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réuni en districts, et, si elle ne donnait pas de résultat, une seconde élection populaire, « de sorte que la première répondit au but de la nomination et fût une véritable désignation; la seconde élection entre les deux premiers candidats donnerait ensuite effet à la volonté réelle du peuple » 1. Les autres propositions furent moins remarquées et on peut dire que la question sommeilla jusqu'à l'époque de l'administration de Grant. La corruption et la domination du caucus arrivèrent alors à un si haut degré, que l'on se reprit à penser que le general ticket system et l'élection indirecte étaient les principaux éléments de cette situation désastreuse. Charles Sumner proposa au sénat un plan d'élection directe du président par le peuple votant par district, « afin de supprimer le caucus ou la convention ». D'année en année on renouvelait les propositions sur le district system avec ou sans l'élection directe du président 2; mais ces propositions se heurtaient contre la résistance immuable du congrès. Les champions de la réforme se découragèrent et l'auteur de la dernière proposition présentée au sénat en 1881, M. Wallace, déclarait qu'il présentait «< une résolution ayant pour but de substituer la volonté du peuple directement exprimée au système de la discipline de parti, du caucus de parti, non dans l'espoir qu'elle serait immédiatement adoptée, mais pour contribuer à l'agitation qui est seule capable d'amener un changement 3».

Les meilleurs esprits continuent à se prononcer pour la suppression du general ticket system et plusieurs d'entre eux adoptent aussi l'élection directe du président, tandis que d'autres préfèrent le choix du président par les deux chambres du congrès ou par un collège composé des délégués des législatures locales. En effet l'élection directe ne rendrait pas par elle-même le caucus impossible; le caucus s'est établi, non parce que les masses populaires n'étaient pas admises à voter, mais parce qu'elles ne savaient pas voter, parce que, dans la confusion du suffrage universel, elles risquaient de se disperser sans se retrouver. L'élection directe supprimera-t-elle, pour les millions d'hommes qui la feront, la nécessité de se concerter?

Quant au district system, des voix autorisées font remarquer que la mesure, si bonne qu'elle soit, ne donnera pas les résultats attendus : la délimitation des districts devra être faite par les législatures locales,

1. Congressional Globe, 1st session of the 28 Congr., p. 687.

2. Au sénat propositions de Sumner le 30 mai 1872 et le 16 janvier 1873, de Morton le 6 janvier 1873, le 28 mai 1874, de Banks le 9 décembre 1872, de John Linch, le 6 janvier 1873, de Porter le 20 février 1873. A la chambre des représentants propositions de Wright le 15 décembre 1874, de Morton le 5 décembre 1876, de Wallace le 28 janvier 1881 au Sénat.

3. Congressional Record, vol. XI, part. 2, p. 1451.

mais celles-ci, par un sectionnement arbitraire et abusif, formeront les districts de telle manière que l'opposition sera partout en minorité. Ce procédé, pratiqué depuis longtemps aux États-Unis pour les élections législatives et connu sous le nom de gerrymandering system, serait appliqué avec plus de suite dans une élection aussi importante que celle du président 1.

Mais le district est encore une unité électorale trop grande; avec la densité croissante de la population il sera toujours impossible aux électeurs de se mettre en rapports personnels, afin d'échanger des vues et d'arriver à une entente. Il faut donc, s'est-on dit, de très petites circonscriptions. C'est dans les townships de la NouvelleAngleterre que la liberté a été plantée et s'est épanouie. Le caucus lui-même a vu le jour dans des communautés démocratiques du type le plus pur, et c'est quand il a passé des petites démocraties aux grandes communautés d'un caractère différent qu'il dégénéra. L'ancien selfgovernment communal s'en est allé, telle est la source des maux qui affligent la république. Et voilà les auteurs qui s'appliquent à rechercher les moyens de recouvrer le paradis perdu de l'ancien town meeting de la Nouvelle-Angleterre. D'après les uns il faudrait revenir aux anciens hundreds saxons. Tout le pays serait divisé au point de vue électoral en circonscriptions de 100 à 300 électeurs. Une salle publique pourrait les contenir tous, et là, dans des discussions et des entretiens familiers, ils examineraient les mérites des candidats. Pour les élections supérieures, les hundreds seraient groupés en comtés avec des assemblées composées de délégués des hundreds. Une pareille assemblée pourrait être établie pour les villes contenant plusieurs hundreds. L'assemblée d'État serait nommée par les délégations des comtés respectifs provenant elles-mêmes des hundreds. Les hundreds seraient ainsi la pierre angulaire de l'édifice politique. En vérité, une démocratie sans l'institution des hundreds organisés restera toujours une fiction, déclare C. Gœpp 2.

