Sivut kuvina
PDF
ePub
[ocr errors]

crim. de l'Empire, 472 C. instr. crim. sarde de 1839; attendu qu'avant la réunion de la Savoie à la France, les cinq accusés: Falcoz, Falcond, Labé, Gavet et Bernard dit Capitan, tous Français, originaires de Chapareillan (Isère), ont été condamnés par contumace, à Chambéry, chacun à vingt ans de travaux forcés pour crime de viol en réunion, commis le 3 juin 1849, en Savoie, territoire de la commune des Marches, sur une Savoisienne, Euphrosine Pessat, femme de Joseph Fontaine; attendu que cet arrêt de condamnation, rendu par la Cour d'appel de Savoie le 1er juillet 1851, sous le régime sarde, se trouve, d'après les deux législations, anéanti de plein droit par le fait de l'arrestation des condamnés; - attendu que la procédure et les actes postérieurs à l'ordonnance de se présenter ont suivi le sort de l'arrêt de contumace; attendu, au contraire, que l'arrestation a laissé subsister l'arrêt de renvoi du 14 mai 1850 et l'acte d'accusation du 20 juin même année, qui sont antérieurs à ladite ordonnance; - attendu qu'il n'a pas été formé de demande en nullité contre l'arrêt de renvoi dans les cinq jours de sa notification aux accusés, et que le défaut de pourvoi en cassation contre cet arrêt lui a conféré l'autorité de la chose jugée; attendu que, le crime ayant été commis en pays étranger, sur une étrangère par des Français, qui se sont ensuite réfugiés en France à la faveur du double principe que la France n'extrade pas ses nationaux, et que les arrêts criminels d'un État ne sont point exécutoires à l'étranger, c'est le cas de déterminer quelle a été sur la situation des accusés l'influence de l'annexion de la Savoie à la France, spécialement si l'arrèt de renvoi précité a pu depuis ètre légalement exécuté en France, y servir à l'arrestation des cinq contumaces, et saisir de plein droit la Cour d'assises du nouveau département de la Savoie, lieu du crime;

[ocr errors]

attendu que chaque Etat est investi d'un droit de souveraineté nationale qui fait sa force et son indépendance, et lui garantit l'inviolabilité de son territoire; attendu que la réunion d'un pays à un autre par la conquête ou les traités détruit le droit de souveraineté du premier, et le fait passer sous la dépendance du second; attendu que, par une sorte de confusion ou de transmission qui s'opère au moment même de la cession, ces droits réciproques de souveraineté se réunissent sur la mème tête, avec tous leurs attributs et accessoires naturels, tels que les droits de compétence, de répression territoriale, d'exécution des arrêts criminels, de grâce, ainsi que les lois de police et de sûreté, obligeant à l'instant l'universalité des habitants sans distinction; attendu que ces droits de souveraineté, principaux et accessoires, qui expiraient à l'ancienne frontière, la dépassent tout à coup par l'effet de l'agrandissement, reculant et s'étendant avec elle jusqu'à la nouvelle limite dans toute l'étendue du territoire conquis ou cédé; - attendu que, puisée à la source la plus élevée du droit public et du droit des gens établi de nation à nation, et non d'individus à individus, la souveraineté ne confère à ces derniers, en matière criminelle, ni privilége, ni bénéfice personnel, ni droit acquis; que ce n'est qu'indirectement et accidentellement qu'ils profitent des avantages qui en découlent; attendu, dans l'espèce, que les accusés s'écartent de la vraie question litigieuse lorsqu'ils invoquent et l'inviolabilité de leurs personnes et la non-rétroactivité des lois pour le crime objet de ces poursuites; que, d'une part, ils confondent les droits des personnes avec les droits attachés au territoire; que la personne d'un criminel n'est jamais inviolable, qu'elle n'est protégée que par rapport au lieu qui lui sert de refuge ou d'asile; que, d'autre part, le débat ne porte pas sur la rétroactivité, mais bien sur la possibilité ou l'impossibilité d'exécution d'un arrêt criminel émané de l'an

