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supériorité des naissances masculines subsiste dans l'Orient même. J'avais en conséquence invité les savans français envoyés en Égypte, à s'occuper de cette question intéressante; mais la difficulté d'obtenir des renseignemens précis sur les naissances, ne leur a pas permis de la résoudre. Heureusement, M. de Humboldt n'a point négligé cet objet dans l'immensité des choses nouvelles qu'il a observées et recueillies en Amérique, avec tant de sagacité, de constance et de courage. Il a retrouvé entre les tropiques, le même rapport des naissances des garçons à celles des filles que l'on observe à Paris ; ce qui doit faire regarder la supériorité des naissances masculines, comme une loi générale de l'espèce humaine. Les lois que suivent, à cet égard, les diverses espèces d'animaux, me paraissent dignes de l'attention des naturalistes.

Le rapport des naissances des garçons à celles des filles, différant très-peu de l'unité, des nombres même assez grands de naissances observées dans un lieu, pourraient offrir, à cet égard, un résultat contraire à la loi générale, sans que l'on fût en droit d'en conclure que cette loi n'y existe pas. Pour tirer cette conséquence, il faut employer de très-grands nombres, et s'assurer qu'elle est indiquée avec une grande probabilité. Buffon cite, par exemple, dans son Arithmétique politique, plusieurs communes de Bourgogne, où les naissances des filles ont surpassé celles des garçons. Parmi ces communes, celle de Carcelle-le-Grignon présente sur 2009 naissances pendant cinq années, 1026 filles et 983 garçons. Quoique ces nombres soient considérables, cependant ils n'indiquent une plus grande possibilité dans les naissances des filles, qu'avec la probabilité; et cette probabilité plus petite que celle de ne pas amener

croix quatre fois de suite, au jeu de croix ou pile, n'est pas suffisante pour rechercher la cause de cette anomalie qui, selon toute vraisemblance, disparaîtrait, si l'on suivait, pendant un siècle, les naissances dans cette

commune.

Les registres des naissances, que l'on tient avec soin pour assurer l'état des citoyens, peuvent servir à déterminer la population d'un grand empire, sans recourir au dénombrement de ses habitans, opération pénible et difficile à faire avec exactitude. Mais il faut pour cela, connaître le rapport de la population aux naissances annuelles. Le moyen d'y parvenir, le plus précis, consiste 1o à choisir dans l'empire, des départemens distribués d'une manière à peu près égale sur toute sa surface, afin de rendre le résultat général, indépendant des circonstances locales; 2° à dénombrer avec soin, pour une époque donnée, les habitans de plusieurs communes dans chacun de ces départemens; 3o à déterminer par le relevé des naissances durant plusieurs années qui précèdent et suivent cette époque, le nombre moyen correspondant des naissances annuelles. Ce nombre divisé par celui des habitans, donnera le rapport des naissances annuelles à la population, d'une manière d'autant plus sûre, que le dénombrement sera plus considérable. Le gouvernement convaincu de l'utilité d'un semblable dénombrement, a bien voulu en ordonner l'exécution, à ma prière. Dans trente départemens répandus également sur toute la France, on a fait choix des communes qui pouvaient fournir les renseignemens les plus précis. Leurs dénombremens ont donné 2037615 individus pour la somme totale de leurs habitans au 23 septembre 1802. Le relevé des naissances dans ces communes pendant les années 1800, 1801 et 1802, a donné le résultat suivant.

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Le rapport de la population aux naissances annuelles est donc 28 55845: il est plus grand qu'on ne l'avait estimé jusqu'ici. En multipliant, par ce rapport, le nombre des naissances annuelles en France, on aura la population de ce royaume. Mais quelle est la probabilité que la population, ainsi déterminée, ne s'écartera pas de la véritable, au-delà d'une limite donnée ? En résolvant ce problème, et appliquant à sa solution les données précédentes, j'ai trouvé que le nombre des naissances annuelles en France, étant supposé d'un million, ce qui porte sa population à 28352845 habitans, il y a près de trois cent mille à parier contre un, que l'erreur de ce résultat n'est pas d'un demi-million.

Le rapport des naissances des garçons à celles des filles, qu'offre le relevé précédent, est celui de 22 à 21; et les mariages sont aux naissances, comme trois est à quatorze.

