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Colardeau. Au milieu des débris des Legions fanglantes,

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Portée entre les bras de vos femmes tremblantes.
Votre âge, vos malheurs, vos pleurs, votre beauté,
Auroient d'un tigre même adouci la fierté.

On nomma votre pere en ces momens d'allarmes,
Et vos yeux vers le ciel élevés, pleins de larmes,
Trouverent à l'instant tous les coeurs attendris.
Mézence en fut lui-même interdit et furpris.
Il arrêta fon bras avide de carnage,
Et parut oublier fon orgueil et fon âge.

J'étois auprès de lui. Dans le champ des guer

riers,

Pour la premiere fois je cueillois des lauriers:
Nourri dans les forêts, élevé par Mézence,

Au grand art de la guerre inftruit dès mon en-
fance,

Ainfi qu'à fupporter les plus rudes travaux,
A vaincre les Lions, à dompter les Chevaux;
Interdit, défarmé, confus à votre vue,
Je me fentis brûler d'une flamme inconnue!
O Lydie! à quel point touché de vos douleurs,
Ne m'accufai-je pas de caufer vos malheurs?

Qu'elle fe venge enfin, me difois-je à moi même;

Ah! qu'elle me haïffe, autant que mon coeur l'ai

me;

Je ne m'en plaindrai point, je l'ai trop merité,
Cependant quand je vis que mon pere irrité,
De la fureur foudain paffoit à la clémence;
Un changement fi prompt dans le coeur de Mé-

zence

Peut-être à des foupçons eut dû me préparer:
Car le coeur d'un Tyran fait-il fe moderer?
Il femble que pour lui l'excès foit néceffaire;

Et toujours d'un extrême il tombe en fon con-
traire.

Hélas! je n'entrevis, dans les foins de l'amour,
Que de l'humanité le vertueux retour....

Moi, qui, dans cet inftant, peu fait à me contrain

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dre,

A déclarer mes feux ne voyois rien à craindre,

Au

Au penchant de mon coeur ardent à me livrer,
Du plaifir de vous voir je courus m'enivrer.

Colardeau.

A mes yeux chaque jour vous paroiffiez plus belle;
Et loin qu'à mes defirs ma raifon fût rebelle,
Dans ma crédulité je me flattois de voir
Mon penchant quelque jour s'unir à mon devoir.\
Fauffe fécurité! Funefte confiance!...
Hélas! jeune, fans fard et fans expérience,
Je ne foupçonnois pas qu'un tas de délateurs,
Des vices de leur Roi lâches adulateurs,
Infâmes Courtisans, luppôts vendus au crime,
Cortege d'un Tyran que la vengeance anime,
Du funefte détail de mes foins les plus doux
Allåt flatter Mézence et nourrir fon courroux!
Rappellez-vous ce jour à jamais mémorable,
Dont malgré les horreurs de mon fort déplorable,
Mon coeur fe plait encore à le ressouvenir;
Ce jour qui m'annonçoit un heureux avenir,
Ce jour, où votre coeur jufqu'alors inflexible,
Pour la premiere fois parut être fenfible!
Je vins vous faire part de cet heureux traité,
Qui vous rendoit un Trône avec la liberté;
Par qui la paix enfin fur ces bords ramenée,
Alloit être le fruit d'un illuftre hymenée.
Daignerez-vous, vous dis-je, en ferrant vos ge-

"

"

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noux,

»Approuver un hymen qui me feroit fi doux!
„Ah! puis-je me flatter, jeune et belle Lydie,
Qu'un projet qu'à conçu mon ame trop hardie,
Puiffe trouver un jour grace devant vos yeux?
„Au nom de votre pere, au nom de vos ayeux,
Au nom de cet amour respectueux et tendre,
"Que mes yeux dès long-temps ont dû vous faire
entendre,

n

"Acceptez une paix, qui va vous rétablir

„Dans des droits que le fort ne peut plus affoiblir?

Je vais trouver Mézence: Il m'aime, il est mon

pere;

Il a loué cent fois mon courage; et j'espere

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Colardeau.

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Que fa bonté bientôt voudra ratifier

que

Un traité fon fils vient de vous confier.
Tant de fincerité, de transports, d'allégreffe;
D'une prochaine paix l'idée enchantereffe,
Vous furprirent enfin un fourire flatteur,
Qui pénétra mes fens et paffa dans mon coeur.
Allez, me dites vous, Prince trop magnanime,
Je ne puis qu'applaudir au foin qui vous anime:
Puiffe le jufte Ciel feconder vos projets!
Rétabliffez mon pere et concluez la paix:
Je ne me plaindrai point, dans mon obéiffance,
„De devenir le prix de fa reconnoiffance.
Bonheur inefperé! moment délicieux!

Je crus voir et je vis l'amour dans vos beaux

yeux....

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Pouvois-je m'y méprendre?... ô ma chere Lydie,
Dans cet heureux inftant de ma flamme applau-
die,

Je vous vis fans parler, approuver mes transports,
Je vous: vis foupirer.... Dieux! que devins-je

alors!....

