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des contradictions diverses. Quoique le décès du mari plaignant eût précédé même l'ordonnance de mise en prévention, le ministère public. en première instance, a soutenu que la poursuite commencée devait aboutir à une condamnation contre la femme et le complice, et il a frappé d'appel le jugement déclarant la poursuite éteinte par le décès; à l'inverse, l'organe du ministère public, devant la Cour impériale, a développé le système d'extinction et réfuté les objections contraires, dans des conclusions remarquables que nous allons recueillir avec l'arrêt qui les contredit (en raison de la gravité des raisons respectives, que la Cour de cassation est encore une fois appelée à contrôler). Le tribunal a jugé l'action éteinte, mais par des motifs dont l'expression va certainement trop loin en quelques points (Jug. 23 déc. 1862; J. cr., art. 7564); d'un autre côté, la première chambre de ce tribunal vient de décider que même le désistement du mari plaignant n'empêche pas la condamnation de la femme, lorsqu'il délaisse la voie correctionnelle pour une demande en séparation de corps (Jug. 25 fév. 1863), question analogue qui présente encore d'autres difficultés. (Voy. nos art. 6576, 6976, 7028, 7049 et 7352.) La Cour impériale admettait précédemment la fin de non-recevoir tirée du décès avant jugement définitif (arr. 2 juillet 1859); c'est tout le contraire qu'elle a décidé par l'arrêt ci-dessous.

CONCLUSIONS DE M. L'AVOCAT GÉNÉRAL DUPRÉ-LASSALLE.

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La question que l'appel du procureur impérial soumet à la Cour est une des plus délicates et des plus controversées de notre doit criminel; et lorsqu'en présence des contradictions respectables du tribunal et du parquet de première instance je viens pour faire connaître ma conviction, il est de mon devoir de vous exposer non-seulement les motifs qui l'ont décidée, mais encore ceux qui peuvent lui être opposés. Dans tous les temps, dans tous les lieux, l'adultère a été justement flétri comme un délit qui offense la société en même temps qu'il trouble la famille. La lei romaine le punissait comme un crime public; elle donnait le droit d'accusation à tous les citoyens, mais ses rigueurs n'avaient pu arrêter la licence des mœurs; quand to te pudeur était réfugiée au fond des Catacombes, l'adultère souillait même le palais des Césars, et le scandale des poursuites aggravait le mal au lieu de l'arrêter. Chose remarquable, le christianisme, cette grande école de chasteté, sut mieux comprendre les susceptibilités de l'honneur domestique, et la nécessité de fermer l'entrée de la famille à des inquisitions téméraires. Le premier empereur chrétien, Constantin, restreignit l'action aux seuls parents de la femme. Justinien adoucit encore la législation en donnant au châtiment un caractère religieux, et en permettant au mari de pardonner à sa femme en la retirant dans un couvent où elle aurait été enfermée. L'ancien droit français alla plus loin dans cette voie d'humanité: bien que l'adultère, frappé des peines de l'authentique, fùt toujours considéré comme un crime public, l'action n'appartenait pas au ministère public, elle était réservée au mari; elle ne pouvait être exercée que par lui: elle mourait avec lui. — Telle fut la règle jusqu'à la période révolutionnaire, où, pour la première fois, la loi cessa de punir l'adultère; mais lorsque la morale publique se releva avec le consulat, le nouveau legislateur fut naturellement ramené sous

