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considérablement ces différences, en jetant dans une seconde urne, ces numéros suivant leur ordre de sortie de la première urne, et en agitant ensuite cette seconde urne pour mêler ces numéros. Une troisième urne, une quatrième, etc., diminueraient de plus en plus ces différences déjà insensibles dans la seconde urne.

Des Lois de la Probabilité, qui résultent de la multiplication indéfinie des événemens.

Au milieu des causes variables et inconnues que nous comprenons sous le nom de hasard, et qui rendent incertaine et irrégulière, la marche des événemens, on voit naître à mesure qu'ils se multiplient, une régularité frappante qui semble tenir à un dessein, et que l'on a considérée comme une preuve de la providence. Mais en y réfléchissant, on reconnaît bientôt que cette régularité n'est que le développement des possibilités respectives des événemens simples qui doivent se présenter plus souvent, lorsqu'ils sont plus probables. Concevons, par exemple, une urne qui renferme des boules blanches et des boules noires, et supposons qu'à chaque fois que l'on en tire une boule, on la remette dans l'urne pour procéder à un nouveau tirage. Le rapport du nombre des boules blanches extraites, au nombre des boules noires extraites, sera le plus souvent très-irrégulier dans les premiers tirages; mais les causes variables de cette irrégularité, produisent des effets alternativement favorables et contraires à la marche régulière des événemens, et qui se détruisant mutuellement dans l'ensemble d'un grand nombre de tirages, laissent de plus en plus apercevoir le rapport des boules blanches aux boules noires contenues dans l'urne, ou les possi

bilités respectives d'en extraire une boule blanche ou une boule noire à chaque tirage. De là résulte le théorème suivant.

La probabilité que le rapport du nombre des boules blanches extraites, au nombre total des boules sorties, ne s'écarte pas au-delà d'un intervalle donné, du rapport du nombre des boules blanches, au nombre total des boules contenues dans l'urne, approche indéfiniment de la certitude, par la multiplication indéfinie des événemens, quelque petit que l'on suppose cet intervalle.

Ce théorème indiqué par le bon sens, était difficile à démontrer par l'Analyse. Aussi l'illustre géomètre Jacques Bernouilli qui s'en est occupé le premier, attachaitil une grande importance à la démonstration qu'il en a donnée. Le calcul des fonctions génératrices, appliqué à cet objet, non-seulement démontre avec facilité ce théorème; mais de plus il donne la probabilité que le rapport des événemens observés, ne s'écarte que dans certaines limites, du vrai rapport de leurs possibilités respectives.

On peut tirer du théorème précédent, cette conséquence qui doit être regardée comme une loi générale, savoir, que les rapports des effets de la nature, sont à fort peu près constans, quand ces effets sont considérés en grand nombre. Ainsi, malgré la variété des années, la somme des productions pendant un nombre d'années considérable, est sensiblement la même; en sorte que l'homme, par une utile prévoyance, peut se mettre à l'abri de l'irrégularité des saisons, en répandant également sur tous les temps, les biens que la nature distribue d'une manière inégale. Je n'excepte pas de la loi précédente, les effets dus aux causes morales. Le rapport des naissances annuelles à la population, et celui

des mariages aux naissances, n'éprouvent que de trèspetites variations à Paris, le nombre des naissances annuelles est à peu près le même ; et j'ai ouï dire qu'à la poste, dans les temps ordinaires, le nombre des lettres mises au rebut par les défauts des adresses, change peu, chaque année; ce qui a été pareillement observé à Londres.