Pere dénaturé! ta politique adresse

Epioit cependant ma credule tendreffe:

Tu pénétras mes feux. Tout autre en eût fremi:
Mais jamais un Tyran le fut-il à demi?

Sans frein en tes defirs, ta farouche infolence
Ne fait gagner un coeur que par la violence.
Qu'importe que tes feux ne puiffent l'émouvoir?
Ton caprice eft ta loi; ta regle eft ton pouvoir.
Tu m'aurois immolé dans ta jaloufe rage;

Mais la haine des tiens, charmés de mon cou.
rage;

Le Sceptre de tes mains tout prêt de s'échapper;
Tout arrêta ton bras levé pour me frapper.
Tu fus diffimuler tes fureurs vengeresses;
Tu fus me prodiguer tes trompeufes caresses.
De mon amante hélas! pour mieux me féparer,
A mon éxil prochain tu fus me préparer.
Ma préfence fur tout importoit à l'armée:
J'obéis; et tandis que mon ame allarmée

Se

Se faifoit mille efforts pour devorer fes pleurs;
Tandis que tu feignois d'ignorer mes douleurs,
Traître! tes Envoyés près du Roi de Prénefte
Se hâtoient de conclure une paix fi funefte.
Moment cruel! ô jour à jamais odieux,
Où fans avoir reçu vos douloureux adieux,
Il fallut, ô Lydie, en proie à mes allarmes,
Sans efpoir de retour m'éloigner de vos charmes.
Je pars, et ma fureur égale mon amour.
Je ne me connois plus: je détefte le jour.
Peu s'en faut.... j'en fremis! le cri de la Nature,
Vainement dans mon coeur étouffe mon injure:
Peu s'en faut qu'en un fang, qui doit m'être facré,
Ma parricide main ne se baigne à son gré....
Les Armes, les Drapeaux, les cris de la Victoire,
Ni l'ardeur des combats, ni la foif de la gloire;
Rien ne me touche plus: mon coeur préoccupé,
Par aucun autre objet ne peut être frappé.
Je ne vois qu'une amante à mes defirs ravie,
Qu'un Tyran envieux du bonheur de ma vie,
Qu'un rival abfolu tout prêt à m'outrager,
Qu'un pere raviffeur dont je dois me venger:
Mon coeur à cette image à peine fe poffede;
Par-tout elle me fuit; le jour elle m'obféde;
La nuit elle m'arrache aux douceurs du fommeil,
Et toujours me prépare au plus affreux réveil..
Hélas! un feul efpoir foutenoit ma conftance!
J'efperois que laffé de votre réfiftance,

Le Tyran déformais étoufferoit fes voeux.
Vous me l'aviez promis: toute entiere à mes feux,
Vous deviez rejetter fes dons et fes careffes!

Je me flattois... fur quoi, grands Dieux? fur des
promeffes!

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Sur des fermens cent fois et donnés et reçus.
Sermens d'aimer toujours, devez vous être crus?
Une amante toujours eft prête à vous enfreindre.
Lydie... ô Ciel! Lydie... aurois-je dû le crain-
dre?

Malgré les noeuds facrés qui la lioient à moi,
Lydie à mon rival ofe engager fa foi!

Beisp. Samml. 6. V.

Déja

Colardeau,

Colardeau. Déja de fon hymen la pompe le prépare
Un Roi fier et cruel, un ennemi barbare,
Le fuperbe Mézence, infultant à mes pleurs,
Déja ceint fon vieux front de myrthes et de fleurs.
Déja pour relever cette pompe funefte,

Il ordonne lui-même et la Lutte et le Cefte;
Et ces horribles jeux, où des Gladiateurs
Font en fe maffacrant frémir les Spectateurs;
Et ces combats encor mille fois plus atroces,
Où l'on voit fous les dents des animaux féroces
De malheureux Mortels qu'on voudroit fecourir,
Se débattre, tomber, friffonner et mourir;
Supplices effrayans, où l'aveugle Furie
Semble avoir épuifé toute fa barbarie,
Et qu'un Tyran que rien ne peut épouvanter,
Pour les lâches plaifirs a pu feul inventer!...
Vengez-moi, juftes Dieux! Nos caufes font les

mêmes.

Combien d'impiétés, d'horreurs et de blafphêmes,
Combien n'avez-vous pas de forfaits à punir;
Il vous a tous bravés: qui peut yous retenir?
Rompez, rompez un noeud qui feroit mon fuppli-
ce!

Embrafez l'Univers, s'il faut qu'il s'accompliffe.

Que fais-je? malheureux... dans mes transports jaloux,

Je veux armer les Dieux et diriger leurs coups: Mézence eft un Tyran; mais eft-il moins mon pere?

Et puis-je en effacer le facré caractere?

De cet augufte nom s'il rompt tous les liens,
S'il trahit fes devoirs, dois-je oublier les miens?
Dieux cruels! ah plutôt que la main qui m'opprime
Jouiffe impunément du fuccès de fon crime!

MAIS fans vous fatiguer de difcours fuperflus,
Répondez-moi, Lydie: ou vous ne m'aimez plus,
Ou votre coeur gémit d'un pareil facrifice.
Si vous ne m'aimez plus; par quel noir artifice

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A

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