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l'empire des idées si sages qui avaient dicté aux Parlements leur antique jurisprudence. D'une part, on voulait flétrir l'adultère en l'inscrivant dans la loi comme un délit, et en le frappant d'une peine toutes les fois qu'il serait dénoncé aux tribunaux; mais, d'un autre côté, on reconnaissait tous les ménagements qu'exigeaient en pareille matière la difficulté des preuves et le danger du scandale, et l'on s'arrêtait devant les hautes considérations qui ne permettent pas de troubler la paix des familles et de dégrader l'autorité maritale par des poursuites d'office. Cette double préoccupation domine les délibérations du Conseil d'État, les exposés des motifs, les discours des orateurs du gouvernement et du Corps législatif. — Ainsi, le ministre de la justice disait: « Si la disposition qui punit la connivence du mari est admise, on expose des poursuites l'homme qui, pour ne pas divulguer la honte de sa famille, aura gardé un pénible silence et dévoré en secret sa douleur. En général, l'adultère n'offense que le mari, et dès lors c'est à lui seul que les lois en ont toujours permis la poursuite. >> L'archichancelier Cambacérès, après avoir demandé des peines sévères pour le délit, exigeait que le choix des preuves fût réglé avec soin, pour éviter des procès dangereux, et il ajoutait : « La poursuite de l'adultère ne doit appartenir qu'au mari, et jamais au ministère public. >> M. Régnauld de Saint-Jean-d'Angely voulait que le mari ne pùt se plaindre à la légère, et proposait une rédaction ainsi conçue: «L'adultère de la femme ne pourra être poursuivi que par le mari et lorsqu'il formera en même temps l'action en divorce on en séparation de corps, » et cette rédaction ne fut écartée que parce qu'on ne jugea pas à propos de soumettre la plainte en adultère à la condition d'une demande en séparation. Et ce qui prouve que les idées qui avaient présidé à la discussion étaient passées dans la loi, c'est que le conseiller d'État Faure disait dans l'exposé des motifs : « Le mari seul est en droit de se plaindre; l'action doit être interdite à tout autre, parce que tout autre est sans qualité et sans intérèt. » Et M. Monseignat, dans le rapport au Corps législatif, ajoutait : « Ce délit porte sans doute atteinte à la sainteté du mariage, que la loi doit protéger; mais sous tout autre rapport l'adultère est moins un délit contre la société que contre l'époux, aussi le ministère public ne peut-il d'office s'immiscer dans la poursuite; mais si le magistrat est saisi de la plainte de l'époux outragé, la vindicte publique s'associe à celle du plaignant. » Tous les documents législatifs le démontrent l'intention des auteurs de la loi était de revenir au principe de l'ancien droit, qui réservait au mari seul la poursuite de l'adultère; obligés de concilier ce principe avec le système nouveau de procédure qui ne permettait plus de déléguer à des tiers, mème à une partie civile, l'action publique, qui n'appartient qu'au parquet, ils ont opéré cette conciliation en donnant l'action au parquet, mais à la condition qu'il ne pourrait l'exercer et la suivre qu'avec le consentement et le concours du mari. - En effet, le parquet n'a pas l'initiative; il faut qu'il soit mis en mouvement par une plainte régulière du mari, par la déclaration expresse de son intention de voir l'adultère recherché et puni. Lorsque la condamnation est prononcée, le mari peut en faire cesser les effets en consentant à reprendre sa femme, à qui le pardon ouvre les portes de la prison. Et comme il était impossible de lui refuser avant le jugement ce que l'art. 337 du Code pénal lui accorde après la sentence; comme il y avait un à fortiori évident à tirer d'un cas à l'autre; comme l'art. 336 du Code pénal, par la généralité de ses termes et de puissantes raisons d'analogie, se référait aux règles posées par le Code Napoléon en matière de séparation, notamment à l'art. 272, qui déclare que l'action en

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divorce ou en séparation est éteinte par toute réconciliation survenue avant ou depuis la demande, on a dû décider et on a décidé que le mari, soit par un désistement formel, soit par une réconciliation effectuée, pouvait arrèter les poursuites et empêcher la condamnation. Ainsi, droit exclusif de plainte, droit d'amnistie avant le jugement, droit de grace après le jugement, tels sont les priviléges du mari, telle est l'exception introduite en sa faveur aux règles générales de l'instruction criminelle, exception tellement large, tellement étendue, qu'il est vrai de dire qu'elle subordonne entièrement l'action du ministère public à la volonté du mari, puisque ce dernier peut à son gré autoriser les poursuites ou les arrèter, et que l'adultère de la femme, en tout état de cause, n'est punissable qu'autant qu'il lui convient. L'action publique lui est tellement subordonnée, que les exceptions qui peuvent être opposées au mari peuvent l'être également au ministère public, et l'arrêter, malgré la plainte qui lui avait permis de se mettre en mouvement. Ainsi, la femme prouve-t-elle qu'avant ou mème depuis la plainte elle a obtenu le pardon de son mari, et qu'une réconciliation est intervenue, il y a là une fin de non-recevoir contre le mari, qui par cela même devient une fin de nonrecevoir contre le ministère public. Il y a plus, si la femme prouve qu'avant ou depuis la plainte le mari a entretenu une concubine au domicile conjugal, si elle le fait condamner pour ce délit, il y a encore fin de non-recevoir. En ce qui concerne le mari, en ce qui concerne son action civile, je le comprends; il est désormais indigne de se plaindre, mais cette indignité lui est personnelle; elle n'efface pas la faute de la femme; les torts des époux ne peuvent se balancer et se compenser, et il semble qu'il serait plus moral que le délit de mari n'assurât pas l'impunité du délit plus grave que la femme a commis. Pourquoi donc, en ce cas, la fin de non-recevoir qui arrête le mari arrète-t-elle aussi le ministère public? Pourquoi la loi le déclare-t-elle expressément? — Parce que la loi est conséquente avec elle-mème; parce qu'elle a tiré avec une logique inflexible les conséquences du principe qui a dicté ses dispositions. Ce principe, c'est qu'en matière d'adultère le ministère public n'aura pas l'action par lui-mème, c'est qu'il ne pourra intervenir que par la volonté formelle du mari; c'est qu'il ne pourra marcher qu'avec cette volonté persistante. Donc, si le mari retire cette volonté, s'il devient incapable ou indigne de l'exprimer, le pouvoir qu'elle conférait au ministère public s'efface en mème temps qu'elle; après un plainte rétractée par le désistement du mari ou annulée par son indignité, l'action publique se trouve paralysée comme si elle n'avait jamais existé, car cette action avait à tout moment besoin d'ètre soutenue et vivifiée par le concours du mari. - A la vérité, il n'est pas nécessaire que le mari se constitue partie civile, qu'il assiste à toutes les audiences, qu'il soutienne de sa plume ou de sa voix toutes les réquisitions écrites ou verbales du ministère public; et si celui-ci interjette un appel ou forme un pourvoi en cassation, il n'est pas exigé que le mari se joigne à l'appel ou au pourvoi. La raison en est simple: le mari peut se désister. S'il ne se désiste pas, sachant que les poursuites continuent, c'est qu'il veut qu'elles continuent; son silence fait présumer son concours, et cette présomption suffit pour autoriser l'exercice de l'action publique qui est subordonné à sa volonté particulière; au moins faut-il que la présomption existe, et qu'elle résulte de ce que, pouvant manifester une intention contraire, il ne la manifeste pas.--Quel parquet oserait poursuivre, quel tribunal oserait condamner avec la certitude que le mari s'oppose à la poursuite ou à la condamnation? - Mais dès que cette présomption disparaît, dès qu'il devient certain que le mari,

