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NOTICE

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

SÉBASTIEN BOURDON.

SANS avoir atteint la réputation dont jouissent Poussin, Claude Lorrain et Le Sueur, Bourdon cependant doit être placé sur la ligne des peintres dont le talent fait honneur à la France. Si quelques incorrections de dessin s'aperçoivent dans plusieurs de ses nombreux ouvrages, ce défaut est amplement racheté par de grandes beautés, une facilité extraordinaire, et beaucoup d'originalité.

Sébastien Bourdon naquit à Montpellier en 1616. Son père, peintre sur verre, lui donna les premiers élémens du dessin; mais bientôt il fut confié à l'un de ses oncles, qui l'amena à Paris. Il fit ce voyage sur une voiture chargée de bagages, s'y endormit et tomba avec le ballot sur lequel il était, sans que personne s'en aperçût. Cependant un courrier ayant averti qu'il avait vu sur la route quelque chose qui devait appartenir à la voiture, le conducteur retourna sur ses pas, et trouva l'enfant encore plongé dans le sommeil.

Le jeune Sébastien fut placé à Paris chez un peintre médiocre, qu'il quitta dès l'âge de quatorze ans pour aller à Bordeaux. Il eut d'abord occasion de faire, dans un château

voisin de cette ville, un plafond qu'il peignit à fresque; mais ensuite, ne trouvant plus à s'occuper, il partit pour Toulouse, et la misère l'obligea à s'engager. Le capitaine de la compagnie dans laquelle il s'était enrôlé, étonné des talens de son jeune soldat, lui donna bientôt après son congé. Il partit alors pour Rome, où il n'eut d'autres ressources que de travailler pour un mai chand de tableaux qui le payait assez mal. La flexibilité de son talent, et sa mémoire heureuse, lui donnèrent les moyens de faire des tableaux, où il imitait la manière de chaque maître. Il poussa cette adresse au point d'imiter de souvenir un tableau de Claude Lorrain. L'ayant exposé dans un jour de fete, ainsi que cela était l'usage alors, chacun se récria sur le mérite du nouveau chef-d'œuvre de l'habile paysagiste. On courut chez lui pour l'en complimenter, et on le trouva occupé à terminer le tableau, que l'on croyait avoir vu à l'exposition. Ce ne fut pas sans peine que Lorrain pardonna cette supercherie à Bourdon, qui acquit dès lors quelque célébrité, et trouva une existence honnête à répéter ainsi des tableaux d'André Sacchi, de Michel-Ange Cercozi et de Pierre de Laër.

Un peintre, compatriote de Bourdon, jaloux de sa prospérité, voulut la troubler, et le menaça de le dénoncer à l'inquisition comme calviniste. Cette crainte força Bourdon à quitter Rome précipitamment, après un séjour de trois années. Il alla d'abord à Venise, et revint ensuite à Paris, où il fit, pour l'église de Notre-Dame, le crucifiement de saint Pierre. La réputation que ce tableau lui occasiona s'accrut encore par le martyre de saint André, qu'il exécuta pour la cathédrale de Chartres. Il allait faire six autres tableaux pour l'église de Saint-Gervais de Paris; mais, s'étant permis quelques plaisanteries au sujet de la vie de ce saint, on l'autorisa seulement à terminer le tableau qui était commencé, et les cinq autres furent donnés à Champagne et à Le Sueur.

De si grands ouvrages n'empêchèrent pas Bourdon de se

délasser de temps à autre en faisant des tableaux de genre, ou des bambochades peintes. avec une rapidité extraordinaire, et dans lesquels cependant on trouve toujours de l'esprit, de l'originalité et une couleur vigoureuse. Il fit aussi des portraits et des paysages justement estimés; mais sa vivacitė l'entraînait souvent à faire vite, n'ayant pas ordinairement la patience de terminer ses tableaux. On l'a vu même, se laissant emporter par sa facilité, parier de faire douze têtes d'après nature en un seul jour. Il gagna son pari, et ces têtes, dit-on, ne furent pas des moins belles qu'il ait faites.

Il est facile de concevoir qu'avec une tel esprit, Bourdon devait avoir quelque bizarrerie dans le caractère; aussi le voyait-on tantôt se livrer entièrement à la société, s'y présenter avec un extrême enjouement, puis se livrer au travail avec le plus grande opiniâtreté; se renfermer alors dans un grenier qui lui servait d'atelier et retirer après lui l'échelle par laquelle il était monté, afin que personne ne vînt l'interrompre, évitant aussi qu'on pût se douter où il était.

Lors de l'établissement de l'académie royale de peinture, en 1648, Bourdon fut l'un des douze anciens; plus tard il fut nommé recteur de l'académie.

Les troubles de la Fronde vinrent encore tourmenter Bourdon, à cause de sa religion. Il s'expatria en 1652, pour aller en Suède avec le titre de peintre de la reine. Il n'eut à faire dans ce pays que des portraits, et fit celui de Christine à cheval. Pendant qu'il travaillait, il parla à cette princesse des tableaux que Gustave-Adolphe avait eus pour sa part lors de la prise de Prague, en 1620; la plupart étaient encore emballés. La reine lui ordonna de les examiner; et lorsqu'il lui en rendit compte, voyant avec quel enthousiasme il lui vantait surtout ceux du Corrége, cette princesse pour faire un acte de générosité, lui dit qu'elle les lui donnait ; mais Bourdon répondit à l'instant même qu'elle ne pouvait se dessaisir de tableaux si précieux, qui étaient des plus beaux de

l'Europe. Ils passèrent depuis au cardinal Odescalchi, puis dans la galerie d'Orléans, et sont maintenant dispersés.

Bourdon, revenu à Paris, fut chargé de faire, pour la paroisse Saint-Benoît, un tableau représentant le Christ mort et la Vierge près de lui. Il fit ensuite un voyage à Montpellier avec toute sa famille; et, lors de son retour, en 1663, il peignit à fresque les plafonds de la galerie Bretonvilliers. Aidé dans ce grand travail par ses élèves Guillerot, Monier et Friquet, il y représenta l'histoire de Phaeton en neuf grandes compositions, maintenant détruites par le temps.

On ne sait pas à quelle époque, Bourdon peignit ses tableaux des Sept OEuvres de Miséricorde, mais ils doivent être de son meilleur temps, lui-même a montré l'estime qu'il en faisait, puisqu'il les grava à l'eau-forte; il a fait de la même manière une trentaine de pièces, dont plusieurs sont des paysages remarquables, sous le rapport de la composition et sous celui de la gravure.

Bourdon venait d'être chargé de peindre un plafond dans l'appartement des Tuileries; mais il n'avait encore fait que le dessin quand il fut surpris par une fièvre violente, dont il mourut en 1671, laissant deux filles, qui toutes deux peignaient la miniature.

Si la mort ne fût venue surprendre Bourdon dans un âge si peu avancé, il eût encore produit beaucoup, mais sans doute aussi il n'aurait rien fait de mieux pour sa gloire. Les principaux caractères de ses ouvrages sont d'être faits avec facilité, mais peu terminés. Lorsqu'il copia la nature, il ne sut pas la choisir. Ses portraits sont remarquables par un coloris vigoureux et vrai. Ses nombreux paysages le placent

à côté du Poussin.

Son œuvre se compose d'environ 200 compositions,

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