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Gouvernement de l'Empereur. Le recours à une Assemblée unique, soit à celle qui siégeait à Bucharest, soit à une Assemblée nouvelle, ce qui est encore mieux, si cette grande opération électorale peut avoir lieu sans troubles, n'a pas cessé d'offrir cet avantage - qu'il ne préjugeait rien contre le maintien de l'union, tout en laissant les partisans de la séparation également libres de manifester leurs vœux, puisqu'il a été bien entendu que la majorité des Députés Moldaves devrait, dans tous les cas, être acquise à l'union pour qu'elle fût maintenue. La ligne de conduite adoptée par la France est bien simple: c'est de tenir compte des vœux des populations pour l'union et le Prince étranger.

L'union est bien plus qu'un vœu solennellement exprimé : c'est une réalité qui est entrée dans les actes diplomatiques comme dans les faits, et que l'on retrouve à chaque page de l'histoire des Principautés depuis dix ans; en un mot, c'est un fait obligatoire pour tout le monde, tant qu'il ne se sera pas produit en sens contraire une manifestation spontanée au sein de l'Assemblée.

Quant au Prince étranger, le vœu des populations, dans l'opinion de la France, n'est pas moins légitime et sensé, car il est naturel qu'après avoir épuisé toutes les autres combinaisons, elles désirent faire l'essai de celle-là; et serait-ce donc la première fois qu'un peuple aurait demandé à l'étranger un Prince qu'il ne pouvait rencontrer chez lui? De plus, le choix d'un Prince étranger n'est point nécessairement incompatible avec la suzeraineté de la Porte. La France est donc toujours favorable à cette combinaison, mais comme elle est demeurée à l'état de simple vœu et qu'elle est en opposition avec des stipulations internationales qui ne sauraient être modifiées qu'avec le concours de toutes les Puissances, M. Drouyn de Lhuys ne peut que regretter l'opposition qu'elle a jusqu'à présent rencontrée.

M. le Plénipotentiaire de Russie fait remarquer que la discussion sur le Prince étranger a été momentanément écartée des délibérations de la Conférence. Pour ce qui concerne l'union, M. le baron de Budberg conteste, comme il l'a fait précédemment, qu'elle soit dans le vœu des populations. La Moldavie n'en veut pas, et si l'on tarde d'avoir égard à ses tendances, il y aura certainement des démonstrations dans un sens contraire. A l'appui de cette assertion, M. le Plénipotentiaire de Russie donne lecture d'une dépêche du Consul russe à Jassy en date du 5 et d'une autre du 9 mars dans laquelle il est dit que les Agents du Gouvernement provisoire agissent par tous les moyens en faveur de l'union. On a même fait venir de la Valachie à Jassy une batterie d'artillerie; malgré tout, les Moldaves repoussent l'union, à moins qu'elle ne s'effectue avec un Prince étranger.

M. le baron de Budberg est convaincu de l'exactitude de ces rap

ports; il ne saurait toutefois exiger des autres Plénipotentiaires qu'ils y ajoutent la même confiance. Mais ils comprendront que la Russie ne puisse consentir à ce que la liberté des opinions soit opprimée en Moldavie.

M. le Plénipotentiaire de France fait remarquer que bien loin de vouloir aucune oppression de cette espèce, le Gouvernement de l'Empereur a consenti à ce que les populations fussent mises en mesure d'exprimer de nouveau leurs vœux. Du reste, en convoquant une Assemblée unique on a fait ce que la France souhaitait voir faire par la Conférence.

M. le Plénipotentiaire de Prusse dit que l'événement, quelque regrettable qu'il soit, a du moins l'avantage de simplifier la question : on a pris à Bucharest la résolution qu'il voulait lui-même proposer.

M. le baron de Budberg exprime de nouveau le désir qu'on lui accorde le temps de recevoir ses instructions, et la plupart des autres Plénipotentiaires demandent à en référer à leurs Gouvernements.

