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(Int. de la loi-aff. Ponterie-Escot.) Le sieur Ponterie-Escot était prévenu d'avoir homicidé volontairement, et hors le cas de légitime défense, Charles Hilaire Dehap, ce qui avait été l'objet de la première série de questions proposées au jury.-La deuxième série portait sur un attentat que l'on supposait pareillement que le sieur Ponterie-Escot s'était permis à la liberté individuelle dudit Dehap; -Et la troisième, sur le fait que le sieur Ponterie-Escot avait lié et garrotté le même Dehap, volontairement et à dessein.

Le jury de jugement avait répondu sur la première série, qu'il avait été commis sur la personne de Dehap des violences et excès qui avaient occasionné sa mort; que le sieur Ponterie-Escot s'était rendu coupable de ces excès et violences, mais qu'il n'avait pas agi volontairement et á dessein.-Le jury avait répondu sur la deuxième, qu'il n'était pas constant qu'il eût été commis attentat à la liberté individuelle de Dehap; Mais il avait répondu, sur la troisième, qu'il y avait eu garrottage de cet individu; que le sieur Ponterie-Escot s'en était rendu coupable, et qu'il avait agi volontairement et à dessein.

Le sieur Ponterie fut acquitté, ainsi qu'il devait l'être, à raison de la prévention d'homicide, et de l'attentat à la liberté individuelle,qui étaient les deux seuls délits rentrant dans les dispositions du Code pénal, et les seuls conséquemment qui auraient dû être soumis à l'examen et à la déclaration du jury.

Cependant la Cour de justice criminelle, prenant égard à la réponse du jury sur la troisième série, uniquement relative au garrottage de Dehap, et considérant qu'il résultait des débats et des pièces du procès, que ce garrottage avait occasionné des blessures graves à cet individu, crut pouvoir faire application à l'espèce de l'art. 434 du Code des délits et des peines, et des art. 13 et 14 du tit. 2 de la loi du 22 juillet 1791; elle condamna en conséquence Ponterie-Escot à une année d'emprisonnement, à 1,000 fr. d'amende, 25,000 fr.de dommages-intérêts envers les parties plaignantes, et aux dépens, taxés à environ 400 francs.-Pourvoi.

ARRÊT.

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LA COUR; Vu les art. 228, 378, 434 et 456 du Code des délits et des peines; Et attendu que le Code du 3 brum. an 4, ayant prohibé, par l'art. 228, de dresser acte d'accusation pour autres délits que pour ceux emportant peines afflictives ou infamantes, et n'ayant autorisé, par l'art. 378, les présidens des Cours de justice criminelle, qu'à poser au jury des questions sur les faits repris en l'acte d'accusation, il en résulte qu'il ne peut jamais être posé régulièrement au jury que des questions qui tendent à établir un fait dont la culpabilité déclarée peut emporter peine afflictive ou infamante; Attendu que l'observation rigoureuse de ces deux articles du Code est prescrite à peine de nullité; Que cependant le président de la Cour de justice criminelle du département de la Gironde a posé, sur la troisième série, des questions relatives au simple fait du garrottage d'un individu qui, par lui seul et isolé de toutes circonstances aggravantes, ne pouvait constituer un délit à réprimer par une -peine afflictive ou infamante; - Que la question de savoir si le prévenu s'était rendu coupable de ce garrottage, volontairement et à dessein, ne changeait ni ne pouvait changer la nature du délit, ni le faire rentrer dans les dispositions du Code pénal; - Qu'il y a donc eu violation ouverte des art. 228 et 378 du Code, dans la position des questions de la troisième série ;

Que néanmoins, et malgré l'acquittement de

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la Cour de justice criminelle du département de la Gironde a fait, en le jugeant ainsi, fausse application de l'art. 434, sous un double rapport, 1o en faisant reposer l'application de cet article sur une déclaration du jury qui devait être considérée comme non avenue, puisqu'elle portait sur des questions qui n'auraient pas dû lui être soumises; 2° sur ce que l'art. 434 n'est applicable qu'au cas où le fait se trouvant dépouillé par la déclaration du jury, des circonstances qui le faisaient rentrer dans les dispositions du Code pénal, cette déclaration le laisse dans la classe des délits de police correctionnelle, ou de simples contraventions de police ;-Que ce serait en effet contrarier tout le système du Code, que de faire l'application de l'art. 434 au cas où il n'aurait été posé au jury des questions que sur un simple délit de police ou de police correctionnelle, puisqu'on ne pourrait le faire qu'en supposant que de pareilles questions peuvent être soumises au jury tandis que les art. 228 et 378 en renferment la défense la plus expresse;

