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personnes qu'il reçoit chez lui, même ses meilleurs amis, sont des séducteurs de sa femme; plusieurs fois il a voulu se battre avec eux, et il les a poursuivis dans son château, le sabre à la main. Après plusieurs mois, le malade est conduit à Paris; ses inquiétudes s'accroissent; les cris des marchands qui courent les rues sont autant d'injures qui lui sont adressées; M. N... parcourt quelques-uns des logemens de l'hôtel qu'il habite pour y demander raison à ses prétendus rivaux; enfin, n'y tenant plus, il veut en finir, exige d'un de ses camarades que celui-ci lui donne du poison, il met ordre à ses affaires, et, après avoir fait son testament, il avale avec bonheur une potion insignifiante que lui présente son ami, Après quelques heures, M. N... ne sentant point les effets du poison, devient furieux contre son ami, qui l'a trompé, trahi, joué. Le général est confié à mes soins. Peu de jours après, nous allons nous promener à Saint-Cloud; pendant la promenade, le malade m'arrête plusieurs fois au milieu d'une conversation très-suivie. Entendez-vous, me dit-il, entendez-vous comme ils répètent : lâche, jaune, etc. Cette illusion était produite par le bruissement des feuilles et le sifflement des branches des arbres agitées par le vent, qui paraissaient au malade des sons bien articulés; cette illusion, que je croyais avoir combattue avec succès chaque fois, se renouvelait aussitôt que le vent agitait de nouveau les arbres.

XV. Obs. J'ai donné des soins à une dame que le bruit le plus léger jetait dans la terreur, surtout pendant l'obscurité de la nuit. Les pas d'une personne marchant très-doucement la faisaient frémir. Le vent la faisait trembler. Le bruit qu'elle faisait elle-même dans son lit l'effrayait, l'obligeait à se lever et à jeter des cris de terreur. J'ai rendu le sommeil à cette panophobe, en conservant de la lumière dans sa chambre, et en faisant demeurer auprès d'elle une femme qui la veillait toute la nuit.

La vue est le sens qui provoque le plus d'illusions dans

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T'état de santé, parce que ce sens est plus souvent que les autres excité par les objets extérieurs. Les illusions de la vue sont très-fréquentes aussi chez les aliénés; elles donnent lieu à des ressemblances qui provoquent la fureur, et elles augmentent presque toujours le délire. Ainsi, l'un voit dans un parent ou un ami, un inconnu ou un ennemi dont il a eu autrefois à se plaindre.

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XVI. Obs. Un jeune marié était en fureur dès qu'il voyait une femme au bras d'un homme, convaincu que c'était sa propre femme. Je l'avais conduit au spectacle au commencement de sa convalescence; dès qu'il entrait dans la salle une dame accompagnée d'nn monsieur, il s'animait, et répétait plusieurs fois avec vivacité : C'est elle, c'est elle. Il faillit éclater. Force fut de nous retirer.

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XVII. Obs. Une dame, âgée de 23 ans, atteinte de manie hystérique, restait constamment aux fenêtres de son appartement: c'était pendant l'été. Lorsqu'elle apercevait un beau nuage isolé dans l'air, elle appelait à grands cris : Garnerin, Garnerin, viens me chercher, et répétait toujours la même invitation jusqu'à ce que le nuage eût disparu. Elle prenait le nuage pour des ballons montés par Garnerin.

Un officier de cavalerie, voyant des nuages, les prenait pour un corps d'armée que Bonaparte conduisait pour faire une descente en Angleterre.

Souvent les aliénés ramassent des pierres, des fragmens de verre qu'ils croient être ou des pierres précieuses, ou des diamans, ou des objets d'histoire naturelle, qu'ils conservent avec le plus grand soin.

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XVIII. Obs. Nous avons à Charenton un ancien fesseur qui conserve dans sa cheminée une quantité énorme de petites pierres auxquelles il attribue une grande valeur : il les distribue comme des récompenses d'un grand prix; il s'irrite et se fâche lorsqu'on les lui enlève. Il croit que ce sont des caractères d'imprimerie dont il ne veut point se

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défaire. Un autre aliéné ramasse des pierres, des colimaçons, des débris de verre, de poterie, pour en faire, dit-il, une riche collection d'histoire naturelle. Il accuse d'ignorance ceux qui ne croient pas à la beauté et à la rareté de ses échantillons.

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XIX. Obs. M. de C., arrivant à son temps critique, fut prise de monomanie hystérique; après quelques années, son délire changea de caractère. M.me de C. faisait des vers, des comédies qu'elle voulait soumettre au jugement des académies, et qu'elle faisait lire, s'applaudissant des beautés de ses compositions. Dans les six dernières années de sa vie, elle n'écrivait plus, mais elle ramassait des cailloux, en remplissait ses meubles; de temps en temps elle me confiait un ou plusieurs de ces cailloux, me vantait leur grosseur et leur prix, me recommandait de les remettre au roi afin de rétablir les finances de l'État.