[ocr errors]

cienne Cour d'appel de Savoie; que, loin que cet arrèt de renvoi de 1850 ait jamais été frappé de nullité, non plus que l'acte d'accusation qui a suivi, leur existence et leur efficacité ont été constatées et acceptées, qu'ils ont été notifiés sans pourvoi, et que, dès lors, il est faux de soutenir que la notification postérieure également acceptée ait été entachée du mème vice, puisque ce vice n'a point existé dans l'origine; - attendu qu'il importe peu que les cinq accusés français, réfugiés et protégés en France jusqu'à l'annexion, n'aient apporté par leur fait et par eux-mèmes aucune modification à cette position toute de simple tolérance; attendu que, légalement, ils n'avaient point en France de droit de refuge on d'asile avant la cession du territoire; qu'ils ne se trouvaient de fait, dans ce lieu d'asile, à l'abri des atteintes de l'arrêt de renvoi sarde, que par la séparation des deux nationalités; que lorsqu'elle a cessé ils devaient savoir que si un État ne livre pas ses nationaux, il les saisit sur son territoire ancien ou nouveau, partout où il les trouve, et qu'ils étaient désormais exposés à être déférés à la justice criminelle du nouveau département français; qu'ils n'avaient donc d'autre moyen de continuer à échapper que de quitter promptement la France et de gagner un pays où, pour leur crime spécial, les traités n'eussent point autorisé l'extradition; attendu qu'il est encore inexact de prétendre que la position des accusés se trouverait aggravée par la réunion des deux territoires, si la poursuite actuelle venait à être reconnue légitime; — attendu qu'en matière civile, on conçoit que des droits privés dérivant des contrats ou des obligations soient définitivement acquis dès qu'ils ont été fixés et qu'ils résistent à l'influence d'une réunion des territoires aussi bien qu'aux changements de législation qui en sont la suite; - attendu qu'il en est autrement au criminel; que la nature, le caractère éminemment protecteur de la loi pénale, le besoin de sûreté et de répression s'opposent à la consécration de semblables principes; qu'au surplus, la raison, d'accord en cela avec la morale et la loi, se refuse à concevoir un droit acquis à l'impunité et l'idée d'inviolabilité d'un coupable; qu'en sa faveur il n'y a pas de frontières; - attendu que l'adoption du système proposé sur ce point par la défense conduirait directement à l'impunité et à d'autres conséquences non moins étranges et déraisonnables; qu'ainsi un grand coupable, le lendemain mème d'un crime odieux à l'étranger, pourrait retourner braver impunément la justice du pays du lieu du crime qui serait devenu brusquement le siem par l'effet d'une convention; que, dans la cause, les accusés profiteraient si bien de celle de la Savoie, qu'ils seraient insaisissables et dans l'ancienne France, et dans la Savoie devenue française, et mème en Italie, tandis qu'avant la réunion on pouvait les arrèter et les juger sur le territoire sarde s'ils s'y fussent représentés; - attendu, en conséquence, qu'il faut reconnaitre qu'à partir du jour de l'annexion de la Savoie à la France, l'Empereur des Français a recueilli du Piémont, par voie de transmission volontaire et de vote national, l'arrêt de renvoi du 14 mai 1850, avec le pouvoir et le devoir d'en assurer l'exécution dans ses États ainsi agrandis; attendu, par suite, qu'au nom de son souverain, le ministère public de Chambéry a pu régulièrement requérir l'exécution de cet arrêt rendu par l'ancienne Cour de Savoie, rechercher les auteurs du viol commis en 1849, en rassembler les preuves et déférer les accusés à cette Cour d'assises continuatrice de l'ancienne Cour criminelle du pays, et dont la compétence territoriale, à raison du lieu du crime, ne saurait être contestée; - par ces motifs : - déclare que l'arrestation d'Alphonse Falcoz et consorts a été légalement opérée; que la Cour d'assises de la Savoie a été bien et régulièrement saisie de la connaissance du

[ocr errors]

crime de viol, objet de la poursuite actuelle de M. le procureur général de Chambéry se déclare compétente, retient l'affaire, ordonne, en conséquence, qu'il sera passé outre aux débats.

Du 23 février 1863.

- C. d'ass. de Chambéry.-M. Klecker, prés.