Attendu que la Cour de justice criminelle du département de la Gironde a encore commis un troisième excès de pouvoir, en ajoutant à la déclaration du jury, qu'elle pouvait seule consulter, et en allant puiser dans l'instruction et dans les débats, des circonstances aggravantes pour fonder la condamnation qu'elle a prononcée contre le prévenu; car les faits sont tout entiers dans le domaine du jury; et quand il a donné sa déclaration, elle doit être seule consultée pour l'application de la peine, ou pour l'acquittement du prévenu; cela résulte évidemment, en effet, de la combinaison des art. 424 et 428 du Code, et de la nature même de l'institution du jury; Qu'ainsi, et quand la Cour de justice criminelle du département de la Gironde aurait été autorisée à poser une série de questions relatives au garrottage dont était prévenu Ponterie-Escot, il aurait suffi que les circonstances agravantes de ce délit n'eussent pas été déclarées à la charge du prévenu, pour que la Cour de justice criminelle ne pût aller rechercher dans les entrailles de la procédure, des circonstances qui pussent le rendre passible de peines correctionnelles; -Attendu que la Cour de justice criminelle du département de la Gironde pouvait d'autant moins se le permettre, que le jury avait déclaré, en point de fait, que si le prévenu s'était rendu coupable d'homicide, pour excès et violences, il n'avait pu agir volontairement et à dessein; de sorte qu'il était vrai de dire, d'après la déclararation du jury, qu'à la vérité Ponterie-Escot s'était bien rendu coupable des excès et violences qui avaient occasionné les blessures et la mort de Dehap, qui en avaient été la suite, mais qu'il n'en résultait aucune preuve de culpabilité; néanmoins, c'est en supposant que le garrottage dont Ponterie-Escot était déclaré convaincu, avait occasionné à Dehap des blessures et meurtrissures faites volontairement et à dessein, que la Cour de justice criminelle a fondé la condamnation qu'elle a prononcée contre le prévenu; de sorte que, non-seulement la Cour de justice criminelle du département de la Gironde a ajouté à la déclaration dujury, en supposant que le gar

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Que,

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rottage a occasionné des blessures et meurtris- l'art. 92 de l'ordonn. de 1539, et fausse applicasures, mais que même elle s'est mise en contradic- tion de l'art. 11, tit. 35 de celle de 1667. tion directe avec cette déclaration, en supposant ARRÊT. toujours que ces blessures et meurtrissures avaient été faites volontairement;-Mais attendu que Ponterie-Escot n'a pas déclaré pourvoi contre cet arrêt;-Qu'en conséquence, il a passé en force de chose jugée, pour ce qui le concerne, il n'y a lieu de prononcer son annulation que dans l'intérêt de la loi ; — Casse, dans l'intérêt de la loi seulement, etc.

Du 10 fév. 1809.-Sect. crim.-Prés., M. Barris.-Rapp., M. Carnot.-Concl., M. Lecoutour, subst.

COMMUNE.-ARBITRES.-EXPERTS.
-RÉINTÉGRATION.

Du 12 fév. 1809 (aff. de Virieu).—V. cet arrêt à la date du 21 du même mois.

HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE.-Jugement

PAR DÉFAUT.-SIGNIFICATION.

Sous l'empire de l'ordonnance de 1667, on ne pouvait prendre une inscription hypothėcaire, en vertu d'un jugement par défaut, s'il n'était signifié (1).

(Ricard-C. Février et Guionne.)

Le 11 vend. an 4, Ricard obtient par défaut, contre Nugeyre, un jugement qui tient pour reconnue une obligation souscrite par celui-ci, le 1er sept. 1793.-16 brum. an 4, signification du jugement. Dans l'intervalle du jugement à la signification, Nugeyre vend un pré aux sieurs Février et Guionne.-Le 22 prair. an 7, Ricard prend, en exécution de la loi du 11 brum. précédent, une inscription sur les biens de son débiteur. En l'an 10, il poursuit les acquéreurs en déclaration d'hypothèque.-Alors, question de savoir de quel jour date l'hypothèque de Ricard. -Il prétend que c'est du jour du jugement, et se fonde sur l'art. 92 de l'ord. de 1539. On peut, il est vrai, disait-il, induire de l'art. 11, tit. 35 de l'ordonn. de 1667, que les jugemens par défaut ne donnent hypothèque que du jour de leur signification; mais il faut distinguer, avec Pothier et plusieurs autres auteurs, entre les jugemens portant reconnaissance d'écriture, et les autres jugemens prononçant des condamnations; l'ordonnance de 1667 n'ayant pas formellement abrogé celle de 1539 en ce point, elles doivent se concilier et s'interpréter l'une par l'autre; ainsi, sous l'empire de l'ordonn. de 1667, les jugemens par défaut, en matière de reconnaissance d'écriture, doivent encore produire hypothèque du jour où ils ont été rendus.

