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Comment l'autorité municipale doit-elle procéder et s'exprimer, à l'égard des permissions qu'il faut obtenir? Il y aurait de très-graves inconvénients et difficultés, si le règlement et les actes administratifs d'exécution indiquaient exclusivement certains quartiers ou certaines rues, comme l'ont fait d'anciens règlements, dont l'application a donné de fort mauvais résultats : ce serait déprécier à l'avance toutes les maisons de ces rues ou quartiers, et en quelque sorte les livrer à la prostitution publique par un acte d'administration et contre le gré des intéressés. Les meilleures mesures, parmi celles que nous trouvons dans les règlements de plusieurs villes, nous paraissent être celles-ci : subordonner l'ouverture ou la tenue de toute maison à une autorisation municipale, sans laquelle il y aurait contravention punissable et suppression immédiate; interdire le voisinage des édifices religieux, des pensionnats, des casernes, etc.; limiter le nombre des filles à admettre, exiger qu'elles aient au moins tel âge, défendre de recevoir des élèves de pensions et des femmes du dehors; interdire tout débit de boissons et toutes scènes bruyantes; prescrire la tenue d'un registre, des inspections, etc. Puis, quand il s'agira de telle maison, la police fera toutes investigations possibles elle exigera le consentement par écrit du propriétaire et du principal locataire, ainsi que le prescrit pour Paris un arrêté pris par le préfet de police le 22 août 1846; il sera bien aussi d'entendre préalablement les autres locataires et même les voisins, afin de ne pas leur imposer un voisinage qui leur répugnerait trop. Quand l'administration croit pouvoir accorder sa permission, elle doit le dire dans un acte valant autorisation, et sauf retrait lorsqu'elle le jugera convenable. Cela peut paraître contraire à la morale, qui voudrait une prohibition ou tout au moins une abstention; mais c'est une nécessité, qui justifie l'acte administratif. Ne doit-on pas au moins déguiser l'autorisation, en préférant le mot tolérance? Nous comprenons l'emploi de cette expression pour désigner une maison de débauche, parce que cela est plus significatif et moins inconvenant que la dénomination de « maison autorisée. »> Mais la réserve de langage, reposant sur un motif louable et comme formule d'usage, ne suffit pas pour changer le caractère des actes de l'administration. Qualifier d'acte de tolérance seulement la permission accordée dans les conditions qu'exige le règlement, ce serait supposer que l'administration est purement passive, qu'elle reconnaît son impuissance et qu'elle permet à tous de protester; tandis que l'autorisation, qui est un acte volontaire et réfléchi, indique qu'il y a eu nécessité appréciée et que l'administration avoue ses actes, qui doivent dès lors échapper à toute censure. Aussi emploie-t-on, même dans les règlements publiés, le mot autorisation, qui est exact sans immoralité en ce qu'il s'applique non aux faits de débauche, mais seulement au lieu assigné limitativement; cette formule est acceptée par les tribunaux et par la Cour suprême, appelés à vérifier la légalité de ces règlements (V. arr. infrà).

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Quelles classes de personnes sont soumises, par état ou métier, à la

prohibition conditionnelle, pour l'autorisation facultative et la surveillance? Toutes celles dont la profession, déjà placée par les lois ou des règlements spéciaux sous la surveillance de la police ou bien pouvant être réputée afférente à la prostitution publique ou clandestine, comporte des interdictions ou restrictions dans l'intérêt, soit de l'ordre et des mœurs, soit de la santé publique. A Paris, suivant les documents publiés, la prostitution s'exerce, non-seulement dans des maisons de débauche vulgaires, dans des chambres garnies, mais même dans des appartements somptueux qui servent de lieux de réunion sous différents prétextes: tout cela est surveillé par la police, autant qu'elle peut atteindre ces dissimulations, et elle a le pouvoir d'y appliquer ses mesures réglementaires 30. Dans les autres villes, le pouvoir réglementaire doit atteindre tous lieux de débauche analogues, en évitant seulement de pénétrer dans les maisons privées. Le règlement peut donc être appliqué même aux personnes qui, possédant des chambres ou appartements et sans les donner précisément en location, font métier d'y recevoir parfois, et moyennant une rétribution plus ou moins déguisée, des filles publiques ou femmes débauchées venant s'y prostituer ou se préparer à le faire ailleurs en posant leurs conditions; car si ce n'étaient là des maisons de débauche surveillées, ce seraient alors des lieux clandestins de prostitution, ceux-là précisément que la police doit interdire pour que sa surveillance soit possible. Le règlement doit atteindre également toutes les personnes, hommes ou femmes, qui logent ou nourrissent, dans leurs maisons ou chambres, des filles publiques, inscrites ou connues pour telles, quelles que soient d'ailleurs les conditions de rétribution et encore bien que le logement ou la nourriture ne soient fournis qu'accidentellement à telles ou telles : car ces personnes sont logeuses ou loueuses de maisons garnies, dans le sens des dispositions légales sur cette profession, et soumises même à l'obligation de tenir et représenter le registre que les art. 475 et 73 C. pén., exigent à peine d'amende et de responsabilité 31. Mais cette assimilation ne fait pas que les maisons de débauche dont il s'agit aient autorisation, soit pour loger d'autres personnes, soit pour donner à boire ou à manger aux passants; car c'est au contraire chose

