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avec penchant au suicide. Je pratiquai une incision cruciale sur le point douloureux; j'eus soin de montrer à la malade un fragment de lombric de terre, l'assurant que c'était la cause de ses maux. Après l'opération, cette femme montra à ses compagnes l'animal dont on l'avait délivrée, exprimant sa joie d'être guérie. Mais trente-six heures après, les compagnes de cette malheureuse se moquèrent d'elle, lui disant que je m'étais joué de sa crédulité : elle arracha aussitôt le cautère qui avait été établi; les douleurs anciennes se réveillèrent, et avec elles les illusions.

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V. Obs. Un général de division, âgé de cinquante et quelques années, avait contracté des rhumatismes pendant la guerre, et fut pris de manie avec fureur, à la suite d'une affection morale. Ses dents étaient mauvaises; il en souffrait souvent; il accusait le soleil d'être la cause des maux qu'il éprouvait, et lorsque ses douleurs étaient trop vives, le général poussait des cris affreux, adressait des injures au soleil et le menaçait d'aller l'exterminer avec sa brave division. Quelquefois les douleurs se portaient sur un genou; alors le malade saisissait avec une main la partie doulouet avec l'autre main fermée il frappait, à grands coups, son genou, en répétaut : Ah scélérat, tu ne t'en iras pas! Ah scélérat!.. Il croyait avoir un voleur dans le genou.

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VI. Obs. Une dame âgée de 30 ans, d'une forte constitution, devenue hypocndriaque, après de profonds chagrins qui lui avaient fait perdre le sommeil, se persuada que son cerveau était pétrifié. Plus tard, ayant senti battre les artères temporales, lorsqu'elle était couchée sur le côté droit, elle crut que son cerveau était liquéfié et qu'il coulait comme un torrent. Cette illusion était d'autant plus singulière que cette damne savait très-bien qu'une semblable désorganisation du cerveau est impossible.

Les douleurs gastriques, intestinales, les borborygmes le trouble des évacuations alvines, sont autant de symptômes

sur lesquels les aliénés se font souvent illusion, portant des jugemens aussi faux que divers sur la nature et les causes de ces symptômes. Les faits, à cet égard, sont très-nombreux et se retrouvent dans tous les auteurs.

VII. Obs. Ambroise Paré raconte qu'il guérit un hypocondriaque qui croyait avoir des grenouilles dans l'estomac, en lui faisant prendre un purgatif et en introduisant furtivement de petites grenouilles dans le vase qui devait recevoir les matières rejetées.

J'ai fait, à la Salpêtrière, l'ouverture du corps d'une femme lypémaniaque, laquelle disait avoir un animal dans l'estomac. Elle avait un cancer de ce viscère.

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VIII. Obs. Il y a, dans la division des aliénées de la Salpêtrière, une femme qui, depuis un grand nombre d'années, éprouve des douleurs abdominales. Elle assure qu'elle a, dans le ventre, tout un régiment; lorsque les douleurs s'exaspèrent, elle s'irrite, crie, et répète qu'elle sent les coups que se portent les militaires en se battant, et qu'ils la blessent avec leurs armes.

IX. Obs. Une femme, âgée de 57 ans environ, d'une constitution forte et d'un tempérament sanguin, avait été portière dans le cloître Notre-Dame et était très-dévote. Les évènemens de la révolution concoururent, avec la cessation des règles, à la rendre monomaniaque. Elle fut conduite à la Salpêtrière, où elle a vécu un grand nombre d'années. Cette femme avait la taille petite, le cou gros et court, la tête forte et beaucoup d'embonpoint. Sa physionomie avait quelque chose de mystique. Habituellement calme, elle travaillait à la couture. On l'appelait dans l'hospice la Mère de l'Eglise, parce qu'elle parlait sans cesse de sujets religieux. Elle croyait avoir, dans son ventre, tous les personnages du Nouveau-Testament, quelquefois même ceux de la Bible. Elle me disait souvent: Je n'y puis plus tenir, quand fera-t on la paix de l'Église? Si les douleurs s'exaspéraient, elle me répétait, avec un sang-froid imperturba

ble: Aujourd'hui l'on fait le crucifiement de Jésus-Christ, j'entends les coups de marteau qu'on donne pour enfoncer les clous. Elle croyait aussi que les papes tenaient concile dans son ventre. Rien n'avait pu dissiper des illusions aussi bizarres. A l'ouverture du cadavre de cette femme, je trouvai tous les intestins réunis par une péritonite chronique, en une seule masse, adhérant très-fortement entre eux par leur tunique péritonéale.

X. Obs. J'ai retrouvé la même altération, quoique l'adhérence fût moins forte et moins générale, chez une démonomaniaque, qui croyait avoir dans le ventre plusieurs diables qui la déchiraient et la portaient sans cesse à se détruire. Cette femme était dans un état de maigreur excessive; sa peau était devenue très-brune, comme tannée, et privée de toute sensibilité. J'ai souvent traversé sa peau avec de grosses épingles, sans provoquer la moindre douleur. Cette insensibilité avait persuadé à cette lypémaniaque, que sa peau était changée en celle du diable.