Les acquéreurs répondent que l'ordonn. de 1667 dispose généralement et sans distinction; ils s'autorisent d'ailleurs des arrêtés de Lamoignon, où il est dit, titre 21, art. 18:« La sentence par défaut par laquelle la cédule est tenue pour reconnue, emporte hypothèque du jour de la signification.»>

Le 1er juillet 1808, par arrêt de la Cour d'appel de Riom, il est jugé que l'hypothèque de Ricard n'a eu d'effet que du jour de la signification du jugement.

Pourvoi en cassation pour contravention à

(1) V. conf., Riom, 9 avril 1807, et nos observations.

(2) V. l'application de ce principe, aux arrêts des 5 avril 1808, et 14 juin 1809; V. aussi Merlin, Rep., Yo Enregistrement (droit d'), § 29, et le Traité des

LA COUR; Considérant que l'art. 11, tit. 35, ordonn. de 1667, a introduit un droit différent de celui établi par l'art. 92 de l'ordonn. de 1539;-Que la disposition de l'ordonn. de 1667 est générale, et que l'arrêt en a fait une juste application;-Rejette, etc.

Du 13 fév. 1809.-Sect. civ.-Prés., M. Liborel.-Rapp., M. Gandon.-Concl., M. Giraud, subst.-Pl., MM. Dufresneau et Champion.

MUTATION PAR DÉCÈS.-BAIL.-EXPER

TISE.

On ne peut obliger la régie de recourir à l'expertise pour estimer des biens passibles d'un droit de mutation par décès, lorsqu'il y a bail authentique constatant le revenu de ces biens (2).

(Enregistrement-C. Baron.)-ARRÊT.

LA COUR;-Vu les art. 15, no 7, et 19 de la loi du 22 frim. an 7;-Attendu qu'il existait, dans l'espèce, un bail authentique et non encore expiré, qui déterminait d'une manière légale le revenu du domaine de Mornac;-Attendu que la résiliation prétendue de ce bail n'était pas légalement justifiée;-Attendu enfin que, dans cet état de choses, le tribunal civil de l'arrondissement de Marennes n'a pu, sans violer les articles précités de la loi, admettre, au profit des défendeurs à la cassation, le mode d'expertise que la loi n'autorise qu'à défaut de baux ou autres actes authentiques constatant le véritable revenu des biens;-Casse, etc.

Du 13 fév. 1809. Sect. civ.-Rapp., M. Boyer. Concl., M. Giraud, subst.

CHAMPART.-TERRAGE.-FÉODALITÉ.ARROTUREMENT.

Les droits de champarts ou terrages seigneuriaux qui, avant la révolution, ont été aliénés avec la directe, ont conservé leur caractère de féodalité, et sont frappés par les lois des 25 août 1792 et 17 juillet 1793.-Un droit de champart tenu en foi et hommage, sous la charge d'un relief aux mutations, est essentiellement féodal (3).

(Rapsaët-C. Vispoël et comp.)-ARRÊT.

LA COUR;-Attendu que l'affaire présentait à juger la question de savoir si un droit de champart, faisant partie d'un fief mouvant du seigneur baron de Melden, était seigneurial ou purement foncier;-Attendu que ce champart tenu en foi et hommage et sous la charge d'un relief de 10 livres aux mutations, avait tous les caractères d'un véritable droit féodal, et qu'ainsi la Cour d'appel de Bruxelles, en le déclarant aboli, s'est conformée aux règles générales consignées dans les lois nouvelles;-Attendu que ces lois, notamment celle du 17 juill. 1793, n'admettent explicitement aucune exception;-Attendu que, quand même elles admettraient celle dont se prévalait le demandeur en cassation, la Cour de Bruxelles, faute par lui de prouver que son fief était d'obligation et non de concession,

droits d'enregistrement, de MM. Championnière et Rigaud, t. 5, n. 3424.

