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laquelle nous nous trouvâmes vis-à-vis de la Russie, après le renversement des alliances. Comme elle était toujours l'alliée de l'Autriche, nous étions dans le même parti qu'elle. Mais ce n'est pas à dire que nous fussions prêts à applaudir à ses succès nous la considérions comme une puissance dangereuse, perturbatrice de l'équilibre européen, puisqu'elle menaçait la Pologne et la Suède que nous nous obstinions à soutenir. La Russie de son côté n'était pas mieux disposée pour nous. Les douze premières années du règne de Catherine II furent une lutte acharnée contre notre influence et nos clients. C'est le moment du premier partage de la Pologne, et du projet de démembrement de la Suède.

Les choses changèrent au début du règne de Louis XVI. Bien qu'il eût épousé la fille de Marie-Thérèse, le nouveau roi se montrait moins autrichien que son grand-père; on reconnaissait à Versailles que l'entente complète avec la cour de Vienne était chose impossible. Il fallait donc chercher un autre système, trouver une autre alliance. En même temps, les causes d'animosité contre Catherine diminuaient. Satisfaite de la situation qu'elle s'était acquise, la Russie désirait uniquement la maintenir; « après avoir été une des puissances les plus révolutionnaires de l'Europe, elle tendait à en devenir une des puissances conservatrices ». Rien dès lors ne s'opposait à une entente avec la France, hostile elle aussi à tous les bouleversements. Le rapprochement se fit donc rapidement. Mais la Révolution arriva et l'on ne put juger des résultats qu'aurait donnés l'alliance russe.

Bien que faisant partie du même ensemble les deux volumes dont nous venons de parler n'ont pas été faits exactement sur le même plan. M. Lebon est resté fidèle au système primitif, à celui adopté par M. Albert Sorel pour le volume d'Autriche, qui a si brillamment ouvert la série. Les instructions proprement dites sont les seuls documents publiés; une notice, précédant chacune d'elles, rappelle les conditions dans lesquelles la mission a eu lieu; enfin une Introduction générale, résumant et complétant toutes les Instructions, présente un tableau complet des relations de la France avec le pays dont on s'occupe. M. Rambaud a singulièrement élargi ce cadre. Sans parler d'un résumé des rapports de la France et de la Russie avant 1648, il a considérablement développé la notice placée devant chaque Instruction, y faisant même entrer de nombreux extraits de la Correspondance. Ce système présente assurément de grands avantages: nous lui devons de connaitre nombre de détails curieux et de documents intéressants. Ce n'est pas à dire que l'ancien fût à dédaigner. Le volume de M. Lebon suffirait à lui seul à prouver le contraire.

CH. S.

F. Schrader, F. Prudent, E. Anthoine. Atlas de géographie moderne, contenant 6 cartes imprimées en couleurs, accompagnées d'un texte géographique, statistique et ethnographique et d'un grand nombre de cartes de détail, diagrammes, figures, etc. Paris, Hachette, in-fo. La maison Hachette, déjà engagée dans l'entreprise colossale de l'atlas

Vivien de Saint-Martin, a voulu offrir au public un instrument de travail maniable, commode, bon marché, et cependant d'une exécution soignée. Le nouvel atlas qu'elle vient de publier répond à ce programme d'une manière très satisfaisante; ses cartes, accompagnées de notices développées et d'un index alphabétique commode, sont d'un emploi facile et rapide. Elles sont assez aisées à lire, bien que variées et détaillées très suffisamment pour l'usage courant. L'emploi judicieux des couleurs et des cartons explicatifs contribue sensiblement à cette utile clarté. Les nombreuses figures noires ajoutées au texte des notices apportent également leur lumière dans l'ensemble. La reliure elle-même, solide et élégante à la fois, ajoute au charme et à la commodité de l'ouvrage; cela n'est pas à dédaigner.

Glissons cependant au milieu de ces éloges une critique, voire même une critique assez grave. Si cet atlas constitue un nouvel et remarquable effort dans le sens de la reconstitution de l'art cartographique en France, il n'en présente pas moins un défaut notable. La disposition des écritures, leur combinaison avec les signes conventionnels, est encore bien lourde; elle ne fournit pas toujours à l'œil une impression très exacte des choses au point de vue de la densité des populations, par exemple. Evidemment le type allemand, avec sa surcharge d'indications souvent superflues, a encore préoccupé beaucoup trop les savants et habiles auteurs. Mieux eût valu peut-être pencher plus hardiment vers un type original, donnant la richesse des indications par la superposition des cartes, et la clarté par la division des matières. Mais je n'insiste pas davantage; on trouve trop à louer dans cette œuvre pour se montrer pointilleux sur les détails.

