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que l'on voit régner sur les mêmes objets. Supposons, par exemple, que l'on ait trois urnes A, B, C, dont une ne contienne que des boules noires, tandis que les deux autres ne renferment que des boules blanches : on doit tirer une boule de l'urne C, et l'on demande la probabilité que cette boule sera noire. Si l'on ignore quelle est celle des trois urnes, qui ne renferme que des boules noires, en sorte que l'on n'ait aucune raison de croire qu'elle est plutôt C, que B ou A; ces trois hypothèses paraîtront également possibles; et, comme une boule noire ne peut être extraite que dans la première hypothèse, la probabilité de l'extraire est égale à un tiers. Si l'on sait que l'urne A ne contient que des boules blanches, l'indécision ne porte plus alors que sur les urnes B et C, et la probabilité que la boule extraite de l'urne C sera noire, est un demi. Enfin, cette probabilité se change en certitude, si l'on est assuré que les urnes A et B ne contiennent que des boules blanches.

C'est ainsi que le même fait, récité devant une nombreuse assemblée, obtient divers degrés de croyance, suivant l'étendue des connaissances des auditeurs. Si l'homme qui le rapporte, en est intimement persuadé, et si, par son état et par son caractère, il inspire une grande confiance; son récit, quelque extraordinaire qu'il soit, aura, pour les auditeurs dépourvus de lumières, le même degré de vraisemblance, qu'un fait ordinaire rapporté par le même homme, et ils lui ajouteront une foi entière. Cependant si quelqu'un d'eux sait que le même fait est rejeté par d'autres hommes également respectables, il sera dans le doute; et le fait sera jugé faux par les auditeurs éclairés qui le trouveront contraire, soit à des faits bien avérés, soit aux lois immuables de la nature.

C'est à l'influence de l'opinion de ceux que la multitude juge les plus instruits, et à qui elle a coutume de donner sa confiance sur les plus importans objets de la vie, qu'est due la propagation de ces erreurs qui, dans les temps d'ignorance, ont couvert la face du monde. La Magie et l'Astrologie nous en offrent deux grands exemples. Ces erreurs inculquées dès l'enfance, adoptées sans examen, et n'ayant pour base que la croyance universelle, se sont maintenues pendant très long-temps; jusqu'à ce qu'enfin le progrès des sciences les ait détruites dans l'esprit des hommes éclairés dont ensuite l'opinion les a fait disparaître chez le peuple même, par le pouvoir de l'imitation et de l'habitude, qui les avait si généralement répandues. Ce pouvoir, le plus puissant ressort du monde moral, établit et conserve dans toute une nation, des idées entièrement contraires à celles qu'il maintient ailleurs avec le même empire. Quelle indulgence ne devons-nous donc pas avoir pour les opinions différentes des nôtres; puisque cette différence ne dépend souvent que des points de vue divers où les circonstances nous ont placés! Éclairons ceux que nous ne jugeons pas suffisamment instruits; mais auparavant, examinons sévèrement nos propres opinions, et pesons avec impartialité leurs probabilités respectives.

La différence des opinions dépend encore de la manière dont on détermine l'influence des données qui sont connues. La théorie des probabilités tient à des considérations si délicates, qu'il n'est pas surprenant qu'avec les mêmes données, deux personnes trouvent des résultats différens, surtout dans les questions trèscompliquées. Exposons ici les principes généraux de cette Théorie.

Principes généraux du Calcul des Probabilités.

[er PRINCIPE.—Le premier de ces principes est la définition même de la probabilité qui, comme on l'a vu, est le rapport du nombre des cas favorables à celui de tous les cas possibles.

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IIe PRINCIPE. -Mais cela suppose les divers cas, également possibles. S'ils ne le sont pas, on déterminera d'abord leurs possibilités respectives dont la juste appréciation est un des points les plus délicats de la théorie des hasards. Alors la probabilité sera la somme des possibilités de chaque cas favorable. Éclaircissons ce principe par un exemple.