A Paris, les baptêmes des enfans des deux sexes s'écartent un peu du rapport de 22 à 21. Depuis 1745, époque à laquelle on a commencé à distinguer les sexes sur les registres des naissances, jusqu'à la fin de 1784, on a baptisé, dans cette capitale, 393386 garçons et 377555 filles. Le rapport de ces deux nombres est à peu près celui de 25 à 24; il paraît donc qu'à Paris, une cause particulière rapproche de l'égalité, les baptêmes des deux sexes. Si l'on applique à cet objet le calcul des probabilités, on trouve qu'il y a 238 à parier contre un, en faveur de l'existence de cette cause, ce qui suffit pour en autoriser la recherche. En y réfléchissant, il m'a

paru que la différence observée tient à ce que les parens de la campagne et des provinces, trouvant quelque avantage à retenir près d'eux les garçons, en avaient envoyé à l'Hospice des Enfans-Trouvés de Paris, moins relativement aux filles, que suivant le rapport des naissances des deux sexes. C'est ce que le relevé des registres de cet hospice m'a prouvé. Depuis le commencement de 1745 jusqu'à la fin de 1809, il y est entré 163499 garcons, et 159405 filles. Le premier de ces nombres n'excède que d'un trente-huitième, le second qu'il aurait dû surpasser d'un vingt-quatrième. Ce qui confirme l'existence de la cause assignée, c'est qu'en n'ayant point égard aux enfans trouvés, le rapport des naissances des garçons à celles des filles, est à Paris, celui de 22 à 21.

Les résultats précédens supposent que l'on peut assimiler les naissances, aux tirages des boules d'une urne qui renferme une infinité de boules blanches et de boules noires mêlées de manière qu'à chaque tirage, les chances de sortie soient les mêmes pour chaque boule; mais il est possible que les variations des mêmes saisons dans les diverses années, aient quelque influence sur le rapport annuel des naissances des garçons à celles des filles. Le Bureau des Longitudes de France publie, chaque année, dans son Annuaire, le tableau du mouvement annuel de la population du royaume. Les tableaux déjà publiés commencent à 1817 dans cette année et dans les cinq suivantes, il est né 2962361 garçons et 2781997 filles; ce qui donne à fort peu près 15 pour le rapport des naissances des garçons à celles des filles. Les rapports de chaque année s'éloignent peu de ce résultat moyen : le plus petit rapport est celui de 1822, où il n'a été que; le plus grand est de l'année 1817, où il a égalé 15. Ces rapports s'écartent sensible

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ment du rapport trouvé ci-dessus. En appliquant à cet écart, l'analyse des probabilités, dans l'hypothèse de l'assimilation des naissances, aux tirages des boules d'une urne, on trouve qu'il serait très-peu probable. Il paraît donc indiquer que cette hypothèse, quoique fort approchée, n'est pas rigoureusement exacte. Dans le nombre des naissances que nous venons d'énoncer, il y a en enfans naturels, 200494 garçons et 190698 filles. Le rapport des naissances masculines et féminines a donc été à leur égard, plus petit que le rapport moyen. Ce résultat est dans le même sens que celui des naissances des enfans trouvés; et il semble prouver que, dans la classe des enfans naturels, les naissances des deux sexes approchent plus d'être égales, que dans la classe des enfans légitimes. La différence des climats du nord au midi de la France ne paraît pas influer sensiblement sur le rapport des naissances des garçons et des filles. Les trente départemens les plus méridionaux ont donné pour ce rapport, comme pour la France entière.

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La constance de la supériorité des naissances des garçons sur celles des filles, à Paris et à Londres, depuis qu'on les observe, a paru à quelques savans, être une preuve de la providence sans laquelle ils ont pensé que les causes irrégulières qui troublent sans cesse la marche des événemens, aurait dû plusieurs fois, rendre les naissances annuelles des filles, supérieures à celles des garçons.

Mais cette preuve est un nouvel exemple de l'abus que l'on a fait si souvent des causes finales qui disparaissent toujours par un examen approfondi des questions, lorsqu'on a les données nécessaires pour les résoudre. La constance dont il s'agit, est un résultat des causes régulières qui donnent la supériorité aux naissances des garçons, et qui l'emportent sur les anomalies

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