D'après d'autres plans, les électeurs primaires des petites circonscriptions ne se réuniraient que pour choisir une convention électorale qui procéderait aux nominations; pour les charges électives supérieures, cette convention nommerait une autre convention. Mais dans tous les collèges d'électeurs, à tous les degrés, le nombre des membres devrait être tel qu'il permit une véritable délibération 3. On voterait

1. Th. M. Cooley, Method of electing the president, Internat. Review, 1878, p. 202. 2. On the legal organisation of the people to select candidates for office. Philad., 1868.

3. Alb. Stickney, A true republic, N.-Y., 1879; The people's problem (Scribner's Monthly, vol. XXII, 1881); Democratic government, L. et N.-Y., 1885.

ainsi toujours en connaissance de cause pour des personnes connues et on n'aurait pas besoin de caucuses.

Mais le caucus ne trouvera-t-il pas quand même le moyen de se faufiler et d'arranger d'avance la procédure de ces assemblées ? Pour écarter cette éventualité et les fraudes en général, le Dr. Ch. P. Clark propose de former les groupes électoraux par le tirage au sort. Dans chaque localité ayant plus de 2,000 habitants les électeurs seraient répartis, par le tirage au sort, comme les jurés, en 5, 7 ou 9 sections égales, selon la population. Chaque section élirait des électeurs représentatifs, qui nommeraient aux charges du quartier et en outre désigneraient des représentants au collège des électeurs du comté ou de la cité et ainsi de suite. Dans le cas où le nombre des citoyens de la division serait assez petit pour qu'ils pussent se réunir tous, les élections aux emplois pourraient se faire directement. Dans les collèges d'électeurs la voix de chaque représentant compterait proportionnellement au nombre de citoyens qu'il représente 1.

La dimension trop grande des circonscriptions électorales n'est qu'un élément de la situation. Les inconvénients qui en résultent se trouvent encore accentués par le nombre très considérable des candidats à nommer. Les auteurs des plans ci-dessus exposés pour la création de petites circonscriptions avec des élections à plusieurs degrés sont tous d'accord sur le remède à apporter au mal, supprimer autant que possible les charges électives et même, pour celles qui seraient maintenues, rendre les élections aussi rares que possible. Plus ou moins d'accord pour faire nommer à l'élection seulement les membres des assemblées législatives et municipales et les chefs du pouvoir exécutif, tous ces auteurs proposent de supprimer la tenure à terme des mandats électifs; elle serait désormais fixe, during good behaviour, mais les élus pourraient être révoqués. Les collèges d'électeurs rempliraient seulement les vacances. Il n'y aurait plus d'élections périodiques.

On a cru trouver pour ruiner le caucus un autre moyen, moins radical, dans la représentation des minorités. En effet, s'est-on dit, le caucus system puise sa force dans le mode électoral en vigueur, qui fait de la représentation le monopole des majorités. L'électeur indépendant ne pouvant pas faire entendre sa voix dans les conseils de la nation, il arrive fatalement de deux choses l'une : l'électeur dont le vote est de fait annulé se décourage, s'abstient et laisse la place. libre aux politiciens de caucus; ou bien il accepte la mort dans l'âme les candidats du caucus, uniquement pour ne pas se séparer de

1. The commonwealth reconstructed, New-York, 1878.

A. TOME IV. 1889.

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la majorité de son parti. C'est cette situation créée par le régime électoral que le caucus exploite et dont il vit. La majorité a le monopole de la représentation et le caucus a le monopole de la majorité. Donc pour briser le pouvoir du caucus il faut supprimer le monopole des majorités. Une fois la représentation des minorités admise, les électeurs n'auront plus la carte forcée des deux candidatures, également odieuses, adoptées par l'un et l'autre caucus. Des masses considérables d'électeurs se détacheraient des deux grandes organisations et les réduiraient à l'état de simples groupes politiques dans le sein de la nation. Enfin, le caucus, aujourd'hui monopoleur et accapareur électoral, devrait se soumettre aux lois de la concurrence 1.