Les effets de la lumière réfléchie sur les parois des appartemens qu'habitent les aliénés, ou modifiée par les objets d'ameublement, sont encore des occasions fréquentes d'illusions de la vue.

XX. Obs. Un M. ***, attaqué de lypémanie hypochondriaque, frappait continuellement, avec sa canne, sous les meubles de son appartement, et même d'un salon où il y avait plusieurs personnes; plus il marchait vite, plus il frappait; j'ai fini par savoir que l'ombre projetée sur le parquet par les meubles était prise pour des rats. L'ombre produite par le malade passant entre les meubles et la lumière lui faisait croire que les rats était en grand nombre, et alors il frappait pour les effrayer; plus il marchait vite, plus les jeux de la lumière étaient rapides, plus le malade croyait que le nombre de rats avait augmenté, plus il redoublait des coups de canne.

XXI. Obs. J'ai donné des soins à une jeunc dame qui s'était occupée beaucoup d'arts et de littérature: son imagination était très-active. Cette dame était maniaque;

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elle passait la nuit dans l'insomnie, ravie des beaux tableaux qu' u'elle voyait dessinés sur les rideaux de son lit et de ses croisées. Elle exprimait tout haut sa joie et son ravissement. Je suis parvenu à lui rendre le sommeil en la privant de lumière pendant la nuit.

XXII. Obs. Je donnais des soins à un monomaniaque qui mangeait ordinairement avec voracité. Depuis la belle saison, il prenait ses repas en plein air; les personnes qui le servaient s'aperçurent qu'il ne buvait pas pendant le dîner. Lorsque son domestique le pressait de boire, le malade s'impatientait, et répétait avec aigreur: Veux-tu que j'avale mon frère? Averti de cet incident, je me rends auprès du malade à l'heure de son dîner; je ne peux vaincre son refus de boire ; mais je vois mon image réfléchie sur la bouteille qui était sur sa table. Je déplaçai aussitôt cette bouteille, le malade but quelques instans après, dès qu'il ne vit plus sa propre image réfléchie par le verre, image qui lui faisait croire que son frère était renfermé dans la bouteille.

XXII. Obs. Une jeune dame, atteinte d'un second accès de manie, refusait très-souvent les alimens qui lui étaient servis. Lui en demandant la raison, elle me répondit que les alimens étaient quelquefois hérissés d'aiguilles et d'épingles.

Les aliénés ne peuvent souvent ni lire niécrire; il ne faut pas toujours en accuser seulement l'impuissance du cerveau. et l'affaiblissement de la raison. Il arrive à quelques-uns de ces malades que, lorsqu'ils lisent ou écrivent, les lettres chevauchent les unes sur les autres, ou bien qu'elles se meuvent, comme si elles s'élançaient du papier; ce qui évidemment les empêche de lire ou d'écrire.

Mais ces illusions de la vue sont-elles bien le résultat de l'action anormale des yeux, action que ne rectifie pas la réaction cérébrale? Les deux faits suivans répondent suffisam-, ment à cette question.

XXIV. Obs.: - Reil rapporte qu'une dame aliénée avait des accès d'agitation et de fureur : la femme de chambre de cette dame, voulant nn jour contenir la malade, posa les mains sur ses yeux. Aussitôt la malade, revenue à elle, fut parfaitement calme, en disant qu'elle ne voyait plus rien. Le médecin, instruit de ce phénomène, le constata luimême, et acquit la conviction que l'agitation de cette malade était produite par le trouble de la vue qui lui représentait des objets effrayans

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XXV. Obs. J'ai donné des soins à un jeune militaire allié à la famille de Bonaparte. Après beaucoup d'écarts de régime et des mécomptes de fortune, M. *** devint maniaque, et fut confié à mes soins. Il voyait, dans toutes les personnes qui l'entouraient, des membres de la famille impériale; il s'irritait et s'emportait dès qu'il voyait les domestiques remplir quelque devoir servile; il se prosternait aux pieds de l'un d'eux qu'il prenait pour l'empereur; il lui demandait grâce et protection. Je m'avisai un jour de lui bander les yeux avec un mouchoir. Dès ce moment le malade fut calme et tranquille, et parla raisonnablement même de ses illusions. J'ai répété plusieurs fois la même expérience avec le même succès. Une fois entre autres, j'ai conservé pendant douze heures le bandeau sur les yeux du malade, qui n'a point déraisonné pendant tout ce temps; mais aussitôt qu'il recouvrait l'usage de sa vue, le délire recommençait.

L'odorat, comme les autres sens, trompe les aliénés. Ces malades sont très-défians, et refusent les alimens parce qu'ils les trouvent d'une odeur désagréable; aussi la plupart flairent-ils les alimens solides ou les boissons qu'on leur offre avant d'y goûter, et il les repoussent quelquefois avec fureur, croyant sentir la présence du poisons.

Plusieurs aliénés sentant des gaz répandus dans l'air, les croient malfaisans et propres à les empoisonner.

XXVI. Obs. Un de nos malades, qui a par moment

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