Il suit encore de ce théorème, que dans une série d'événemens, indéfiniment prolongée, l'action des causes régulières et constantes doit l'emporter, à la longue, sur celle des causes irrégulières. C'est ce qui rend les gains des loteries, aussi certains que les produits de l'agriculture; les chances qu'elles se réservent, leur assurant un bénéfice dans l'ensemble d'un grand nombre de mises. Ainsi des chances favorables et nombreuses étant constamment attachées à l'observation des principes éternels de raison, de justice et d'humanité, qui fondent et maintiennent les sociétés, il y a grand avantage à se conformer à ces principes, et de graves inconvéniens à s'en écarter. Que l'on consulte les histoires et sa propre expérience, on y verra tous les faits venir à l'appui de ce résultat du calcul. Considérez les heureux effets des institutions fondées sur la raison et sur les droits naturels de l'homme, chez les peuples qui ont su les établir et les conserver. Considérez encore les avantages que la bonne foi a procurés aux gouvernemens qui en ont fait la base de leur conduite, et comme ils ont été dédommagés des sacrifices qu'une scrupuleuse exactitude à tenir ses engagemens leur a coûté. Quel immense crédit au dedans! quelle prépondérance au dehors! Voyez au contraire, dans quel abîme de malheurs les peuples ont été souvent précipités par l'ambition et par la perfidie de leurs chefs. Toutes les fois qu'une grande puis

sance enivrée de l'amour des conquêtes, aspire à la domination universelle, le sentiment de l'indépendance produit entre les nations menacées, une coalition dont elle devient presque toujours la victime. Pareillement, au milieu des causes variables qui étendent ou qui resserrent les divers états, les limites naturelles, en agissant comme causes constantes, doivent finir par prévaloir. Il importe donc à la stabilité comme au bonheur des empires, de ne pas les étendre au-delà de ces limites dans lesquelles ils sont ramenés sans cesse par l'action de ces causes; ainsi que les eaux des mers, soulevées par de violentes tempêtes, retombent dans leurs bassins par la pesanteur. C'est encore un résultat du calcul des probabilités, confirmé par de nombreuses et funestes expériences. L'histoire traitée sous le point de vue de l'influence des causes constantes, unirait à l'intérêt de la curiosité, celui d'offrir aux hommes les plus utiles leçons. Quelquefois on attribue les effets inévitables de ces causes, à des circonstances accidentelles qui n'ont fait que développer leur action. Il est, par exemple, contre la nature des choses, qu'un peuple soit à jamais gouverné par un autre qu'une vaste mer ou une grande distance en sépare. On peut affirmer qu'à la longue, cette cause constante se joignant sans cesse aux causes variables qui agissent dans le même sens, et que la suite des temps développe, finira par en trouver d'assez fortes pour rendre au peuple soumis, son indépendance naturelle, ou pour le réunir à un état puissant qui lui soit contigu.

Dans un grand nombre de cas, et ce sont les plus importans de l'Analyse des hasards, les possibilités des événemens simples sont inconnues, et nous sommes réduits à chercher dans les événemens passés, des indices

qui puissent nous guider dans nos conjectures sur les causes dont ils dépendent. En appliquant l'Analyse des fonctions génératrices, au principe exposé ci-devant, sur la probabilité des causes, tirée des événemens observés, on est conduit au théorème suivant.

Lorsqu'un événement simple ou composé de plusieurs événemens simples, tel qu'une partie de jeu, a été rẻpété un grand nombre de fois ; les possibilités des événemens simples qui rendent ce que l'on a observé, le plus probable, sont celles que l'observation indique avec le plus de vraisemblance : à mesure que l'événement observé se répète, cette vraisemblance augmente et finirait par se confondre avec la certitude, si le nombre des répétitions devenait infini.

Il

:

y a ici deux sortes d'approximations : l'une d'elles est relative aux limites prises de part et d'autre, des possibilités qui donnent au passé le plus de vraisemblance l'autre approximation se rapporte à la probabilité que ces possibilités tombent dans ces limites. La répétition de l'événement composé accroît de plus en plus cette probabilité, les limites restant les mêmes : elle resserre de plus en plus l'intervalle de ces limites, la probabilité restant la même : dans l'infini, cet intervalle devient nul, et la probabilité se change en certitude.

Si l'on applique ce théorème, au rapport des naissances des garçons à celles des filles, observé dans les diverses contrées de l'Europe, on trouve que ce rapport, partout à peu près égal à celui de 22 à 21, indique avec une extrême probabilité, une plus grande facilité dans les naissances des garçons. En considérant ensuite qu'il est le même à Naples et à Pétersbourg, on verra qu'à cet égard, l'influence du climat est insensible. On pouvait donc soupçonner, contre l'opinion commune, que cette

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