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entre les uns et les autres. Pour cette détermination, nous délaisserons les statistiques officielles qui nous donneraient, peut-être, sur chacun des marchés la valeur absolue du blé. Car ce n'est point la valeur absolue que nous cherchons, mais bien la valeur comparative. Or celle-ci ne peut être obtenue que par les statistiques commerciales, lesquelles, en rapprochant les cotes des divers marchés, n'ont d'autre objet que de fournir aux consommateurs et aux producteurs des renseignements précis pour l'achat et la vente. Nous puiserons donc les éléments de nos calculs dans les mercuriales données, chaque semaine, par le Journal d'agriculture pratique. Le diagramme ci-après met en pleine lumière les résultats que nous avons obtenus:

PRIX MOYEN ANNUEL DU QUINTAL DE BLÉ EN FRANCE, EN BELGIQUE ET DANS LE ROYAUME-UNI, DE 1875 à 1889.

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1. Journal d'agriculture pratique. Rédacteur en chef, M. E. Lecouteux.

De 1876 à 1884, c'est-à-dire à l'époque où la France et l'Angleterre jouissaient toutes deux de la liberté du commerce, le blé se vendait, en moyenne, à peu près le même prix de ce côté du détroit et de l'autre. Les cours de France se tenaient à 0 fr. 35 cent. au-dessous de ceux de Londres et ceux de Paris à 0 fr. 50 cent. au-dessus.

Pendant les deux années d'application du droit de 3 francs (1885 1886), les prix en France ont dépassé de 1 fr. 95 cent. ceux de Londres, lesquels ont été inférieurs de 2 fr. 25 cent. à ceux de Paris 1.

Enfin, depuis l'établissement du droit de 5 francs (1887-1890), le blé se vend, en moyenne, 6 francs moins cher à Londres qu'en France et 5 fr. 50 cent. à Paris plus cher qu'à Londres.

Si nous substituons au marché de Londres le marché tout entier de la Grande-Bretagne et si nous comparons les données officielles sur les cours de France aux données officielles sur les cours de l'Angleterre, nous obtenons des résultats équivalents.

Durant la période décennale 1875-1884, le blé se vendait en France 27 fr. 32 cent. et 25 fr. 54 cent. en Angleterre; différence: 1 fr. 78 cent. Durant la période où fut appliqué le droit de 3 francs, les cours de France furent de 3 fr. 70 cent. supérieurs à ceux de la Grande-Bretagne. La différence, suivant nous, aurait dû être égale au droit, augmenté de 1 fr. 78 cent., somme qui représente en quelque sorte l'écart normal entre le blé de France et celui de l'Angleterre, soit 4 fr. 78 cent. Mais : 1o cet écart normal a dû être diminué par suite de la facilité des transports, qui était vraisemblablement un peu plus grande en 1886 que vers 1876; 2° pendant cette période de deux ans, le droit de 3 francs n'a été appliqué que vingt et un mois; 3° le droit antérieur à 1885 était de 0 fr. 60 cent.; par suite, en réalité, l'augmentation était de 2 fr. 40 cent.

Pendant les quatre années 1887-1890, les cours sur les marchés de la Grande-Bretagne sont de 6 fr. 10 cent. inférieurs aux cours des marchés français. La différence devrait être de 5 francs plus 1 fr. 78 cent., soit 6 fr. 78 cent. Mais il faut ici tenir compte des faits dont nous venons de signaler l'influence, surtout du dernier qui joue le rôle capital. L'augmentation du droit (4 fr. 40 cent.), accrue de la différence normale (1 fr. 78 cent.), devait se manifester dans les cours de France par une supériorité de 6 fr. 18 cent. sur ceux de la Grande-Bretagne. Les statistiques accusent 6 fr. 11 cent. La précision de cette concor

1. Remarquons que la loi qui a ordonné la perception du droit de 3 francs par quintal, a été promulguée le 28 mars 1885 et que, par suite, pendant le premier trimestre de 1885, les importations de blé ont été soumises au droit de 0 fr. 60. Cela explique que le droit n'ait pas eu un plein effet, d'autant mieux encore que, dans les derniers mois de 1884 et dans les premiers de 1885, les importations de blé en grain et de farines furent considérables.

dance est un argument décisif. Nous aboutissons donc à cette conclusion que la hausse produite égale le droit perçu.

