que les modifications du sensorium, auxquelles l'habitude a donné une grande consistance, se transmettent des pères aux enfans par voie de génération, comme plusieurs dispositions organiques. Une disposition originelle à tous les mouvemens extérieurs et intérieurs qui accompagnent les actes habituels, explique, de la manière la plus simple, l'empire que les habitudes enracinées par les siècles exercent sur tout un peuple, et la facilité de leur communication aux enfans, lors même qu'elles sont les plus contraires à la raison et aux droits imprescriptibles de la nature humaine.

La facilité qu'un exercice fréquent donne aux organes, est telle qu'ils continuent souvent d'eux-mêmes les mouvemens que la volonté leur imprime. Lorsqu'en marchant, nous sommes fortement occupés d'une idée, la cause qui renouvelle à chaque instant notre mouvement, agit sans le concours de notre volonté, et sans que nous en ayons la conscience. On a vu des personnes surprises en marchant par le sommeil, continuer leur route et ne se réveiller que par la rencontre d'un obstacle. Il paraît qu'en vertu d'une disposition que la volonté de marcher donne au système moteur, la marche continue; à peu près comme le mouvement d'une montre est entretenu par le développement de son res

sort spiral. Un dérangement dans l'économie animale peut produire cette disposition. Alors la marche est involontaire, et je tiens d'un médecin éclairé, que dans une maladie de ce genre qu'il avait traitée, le malade ne pouvait s'arrêter, qu'en se retenant à un point fixe. Les observations des maladies peuvent ainsi répandre un grand jour sur la Psychologie, quand les médecins joignent aux connaissances de leur art et des sciences accessoires, l'esprit d'exactitude et de critiqne que donne l'étude des Mathématiques et spécialement de la science des probabilités.

Le sensorium peut recevoir des impressions trop faibles pour être senties, mais suffisantes pour déterminer des actions dont nous ignorons la cause. Barbeu-Dubourg, traducteur français des OEuvres de Franklin, rapporte, dans sa traduction, le fait suivant qu'il tenait d'un marchand de Paris : « Un jour, dit-il, que cet » honnête homme marchait dans les rues de Saint-Ger» main, songeant à des affaires fort sérieuses, il ne put s'empêcher de moduler tout bas, chemin faisant, l'air » d'une ancienne chanson qu'il avait oubliée depuis » bien des années. Arrivé à deux cents de là, pas il com

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» mença à entendre dans la place publique, un aveugle jouer ce même air sur son violon; et il imagina que » c'était une perception légère, une semi-perception du » son de cet instrument, affaibli par l'éloignement, qui » avait monté ses organes sur ce ton, d'une manière » insensible à lui-même. Il assure que depuis ce temps, » il s'est donné souvent le plaisir de suggérer des airs à » son gré à un atelier d'ouvrières, sans pouvoir être » entendu d'elles. Lorsqu'il cessait un moment de les » entendre chanter, il fredonnait tout bas l'air qu'il >> voulait qu'elles chantassent, et cela ne manquait pres

» que jamais de leur arriver, sans qu'elles l'eussent » sensiblement entendu, ou qu'aucune d'elles s'en dou » tất. »

D'après ce que nous avons dit sur l'influence réciproque des traces du sensorium, on conçoit que la musique, par de fréquentes répétitions, peut communiqur à nos mouvemens, la régularité de sa mesure. C'est ce que l'on observe dans la danse et dans divers exercices où la précision des mouvemens ainsi régularisés, nous semble extraordinaire. Par cette régularité, la musique rend généralement plus faciles, les mouvemens que plusieurs personnes exécutent à la fois.

Un phénomène psychologique très-remarquable, est la grande influence de l'attention sur les traces du sensorium: elle les grave profondément dans la mémoire ; et elle en accroît la vivacité, en même temps qu'elle affaiblit les impressions concomitantes. Si nous regardons fixement un objet, pour y démêler quelques particularités, l'attention peut nous rendre insensibles aux impressions que d'autres objets font en même temps sur la rétine. Par elle, les images des choses que nous voulons comparer, acquièrent l'intensité nécessaire pour que leurs rapports occupent seuls notre pensée. Elle réveille les traces de la mémoire, qui peuvent servir à cette comparaison; et par là elle devient le plus puissant ressort de l'intelligence humaine.

L'attention donnée fréquemment à une qualité particulière des objets, finit par douer les organes, d'une exquise sensibilité qui fait reconnaître cette qualité, lorsqu'elle devient insensible au commun des hommes.

Ces principes expliquent les singuliers effets des panoramas. Quand les règles de la perspective y sont bien observées, les objets se peignent sur la rétine, comme

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