(3) V. en ce sens, Cass. 23 juin 1807; Bruxelles, 28 janv. 1806, et les arrêts cités.-V. aussi les conclusions de Merlin dans cette affaire, Répert, vo Terrage, no 3.-V, enfin suprà, Cass., 2 janv. 1809.

aurait également dû juger comme elle l'a fait;Rejette, etc.

Du 16 fév. 1809.-Sect. req.-Prés., M. Muraire.-Rapp., M. Henrion.-Concl., M. Merlin, proc. gén.-Pl., M. Guichard.

Nota. Du même jour, autre arrêt semblable, dans une affaire Vancanwenberghe.

POSSESSOIRE.

1o MOULIN.-COURS D'EAU. 2o CHOSE JUGÉE.- PÉTITOIRE. 1o Des propriétaires de moulins n'ont pas essentiellement droit à la quantité d'eau nécessaire pour leur usine, à ce point qu'ils puissent priver les propriétaires supérieurs de l'usage des eaux pour l'irrigation de leurs prairies. (Art. 644 et 645 Cod. civ.) (1)

(1) Envisagée sous un point de vue général, la question de savoir si le propriétaire d'un fonds peut se servir pour l'irrigation, des eaux qui traversent ou qui bordent sa propriété, de manière à les absorber entierement au préjudice des propriétés inférieures, présente des difficultés sérieuses. On peut consulter, sur ce point, les autorités nombreuses, en sens divers, qui sont indiquées sous l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 1807, qui résout cette question par la négative, et le résumé de doctrine et de jurisprudence que nous avons présenté sous un arrèt en sens contraire de la Cour royale de Bourges du 7 avril 1837.

Mais, dans l'espèce de l'arrêt que nous recueillons ici, la question se compliquait de cette circonstance que la propriété qui souffrait des prises d'eau pratiquées dans les héritages supérieurs était un moulin. Par sa destination, ce genre de propriété sert plus directement que les prairies à l'intérêt général. Il est d'une grande importance, surtout dans les campagnes, qu'indépendamment des chômages occasionnés naturellement par les temps de sécheresse, les moulins n'aient pas à souffrir encore ceux que pourrait amener, à chaque instant, l'irrigation des propriétés riveraines. En présence de ces considerations, on a pu se demander s'il n'y avait pas lieu de faire fléchir, en faveur des propriétaires d'usines, la règle aujourd'hui consacrée par l'art. 644 du Code civil qui veut que « celui dont la propriété borde une eau courante, non dépendante du domaine public, puisse s'en servir à son passage, pour l'irrigation de ses propriétés, » et d'attribuer, par préférence, l'entier usage des eaux, s'il en est besoin, au propriétaire du moulin. -L'affirmative a été autrefois adoptée par Houart, Dict. du droit normand, vo Prise d'eau, qui pense que l'eau appartient aux moulins, et en conséquence, que là où le droit d'irrigation n'est pas autorisé par les usages locaux, les propriétaires d'usine peuvent s'opposer à toute prise d'eau. A notre avis, cette solution ne saurait être admise dans notre droit actuel quelque intérêt que méritent les moulins en raison des besoins qu'ils sont appelés à satisfaire, on ne saurait penser que cet intérêt puisse aller jusqu'à leur sacrifier d'une manière absolue, d'autres intérêts qui pour servir moins directement l'utilité publique n'en sont pas moins, en définitive, très étroitement liés avec elle. Ilimporte, en effet, à l'agriculture en général que les prairies ne demeurent pas improductives, car c'est par le produit des prairies que le propriétaire nourrit les animaux qu'il emploie à la culture des terres qui, elle aussi, est assurément une des premières nécessités. Les propriétaires riverains pourraient donc avec raison réclamer l'usage des eaux par un motif d'utilité générale, et leurs droits étant égaux. sous ce rapport, à ceux des propriétaires de moulins, il n'y a qu'à les concilier entre eux. «Ni les uns, ni les autres, dit M. Daviel (des Cours d'eau, t. 2, no 585), n'ont reçu les cours d'eau en apanage ex

:

2o En général, des décisions au possessoire në sont ni titre ni chose jugée au petitoire.

(Gauthier-C. Besnier et autres.)

Trois moulins étaient établis sur le ruisseau d'Arches. Le premier appartenait à la dame Gauthier, lequel dépendait d'un domaine acquis du sieur Alhumbert; le second était celui du sieur Galantin; le troisième enfin était la propriété du sieur Lecourt.