Au lieu de l'Angleterre, si nous prenons comme terme de comparaison l'ensemble des marchés belges, nous obtenons exactement les mêmes résultats :

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2o Période d'application du droit de 3 francs (1885-1886).

....

France..
Belgique..

Différence...

21 fr. 78 cent. le quintal.

19 fr. 36 cent.

2 fr. 42 cent.

3o Période d'application du droit de 5 francs (1887-1888).

France.....

Belgique....

23 fr. 63 cent. le quintal.

Différence..

19 fr. 32 cent.

4 fr. 31 cent.

Comme les cours, en France et en Belgique, étaient exactement les mêmes durant les dix dernières années où fut appliqué le droit de O fr. 60 cent., le droit de 3 francs devait les faire hausser de 2 fr. 40 cent., et, en réalité, ils se sont élevés de 2 fr. 42 cent.; le droit de 5 francs devait les faire hausser de 4 fr. 40 cent., et, en fait, ils se sont élevés de 4 fr. 31 cent. Ici, l'approximation comme la précédente est telle qu'elle paraît invraisemblable. La concordance que nous signalons n'est pourtant pas voulue puisqu'elle résulte du rapprochement des cours relevés par des administrations étrangères. Ce qui est absolument certain, en tout cas, c'est que les cours de France sont très sensiblement plus élevés que ceux de Belgique et que cette élévation constante est approximativement égale à la taxe perçue en France 2.

Faisons maintenant la contre-épreuve de ces opérations et la critique des résultats qu'elles donnent en changeant non plus le marché régulateur, mais en substituant au marché français un autre marché dont les cours soient influencés par les droits, le marché de Cologne, par exemple:

1. Les chiffres que nous rapprochons sont empruntés les uns à l'Annuaire publié par le Ministère de l'intérieur de Belgique, les autres, au Bulletin de statistique de notre Ministère de l'agriculture.

2. Le même jour (13 mars 1891), le blé était vendu 22 fr. 50 cent. à Gand et 28 fr. 30 cent. à Paris. A Berlin, il était coté 214 marks la tonne, soit 26 fr. 75 cent. le quintal.

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1re période (1876-1879). Importation libre. Le cours de Cologne demeure 2 fr. 25 cent. au-dessous de celui de Londres.

2e période (1880-1885). Application du droit de 1 fr. 25 cent. (loi du 1er octobre 1879). Le cours de Cologne dépasse de 0 fr. 50 cent. le cours de Londres.

3o période (1886-1887). Application du droit de 3 fr. 75 cent. (loi du 24 mai 1885). Le cours de Cologne dépasse celui de Londres de 3 fr. 30 cent.

4e période (1887-1889). Application du droit de 6 fr. 25 cent. (loi du 27 décembre 1887). Le cours de Cologne dépasse celui de Londres de 4 fr. 50 cent., et aujourd'hui même la différence est bien plus considérable.

L'on ne voit peut-être pas très bien, au premier abord, comment ces derniers chiffres justifient notre proposition que les droits de douane élèvent les prix de tout leur taux : le cours de Cologne dépasse, en effet, celui de Londres de 5 francs à peine et le droit d'entrée est de 6 fr. 25 cent. Mais il faut remarquer qu'à l'époque où l'Angleterre et l'Allemagne jouissaient du même régime de liberté commerciale, le cours de Cologne est toujours demeuré inférieur à celui de Londres. Nous avons même constaté que celui-ci dépassait l'autre de 2 fr. 25 cent. en moyenne. L'on doit donc, pour apprécier exactement l'effet du droit, ajouter à la différence en plus actuelle, la différence en moins d'autrefois. L'on arrive ainsi à constater un écart de 6 fr. 75 cent., conséquence d'une taxe de 6 fr. 25 cent. La hausse obtenue égale donc à peu près la taxe perçue. Elle la dépasse même. Il ne faut point s'en étonner. La première suite de l'établissement de droits d'importation et l'un de leurs plus fâcheux effets est l'épuisement rapide des stocks et une gêne permanente imposée à la spéculation. Il en résulte des soubresauts continuels sur le marché et finalement dans les contrats une tension qui élève les prix. La régularité des cours de Londres et de l'Angleterre, en général, et leurs variations à Paris et en France en fournissent une preuve péremptoire.