L'adoption de la représentation des minorités par quelques États (la Pennsylvanie, l'Illinois) n'a pas encore donné cependant les résultats voulus. L'insuccès est attribué à la forme défectueuse de la représentation des minorités, qui a été établie d'après le système du vote limité. L'électeur vote pour un nombre de candidats inférieur à celui des mandataires qu'il a à nommer. Ainsi dans une circonscription qui élit trois députés l'électeur ne peut voter que pour deux. Le troisième siège semble donc revenir forcément à la minorité, si elle compte pour un tiers au moins dans le corps électoral. Mais les opinions dissidentes ne peuvent arriver à ce résultat qu'à la condition de ne pas disperser les voix sur plusieurs noms. Sous peine de rester non représentés même sous le nouveau régime, les membres de la minorité doivent adopter un candidat unique et voter pour ce candidat avec une discipline rigoureuse. D'un autre côté, si la minorité est moindre d'un tiers, la majorité peut souvent enlever les trois sièges, en ne donnant aux deux premiers candidats que le nombre de voix strictement nécessaire pour leur assurer la majorité, les voix en plus se portant toutes sur un troisième candidat du même parti. Comme une seule voix de plus peut suffire ici à la majorité pour enlever le troisième siège ou à la minorité pour l'obtenir, la concentration obligatoire des voix de l'un et de l'autre parti s'impose plus que jamais et la tyrannie du caucus avec ses candidats réguliers devient plus despotique que sous le régime qui n'admet point la représentation des minorités. En Angleterre, comme nous le verrons plus tard, c'est justement à l'occasion de l'adoption de la représentation des minorités dans les three-cornered constituencies et pour para

1. Simon Sterne, Constitut. history and political development of the United States, New-York, 1882, p. 235, 265. Voy. les articles du même auteur: The administration of american cities, dans Internat. Review, 1877, p. 643; Representation, dans Lalor's Cyclopædia of politic. science, t. III, p. 593, et aussi son livre On representative government, Philad., 1871.

lyser ses effets que le caucus a été introduit pour la première fois à Birmingham par les chefs de la majorité. En conséquence, on croit en Amérique qu'il y a lieu de remplacer le vote limité par un autre système et qu'alors la représentation des minorités, devenue une vérité, pourrait être le dissolvant des grandes organisations politiques existantes.

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Cette opinion est encore considérée par d'autres personnes comme présomptueuse; on conteste l'idée que la représentation des minorités, d'après quelque système que ce soit, présente la véritable solution du problème posé par le caucus system. On remarque que le mal du caucus consiste en ce que la majorité n'est pas fidèlement représentée, qu'elle est tyrannisée par une minorité audacieuse et sans scrupule, qui usurpe ses pouvoirs et agit en son nom au plus grand préjudice de la chose publique. Par conséquent ceux qui se lamentent sur le sort des minorités font fausse route. Le problème que le caucus impose au pays c'est la protection des majorités et non celle des minorités. Au lieu de spéculer sur de nouvelles théories de représentation, que la masse du peuple américain n'est pas capable de comprendre et que des politiciens intéressés peuvent facilement dénaturer, il vaut mieux garder l'ancien système, mais chercher le moyen de le faire fonctionner avec sincérité conformément à sa destination. La majorité des citoyens est honnête et le mal serait coupé dans sa racine si chaque parti rentrait en possession de son droit de choisir les candidats, droit dont il a été dépouillé, - si les partis étaient émancipés de l'influence des Rings, si le peuple prenait une part aux primaries. C'est de ce côté que devraient se diriger les méditations des penseurs politiques 3.

L'auteur de Progress and Poverty, Henry George, voit le trait le plus saillant du caucus en ce qu'il rend les charges électives accessibles seulement aux riches ou aux hommes qui espèrent en tirer de

1. On en propose plusieurs. M. Sterne, dans l'article cité sur l'administration des villes américaines, recommande le list-system, d'après lequel chaque voix donnée à un candidat compterait au prorata de la place d'ordre qu'il occupe dans le bulletin de l'électeur. Ainsi le candidat inscrit le premier sur le livret aurait une voix entière, au second le vote de l'électeur ne serait compté que pour une demi-voix, au troisième pour un tiers et ainsi de suite. Alors les membres de la majorité auraient beau se concerter sur un troisième candidat, si nombreuses que fussent les voix qu'on lui donnerait, elles ne lui compteraient chacune que pour un tiers, tandis que le candidat unique de la minorité, étant le premier sur les bulletins de ses partisans, ferait entrer en ligne de compte chaque voix reçue comme un vote entier.

2. Cette formule a été donnée et développée dans un petit livre très ingénieux de Josiah Phillips Quincy, The protection of majorities, Boston, 1876.

3. Forms of minority representation, by Edward Stanwood, North American Review, vol. 113, juillet 1871.

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