A la date du 13 fruct. an 9, le sieur Alhumbert, qui était alors propriétaire du premier moulin, possédé plus tard par la dame Gauthier, forma une demande en complainte contre plusieurs des riverains. Il représenta les saignées d'irrigation qui servaient à l'arrosage de leurs prairies, comme étant un trouble apporté à sa possession,

clusif; s'ils procurent l'abondance à la terre, ils présentent à l'industrie le secours de leurs forces motrices; qu'il y ait égalité entre les divers usages auxquels leurs ressources peuvent être appliquées. Le propriétaire, dont une eau courante traverse les héritages, peut en user suivant son génie et ses convenances. Agriculteurs, industriels, sont également, sous la protection du droit commun, appelés à profiter de cette richesse naturelle. Leur titre, c'est leur droit de propriété. Leur industrie diffère, mais leur droit est le mème. Leurs besoins different comme leur industrie, mais il est toujours possible de concilier leurs intérêts sans sacrifier les uns aux autres. >> Telle est aussi la doctrine de Garnier, du Régime des eaux, t. 3, no 898, et de Proudhon, du Dom. publ., no 1080; et elle a été consacrée par la Cour de cassation le 21 juill. 1834.

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Quant aux moyens de concilier les deux intérêts, ils seraient simples. Ils consisteraient uniquement à fixer, en raison de l'étendue des terrains arrosables et des nécessités locales, les jours et les heures consacrés à l'irrigation. A l'expiration du temps fixé, l'eau devrait être rendue partout à la rivière qui, dės lors, présenterait à l'usinier tout son volume, et le mettrait ainsi à même d'exercer son industrie.

Ainsi, en résumé, la règle posée dans l'art. 644 du Code civil ne doit pas fléchir en faveur du propriétaire d'usine; le droit de l'usinier ne doit pas ètre exclusif de celui qui est conféré au riverain; ces deux droits doivent subsister concurremment et donner lieu à un partage aux termes de l'art. 645, qui prescrit de concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû à la propriété.

Mais il faut reconnaitre que cette règle n'est pas sans exception. Quelquefois il arrive que les moulins s'alimentent au moyen de canaux artificiels faits pour conduire l'eau nécessaire à leur service. Dans ce cas, le droit aux eaux ne saurait être partagé entre les propriétaires dont l'héritage est bordé par ces canaux, et le propriétaire de l'usine. « Ces canaux, ainsi que le dit Vazeille, des Prescriptions, t. fer, no 406, in fine, sont une dépendance de l'usine, comme propriété ou comme servitude, et l'eau qu'ils amènent est de droit entièrement réservée à l'usine. Les propriétaires riverains ne peuvent en user au passage qu'autant qu'un titre leur en attribue le droit, ou qu'ils ont possédé une prise d'eau durant trente ans, sans opposition, par le moyen de percées faites au bord du canal, et établies par des constructions permanentes, qui indiquent clairement la servitude continue. » Ajoutons que la raison pour laquelle les riverains ne peuvent pas, dans ce cas, fonder leur droit sur l'art. 644 du Code civil, c'est qu'alors le propriétaire du canal étant également propriétaire de ses bords, on ne peut pas dire que les propriétés limitrophes soient bordées par l'eau courante. V. en ce sens, Proudhon, du Domaine public, nos 1082 et 1083.

et il demanda d'être maintenu dans la possession exclusive des eaux du ruisseau d'Arches. Cette action possessoire ayant été portée devant le juge de paix du canton de Saint-Cyr, il y eut, le 16 fruct. an 9, jugement contradictoire, qui maintint le sieur Alhumbert dans la possession exclusive des eaux du ruisseau d'Arches, telle qu'il entendait se l'attribuer, et qui condamna les riverains à combler leurs saignées d'irrigation. La plupart d'entre eux appelèrent de ce jugement; mais l'appel ne fut point relevé. L'année suivante, et le 25 germ. an 10, le sieur Alhumbert ayant vendu son domaine à la dame Gauthier, il paraît que, par les ordres de cette dernière, des ouvriers salariés par elle étant remontés tout le long du ruisseau d'Arches jusque vers sa source, élargirent son lit, bouchèrent avec des massifs en pierre les prises ou ouvertures des saignées d'irrigation, et coupèrent sur les bords du ruisseau un arbre et plusieurs jets de verne.

