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Dourrigne', Lis cette Lettre, ingrat; elle t'eft adreffée,
De ce même rivage où tu m'as délaiffée.

Près de toi, du fommeil j'y goûtois la douceur,
Lorsque de me trahir ton ame eut la noirceur.
La nuit favorifa ton coupable artifice,

It de ta perfidie elle fut la complice.

LES rayons de l'Aurore éclatoient dans les
Cieux,

Et déja des Oiseaux les chants harmonieux
Annonçoient le retour du Dieu de la lumiere;
Je m'éveille, et foudain entr'ouvrant la paupie-

re,

Préoccupée encor d'un fonge plein d'appas,
Avec empreffement vers toi je tends les bras;
Mais en vain, toute en proie à ma brûlante ivref.

fe,

Je cherche à mes cotés l'objet de ma tendreffe;
Et croyant t'embraffer, ò tranfports fuperflus!
Je n'embraffe qu'un lit, hélas! où tu n'es plus.

JE me leve auffi-tôt surprise de ta fuite;
Et dans le trifte état où je me vois réduite,
Je déchire mon fein, j'arrache mes cheveux,
Et venge ainfi fur moi l'affront fait à mes feux.

Un mouvement plus doux fuccédant à ma ra-
ge,

Après avoir des yeux parcouru le rivage,
Sur les bords dangéreux je dirige mes pas;
Les fatigues, les foins ne me rebutent pas:

Je vais, reviens fans ceffe, et dans cette Ile ari

de,

Le fable en vain s'oppose à ma courfe rapide.
Epuilée à la fin, je m'arrête; et mes cris
Redemandent Théfée aux Rochers attendris:

L'Echo

L'Echo même touché de ma douleur extrême,
Prononce, ainfi que moi, le nom de ce que j'ai-

me;

Et plus que toi fenfible à mes gémissemens,
Semble te reprocher ton crime et mes tourmens.

LA, d'un mont dont la cime eft presque inabor
dable,

Pendoit en précipice un roc inébranlable;
Toute fois, mon audace égalant mes revers,
J'y monte, et du fommet examinant les mers,
J'apperçois ton Vaiffeau, que, loin de ma préfen-

ce,

Entraîne un vent propice à ta lâche inconftance.

Soir que je l'euffe vu, foit que mes fens trom
pés

Par une illufion fuffent alors frappés,

A cet aspect funefte un froid mortel me glace:
Mais bientôt au dépit mon trouble ayant fait pla

ice,

Par de nouveaux accens j'implorois ton fecours,
Infidele Thefée; et lorsque mes difcours

Etoient interrompus par le cours de mes larmes,
Ma main, en me frappant, t'expliquoit mes allar-

mes;

Et trop d'efpace enfin te féparant de moi,
Par des geftes encor je m'adreffois à toi:
Des maux que j'éprouvois, ils ne traçoient l'image
Et pour te rappeller je mis tout en ufage.

CEPENDANT ton Vaiffeau difparut, et mes
yeux

S'occuperent long-tems à pleurer en ces lieux:
Eh! quel plus doux emploi pouvois je leur pre-

fcrire,

Loin du parjure Amant qui caufoit mon marty

re?

Dourrigne'.

Tan

Dourrigne'. Tantôt d'une Bacchante imitant les fureurs,
Je cours et remplis l'air d'effroyables clameurs:
Tantôt laffe d'errer, plus calme et plus tran-
quille,

Je m'étends fur le roc, et j'y refte immobile.
Quelquefois retournant vers ce malheureux lit,
Témoin du piege affreux que ton coeur me ten-
dit.

Pour calmer mon ennui, je m'y jette, l'embraffe;
Je baigne de mes pleurs l'endroit où fur ta pla-

ce,

Et je m'écrie: „O toi, qui nous reçus tous deux,
„Lit fatal, qu'as-tu fait de l'objet de mes
voeux?

„Et pourquoi, n'écoutant qu'une ardeur incon-
ftante

L'ingrat eft-il parti fans fa fidelle Amante?

QUE deviendrai-je ici? Sur ces fteriles bords, La nature jamais n'étala fes tréfors:

Aucun champ cultivé dans cette fauvage,

Des foins du Laboureur n'offre à mes yeux l'ouvra

ge,

Et je n'y vois par-tout que d'horribles rochers;
Je n'ai, pour en fortir, ni Vaiffeau ni Nochers;
Et quand même j'aurois cette trifte reffource,
En quels climats, ô Ciel! bornerois-je ma cour-

fe?

Où fuir? où me cacher? quel feroit mon efpoir!
Minos dans les Etats voudra-t-il me revoir?
Hélas! à mes defirs la mer en vain docile,
Au bout de l'Univers m'ouvriroit un afyle:
Exilée en tous lieux, un long banniffement
Seroit toujours le prix de mon aveuglement.
Non, je ne verrai plus cette contrée heureufe,
Par cent belles Cités renommée et fameufe,
Ce floriffant Empire où regnoient mes Ayeux,
Et qui fut le berceau du Monarque des Dieux!

¡ La

La Crete, où j'ai trahi mon devoir et mon pere,
Eft pour moi déformais une terre étrangere.

QUAND ma main te donna ce fil, qui de tes
jours

Au milieu des dangers, conferva l'heureux cours;
"Oui, j'attefte des Dieux la puiffance immortelle,
"Que, tant que nous vivrons, je te ferai fidelle;
Difais-tu nous vivons cependant, fi pour moi
Ce foit vivre en effet que de vivre fans toi.
Cruel! que n'ai-je été par toi même égorgée!
Ta foi par mon trépas eût été dégagée;
Et dans l'affreux défert où tu me fais languir,
Je n'aurois
du moins mille morts à fouffrir.

pas

DEPUIS que dans ces lieux tu m'as abandon-
née,

Théfée, au moindre bruit, mon ame confternée
Croit voir de toutes parts, à ma perte animés
Des Tigres, des Lions et des Loups affamés:
Des monftres de la mer j'y crains auffi la rage,
Ou de quelque brigand le téméraire outrage;
Et que, pour achever de combler mes revers,
Une infolente main ne me charge de fers.
Le Ciel qui jufqu' ici perfécuta ma vie,
M'auroit-il réfervée à cette ignominie?
Moi; je pourrois fervir! moi, fille de Minos,
Moi qui naquis du fang des Dieux et des He

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Dourrigne'.

Dourrigne Pour jamais à ton fort joindroit ma deftinée!
Dieux! privez-moi plutôt de la clarté du jour.

HELAS! plus mes regards obfervent ce féjour,

Plus j'y vois de dangers qui me livrent la guér

re;

J'y redoute fans ceffe et la mer et la terre:
Tout ce qui m'environne augmente mon effroi:
Et j'y crains jufqu'aux Cieux irrités contre moi.

MAIS que dis-je! cette Ile eft peut-être habi

tée.

Ah! je n'en fuis encor que plus épouvantée.
Si ces lieux abhorrés cachent quelques mortels,
Ce font des Etrangers farouches et cruels:
Oferois-je vers eux porter mes pas timides?
Non, je fais trop, combien les hommes font perfi-
des.

Falloit-il pour venger mon frere massacré,
Qu'une loi rigoureufe à la mort t'eût livré?
Et lorsque dans fa vafte et profonde retraite,
Ton bras du Minotaure eût délivré la Crete,
Pourquoi, trop généreufe, armai-je alors tes
mains

Du fil qui t'en fraya les tortueux chemins!

Ce triomphe, après tout, honore peu Thé

fée.

Ce fut pour toi, cruel, une entreprise aifée.

Du

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