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Laurent, ayant succombé cinq jours après avoir mangé d'une omelette dans laquelle devait se trouver l'oxyde d'arsenic, suivant l'accusation, prit dans cet intervalle plusieurs tisanes qui furent préparées et administrées par sa femme. L'un des médecins qui visitaient le malade, frappé de la mauvaise saveur de la décoction d'orge qu'on lui faisait boire, s'écria: « Ah! que c'est âpre, ah! que c'est mauvais. » Une poule qui avait avalé des grains d'orge, provenant de cette tisane, mourut le lendemain. Un chat qui avait mangé les intestins de cette poule éprouva de violentes convulsions. Il était nécessaire de déterminer jusqu'à quel point ces diverses circonstances tendaient à établir l'existence de l'oxyde d'arsenic ou de toute autre substance vénéneuse dans l'orge. Voici ce que l'expérience apprend à cet égard: 1.° Lorsqu'on fait bouillir dans l'eau des grains d'orge perlé ou mondé, avec de l'oxyde d'arsenic pulvérisé, celui-ci se dissout et rend le liquide vénéneux; d'une autre part, les grains d'orge se gonflent en absorbant une partie de la dissolution arsénicale; aussi voit-on, après avoir bien lavé et desséché ces grains à la température ordinaire de l'atmosphère, qu'ils renferment de l'oxyde d'arsenic, et les poules qui en mangent périssent. 2. Si au lieu d'agir ainsi, on prépare la tisane d'orge comme à l'ordinaire, et qu'on y verse quelques grains d'oxyde d'arsenic pulvérisé, lorsqu'elle est encore tiède, le liquide dissout instantanément une assez grande quantité d'oxyde pour produire des accidens; mais les grains d'orge, déjà complètement gonflés par l'eau, n'absorbent aucune trace de poison, comme on peut s'en assurer en les analysant 15 ou 18 minutes après, pourvu que l'on ait pris la précaution de séparer soigneusement la poussière arsénicale qui peut adhérer à leur surface. 3.o A plus forte raison ne trouvera-t-on pas d'oxyde d'arsénic dans l'orge, si l'on introduit ce poison dans la tisane encore tiède et que l'on décante immédiatement après le liquide.

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Ces résultats justifient la réponse que je fis à M. le président. « L'oxyde d'arsenic, qui, suivant l'acte d'accusation n'a été mis dans la tisane qu'après que celle-ci a été faite, a dû rester dissous dans l'eau, et l'orge ne devait pas en contenir : toutefois s'il y avait à la surface de ce fruit un peu d'oxyde qui n'aurait pas été dissous par l'eau, la poule pouvait périr empoisonnée. »

Quatrième question. « Parmi les sangsues qui furent appliquées à la région épigastrique du malade, deux moururent immédiatement après, les autres furent trouvées mortes le lendemain dans le bocal où elles avaient été placées: Est-il permis de tirer quelqu'induction d'une pareille observation ? »

Ce fait ne peut être d'aucune utilité pour répondre à la question d'empoisonnement; car nous voyons tous les jours des sangsues appliquées sur l'abdomen des individus qui ont avalé des poisons irritans, se gonfler et ne pas périr dans une proportion plus forte que lorsqu'elles sont employées dans d'autres maladies. Il n'est pas rare d'observer la mort de ces animaux peu de temps après leur application dans des affections où l'on ne saurait soupçonner l'empoisonnement; ils périssent alors d'indigestion. Voici les résultats de quelques expériences que j'ai tentées depuis. On a introduit dans l'estomac d'un chien robuste 12 grains de sublimé corrosif dissous dans l'eau ; l'animal est mort au bout de quatre heures ; deux heures avant la mort on lui avait appliqué six sangsues sur la région épigastrique; ces animaux étaient tombés au bout d'une demi-heure; on les avait pressés pour en retirer le sang, et l'on s'était assuré qu'ils étaient encore vivans quatre jours après; il a été impossible de découvrir la plus petite trace de sublimé corrosif, ni d'aucune autre préparation mercurielle dans le sang. Des résultats semblables ont été obtenus avec un autre chien empoisonné par l'oxyde d'arsénic; l'animal était resté cinq heures sous

l'influence du poison, et les sangsues avaient été appliquées trois heures avant la mort. Dans une autre expérience, on a administré les mêmes doses de sublimé corrosif et d'oxyde d'arsenic à deux chiens qui ont péri au bout de neuf heures; les sangsues ont été appliquées quatre heures avant la mort, et ne sont tombées qu'une demi-heure après leur application. Tous ces animaux étaient vivans au bout de trois jours et cependant plusieurs d'entr'eux s'étaient nourris du sang qu'ils avaient sucé puisqu'on ne les avait pas fait dégorger.

On a plusieurs fois appliqué des sangsues à des individus atteints de syphilis, qui étaient depuis 40 à 50 jours sous l'influence du traitement mercuriel (demi grain de sublimé corrosif par jour); quatre jours après, la plupart des sangsues étaient vivantes et ne semblaient pas

malades.

