Sivut kuvina
PDF
ePub

si souvent leur influence, qu'il est impossible de soumettre au calcul, cette probabilité. Il y a cependant quelques résultats généraux dictés par le simple bon sens, et que le calcul confirme. Si, par exemple, l'assemblée est très-peu éclairée sur l'objet soumis à sa décision; si cet objet exige des considérations délicates, ou si la vérité sur ce point est contraire à des préjugés reçus, ensorte qu'il y ait plus d'un contre un à parier que chaque votant s'en écartera; alors la décision de la majorité sera probablement mauvaise, et la crainte à cet égard sera d'autant plus juste, que l'assemblée sera plus nombreuse. Il importe donc à la chose publique, que les assemblées n'aient à prononcer que sur les objets à la portée du plus grand nombre: il lui importe que Pinstruction soit généralement répandue, et que de bons ouvrages fondés sur la raison et l'expérience, éclairent ceux qui sont appelés à décider du sort de leurs semblables ou à les gouverner, et les prémunissent d'avance contre les faux aperçus et les préventions de l'ignorance. Les savans ont de fréquentes occasions de remarquer que les premiers aperçus trompent souvent, et que le vrai n'est pas toujours vraisemblable.

Il est difficile de connaître et même de définir le vœu d'une assemblée, au milieu de la variété des opinions de ses membres. Essayons de donner sur cela, quelques règles, en considérant les deux cas les plus ordinaires, l'élection entre plusieurs candidats, et celle entre plusieurs propositions relatives au même objet.

Lorsqu'une assemblée doit choisir entre plusieurs candidats qui se présentent pour une ou plusieurs places du même genre; ce qui paraît le plus simple est de faire écrire à chaque votant sur un billet, les noms de tous les candidats, suivant l'ordre du mérite qu'il leur attribue, En supposant qu'il les classe de bonne foi, l'inspection de ces billets fera connaître les résultats des élections, de quelque manière que les candidats soient comparés entre eux; ensorte que de nouvelles élections ne peuvent apprendre rien de plus à cet égard. Il s'agit présentement d'en conclure l'ordre de préférence, que les billets établissent entre les candidats. Imaginons que l'on donne à chaque électeur, une urne qui contienne une infinité de boules au moyen desquelles il puisse nuancer tous les degrés de mérite des candidats: concevons encore qu'il tire de son urne, un

g

nombre de boules proportionnel au mérite de chaque candidat, et supposons ce nombre écrit sur un billet, à côté du nom du candidat. Il est clair qu'en faisant une somme de tous les nombres relatifs à chaque candidat, sur chaque billet, celui de tous les candidats qui aura la plus grande somme, sera le candidat que l'assemblée préfère; et qu'en général, l'ordre de préférence des candidats, sera celui des sommes relatives à chacun d'eux. Mais les billets ne marquent point le nombre des boules que chaque électeur donne aux candidats ils indiquent seulement que le premier en a plus que le second, le second plus que le troisième, et ainsi de suite. En supposant donc au premier, sur un billet donné, un nombre quelconque de boules; toutes les combinaisons des nombres inférieurs, qui remplissent les conditions précédentes, sont également admissibles; et l'on aura le nombre de boules, relatif à chaque candidat, en faisant une somme de tous les nombres que chaque combinaison lui donne, et en la divisant par le nombre entier des combinaisons. Si ces nombres sont très-considérables, comme on doit le supposer pour qu'ils puissent exprimer toutes les nuances du mérite; une analyse fort simple fait voir que les nombres qu'il faut écrire sur chaque billet à côté du dernier nom, de l'avantdernier, etc., peuvent être représentés par la progression arithmétique 1, 2, 3, etc. En écrivant donc ainsi sur chaque billet, les termes de cette progression, et ajoutant les termes relatifs à chaque candidat sur ces billets; les diverses sommes indiqueront par leur grandeur, l'ordre de préférence qui doit être établi entre les candidats. Tel est le mode d'élection, qu'indique la Théorie des Probabilités. Sans doute, il serait le meilleur; si chaque électeur inscrivait sur son billet, les noms des candidats, dans l'ordre du mérite qu'il leur attribue. Mais les intérêts particuliers et beaucoup de considérations étrangères au mérite, doivent troubler cet ordre, et faire placer quelquefois au dernier rang, le candidat le plus redoutable à celui que l'on préfère; ce qui donne trop d'avantage aux candidats d'un médiocre mérite. Aussi l'expérience a-t-elle fait abandonner ce mode d'élection, dans les établissemens qui l'avaient adopté.

L'élection à la majorité absolue des suffrages réunit à la certi

tude de n'admettre aucun des candidats que cette majorité rejetterait, l'avantage d'exprimer le plus souvent, le vœu de l'assemblée. Elle coïncide toujours avec le mode précédent, lorsqu'il n'y a que deux candidats. A la vérité, elle expose à l'inconvénient de rendre les élections interminables. Mais l'expérience a fait voir que cet inconvénient est nul, et que le desir général de mettre fin aux élections, réunit bientôt la majorité des suffrages sur un des candidats.

Le choix entre plusieurs propositions relatives au même objet, semble devoir être assujéti aux mêmes règles, que l'élection entre plusieurs candidats. Mais il existe entre ces deux cas, cette différence, savoir, que le mérite d'un candidat n'exclut point celui de ses concurrens; au lieu que si les propositions entre lesquelles il faut choisir, sont contraires, la vérité de l'une exclut la vérité des autres. Voici comme on doit alors envisager la question.