Ch. Lyon-Caen et L. Renault. Traité de Droit commercial, Paris, Pichon, 1891. Le troisième volume de cet important ouvrage vient de paraître. Il est consacré aux contrats commerciaux: vente, gage, magasins généraux, commission, préposés ou commis, transports. L'étude des contrats relatifs aux transports occupe à elle seule le tiers du volume, et l'examen des difficultés relatives aux transports par chemins de fer absorbe plus de la moitié de cette étude. On trouve dans ces cent pages le meilleur résumé qui soit de cette question si ardue, si compliquée des chemins de fer, tant au point de vue du trafic intérieur qu'à celui des relations internationales. C'est là une véritable et bien précieuse monographie, claire, précise, touchant tous les points essentiels avec une sûreté d'information et une exactitude de détails tout à fait remarquables. Le praticien ne trouve rien de trop à lire, et peut cependant se renseigner assez pour éclaircir les questions spéciales soumises à son appréciation. Je ne crois pas qu'il soit beaucoup d'ouvrages de même genre dont on puisse faire le même éloge, car la complication et la prolixité sont des défauts presque forcés en une pareille matière. Il a fallu toute l'expérience des savants auteurs, et aussi un effort de talent bien caractérisé, pour arriver à la réalisation de ce traité des

transports, restreint et complet à la fois. Ils étaient d'ailleurs bien préparés tous deux à cette tâche, car nous avons eu la bonne fortune d'entendre, il y a quelques années, M. Lyon-Caen faire à l'École des Sciences politiques un cours magistral sur cette même question des chemins de fer. Ce cours comportait notamment une étude absolument remarquable des conventions entre l'État et les compagnies. Quant à M. Renault, il fait à l'École, tous les deux ans, un cours de droit international conventionnel qui comporte l'étude rapide, mais toujours claire et précise, des transports internationaux chemins de fer, postes, télégraphes et téléphones, et qui est fort apprécié des élèves.

Nous voyons ainsi avancer régulièrement cette œuvre considérable qui marque dans la science du droit à un double titre d'abord comme un véritable monument scientifique; ensuite comme une œuvre originale et forte, où la science juridique la plus consciencieuse n'hésite pas à demander aux enseignements de la pratique un complément d'informations et de lumières qui fait trop souvent défaut aux ouvrages de nos jurisconsultes. L'abus de la théorie et le mépris des choses vécues nous ont fait trop de mal pour que nous n'appréciions pas un procédé aussi consciencieux et aussi logique, le seul d'ailleurs qui puisse donner à la science du droit une base solide et une valeur sérieuse.

L. P.

J.-A. Lallier. De la propriété des noms et des titres. Origine des Noms et des Titres. Procédure des changements de noms. Protection de la propriété des noms et des titres. Du nom commercial. A. Giard.

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Paris,

Il suffirait peut-être, pour recommander ce livre comme il le mérite, de signaler les hautes récompenses dont il a été l'objet couronné à la fois par la Faculté de droit de Paris et l'Académie de Législation de Toulouse, il se présente avec les plus valables garanties de science juridique et d'élégante composition.

Mais la spécialité d'un titre juridique risque, je le crains, d'éloigner d'un livre au moins autant de lecteurs qu'il lui en attire. Il ne sera pas superflu de dire, ici, que ce traité très complet de la législation des noms et titres a une portée historique, indépendante de son utilité actuelle pour le praticien.

Le chapitre II sur l'acquisition et la transmission des titres est particulièrement riche en indications d'une certitude contrôlée, précieuses pour la psychologie sociale de l'ancien régime. La distinction primitive de la simple noblesse et de la noblesse titrée, aujourd'hui tombée en désuétude légale; comment la qualification d'écuyer était seule distinctive de la simple noblesse; comment s'introduisit l'usage de la particule dite nobiliaire, par l'accolade des noms terriens, et comment cette particule, toujours dénuée de valeur probante, fut cependant, de bonne heure, tenue pour indice ou présomption de noblesse; comment la monarchie dut prendre des mesures

contre l'usurpation des titres et qualités; comment la hiérarchie et la classification des titres étaient quasi impossibles, contrairement à l'opinion commune, dès l'époque où Loyseau tentait de coordiner cette matière; les efforts tentés par les régimes modernes, après les destructions révolutionnaires, pour créer, restaurer ou protéger, non la simple noblesse laissée à l'action spontanée des mœurs, mais les titres nobiliaires, considérés comme les soutiens et les parures utiles des monarchies et des empires : sur tous ces points, M. Lallier apporte un témoignage sobre, bien appuyé, et décisif.