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soit par l'absence, soit par l'interdiction, soit par la mort, ne peut plus exprimer sa volonté, l'action publique s'arrète; elle n'avait d'autre base que cette volonté; elle n'a plus de raison d'être quand cette base lui manque; car dans cette matière spéciale de l'adultère, l'action dépend de la plainte; il faut que cette plainte soit jusqu'au dernier moment soutenue et renouveléc par l'assentiment exprès ou tacite du mari; si cet assentiment fait défaut, la plainte tombe; elle est comme si elle n'avait jamais existé; c'est une conséquence de principe qui ne saurait être méconnue; la loi l'a dit expressément pour le cas où le mari, par son indignité, devient incapable d'avoir une volonté ; la jurisprudence doit le dire également pour le cas où il est dans l'impossibilité d'en avoir une. - Aussi, lorsque la question s'est posée pour la première fois, en 1839, devant le tribunal correctionnel de Montpellier, la fin de non-recevoir fut-elle admise; la Cour de Montpellier confirma le jugement, et le pourvoi du ministère public fut rejeté le 27 sept. 1839. — Un arrêt de la Cour de cassation du 29 août 1840 déclare qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre le cas où le mari décède avant tout jugement, et le cas où il décède pendant l'instance d'appel, puisque les exceptions péremptoires contre l'action publique peuvent être opposées en tout état de cause. Mais la jurisprudence a ses excès; on arriva à décider qu'après une sentence d'acquittement, l'appel ou le pourvoi du ministère public ne pouvaient ètre formés sans une plainte nouvelle et expresse du mari, et mème qu'à défaut d'appel du parquet, l'appel du mari avait pour effet de faire renaitre devant la Cour, non-seulement l'action civile, mais encore l'action publique; de là, une réaction en faveur de l'indépendance de l'action publique, réaction qui fut, à mon sens, poussée à l'extrême, et le 25 août 1848, dans une espèce à la vérité bien défavorable à la femme, car elle avait ét condamnée en première instance et en appel, et son mari était mort pendant les délais du pourvoi, la Cour de cassation, par un arrêt rendu après partage, décida, contrairement à ses décisions de 1839 et de 1840, que le décès du mari devait toujours rester sans influence sur la poursuite légalement commencée par le ministère public après plainte du mari. Néanmoins un arrêt de cassation du 8 mais 1850 a décidé que le décès de la femme éteignait l'action à l'égard du complice. Les tribunaux et les Cours impériales n'ont jamais varié. Je ne connais pas de décision qui ait repoussé la fin de non-recevoir. La jurisprudence de la Cour de Paris l'admet. Je citerai notamment un arrêt du 2 juillet 1859. — La doctrine est au contraire divisée pour la fin de non-recevoir, Carnot, de Molènes, Dalloz, de Villeneuve, Lesellyer; contre la fin de non-recevoir, Mangin et M. Faustin Hélie. Mais qu'il me soit permis d'invoquer M. Faustin Hélie contre lui-même. Ce savant auteur, tout en repoussant la fin de non-recevoir tirée du décès du mari, adopte celle tirée de son interdiction, comme s'il n'y avait pas dans les deux cas même raison de décider. Que dit, en effet, M. Faustin Hélie: « Le mari est armé de deux droits corrélatifs l'un à l'autre, la plainte et le désistement, le droit de provoquer la poursuite et le droit de la faire cesser; c'est là la double condition de son exercice. L'interdiction qui met un obstacle au désistement doit donc, en même temps, mettre un obstacle à l'action. » Et précisément, nous soutenons que la mort, qui met obstacle au désistement, met aussi obstacle à l'action. Tels sont les éléments de la question jugée par le tribunal de la Seine; j'approuve sa décision, sans approuver tous ses motifs, dont quelques uns semblent compromettants; je ne puis admettre que l'adultère soit un délit privé, ni que le ministère public soit le mandataire du mari; mais les pre

