L'Echo même touché de ma douleur extrême, Prononce, ainfi que moi, le nom de ce que j'ai-
Et plus que toi fenfible à mes gémiffemens, Semble te reprocher ton crime et mes tourmens.
LA, d'un mont dont la cime eft presque inabor dable,
Pendoit en précipice un roc inébranlable; Toute fois, mon audace égalant mes revers, J'y monte, et du fommet examinant les mers, J'apperçois ton Vaisseau, que, loin de ma préfen-
Entraîne un vent propice à ta lâche inconstance.
Soir que je l'euffe vu, foit que mes fens trom pés
Par une illufion fuffent alors frappés,
A cet afpect funeste un froid mortel me glace: Mais bientôt au dépit mon trouble ayant fait pla
Par de nouveaux accens j'implorois ton fecours, Infidele Thefée; et lorsque mes difcours Etoient interrompus par le cours de mes larmes, Ma main, en me frappant, t'expliquoit mes allar- mes;
Et trop d'espace enfin te féparant de moi, Par des geftes encor je m'adreffois à toi: Des maux que j'éprouvois, ils ne traçoient l'image Et pour te rappeller je mis tout en ufage.
CEPENDANT ton Vaiffeau disparut, et mes
S'occuperent long-tems à pleurer en ces lieux: Eh! quel plus doux emploi pouvois je leur pre-
Loin du parjure Amant qui caufoit mon marty
Dourrigne'. Tantôt d'une Bacchante imitant les fureurs, Je cours et remplis l'air d'effroyables clameurs: Tantôt laffe d'errer, plus calme et plus tran- quille,
Je m'étends fur le roc, et j'y refte immobile. Quelquefois retournant vers ce malheureux lit, Témoin du piege affreux que ton coeur me ten- dit.
Pour calmer mon ennui, je m'y jette, l'embrasse; Je baigne de mes pleurs l'endroit où fut ta pla-
Et je m'écrie: „O toi, qui nous reçus tous deux, Lit fatal, qu'as-tu fait de l'objet de mes voeux?
Et pourquoi, n'écoutant qu'une ardeur incon ftante
L'ingrat eft-il parti fans fa fidelle Amante?
QUE deviendrai-je ici? Sur ces fteriles bords, La nature jamais n'étala fes tré fors:
Aucun champ cultivé dans cette fauvage,
Des foins du Laboureur n'offre à mes yeux l'ouvra
Et je n'y vois par-tout que d'horribles rochers; Je n'ai, pour en fortir, ni Vaiffeau ni Nochers; Et quand même j'aurois cette trifte reffource, En quels climats, ô Ciel! bornerois-je ma cour-
Où fair? où me cacher? quel feroit mon efpoir! Minos dans les Etats voudra-t-il me revoir? Hélas! à mes defirs la mer en vain docile, Au bout de l'Univers m'ouvriroit un afyle: Exilée en tous lieux, un long bannissement Seroit toujours le prix de mon aveuglement. Non, je ne verrai plus cette contrée heureufe, Par cent belles Cités renommée et fameufe, Ce floriffant Empire où regnoient mes Ayeux, Et qui fut le berceau du Monarque des Dieux!
La Crete, où j'ai trahi mon devoir et mon pere, Eft pour moi déformais une terre étrangere.
QUAND ma main te donna ce fil, qui de tes jours
Au milieu des dangers, conferva l'heureux cours; Oui, j'attefte des Dieux la puissance immortelle, "Que, tant que nous vivrons, je te ferai fidelle; Difais-tu nous vivons cependant, fi pour moi Ce foit vivre en effet que de vivre fans toi. Cruel! que n'ai-je été par toi même égorgée! Ta foi par mon trépas eût été dégagée; Et dans l'affreux défert où tu me fais languir, Je n'aurois pas du moins mille morts à fouffrir.
DEPUIS que dans ces lieux tu m'as abandon- née,
Théfée, au moindre bruit, mon`ame confternée Croit voir de toutes parts, à ma perte animés Des Tigres, des Lions et des Loups affamés: Des monftres de la mer j'y crains auffi la rage, Ou de quelque brigand le téméraire outrage; Et que, pour achever de combler mes revers, Une infolente main ne me charge de fers. Le Ciel qui jufqu' ici perfécuta ma vie, M'auroit-il réservée à cette ignominie? Moi; je pourrois fervir! moi, fille de Minos,
Moi qui naquis du fang des Dieux et des He
Dourrigne, Pour jamais à ton fort joindroit ma destinée! Dieux! privez-moi plutôt de la clarté du jour.
HELAS! plus mes regards obfervent ce féjour,
Plus j'y vois de dangers qui me livrent la guér
J'y redoute fans ceffe et la mer et la terre: Tout ce qui m'environne augmente mon effroi: Et j'y crains jufqu'aux Cieux irrités contre moi.
MAIS que dis-je cette lle eft peut-être habi- tée.
Ah! je n'en fuis encor que plus épouvantée. Si ces lieux abhorrés cachent quelques mortels, Ce font des Etrangers farouches et cruels: Oferois-je vers eux porter mes pas timides? Non, je fais trop, combien les hommes font perfi- des.
Falloit-il pour venger mon frere massacré, Qu'une loi rigoureuse à la mort t'eût livré? Et lorsque dans fa vafte et profonde retraite, Ton bras du Minotaure eût délivré la Crete, Pourquoi, trop généreufe, armai - je alors tes mains
Du fil qui t'en fraya les tortueux chemins!
Ce triomphe, après tout, honore peu Thé
Ce fut pour toi, cruel, une entreprise aifée.
Du monftre homme et taureau quelque fût le cour, Dourrigne,
Ton coeur te fuffifoit pour parer tous fes coups, Avec un coeur fi dur il n'est point de victoire Qu'on ne puisse obtenir fans péril et fans gloire.
O toi, de cet ingrat confident odieux, Sommeil, qui de ton ombre enveloppas mes yeux, Afin de leur cacher fa fuite criminelle;
Que ne les couvris-tu d'une nuit éternelle? Vent, par qui fon vaisseau fut guidé fur les flots, Devois-tu protéger le plus noir des complots? Et toi, perfide Amant, par une ardeur trompeufe Falloit-il abuser mon ame malheureuse? Cette ardeur, le fommeil et le vent à la fois, Contre mon foible coeur conspirerent tous trois.
AINSI donc fur ces bords je vais perdre la vie, Sans pouvoir éfperer qu'une mere chérie, En me fermant les yeux, foulage mes douleurs, Et fans voir mon trépas adouci par fes pleurs! Il faudra qu'en ces lieux, privé de fépulture, Des avides oifeaux mon corps foit la pature; Et mes manes errans y chercheront en vain, Pour affurer leur fort, quelque pieuse main!
Pour toi, tu reverras Athènes; et ton coura- ge
De mille adulateurs y recevra l'hommage:
Tu leur diras, comment ton bras victorieux
Fit tomber fous fes coups un monftre furieux;
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