30. Parent-Duchatelet, p. 492-532. 31. Vu le n° 2 de l'art. 475 C. pén.; attendu qu'il résulte du procès-verbal régulièrement dressé, le 2 août dernier, ainsi que des aveux d'El. Monier, fe Constance, que celle-ci est dans l'usage habituel de loger des femmes publiques, qui ne sont pas domiciliées à Orange, et même de leur donner à manger; qu'elle exerce, par conséquent, à l'égard de telles étrangères, la profession de logeuse ou de loueuse de maison garnie, dans le sens et l'esprit de l'art. 475, n° 2, C. pén.; que ladite fe Constance doit donc être pourvue du registre que cet article exige et le tenir ainsi qu'il le prescrit; que, néanmoins, elle n'avait satisfait à aucune de ces obligations, le 2 août dernier, concernant les 5 femmes publiques qui ont donné lieu à la poursuite; qu'il suit delà que le jugement dénoncé, en refusant de réprimer cette contravention, sur le motif que la maison de tolérance qu'elle tient, sans autorisation de l'autorité municipale, ne la constitue point fogeuse, selon l'art. 475, a faussement interprété, et, par suite, violé expressément cette disposition;

Du 29 nov. 1844. C. de cass. M. Rives, rapp.

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casse.

interdite généralement, à raison des autres désordres qui en résulteraient. Aussi est-il reconnu en jurisprudence: 1° que la maison de tolérance qui donnerait à boire serait un cabaret, ayant besoin de l'autorisation spéciale qu'exige l'art. 2 de la loi du 29 décemb. 1851 et qui peut être refusée ; 2° que le règlement de police locale interdit légalement aux cabaretiers et aux débitants de boissons de tolérer chez eux des filles enregistrées, et qu'il s'applique même à un simple fait accidentel de fréquentation 32.

Vis à vis des propriétaires qui ne font que donner à bail leurs maisons ou appartements, sans exercer d'ailleurs aucune des professions soumises à la surveillance de la police, le pouvoir réglementaire est moins étendu et ne doit agir qu'avec circonspection. En effet, la simple location, avec ou sans une destination convenue, est un mode d'exercice du droit de propriété qui emporte, comme le dit l'art. 544 C. N., « le droit de jouir et disposer des choses, de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements; » elle ne peut donc être interdite ou, ce qui revient au même, subordonnée à une autorisation facultative de la police, qu'au moyen ou en vertu de lois fondées sur une raison d'ordre public dominante or il n'y a plus de loi ou règlement général qui, prohibant absolument toute maison de débauche, adresse ses défenses aux propriétaireslocateurs eux-mêmes, ou qui, assignant des rues ou quartiers à la prostitution, punisse ceux qui loueraient pour cet usage des maisons situées ailleurs. Sans doute, un règlement de police locale peut interdire

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attendu

32. Attendu que l'art. du décr. du 29 déc. 1851, auiorise les préfets à ordonner la fermeture des cafés, cabarets et autres débits de boissons par mesure de sûreté publique; attendu que le préfet du Rhône remplit.....; que l'arrêté pris par ce magistrat, le 16 mai 1852, dont l'art. 20 porte défense de vendre du vin et des liqueurs et de tenir café, cabaret ou débit de boissons, aux maîtres et maîtresses des maisons de tolérance, l'a été dans les limites légales de ses attributions, et qu'il doit avoir les mèmes effets que la mesure spéciale intervenue en vertu du décret du 29 déc. 1851, et qui aurait prescrit la fermeture des débits de boissons qui existaient dans les maisons de tolérance antérieurement à ce décret; la Cour rejette.

Du 22 décembre 1853. - C. de cass. - M. V. Foucher, rapp.