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Une idée domine ce développement à l'origine, le titre nobiliaire est signe de dignité et correspond à un service féodal; il n'est pas nominatif; il ne s'incorpore au nom ni même ne s'y ajoute. Mais la transformation du régime féodal entraîne celle du caractère du titre, qui devient décoratif du nom, tout en en restant distinct, jusqu'au jour où, au terme de l'évolution, ou accole simplement le titre à un nom patronymique, comme on fait de la particule. Saint-Simon est là pour noter l'origine de cette dernière usurpation et en faire la philosophie; parlant de Dreux et Chamillart, qui se titrèrent sans prétexte de terre « le de, dit-il, s'usurpait par qui voulait, depuis quelque temps, mais de marquiser ou de comtiser son nom bourgeois de famille, c'en fut le premier exemple.... On en rit tout bas, mais tout haut personne n'osait omettre les titres ni les de. » (Mémoires, III, 399.) La même idée d'une évolution insensible, qui des mœurs fait les lois, domine aussi l'histoire des noms patronymiques, que M. Lallier résume ainsi : « La patrimonialité des noms additionnels s'est établie spontanément, naturellement, par suite d'influences ou de tendances presque instinctives que nous avons constatées à Rome et que nous retrouvons à l'heure actuelle. Aujourd'hui encore on est porté à perpétuer dans les familles certains noms dont l'hérédité n'est cependant pas la règle : les prénoms d'abord dont un usage très répandu amène la répétition ou le retour, l'aîné des fils recevant souvent le prénom de son grand-père, sinon de son père; les sobriquets ensuite, que, par une pente presque fatale, la malignité publique conserve aux enfants de ceux qui les ont mérités. C'est cette tendance, encore vivace aujourd'hui, qui transforme les noms additionnels, simples surnoms personnels à l'origine, en noms de famille ». (Pages 26 et 27.)

Ainsi, d'une société touffue, variée, et naturelle, où la spontanéité de l'instinct linguistique s'exerçait librement dans la formation des noms individuels, nous sommes passés à une société égalitaire et industrielle où le nom familial est devenu chose perpétuelle et transmissible, dont la facilité des relations publiques et l'intérêt commercial des particuliers exigent qu'on maintienne la fixité et qu'on protège la propriété. Tel est l'objet de la dernière partie de ce livre Protection de la propriété du nom patronymique et du nom commercial.

Ajoutons que ce mémoire juridique est écrit dans une langue simple et pure qui est une rareté et un plaisir.

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La Vie politique à l'Etranger (2me année, 1890). Paris, Charpentier, 1891; 1 vol. in-18 de 577 p. L'espoir que nous exprimions l'an passé au sujet de l'avenir de cette intéressante publication s'est réalisé. Loin de se laisser rebuter par les difficultés de l'entreprise, les auteurs ont vaillamment poursuivi leur tâche, et leur second volume, quoique paru encore un peu tardivement, est agrandi et amélioré. Il y a donc tout lieu de croire que la série sera régulièrement continuée.

L'année 1890 n'est pas moins pleine de faits que l'année 1889. Comme l'explique M. E.-M. de Vogüé dans une préface de grande allure où il dessine en traits saisissants la physionomie de 1890, c'est avant tout une année sociale et africaine: sociale, parce que, partout, les luttes de classes ont rejeté au second plan les luttes des anciens partis politiques; africaine, parce qu'elle a vu régler le sort et décider l'attribution future de la presque totalité des « Indes Noires ». Aussi la conférence internationale du travail, les grèves et le mouvement ouvrier dans les divers pays d'Europe et en Australie, les traités de partage de l'Afrique, la conférence antiesclavagiste, les essais de pénétration dans l'intérieur du continent noir sont-ils, dans le volume qui vient de paraître, longuement exposés; mais, dans un ouvrage de ce genre, quelque importants que soient certains événements, ils ne doivent point absorber uniquement l'attention, et l'on ne doit négliger ni les faits secondaires qui pour échapper le plus souvent au public au moment où ils se produisent n'en constituent pas moins la vie ordinaire des peuples, ni les petits pays qui, pris en eux-mêmes, offrent un spectacle aussi intéressant que les grands. Les auteurs l'ont compris ainsi la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne, la Grèce, le Portugal, la Roumanie, la Suède et la Suisse présentent un tableau très vivant. Signalons encore en Europe le chapitre relatif à la Turquie; les questions si délicates et si mal connues relatives aux communautés religieuses et aux nationalités qui s'agitent dans le vaste empire ottoman sont traitées en détail et avec précision. L'Asie, un peu sacrifiée en 1889, est mieux partagée cette fois la Chine et le Japon, l'Indo-Chine, l'Asie russe et la Perse sont consciencieusement étudiées. Quant à l'Amérique, les questions commerciales, dont le rôle y est si considérable, ont la part qui leur revient; il est malheureusement regrettable que ce soit au détriment de l'histoire politique. — Un chapitre, spécial aux congrès, complète l'ensemble. Pour les services immédiats qu'elle rend, et pour ceux, plus grands encore peut-être, qu'elle est destinée à rendre, « la Vie politique à l'Etranger » trouvera certainement près du public l'accueil bienveillant qu'elle mérite.

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A. TOME VI. 1891.

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