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miers juges sont dans le vrai quand ils déclarent que l'action publique, subordonnée à la volonté du mari, ne saurait lui survivre. — Qu'opposent à cette thèse Mangin, M. Faustin Hélie et l'arrêt de 1848? Leurs objections peuvent se résumer en ces termes: - Le principe général, c'est l'indépendance absolue; ce principe souffre une exception en matière d'adultère, mais toute exception doit être resserrée dans ses termes; elle consiste uniquement en ce que le ministère public ne peut agir sans une plainte du mari, et en ce que le mari peut arrêter les poursuites par la réconciliation. Or, que résulte-t-il de la mort du mari? que la réconciliation est devenue impossible. L'obstacle n'est pas né; on est certain qu'il ne naîtra pas, et il faut se féliciter de ce que rien n'empèche désormais de punir un attentat qui blesse profondément les mœurs.- Cette objection qui s'enferme dans le texte du Code a une apparence juridique qui séduit au premier abord; mais la lettre tue et l'esprit vivifie. Est-ce une bonne logique que celle qui conduit à un résultat diamétralement opposé à l'intention de la loi? Sans doute, les exceptions doivent ètre resserrées dans leurs limites; mais dans ces limites mèmes il faut les accepter tout entières, avec les conséquences qui en découlent nécessairement, cir, pour les matières spéciales qu'elles régissent, elles sont la règle, et si le texte qui les a établies se tait sur une des questions qui s'y rattachent, il faut le suppléer, non par la règle générale à laquelle elles dérogent, mais par la règle particulière qu'elles fondent.—La jurisprudence et la doctrine ne manquent pas à ce devoir d'interprétation; permettez-moi deux exemples. - Le principe général de nos lois pénales, c'est que la mort de l'auteur principal d'un délit n'arrête pas l'action contre le complice; on a décidé le contraire en matière d'adultère; la loi ne le disait pas cependant, mais cela résultat des dispositions exceptionnelles qui régissent la poursuite de cette nature de délit. C'est aujourd'hui un axiome juridique que si, après la plainte et avant le jugement, le mari se réconcilie avec sa femme et consent à la reprendre, l'action publique est paralysée; on l'a décidé encore parce que cela résulte invinciblement des dispositions exceptionnelles en matière d'adultère. Cependant la loi ne l'a dit nulle part. M. Favard de Langlade argumentait de ce silence pour soutenir que, le texte donnant seulement au mari le droit d'arrêter les effets de la condamnation, les poursuites, malgré la réconciliation, devaient nécessairement aller jusqu'à la condamnation. Cette doctrine a même été adoptée par la Cour de Montpellier, dans un arrêt de 1823; et quand on lit cet arrèt, on y retrouve précisément les mèmes motifs par lesquels on repousse aujourd'hui la fin de non-recevoir tirée du décès du mari. M. Faustin Hélie fait remarquer que cette doctrine est rigoureusement conforme au texte des art. 336 et 337; mais il ajoute avec raison qu'il est impossible de la concilier avec l'esprit de la loi, et cela suffit pour la rejeter. C'est qu'en effet le premier devoir des jurisconsultes, le premier devoir du magistrat est de s'élever à l'esprit de la loi, tel qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions, des discours de ses auteurs, et des traditions séculaires auxquelles il est évident qu'ils ont voulu se rattacher, et des besoins sociaux qu'ils ont entendu satisfaire. Lorsque le législateur donnait au mari offensé ce privilége singulier de mettre en mouvement l'action publique par sa plainte, et de l'arrêter par son désistement, ce n'était pas pour soumettre sa femme aux caprices de ses ressentiments, mais pour lui confier la grande et nécessaire mission d'éclairer et de guider le ministère public. Le législateur voulait que l'adultère fùt flétri et puni comme un délit, mais il comprenait en même temps qu'il n'en était pas de ce délit comme de tous les autres qui doivent être re

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