Donnons à chaque votant, une urne qui renferme un nombre infini de boules; et supposons qu'il les distribue sur les diverses propositions, en raison des probabilités respectives qu'il leur attribue. Il est clair que le nombre total des boules, exprimant la certitude, et le votant étant par l'hypothèse, assuré que l'une des propositions doit être vraie; il répartira ce nombre en entier, sur les propositions. Le problème se réduit donc à déterminer les combinaisons dans lesquelles les boules seront réparties, de manière qu'il y en ait plus sur la première proposition du billet, que sur la seconde ; plus sur la seconde que sur la troisième, etc.; à faire les sommes de tous les nombres de boules, relatifs à chaque proposition dans ces diverses combinaisons; et à diviser cette somme, par le nombre des combinaisons : les quotiens seront les nombres de boules, que l'on doit attribuer aux propositions sur un billet quelconque. On trouve par l'analyse, qu'en partant de la dernière proposition, pour remonter à la première; ces quotiens sont entre eux, comme les quantités suivantes : 1° l'unité divisée par le nombre des propositions; 2° la quantité précédente augmentée de l'unité divisée par le nombre des propositions moins une; 3° cette seconde quantité augmentée de l'unité divisée par le nombre des propositions moins deux; et ainsi du reste. On écrira donc sur chaque billet, ces quantités à côté des propositions correspondantes; et en ajoutant

les quantités relatives à chaque proposition, sur les divers billets les sommes indiqueront par leur grandeur, l'ordre de préférence que l'assemblée donne à ces propositions.

Des Lois de la Probabilité, qui résultent de la multiplication indéfinie des événemens.

Au milieu des causes variables et inconnues que nous comprenons sous le nom de hasard, et qui rendent incertaine et irrégulière, la marche des événemens; on voit naître à mesure qu'ils se multiplient, une régularité frappante qui semble tenir à un dessein, et que l'on a considérée comme une preuve de la providence qui gouverne le monde. Mais en y réfléchissant, on reconnaît bientôt que cette régularité n'est que le développement des possibilités respectives des événemens simples, qui doivent se présenter plus souvent, lorsqu'ils sont plus probables. Concevons, par exemple, une urne qui renferme des boules blanches et des boules noires; et supposons qu'à chaque fois que l'on en tire une boule, on la remette dans l'urne pour procéder à un nouveau tirage. Le rapport du nombre des boules blanches extraites, au nombre des boules noires extraites, sera le plus souvent très-irrégulier dans les premiers tirages; mais les causes variables de cette irrégularité, produisent des effets alternativement favorables et contraires à la marche régulière des événemens, et qui se détruisant mutuellement dans l'ensemble d'un grand nombre de tirages, laissent de plus en plus apercevoir le rapport des boules blanches aux boules noires contenues dans l'urne, ou les possibilités respectives d'en extraire une boule blanche et une boule noire à chaque tirage. De là résulte le théorème suivant.

La probabilité que le rapport du nombre des boules blanches extraites, au nombre total des boules sorties, ne s'écarte pas de la possibilité d'extraire une boule blanche à chaque tirage, au-delà d'un intervalle donné, approche indéfiniment de la certitude, par la multiplication indéfinie des événemens, quelque petit que l'on suppose cet intervalle.

Ce théorème indiqué par le bon sens, était difficile à démontrer

par l'analyse. Aussi l'illustre géomètre Jacques Bernoulli qui s'en est occupé le premier, attachait-il une grande importance à la démonstration qu'il en a donnée. Le calcul des fonctions génératrices, appliqué à cet objet, non-seulement démontre avec facilité ce théorème; mais de plus il donne la probabilité que le rapport des événemens observés, ne s'écarte que dans certaines limites, du vrai rapport de leurs possibilités respectives.

On peut tirer du théorème précédent, cette conséquence qui doit être regardée comme une loi générale, savoir, que les rapports des effets de la nature, sont à fort peu près constans, quand ces effets sont considérés en grand nombre. Ainsi, malgré la variété des années, la somme des productions pendant un nombre d'années, considérable, est sensiblement la même; ensorte que l'homme, par une utile prévoyance, peut se mettre à l'abri de l'irrégularité des saisons, en répandant également sur tous les temps, les biens que la nature distribue d'une manière inégale. Je n'excepte pas de la loi précédente, les effets dus aux causes morales. Le rapport des naissances annuelles à la population, et celui des mariages aux naissances, n'éprouvent que de très-petites variations à Paris, le nombre des naissances annuelles a toujours été le même à peu près; et j'ai ouï dire qu'à la poste, dans les temps ordinaires, le nombre des lettres mises au rebut par les défauts des adresses, change peu chaque année.

Il suit encore de ce théorème, que dans une série d'événemens, indéfiniment prolongée, l'action des causes régulières et constantes doit l'emporter à la longue, sur celle des causes irrégulières. C'est ce qui rend les gains des loteries, aussi certains que les produits de l'agriculture; les chances qu'elles se réservent, leur assurant un bénéfice dans l'ensemble d'un grand nombre de mises. Ainsi des chances favorables et nombreuses étant constamment attachées à l'observation des principes éternels de raison, de justice et d'humanité, qui fondent et maintiennent les sociétés; il y a un grand avantage à se conformer à ces principes, et de graves inconvéniens à s'en écarter. Que l'on consulte les histoires et sa propre expérience; on y verra 'tous les faits venir à l'appui de ce résultat du calcul. Considérez les avantages que la bonne - foi a procurés aux gouvernemens qui en ont fait la base de leur conduite,

« EdellinenJatka »