Cette longue investigation au milieu de phénomènes très complexes nous amène donc à conclure qu'une taxe d'importation a infailliblement pour effet d'élever les prix au moins d'une somme égale et que souvent même la hausse réalisée dépasse le droit établi.

L'on peut expliquer rationnellement cette conclusion que no us impose l'examen des faits.

Sur un marché, en effet, ce que les producteurs réclament, c'est un prix qui les couvre de tous leurs frais; c'est, en un mot, le prix de revient de la marchandise qu'ils offrent. Voilà le minimum de leurs

exigences. Quant aux consommateurs, le prix courant sur les marchés où ils peuvent s'approvisionner, voilà le maximum de leurs prétentions. Comment vont se régler les prix?

Si nous nous trouvons sur un marché dont l'accès est entièrement libre, les consommateurs recevront satisfaction: la seule possibilité d'importer réduira les producteurs à souscrire à leurs conditions. C'est ce qui explique que les marchés régulateurs dans le monde sont les marchés exportateurs et ce qui prouve que les prix ont toujours une tendance à tomber au niveau le plus bas; en d'autres termes, que le nivellement général des prix s'opère en baisse.

Si, au contraire, nous nous trouvons sur un marché protégé par un tarif de douane, nous verrons les producteurs avec les mêmes prétentions et les consommateurs avec des exigences un peu moindres. Ceuxci, en effet, ne peuvent plus espérer obtenir le prix moyen des marchés exportateurs, puisqu'il existe une taxe d'entrée. Le maximum de leurs concessions sera, par suite, un prix égal au cours moyen sur leur marché d'exportation habituel, plus les frais de transport et le montant du droit. Et ils n'iront pas au delà, tant que subsistera la possibilité d'importer. Ce qui démontre jusqu'à l'évidence que les droits d'importation sont accompagnés d'une hausse équivalente des prix et que la charge en retombe non pas sur les exportateurs, mais sur les consommateurs seuls.

Il en résulte enfin, qu'il y a actuellement un prix courant à peu près uniforme au même moment sur les marchés qui jouissent de la liberté du commerce, et que chaque marché protégé a des cours qui lui sont propres. Ceux-ci sont généralement égaux au cours moyen des marchés « francs », augmenté de la taxe « de protection »>.

CHARLES LESAGE,

Membre du Groupe d'économie politique et de finances.

1. Voici deux faits incontestables qui en diront plus que beaucoup de théories. Au commencement de cette année, le même jour, le blé roux d'hiver d'Amérique était vendu à Paris, droits acquittés, sur wagon au Havre, Rouen ou Dunkerque 26 francs à 26 fr. 25 cent., et était coté, à Anvers, de 20 fr. 50 cent. à 21 fr. 25. cent. (Cf. Indépendance belge). - Tandis qu'à Turin, le blé de pays se vendait de 24 1. 75 cent. à 26 I. 25 cent., à Bologne, de 24 1. 50 cent. à 25 1., à Florence, de 24 1. à 26 l., il valait, à Gênes, de 25 1. 50 cent. à 26 1. 50 cent. Quant au blé étranger, au mème moment, il était vendu à Gênes, droits non payés, 191. 50 cent. à 20 7/8. L'on sait que le droit établi est de 5 1. par quintal. (Economista, 8 mars 1891.)

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