Les irritations, les douleurs des organes de la génération, sont, pour les aliénés, et particulièrement pour les femmes, des causes fréquentes d'illusions; elles ont quelquefois porté les aliénés à se mutiler.

Les femmes monomaniaques érotiques éprouvent tous les phénomènes de l'union des sexes; elles se croient dans les bras d'un amant ou d'un ravisseur. Une démonomaniaque hystérique croyait que le diable, des serpens, des animaux, s'introduisaient dans son corps, par les organes extérieurs de la reproduction. Les aliénées hystériques sont disposées à attribuer, et attribuent quelquefois à des ennemis, à des jaloux, les douleurs, les constrictions de la gorge, qui les suffoquent.

Les douleurs vagues que les aliénés sentent dans les membres donnent lieu aussi aux illusions les plus pénibles. XI. Obs. Un étudiant en médecine, âgé de 20 ans, fut pris de manie, causée par la présence de vers dans les

intestins. I ressentait des douleurs atroces et poussait 'des cris affreux: il lui semblait qu'on lui enfonçait des dards, particulièrement à la paume des mains et à la plante des pieds, ce qui lui faisait pousser des cris horribles, rechercher la solitude, l'obscurité, et l'empêchait de marcher. Les douleurs intolérables et la manie cessèrent après l'expulsion des vers.

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XII. Obs. Nous avons à Charenton un monomaniaque, âgé de 30 ans, qui est persuadé que, toutes les nuits, on le conduit dans les souterrains de l'Opéra; là, on lui enfonce des couteaux, des poignards dans le dos, dans la poitrine; on lui enlève tantôt un bras tantôt une cuisse; on lui coupe même la tête. Lorsqu'on fait observer à ce malheureux que sa tête est sur ses épaules, qu'il conserve ses membres, que son corps n'offre aucune plaie ni aucune cicatrice, il répond: « Ce sont des scélérats, des magnétiseurs, des francs-maçons, qui ont le secret de raccommoder les membres sans qu'il y paraisse. » Si l'on insiste : « Vous vous entendez, réplique-t-il, avec ces monstres, ces brigands. Tuez-moi, tuez-moi ! Je ne peux résister aux souffrances qu'ils me font endurer, ni à leur cruauté. » Le père de ce monomaniaque et son ancien patron sont regardés par lui comme les chefs de tous les scélérats qui le martyrisent chaque nuit.

SII. Après les faits qui indiquent la part que la sensibilité organique, que les sensations internes prennent aux illusions, passons aux faits relatifs aux illusions qui naissent

des sens externes.

Les perturbations de la sensibilité animale, les impressions qui viennent du dehors, les sensations externes, sont, avons-nous dit en commençant, des causes nombreuses d'illusions. Les illusions des sens externes ne sont pas rares chez l'homme en santé; elles sont fréquentes chez l'aliéné.

Le maniaque entend du bruit, il croit qu'on lui parle, et il répond comme si des questions lui avaient été adressées.

Entend-il plusieurs personnes parler, il croit que ce sont des amis qui accourent pour le délivrer, ou des sujets qui viennent l'élever sur le pavois et le proclamer roi.

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Le panophobe croit, au contraire, qu'on lui adresse des reproches ou des menaces: une phrase insignifiante, il la prend pour l'expression d'un complot tramé contre lúi; il croit entendre des ennemis, des agens de police, des meurtriers, se concerter pour l'arrêter, et le conduire à la prison ou à l'échafaud. Une porte s'ouvre-t-elle, il se croit perdu et prêt à devenir la proie de gens qui lui en veulent. XIII. Obs. Un employé, âgé de 31 ans, avait perdu son emploi qui lui servait à nourrir sa famille, et était tombé dans l'infortune. Il se rendait à Paris; tout-à-coup il s'élance hors de la diligence, et provoque ses compagnons de voyage, qui ont, dit-il, tenu des propos contre lui et applaudi à sa destitution. Tous les voyageurs, au reste, lui étaient inconnus. Arrivé à Paris, M. *** se loge rue de Bourgogne; mais il n'ose sortir de chez lui, voyant, dans toutes les personnes qu'il rencontre, des espions et des agens de police prêts à l'arrêter. Ce jeune homme d'ailleurs était très - calme et très-raisonnable sur tout autre sujet. Un jour, il entend les pas de plusieurs personnes qui montent l'escalier de la maison qu'il habite. Convaincu que ces personnes viennent l'arrêter, il se saisit d'un de ses rasoirs, et se fait au cou plusieurs blessures peu profondes. Sa sœur, qui était dans la chambre, se précipite sur son frère; celui-ci rejette le rasoir, mais il veut se précipiter par la croisée, en entraînant sa sœur avec lui. Les voisins accourent, on place le malade dans son lit. Une heure après, il m'avoue qu'il n'a cherché à se tuer que pour se soustraire à l'arrestation et à l'infamie de l'échafaud.

XIV. Obs. Un général de division, âgé de 46 ans, d'un tempérament nerveux, se marie, et passe d'une vie très-active à une vie douce, agréable, inoccupée. Un an après, il devient jaloux, la jalousie augurente, et bientôt les

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