Supposons que l'on projette en l'air une pièce large et très-mince dont les deux grandes faces opposées, que nous nommerons croix et pile, soient parfaitement semblables. Cherchons la probabilité d'amener croix, une fois au moins en deux coups. Il est clair qu'il peut arriver quatre cas également possibles, savoir, croix au premier et au second coup; croix au premier coup et pile au second; pile au premier coup et croix au second; enfin pile aux deux coups. Les trois premiers cas sont favorables à l'événement dont on cherche la probabilité qui, , par conséquent, est égale à 2; en sorte qu'il y a trois contre un à parier que croix arrivera au moins une fois en deux coups.

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On peut ne compter à ce jeu, que trois cas différens, savoir croix au premier coup, ce qui dispense d'en jouer un second; pile au premier coup et croix au second; enfin pile au premier et au second coup. Cela réduirait la probabilité à, si l'on considérait avec d'Alembert, ces trois cas, comme également possibles. Mais

il est visible que la probabilité d'amener croix au premier coup est, tandis que celle des deux autres cas est; le premier cas étant un événement simple qui correspond aux deux événemens composés, croix au premier et au second coup, et croix au premier coup, pile au second. Maintenant, si conformément au second principe, on ajoute la possibilité de croix au premier coup, à la possibilité de pile arrivant au premier coup et croix au second, on aura pour la probabilité cherchée, ce qui s'accorde avec ce que l'on trouve dans la supposition où l'on joue les deux coups. Cette supposition ne change point le sort de celui qui parie pour cet événement : elle sert seulement à réduire les divers cas, à des cas également possibles.

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III PRINCIPE.- Un des points les plus importans de la Théorie des Probabilités, et celui qui prête le plus aux illusions, est la manière dont les probabilités augmentent ou diminuent par leurs combinaisons mutuelles. Si les événemens sont indépendans les uns des autres; la probabilité de l'existence de leur ensemble, est le produit de leurs probabilités particulières. Ainsi la probabilité d'amener un as avec un seul dé, étant un sixième; celle d'amener deux as en projetant deux dés à la fois, est un trente-sixième. En effet, chacune des faces de l'un, pouvant se combiner avec les six faces. de l'autre; il y a trente-six cas également possibles, parmi lesquels un seul donne les deux as. Généralement, la probabilité qu'un événement simple dans les mêmes circonstances, arrivera de suite, un nombre donné de fois, est égale à la probabilité de cet événement simple, élevée à une puissance indiquée par ce nombre. Ainsi les puissances successives d'une fraction moindre que l'unité, diminuant sans cesse; un événement qui dé

pend d'une suite de probabilités fort grandes, peut devenir extrêmement peu vraisemblable. Supposons qu'un fait nous soit transmis par vingt témoins, de manière que le premier l'ait transmis au second, le second au troisième, et ainsi de suite. Supposons encore que la probabilité de chaque témoignage soit égale à : celle du fait, résultante des témoignages, sera moindre qu'un huitième. On ne peut mieux comparer cette diminution de la probabilité, qu'à l'extinction de la clarté des objets, par l'interposition de plusieurs morceaux de verre; un nombre de morceaux peu considérable, suffisant pour dérober la vue d'un objet qu'un seul morceau laisse apercevoir d'une manière distincte. Les historiens ne paraissent pas avoir fait assez d'attention à cette dégradation de la probabilité des faits, lorsqu'ils sont vus à travers un grand nombre de générations successives: plusieurs événemens historiques, réputés certains, seraient au moins douteux, si on les soumet-. tait à cette épreuve.

Dans les sciences purement mathématiques, les conséquences les plus éloignées participent de la certitude du principe dont elles dérivent. Dans les applications de l'Analyse à la Physique, les conséquences ont toute la certitude des faits ou des expériences. Mais dans les sciences morales, où chaque conséquence n'est déduite de ce qui la précède, que d'une manière vraisemblable; quelque probables que soient ces déductions, la chance de l'erreur croît avec leur nombre, et finit par surpasser la chance de la vérité, dans les conséquences trèséloignées du principe.

IV PRINCIPE.-Quand deux événemens dépendent l'un de l'autre, la probabilité de l'événement composé est le produit de la probabilité du premier événement,

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