M. le Plénipotentiaire de France résume l'état de la question. Après avoir dit que cette situation ne saurait se prolonger sans porter atteinte à l'autorité morale et même à la dignité de la Conférence, il ajoute qu'il n'y a, à son avis, que trois partis à prendre :

Laisser les populations entièrement maîtresses de disposer de leurs destinées, comme elles l'entendront;

Les diriger et les satisfaire en prenant des résolutions promptes et équitables, appropriées à leurs besoins et aux circonstances;

Enfin ne tenir aucun compte de leurs vœux : puis leur imposer par la force les résolutions de la Conférence.

Le premier système, s'il était adopté par les autres Puissances, ne contrarierait certainement pas le Gouvernement de l'Empereur; il abonde dans son sens, puisqu'il laisse la plus libre carrière aux aspirations du pays et n'imposerait aux Puissances d'autre responsabilité que celle de surveiller la marche des événements et de n'intervenir qu'autant qu'il pourrait en résulter quelque danger auquel il leur appartiendrait d'obvier.

Le second serait assurément le meilleur si toutes les Puissances pouvaient se mettre promptement d'accord sur les résolutions à prendre.

Quant au troisième système, M. Drouyn de Lhuys ne sait s'il trouverait beaucoup de partisans; il serait en apparence le plus favorable aux droits de suzeraineté de la Porte, mais il ouvrirait la voie aux plus dangereuses complications, et le Plénipotentiaire de France doute que le Gouvernement Ottoman dût savoir un bien bon gré à ceux qui

lui imposeraient la mission de faire prévaloir dans les Principautés Moldo-Valaques un ordre de choses dont elles ne voudraient pas.

Un des membres de la Conférence ayant demandé s'il n'y aurait pas à adresser en ce moment quelque communication au Gouvernement Provisoire,

Safvet Pacha émet l'avis que l'on pourrait lui demander de faire connaître les motifs de la mesure qu'il vient de prendre. Il serait peut-être de la dignité de la Conférence de réclamer, à cet égard, des explications.

La Conférence s'ajourne au mercredi, 4 avril.

Fait à Paris, le 31 mars, 1866.

Signé: METTERNICH.

DROUYN DE Lauys.
COWLEY.

NIGRA.

GOLTZ.

BUDBERG.

SAFVET.

Protocole (N° 5) de la conférence du 4 avril 1866.

Présents les Plénipotentiaires d'Autriche ;

de France;

de Grande Bretagne ;
d'Italie ;

de Prusse ;

de Russie ;

de Turquie.

Le Secrétaire de la Conférence.

Le Protocole de la séance précédente est lu et adopté.

M. le Plénipotentiaire de France rappelle que la Conférence s'était ajournée au 4 avril sur le désir exprimé par la plupart de ses membres de recevoir les instructions de leurs Gouvernements. Il a, pour ce qui le concerne, mûrement examiné la question soumise en ce moment à la Conférence, et après avoir pris les ordres de l'Empereur, il a résumé la manière de voir de son Gouvernement dans une dépêche, en date d'hier, adressée aux Représentants de Sa Majesté près les Cours signataires du Traité de Paris.

M. Drouyn de Lhuys donne lecture de cette dépêche, dans laquelle,

en se fondant sur les mêmes considérations qu'il a déjà présentées à la Conférence, il se demande si des trois systèmes indiqués dans la dernière séance, le meilleur ne serait pas de laisser aux populations le soin de régler elles-mêmes leurs destinées, en réservant l'intervention de la Conférence pour le cas seulement d'une violation des droits consacrés par des stipulations internationales. En résumé, les Principautés agiraient sous leur responsabilité, sans autre restriction que celle de ne porter aucune atteinte aux droits de la Cour suzeraine ou des Puissances garantes. S'il y avait, de leur part, infraction, la Conférence devrait être appelée à aviser.

Cette ligne de conduite serait en harmonie avec la volonté unanimement manifestée par les membres de la Conférence, de tenir compte du vœu des populations; de plus, elle serait d'accord avec l'Acte Additionnel de 1864, qui a reconnu aux Principautés Unies la faculté de modifier par elles-mêmes leur régime intérieur, sans porter atteinte d'ailleurs aux droits de la Cour suzeraine ou des Puissances garantes.