Désirant connaître quelles étaient les doses de sublimé corrosif et d'oxyde d'arsenic nécessaires pour faire périr des sangsues, j'ai plongé plusieurs de ces animaux dans des dissolutions faites avec 19,681 grains d'eau et deux grains d'oxyde d'arsenic ou de sublimé corrosif; ils sont constamment morts dans les 12 heures qui ont suivi le commencement de l'expérience.

Il résulte de ces faits, que la mort des 13 sangsues qui furent appliquées pendant la maladie de Laurent ne pouvait être regardée comme une preuve d'empoisonne

ment.

Cinquième question. Les symptômes observés pendant la maladie de Laurent et les altérations cadavériques énoncées dans le procès-verbal sont-ils de nature à faire croire que la mort est le résultat d'un empoisonnement?

Laurent avait éprouvé des symptômes semblables à ceux que détermine l'oxyde d'arsenic; mais il existe une foule d'affections dans lesquelles on remarque des symptômes analogues, sans qu'aucun poison ait été employé ;

d'où il faut conclure que l'ensemble des caractères présentés par le malade pouvait tout au plus rendre l'empoisonnement probable. On voit à cet égard des différences tellement notables, que dans certains cas l'oxyde d'arsenic a été trouvé dans l'estomac d'individus qui n'avaient éprouvé aucun des symptômes de l'empoisonnement, ou qui en avaient à peine manifesté quelques-uns; Laborde, Chaussier, Gérard de Beauvais, etc., rapportent des observations de ce genre. S'il résulte de ce qui précède, que les symptômes ne suffisent pas pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, lorsqu'on n'a pas trouvé la substance vénéneuse, il n'en est pas moins vrai que l'absence de ces symptômes ne doit pas empêcher d'affirmer que la mort est produite par un poison, si on a dé– couvert celui-ci dans le canal digestif et qu'il ait été prouvé qu'il n'a pas été introduit dans ce canal après la mort de l'individu.

« Le corps de Laurent était parsemé de taches bleues, livides, plombées; tous les viscères étaient phlogosés et grippés. » Quelle induction tirer de pareilles altérations? Il est vrai que l'oxyde d'arsenic introduit dans l'estomac occasionne le plus souvent l'inflammation des membranes qui composent le canal digestif, et notamment de la tunique muqueuse; mais de semblables lésions reconnaissent fréquemment pour cause des maladies différentes de l'empoisonnement. D'ailleurs il en est ici comme pour les symptômes; ces lésions peuvent manquer, ainsi que l'ont remarqué Etmuller, Chaussier, etc. Le docteur Missa, médecin très-distingué de Soissons, m'a communiqué un fait dont il a été témoin et qui est le plus extraordinaire de ce genre. M.***, àgé de 45 ans environ, dans le délire d'une passion violente, prend vers huit heures du matin, environ trois gros d'oxyde d'arsenic en poudre, étendus dans un verre d'eau, et sort immédiatement après pour faire ses adieux à ses amis, en déclarant

qu'il vient de s'empoisonner. On reconnaît une poudre blanche dans le liquide qu'il a bu sous les yeux de sa nièce, qui est l'objet de son amour; on s'adresse à un homme de l'art pour constater la nature de cette substance, qui est véritablement de l'oxyde blanc d'arsenic; on fait pendant deux heures des recherches inutiles pour trouver M ***; enfin il rentre chez lui vers dix heures; on lui représente tous les dangers de sa position, il convient qu'il a avalé trois gros d'oxyde blanc d'arsenic et il consent à prendre, en trois doses et à demi-heure d'intervalle, trois grains de tartrate de potasse et d'antimoine : ce sel est donné sans aucun résultat. On administre beaucoup de lait et de boissons mucilagineuses qui ne tardent pas à déterminer l'évacuation de la majeure partie des liquides ingérés; on ne crut pas nécessaire d'examiner leur nature chimique parce qu'il était sutfisamment constant, par l'aveu du malade, qu'ils contenaient de l'oxyde d'arsenic. A une heure, le malade, qui jusque-là avait peu souffert, se plaignit d'un resserrement douloureux à la région épigastrique, de chaleur brûlante, de soif; la figure était altérée, les traits grippés, le pouls accéléré. Ces symptômes devinrent bientôt plus intenses, les parois de l'abdomen semblaient contractées vers la colonne vertébrale; le pouls était petit, serré, intermittent, la face décomposée ; à quatre heures, sueurs froides de la face et des extrémités, pouls à peine perceptible. Mort à cinq heures du soir.

Ouverture du cadavre. Les traits conservent encore l'expression de souffrance de la veille. Le ventre ne contient aucun liquide épanché; tous les viscères de l'abdomen ont l'aspect naturel; la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins ne présente, dans toute son étendue, aucune inflammation, aucune rougeur, aucune altération de texture; une matière blanche pulvérulente, mêlée avec une portion des boissons administrées, fut

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