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Le célèbre président de Lamoignon dressa, en 1682, par ordre de Louis XIV, le projet d'un édit tel que la France entière le demande : il appartient, sire, à votre majesté de consommer l'ouvrage que Louis XIV voulut entreprendre.

FIN DE LA REQUÊTE AU ROI.

ARTICLES

EXTRAITS ·

du journal de politique et de littérature1.

I.

LA VIE ET LES OPINIONS DE TRISTRAM SHANDY, traduites de l'anglais de Sterne, par M. Frenais 2.

On a montré depuis quelques années tant de passion pour les romans anglais, qu'à la fin un homme de lettres nous a donné une traduction libre de Tristram Shandy. Il est vrai que nous n'avons encore que les quatre premiers volumes, qui annoncent la Vie et les Opinions de Tristram Shandy: le héros qui vient de

1 Le Journal de politique et de littérature, dont le premier numéro est du 25 octobre 1774, et le dernier du 15 juin 1778, était d'abord rédigé par Linguet. La partie politique fut ensuite rédigée par Dubois-Fontanelle. En 1776, La Harpe fut chargé de la partie littéraire. Voltaire fit alors l'éloge de ce Journal (voyez tome LXX, pages 232, 233, 263, 282), et y fournit quelques articles que les éditeurs de Kehl ont les premiers recueillis. Ils les avaient placés dans les Mélanges littéraires. Je les ai rangés dans l'ordre de leur publication, dont j'ai indiqué la date. B.

2 << Cet article est d'une main très illustre, que personne ne méconnaîtra.» Voilà ce qu'on lisait en note au bas de ce morceau, lorsqu'il fut imprimé dans le cahier du 25 avril 1777. La traduction, par Frenais, de l'ouvrage de Sterne, avait paru à la fin de 1776, à Paris, chez Ruault, deux volumes in-12, ne contenant que la moitié du roman anglais. La suite ne fut traduite qu'en 1785, et deux traductions en parurent à-la-fois en deux volumes, l'une par Griffet-Labaume, l'autre par de Bonnay.

Voltaire avait parlé ailleurs du Tristram Shandy; voyez tome XXVIII, page 173. B.

naître n'est pas encore baptisé. Tout l'ouvrage est en préliminaires et en digressions. C'est une bouffonnerie continuelle dans le goût de Scarron. Le bas comique, qui fait le fond de cet ouvrage, n'empêche pas qu'il n'y ait des choses très sérieuses.

L'auteur anglais était un vicaire de village, nommé Sterne. Il poussa la plaisanterie jusqu'à imprimer dans son roman un sermon qu'il avait prononcé sur la conscience; et ce qui est très singulier, c'est que ce sermon est un des meilleurs dont l'éloquence anglaise puisse se faire honneur. On le trouve tout entier dans la traduction.

On a été surpris que cette traduction soit dédiée à un des plus graves et des plus laborieux ministres1 qu'ait jamais eus la France, comme un des plus vertueux. Mais le vertueux et le sage peuvent rire un moment et d'ailleurs cette dédicace a un mérite noble et rare; elle est adressée à un ministre qui n'est plus en place.

On donna un petit extrait des derniers volumes anglais dans le tome cinquième de la Gazette littéraire de l'Europe, en 1765; et il paraît qu'alors on rendit une exacte justice à ce livre. Aussi l'auteur de la Gazette littéraire était-il aussi instruit dans les principales langues de l'Europe, que capable de bien juger tous les écrits. Il remarqua que l'auteur anglais n'avait voulu que se moquer du public pendant deux ans consécutifs, promettant toujours quelque chose, et ne tenant jamais rien.

M. Turgot. K.

2 Voyez la note, tome XLI, page 447. B.

Cette aventure, disait le journaliste français, ressemble beaucoup à celle de ce charlatan anglais qui annonça dans Londres qu'il se mettrait dans une bouteille de deux pintes, sur le grand théâtre de Haymarket, et qui emporta l'argent des spectateurs en laissant la bouteille vide. Elle n'était pas plus vide que la Vie de Tristram Shandy.

Cet original, qui attrapa ainsi toute la GrandeBretagne avec sa plume, comme le charlatan avec sa bouteille, avait pourtant de la philosophie dans la tête, et tout autant que de bouffonnerie.

Il y a chez Sterne des éclairs d'une raison supérieure, comme on en voit dans Shakespeare. Et où n'en trouve-t-on pas? Il y a un ample magasin d'anciens auteurs où tout le monde peut puiser à son aise.

Il eût été à desirer que le prédicateur n'eût fait son comique roman que pour apprendre aux Anglais à ne plus se laisser duper par la charlatanerie des romanciers, et qu'il eût pu corriger la nation, qui tombe depuis long-temps, abandonne l'étude des Locke et des Newton pour les ouvrages les plus extravagants et les plus frivoles. Mais ce n'était pas là l'intention de l'auteur de Tristram Shandy. Né pauvre et gai, il voulait rire aux dépens de l'Angleterre, et gagner de l'argent.

Ces sortes d'ouvrages n'étaient pas inconnus chez les Anglais. Le fameux doyen Swift en avait composé plusieurs dans ce goût. On l'avait surnommé le Rabelais de l'Angleterre; mais il faut avouer qu'il était bien supérieur à Rabelais. Aussi gai et aussi plaisant

que notre curé de Meudon, il écrivait dans sa langue avec beaucoup plus de pureté et de finesse que l'auteur de Gargantua dans la sienne; et nous avons des vers de lui d'une élégance et d'une naïveté digne d'Horace.

Si on demande quel fut dans notre Europe le premier auteur de ce style bouffon et hardi, dans lequel ont écrit Sterne, Swift, et Rabelais, il paraît certain que les premiers qui s'étaient signalés dans cette dangereuse carrière avaient été deux Allemands nés au quinzième siècle, Reuchlin et Hutten. Ils publièrent les fameuses Lettres des gens obscurs, long-temps avant que Rabelais dédiât son Pantagruel et son Gargantua au cardinal Odet de Châtillon.

Ces lettres, rapportées à l'article FRANÇOIS RABELAIS dans les Questions sur l'Encyclopédie1, sont écrites dans le latin macaronique, inventé, dit-on, par Merlin Cocaïe, pour se venger des dominicains; et elles firent par contre-coup un très grand tort à la cour de Rome, lorsque les fameuses querelles excitées par la vente des indulgences armèrent tant de nations contre cette cour. L'Italie fut étonnée de voir l'Allemagne lui disputer le prix de la plaisanterie comme celui de la théologie. On y raille des mêmes choses que Rabelais tourna depuis en ridicule: mais les railleries allemandes eurent un effet plus sérieux que la gaîté française; elles disposèrent les esprits à

T

Voltaire, dans ses Questions sur l'Encyclopédie (voyez tome XXIX, page 510), rapportait une partie de la seconde de ses Lettres à S. A. monseigneur le prince de *** (voyez tome XLIII, page 476), où il parle des Epistolæ obscurorum virorum. B.

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