Vu l'art. 8 de l'arrêté du préfet de la Somme, du 28 août 1855, et l'art. 471, n° 15 C. pén.; attendu que l'arrêté ci-dessus visé, par son art. 8, fait défensé aux maîtres des cafés, cabarets et débits de boissons, de tolérer chez eux des femmes enregistrées; que cette défense est absolue; qu'ayant pour but d'éviter toutes atteintes aux mœurs ou d'empêcher toute occasion de débauche et de désordre, elle s'étend au jour et à la nuit, et interdit toute fréquentation occasionnelle ou habituelle; -attendu qu'il est constaté par la sentence attaquée, et qu'il résulte des débats, que le 12 oct. dernier, 5 femmes publiques avaient été trouvées dans le cabaret de la fe Maillet, buvant au comptoir; qu'en décidant que l'arrêté ne s'appliquait point à un tel fait passager et public; que la disposition, portant défense de tolérer, voulait seulement punir des actes de présence habituels et répétés ou l'introduction des femmes en question dans des salles particulières, le jugement attaqué a créé une distinction que l'arrêté repousse; qu'il l'a ainsi faussement interprété, en a méconnu les prohibitions, et a formellement violé, en renvoyant la prévenue des poursuites, l'art. 471 G. pén.

Du 19 nov. 1857.

- C. de cass. M. Bresson, rapp.

et faire fermer toute maison de débauche du lieu, ou bien subordonner son ouverture ou sa conservation à une autorisation facultative, qui sera refusée ou retirée selon l'appréciation administrative; mais, ainsi que l'a dit la cour de cassation dans son arrêt du 18 juillet 1857, « il y a lieu de distinguer entre le fait de location et celui de l'exercice, dans les lieux loués, d'une profession soumise, par sa nature, à la surveillance spéciale de l'autorité. » C'est contre les personnes exerçant cette profession que doivent agir le pouvoir réglementaire et la police, en prohibant ou surveillant ce sera tout à la fois légal et efficace, en ce que le règlement prohibitif et la sanction pénale pourront être appliqués, nonseulement à l'ouverture qui serait postérieure à la publication ou notification, mais même à la tenue continuée d'une maison antérieurement ouverte, parce qu'il n'y a pas ici de droit acquis qu'on puisse dire exclusif de la rétroactivité, les questions de résiliation du bail et de loyers étant étrangères à l'administration 33. Si le règlement de police peut avoir aussi des dispositions contre les propriétaires locateurs eux-mêmes, c'est à une double condition, qui est nécessaire du moins pour la force obligatoire avec sanction pénale. D'abord, il doit respecter les faits antérieurs de location, à distinguer ici des renouvellements postérieurs; car il y aurait effet rétroactif si l'on voulait appliquer une prescription ou prohibition réglementaire à la convention préexistante, sous prétexte que le bail se renouvellerait chaque jour parce qu'il est en cours d'exécution. En second lieu, le règlement local doit s'abstenir d'imposer au propriétaire des conditions qui, dépassant les besoins de la surveillance, aboutiraient à paralyser l'exercice du droit de location inhérent au droit

33. LA COUR;-vu l'arrêté légalement pris par le maire de Pont-Audemer, en date du 23 mai 1857, approuvé par le préfet le lendemain, et publié le 27 du même mois, conformément aux presciptions de l'art. 11 de la loi du 18 juill. 1837, lequel, dans son art. 1er est ainsi conçu :-« Aucune maison de tolérance ne pourra ètre ouverte dans la ville ni dans les faubourgs de PontAudemer sans l'autorisation préalable de l'administration municipale: » - vu le procès-verbal du commissaire de police, en date du 7 sept. 1857, duquel il résulte que la femme Gallon aurait, contrairement à l'arrêté susdit, ouvert une maison de tolérance sans autorisation préalable; - attendu que, pour relaxer la prévenue, le tribunal de simple police s'est fondé, en fait, sur une autorisation tacite antérieure à la publication de l'arrêté, et, en droit, sur ce principe que les lois, comme les arrêtés, ne disposant que pour l'avenir, ne peuvent avoir d'effet rétroactif; attendu que l'arrêté pris par le maire est un règlement de police ayant pour objet de maintenir l'ordre et les bonnes mœurs dans la ville et les faubourgs de Pont-Audemer; que cet arrêté, pris dans les limites des attributions de ce fonctionnaire, devenait obligatoire pour tous les citoyens, du jour où les délais prescrits par la loi du 18 juillet 1837 ont été observės; attendu que, le 7 septembre, c'est-à-dire plus d'un mois après l'expiration du délai prescrit, la femme Gallon a tenu sans autorisation une maison de tolérance; qu'il ne s'agissait point, aux termes du procès-verbal, de poursuivre les faits antérieurs à l'arrêté du maire, mais ceux qui, depuis Sa publication légale, constituaient chaque jour une infraction aux prohibitions qu'il renferme; que c'est donc à tort et en violation de l'art. 471, no 15, C. pén., que le tribunal de Pont-Audemer a relaxé la femme Gallon de la plainte dirigée contre elle; casse.