M. le Plénipotentiaire de Turquie fait observer que le système qui vient d'être exposé, repose sur un principe tout nouveau, et qui n'a pas de précédents; laisser les populations libres de disposer de leur sort, ce serait contraire à tous les Traités. Ainsi livrées à elles-mêmes, les Principautés ne manqueraient pas de revenir à l'union avec le Prince étranger. On ne doit pas oublier, en effet, que le Gouvernement Provisoire est le maître de diriger les élections à son gré, et qu'il peut faire tout ce qu'il voudra.

C'est donc à la Conférence à intervenir et à faire connaître ses résolutions à Bucharest. Si le Gouvernement Provisoire refusait de s'y conformer, la Conférence pourrait décider que l'on nommerait à sa place un seul Caïmacam.

M. le Plénipotentiaire de France répond à Safvet Pacha qu'il est jusqu'à présent difficile d'admettre que le Gouvernement Provisoire ait désobéi aux décisions de la Conférence, puisqu'elle n'a encore rien décidé. Non-seulement on n'a transmis aux Principautés aucune direction, mais on leur a interdit à elles-mêmes de rien décider.

M. le Plénipotentiaire d'Autriche dit que si la Conférence n'a pas encore pris de résolution, elle a du moins fait adresser des recommandations au Gouvernement Provisoire et qu'il n'en a tenu aucun compte.

Safvet Pacha ajoute que l'Assemblée qui siégeait à Bucharest n'est point sans doute à regretter; on a même bien fait de la dissoudre, car s'étant déjà prononcée par son vote elle ne pouvait remplir la mission que l'on eût voulu lui attribuer; mais le Gouvernement Pro

visoire n'aurait pas dû prendre cette mesure sans en avoir prévenu la Conférence.

M. le Plénipotentiaire d'Autriche rappelle que cinq questions avaient été posées; il demande ce qu'elles deviennent; si on en fait maintenant abstraction, on se trouve dans une voie toute nouvelle, et il aurait peut-être besoin, en ce cas, de recevoir de nouvelles instructions.

M. le Plénipotentiaire de Grande-Bretagne dit qu'il s'est borné jusqu'à présent à indiquer très-sommairement la manière de voir de son Gouvernement, et qu'il s'est abstenu de répondre à des observations auxquelles il ne pouvait donner son assentiment; il espérait qu'en évitant ainsi la discussion, il y aurait plus de chances d'arriver à une entente commune. Aujourd'hui que cet espoir s'évanouit de plus en plus, il croit devoir s'expliquer catégoriquement.

L'Angleterre n'a, dans les Principautés, aucun intérêt direct ou particulier; elle n'y en a pas d'autre que celui d'une grande Puissance qui, d'une part, désire voir se développer chez les petits États la prospérité et le bien-être, gage commun de l'ordre et de la tranquillité générale, et d'une autre part, s'est associée à une garantie collective assurant aux Principautés la libre jouissance de leurs priviléges et immunités. Certes jamais tâche n'a été plus facile, car personne n'a tenté de porter la plus légère atteinte à ces priviléges. M. le Comte Cowley serait heureux de pouvoir constater la même modération de la part des Principautés envers la Cour Suzeraine. Mais il n'en a pas été ainsi, et les Puissances ont vu l'arrangement qui était leur œuvre commune, détruit par des exigences qui, loin d'être satisfaits, augmentent tous les jours.

Le Gouvernement de Sa Majesté Britannique, dès les premières négociations destinées à régler les relations entre les Principautés et la Cour Suzeraine, avait pensé qu'il eût été mieux de maintenir la séparation, à laquelle les populations étaient accoutumées, parce qu'il prévoyait qu'en plaçant les deux principautés sous une seule administration, on provoquerait des aspirations d'indépendance incompatibles avec l'intégrité de l'Empire Ottoman, et on leur imposerait de trop grandes charges. Cette prévision ne s'est que trop vite réalisée : le pays se trouve appauvri par les charges d'une armée et d'une haute administration hors de proportion avec ses besoins. Aussi le peuple, las de ce mauvais Gouvernement, après une épreuve de huit années, s'estil allié à l'armée pour renverser le Prince dont la double nomination avait amené l'union.

Enfin, M. le Plénipotentiaire de Grande-Bretagne ne peut oublier que les Capitulations, qui sont obligatoires dans les Principautés comme dans le reste de l'Empire Ottoman, n'étaient jamais mises en

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