OBSERVATIONS. Cette remarquable décision nous paraît irrécusable, à part la critique qui serait possible quant à certaines expressions, peut-être trop absolues. Sans doute l'annexion postérieure au crime n'autorise aucune aggravation pénale, pas plus qu'un changement de législation ne peut rétroagir au préjudice du coupable (voy. Rép. cr., vo Effet rétroactif, nos 4-7; arr. 16 nov. 1860, 4 janv. et 28 mars 1861 ́ ̄; J. cr., art. 7211, 7217 et infrà); mais il n'y a pas rétroactivité interdite, dans l'application immédiate des nouvelles lois de procédure et de compétence aux poursuites même déjà commencées (Rép. cr., eod. verbo, nos 8-12; J. cr., art. 6895, avec les renvois). Il est également vrai qu'avant l'annexion, les Français ayant commis un crime à Chambéry, et revenus en France, ne pouvaient être livrés à la justice sarde, parce que la France n'accorde pas l'extradition de ses nationaux (voy. Rép. cr., vo Extradition, nos 12-13; J. cr., art. 6301, 6537, 6918 et 7250); mais résultait-il de là, pour eux, un droit acquis tel, que l'annexion même ne pût autoriser leur arrestation en France, où ils résidaient, et leur mise en jugement devant la Cour siégeant au lieu du délit? Nous ne saurions l'admettre. Le principe suivant lequel la France ne livre jamais ses nationaux tient à la souveraineté territoriale, d'où dérivent aussi le pouvoir de punir même les étrangers délinquants et celui de refuser exécution aux jugements étrangers (voy. nos art. 6891, 7386, 7397, 7420, 7433 et 7477). Si notre loi ne permet pas de punir en France les Français ayant délinqué à l'étranger, c'est parce qu'elle repose sur le système de la compétence territoriale et n'admet celui du statut personnel qu'exceptionnellement, en certains cas (voy. Rép. cr., v° Compétence, nos 24 et suiv.; J. cr., art. 7250, 7386 et 7603). Cela ne fait pas qu'il y eût, pour le Français ayant commis un crime dans le pays plus tard annexé à la France, une immunité personnelle ou une garantie individuelle, comme si la loi contemporaine lui eût promis qu'il ne serait jamais poursuivi et puni. Il y aurait question de rétroactivité, s'il s'agissait seulement d'appliquer une loi qui viendrait établir en France le système du statut personnel, afin d'y faire punir les Français ayant commis un crime en pays étranger; mais les objections qui s'élèveraient alors ne peuvent se présenter dans le simple cas d'annexion, alors surtout que la législation est la même dans les deux pays qui viennent à être réunis. Comme le dit très-bien l'arrêt, il n'y avait pas d'immunité; l'obstacle à l'arrestation ne résultait que des frontières il a disparu par l'effet de l'annexion, l'État agrandi a réuni les droits des deux pays, et on ne concevrait pas que le coupable trouvé en France échappât partout à la répression encourue.

ART. 7601.

Peut-on joindre à une accusation principale, dont le jugement a été suspendu pour suspicion de faux témoignage dans le débat oral, l'accusation incidemment portée contre le témoin?

Sur cette grave question et certaines difficultés secondaires, il y a des opinions divergentes avec des solutions diverses. Nous avons à fixer les principes qui semblent prévaloir, surtout d'après les derniers monuments de la jurisprudence.

La jonction des procédures ayant entre elles un lien étroit, lorsqu'aucun principe n'interdit ce procédé judiciaire, importe à la bonne administration de la justice, pour la découverte de la vérité, parfois même dans l'intérêt bien entendu de la défense, au moins pour celui des accusés qui serait innocent. Mais elle ne saurait être laissée à l'arbitraire d'un magistrat, il doit y avoir des règles et le droit sacré de défense a dû faire tracer des limites. On s'accorde à dire qu'il ne faut réputer limitatives ni les dispositions de l'art. 227 C. instr. cr., qui ont imparfaitement énuméré les cas de connexité, ni celle de l'art. 307, dont le texte incomplet semblerait n'autoriser la jonction de plusieurs actes d'accusation que lorsqu'il y a même crime ou délit. Mais les principes et la raison ne permettent au juge d'étendre ces dispositions, en les appliquant, qu'autant qu'il trouve dans les accusations à joindre un rapport intime qui lie entre eux les faits poursuivis, un lien effectif préexistant que la procédure ne doit pas briser: car, ainsi que le disent deux éminents criminalistes, un délit n'est pas connexe à un autre par cela seul que celui-ci en a été l'occasion; on ne saurait assimiler à la connexité, entendue même dans son sens le plus large, la simple corrélation, qui n'est qu'un rapport accidentel, qui n'établit entre les faits divers aucun lien et ne donne par conséquent nul droit de confondre et de faire asseoir l'un à côté de l'autre, en faisant réfléchir sur celui-ci la criminalité de celui-là, deux accusés qu'aucune association n'a réunis et qui sont étrangers entre eux (Mangin, Instr. écr., t. II, p. 439; F. Hélie, Instr. crim., t. vi, p. 662, et t. vIII, p. 574).

