Lors de la renaissance des arts, c'est à Florence qu'ils prirent le plus grand essor, et, parmi les hommes de genie qui se firent remarquer, on doit citer particulièrement le peintre Léonard, que l'on regarde comme chef de l'école florentine. Léonard naquit au château de Vinci, en 1452 ; et c'est par cette raison qu'on le nomme Léonard de Vinci. Fils naturel de Pierre, notaire de la seigneurie de Florence, il fut doué avec profusion des dons de la nature , et il mit tous ces dons en valeur. On le vit cultiver avec succès, non-seulement les trois arts qui ont rapport au dessin , mais encore les mathématiques, la mécanique, l'hydrostatique, la poésie et la musique. Tous les exercices du corps lui étaient également familiers, et il atteignit un haut degré de perfection dans la danse, l'escrime et l'équitation. A cette vigueur d'esprit si rare, il joignit encore les grâces d'une physionomie charmante et une force corporelle tout-à-fait extraordinaire. Le père de Léonard ayant remarqué la facilité avec laquelle dessinait's on fils , il porta quelques-uns de ses ouvrages à André Verr occhio , son ami. Cet habile artiste, élonné de tant de 7 NOTICE HISTORIQUE ET CRITIQUE dispositions , engagea Pierre à lui confier son fils, qui devint alors le camarade et l'émule de Perugin, devenu si célébre par la suite comme maitre de Raphaël. Léonard devint bientôt assez habile pour aider André Verrocchio, et il travailla concurremment avec lui dans un grand tableau du Baptême de Jésus-Christ. Il fit la figure accessoire d'un ange, tenant les vêtemens du Sauveur, et s'en acquilta avec tant d'habileté, que l'accessoire éclipsa le reste de la composition. Léonard fut appelé à Milan, en 1489, par le duc Louis Sforza, pour faire la statue que ce prince voulait élever å son père, le duc François ; mais il fit le modèle d'une pro portion si colossale, que l'on regarda la fonte comme inexé: cutable. Il fut alors nommé directeur de l'académie de pein ture que venait de créer le duc de Milan. Les talens variés de Leonard furent bientôt employés à des travaux extraordinaires. On vante surlout une machine théâtrale, construite à l'occasion des noces de Jean Galéaz, et dans laquelle les planėles roulant dans leur orbite, venaient l'une après l'autre chanter l'épitbalame de la mariée. Léonard inventa aussi une lyre d'argent d'une forme particulière, et dont il tirait les sons les plus harmonieux. Il sut aussi triompher de difficultés regardées comme insurmontables, en parvenant à établir la jonction du canal de Martezana, avec celui du Tesin. Enfin il composa et exécuta , dans le réfectoire des dominicains de Milan, ce célèbre lableau de la Cène, admiré généralement pour l'expression , et que nous avons don é sous le no. 416. Lorsque Louis XII s'empara du duché de Milan, le duc Louis Slorza fut fait prisonnier, Léonard craignit que les faveurs dont il avait joui ne devinssent un motif de persécution ; mais le roi, désirant récompenser son mérite, l'accueillit gracieusement et lui assura une pension. Leonard voulut å son tour témoigner sa reconnaissance au monarque vainqueur; il lui presenta un lion automate qui, après avoir fait quelques pas devant le roi, s'arrêta et se leva sur ses pates et que SUR LÉONARD DE VINCI. de derrière; alors sa poitrine s'ouvrit, et on vil se développer l'écusson des armes de France. C'est aussi à lui que l'on doit l'invention de plusieurs instrumens à l'usage des tourneurs, et notamment du lour ovale qui est d'une si grande utilité. Malgré la faveur dont jouil Léonard de la part du roi, la domination française lui fut apparemment desagréable, puisqu'il relourna à Florence, ou le gonfalonier, Pierre Soderini, le chargea de peindre, dans la grande salle du conseil, la bataille dans laquelle avait été défait Nicolas Piccinio, l'un des plus babiles généraux du duc de Milan. Ce tableau de fut pas achevé, mais on en connaît un carton, représentant des cavaliers se dispulant une enseigne. Dans cet ouvrage admirable, la colère et la vengeance des chevaux est rendue avec autant de perfection que celle des hommes. Michel-Ange fut en même temps chargé de peindre une autre scène de l'histoire des Florentins, c'est pour cela qu'il fit le carton ou les Florentins sont surpris par les Pisans, tandis qu'ils se baignaient dans l'Arno. Le suffrage des artistes demeura suspendu entre ces deux chefs-d'oeuvre; mais il parait cependant que Léonard, presque sexagénaire, éprouva quelques contrariétés de voir son ouvrage mis en parallèle avec celui d'un jeune homme de trenle ans. Il profita donc, pour s'éloigner de Florence, de l'occasion que lui offrit Julien de Médicis, qui allait à Rome pour l'exaltation du pape Léon X, son frère. Quoique accueilli d'abord par le souverain pontife, il ne tarda pas à s'apercevoir du refroidissement que વે lui faisait éprouver la lenteur avec laquelle il travaillait ; lenleur qui était telle, que l'on prélend qu'il fut quatre ans à terminer ce fameux portrait de la dame Lise, femme de Joconde. François Jer, trouva, il est vrai, celle peinture admirable, et la paya 4,000 écus (environ 20,000 francs ). Vers la fin de 1515, Léopard, mécontent des lourmeus qu'il éprouvait en Italie, se détermina à accepler la proposi IV 7 NOTICE AIST. ET CRIT. SUR LÉONARD DE Vinci. tion du nouveau roi de France: il vint à Fontainebleau, ou le monarque lui fit l'accueil le plus honorable. Il lui assigna ensuite pour retraite le château de Clou, à Amboise ; mais on ne voit pas que le peintre ait fait aucun travail dans cette retraite, ou les infirmités de la vieillesse ne tardèrent pas à l'accabler, et où il mourut le 2 mai 1519, après un séjour de trois années environ. Son corps fut placé dans l'église de St.Florentin d'Amboise. Quoiqu'on ait souveut dit qu'il mourut à Fontainebleau, dans les bras de François Ier., et que Ménageot ait représenté cette scène honorable pour les arts, on doit regarder ce fait comme douteux, puisque, comme l'a fait observer le prosesseur Venturi , la cour était alors à Saint-Germain, ou la reine venait d'accoucher; d'ailleurs il existe des ordonnances données dans cette même ville, à la date du jer, mai 1519, ce qui ne pouvait guère permettre au roi de s'être trouvé le lendemain à Amboise. Les tableaux de Léonard sont assez rares, aussi met-on un grand prix à ceux dont l'originalité ne peut être contestée; mais on doit dire aussi que souvent on lui attribue des ouvrages de Luini , l'un de ses élèves. Ce grand homme avait une susceptibilité qui ressemblait quelquefois à de la jalousie; mais avec des manières gracieuses et des ressources inépuisables dans l'esprit pour converser sur toutes sortes de matières : on lui reconnaissait genéralement des mœurs pures, une âme noble et généreuse, et une douce philosophie. Autant il avait soignė sa parure dans le temps où il joignait à la beauté remarquable de son extérieur les goûts de la jeunesse, autant, vers la fin de sa carrière, et après ses démêlés avec Michel-Ange, il montra d'éloignement pour la recherche des habits. Il avait laissé croître ses cheveux et sa barbe, ce qui lui donnait l'air d'un vieux Druide. |