Du 25 février 1858.-C. de cass. -M. Jallon, rapp.

de propriété. Ce qu'on peut et ce qu'on doit exiger des propriétaires bailleurs, c'est qu'ils fassent à la police, pour qu'elle puisse exercer la surveillance qui est un droit et un devoir pour elle, une déclaration, comprenant telles ou telles indications, lorsqu'ils feront bail, soit à une fille connue comme inscrite ou comme livrée à la prostitution, soit à une personne dont l'intention connue serait d'y établir un lieu de débauche, ou bien lorsqu'ils viendront à apprendre ce qu'est devenu l'usage de leur maison ou appartement, qu'ils veuillent ou non demander la résiliation pour cette cause. Telle est toute la portée de l'arrêt de cassation du 30 mai 1844, dans l'espèce du quel il ne s'agissait que de déclaration, ainsi que l'indique l'exposé dont le bulletin officiel a fait précéder l'arrêt, par exception et pour prévenir toute équivoque 34. Une distinction serait nécessitée par la trop grande généralité du règlement, s'il faisait « défense à tous propriétaires ou locataires de louer aucune chambre à filles ou femmes débauchées, et de les loger ou recueillir chez eux. » Cette prohibition atteindrait légalement tous logeurs en garni, débitants de boissons et autres exerçant une profession analogue; mais elle serait contestable, de la part des propriétaires ou principaux locataires étrangers à l'une de ces professions, encore bien que le fait défendu soit de ceux qui sont justement suspects 35. A plus forte raison irait-elle trop loin, si elle voulait

34. «Il résultait d'un procès-verbal... que le sieur... était contrevenu à l'art. 11 de l'arrêté .. relatif aux filles et femmes publiques, en louant une maison à une fille publique tenant maison de prostitution sans en avoir fait la déclaration au commissaire de police du quartier comme le prescrit l'arrêté susdit. >>

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Vu l'art. 3, no 5, titre x1, de la loi des 16-24 août 1790, et l'art. 46, titre 1er, de celle des 19-22 juillet 1791; vu pareillement l'arrêté du maire de Lisieux, en date du 4 décembre 1858, approuvé par l'autorité supérieure le 28 mars suivant, et l'art. 471, n° 15, C. pén.; attendu que l'art. 11 de l'arrêté précité. ayant pour objet de maintenir le bon ordre et la tranquillité publique, est légalement émané de l'autorité municipale; - qu'il est dès lors obligatoire pour les citoyens comme pour le tribunal, dont le devoir est d'en procurer l'exécution; -attendu que les dispositions de l'art. 475 C. pén., qui contient des dispositions qui concernent exclusivement les aubergistes et les hôteliers, ne pouvaient être un obstacle à ce que l'administration municipale prenne des mesures pour des cas analogues, obligatoires pour tous les citoyens; admettant même que ces mesures apportassent des entraves au légitime usage du droit de propriété, elles ne pourraient être modifiées ou abrogées que par l'administration supérieure; - d'où il suit qu'en décidant, dans l'espèce, que le règlement du 4 décembre 1838 a été incompétemment rendu, et ne saurait être exécutoire, mème en admettant une exception fondée sur l'ignorance et la bonne foi que la loi n'admet pas comme justification de la prévention, le jugement attaqué a non-seulement commis un excès de pouvoir, mais méconnu encore l'autorité dudit règlement municipal et violé les lois ci-dessus rappelées;

-casse.

Du 30 mai 1854. - C. de cass.- - M. Jacquinot-Godard, rapp.

qu'en

35. Vu l'arrêté du maire de Sedan, du 23 octobre 1834, art. 3, § 13, et l'art. 471, no 15 C. pén.;-attendu que, par un procès-verbal régulier, il a été constaté que Samson, débitant de boissons et logeur en garni, logeait chez lui des filles publiques, déclarées pour telles à la police, en contravention à l'art. ci-dessus cité de l'arrêté du maire de Sedan qui fait défense à tous propriétaires ou locataires de louer aucune chambre à filles ou femmes débauchées êt de les loger ou recueillir chez eux; —que ce règlement, à supposer que les

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