L'accusation incidente de faux témoignage, spécialement, est soumise à des règles particulières, dont les principales sont tracées par les art. 330 et 331 C. inst. cr., qu'il faut rapprocher des art. 445 et 446. Quand la cour d'assises saisie de l'accusation principale en a, par arrêt, renvoyé le jugement à une session ultérieure, l'accusation de faux témoignage incidemment portée ne doit-elle pas avoir la priorité, pour que l'autre soit dégagée de tout ce qui est suspect? La défense de l'accusé principal, dont la situation ne doit point être aggravée par un incident qu'il n'a pas provoqué, ne souffre-t-elle pas lorsque ses témoins sont transformés en coaccusés devant les mêmes juges? C'était l'opinion de Merlin, puisqu'il disait, dans les conclusions qu'a suivies J. cr. ΜΑΙ 1863.

9

l'arrêt de 1813 ci-après, « qu'il fallait que les témoius fussent acquittés de la prévention de faux témoignage avant qu'ils pussent reparaître dans le procès principal;... que la loi suppose que les accusés de faux témoignage ont été jugés avant le procès principal, qu'elle le suppose nécessairement. » (Rép., v° Subornation, no 5 bis.) M. Legraverend était assurément de cet avis, car il a dit : « Si le témoin est mis en accusation, il est important qu'il soit jugé à la même session que l'accusé dans l'affaire duquel il a déposé, et il doit nécessairement être jugé avant que cet accusé soit de nouveau présenté aux débats, afin que, suivant le résultat de la procédure qui le concerne, on puisse l'écarter définitivement ou l'appeler une seconde fois en qualité de témoin et éclairer sur sa déposition les jurés et les juges qui doivent prononcer sur l'accusation dans laquelle il dépose. Cette disposition du code est corrélative à celle qui concerne la révision pour faux témoignage.» (Législ. crim., t. II, p. 209.) M. Mangin l'entendait sans doute ainsi, puisqu'il proclamait, pour nier toute connexité, que « l'auteur d'un faux témoignage est absolument étranger au fait sur lequel il a déposé. » (Instr. écr., t. 1, p. 439.) M. le procureur général Dupin a énergiquement contesté le droit de jonction, dans ses conclusions suivies p s par l'arrêt de 1845 (Infrà). Enfin, M. F. Hélie, d'accord avec cet arrêt et nonobstant celui de 1856 ci-après, dit sans hésitation que le jugement de faux témoignage constitue une question préjudicielle qui doit être vidée avant que l'accusation principale soit soumise aux débats. » (Instr. crim.,'t. viñ, p. 569.)

Une doctrine contraire est enseignée par M. Ch. Nouguier (La Cour 'd'assises, t. '11, nos 910-913). Le savant magistrát, avec une puissance remarquable de raisonnement, combat un à un' tous les arguments émis contre la faculté de jonction, soit dans les livres ou les réquisitoires, 'soit dans plusieurs arrêts et dans les délibérés (où s'approfondissent les graves questions sur lesquelles il y a désaccord entre les magistrats criminalistes). Son argumentation développée peut se résumer ainsi : le pouvoir du juge, pour une jonction reconnue utile, ne doit point être enchaîné par les art. 307 et 308, 226 et 227, qui ne sont pas limitatifs. Il n'y a ici aucune incompétence quelconque qui fasse obstacle. On n'a aucun texte prohibitif, on ne peut davantage trouver de prohibition dans la combinaison des art. 315, 330 et 331, 445 et 446. Quand la cour d'assises surseoit en vertu des art. 330 et 334, sans doute ce n'est pas un sursis ordinaire, la pensée de l'arrêt est qu'on ajourne jusqu'à ce que l'information concernant le faux témoignage soit arrivée à son terme; cela permet bien de faire juger l'incident avant le principal, mais cela ne crée pas une question préjudicielle pour laquelle il faille nécessairement avant tout un jugement distinct. Il n'y a non plus aucun argument décisif à tirer des textes sur la révision, puisque le sursis est facultatif et empêche toute condamnation avant la poursuite en faux témoignage. Ici, point de sursis nécessaire ou de question préjudicielle; rien qui donne impérieusement la priorité à l'une des deux

« EdellinenJatka »