Le 4 compl. an 10, les riverains eurent recours au juge de paix, et demandèrent que procèsverbal fût dressé.-Le 2 vendém. an 11, il y eut en effet procès-verbal, qui constata les voies de fait imputées à la dame Gauthier; qui constata également, soit l'état du cours du ruisseau, depuis sa source jusqu'aux moulins, tel qu'on l'a décrit ci-dessus, soit l'existence d'anciens lavoirs construits au milieu de certaines prairies, et encore l'existence des saignées d'irrigation ouvertes depuis un temps immémorial à travers les prés du vallon.-Le sieur Galantin, propriétaire du second moulin, fut présent avec la dame Gauthier au procès-verbal qu'on vient de rappeler, et tous les deux déclarèrent qu'ils entendaient avoir l'usage exclusif des eaux du ruisseau pour le service de leurs moulins.-Après cette première formalité remplie, les sieurs Besnier, Costérisan et autres riverains, intentèrent leur action au pétitoire. Le 7 brum, an 11, ils firent citer en conciliation, soit la dame Gauthier, soit le sieur Galantin, sur la demande qu'ils entendaient former aux fins d'être maintenus dans le droit de propriété de l'usage des eaux pour l'irrigation de leurs fonds, et aux fins d'obtenir en même temps dix mille francs de dommages et intérêts, pour raison des voies de fait qui avaient été commises. - Les propriétaires riverains invoquèrent leur droit naturel et imprescriptible de se servir, pour leurs besoins, des eaux du ruisseau qui bordait leurs prairies. · Ils excipèrent aussi du fait de jouissance habituelle.Les propriétaires des moulins répondaient qu'en fait ils avaient possession de jouissance exclusive; qu'à cet égard plusieurs jugemens les avaient maintenus par voie de complainte; que s'ils avaient toujours été maintenus dans la jouissance exclusive, c'était parce qu'il était à présumer que, lors de la construction des moulins, il y avait eu consentement des propriétaires riverains

(1) Pour les appelans, il a été produit dans la cause une consultation remarquable de M. Desèze, dont nous conservons ici les principaux passages.«Sous l'ancienne législation, qui était une époque de féodalité et de priviléges, dit M. Desèze, on ne peut pas se dissimuler que la question de savoir à qui appartenait la propriété des ruisseaux particuliers, ou de ceux à travers les fonds desquels ils coulaient, ou des seigneurs de ces fonds-là mème, était vivement controversée. Il y avait des auteurs qui, comme Laroche, Boissieu, Basset, Guyot, prétendaient que les simples ruisseaux (car il n'y avait pas de difficulté pour les fleuves ou pour les rivières navigables qui étaient reconnus comme dépendans du domaine de la couronne) appartenaient au seigneur

du ruisseau à leur laisser la jouissance exclusive des eaux; ou parce que le grand intérêt général auquel servaient puissamment ces moulins, avait commandé le sacrifice de petits intérêts particuliers de quelques propriétaires de prairies.- De part et d'autre on invoquait des titres plus ou moins anciens, plus ou moins obscurs. Une enquête fut ordonnée, à la suite de laquelle il intervint un jugement définitif le26 juin 1806, par lequel le tribunal,-« Considérant que, d'après les enquêtes et contre-enquêtes, il est demeuré pour constant que les propriétaires des moulins ont toujours et dans tous les temps curé le lit du ruisseau d'Arches, depuis sa source jusqu'au béal des moulins, pour que les eaux arrivassent tout entières dans le béal; qu'ils ont toujours bouché les abéalures que les propriétaires riverains ouvraient sur le ruisseau pour l'irrigation de leurs prés; qu'ils se livraient à ces travaux publiquement, au vu et au su des propriétaires riverains, tandis que les propriétaires riverains se cachaient pour ouvrir les abéalures; Considérant qu'il résulte de cette preuve respective, un droit d'usage exclusif des eaux du ruisseau d'Arches en faveur des propriétaires des moulins ;-Considérant que les propriétaires riverains ne peuvent invoquer aucune espèce d'usage de ces eaux, puisqu'il est demeuré pour constant qu'elles étaient au plus habile, et que le propriétaire du fonds inférieur en privait le fonds supérieur, et toujours à l'insu des meuniers, qui venaient les reprendre ensuite en plein jour et en présence des propriétaires, qui n'ont jamais opposé aucune espèce de réclamation; Considérant que des moulins ne peuvent exister sans les eaux nécessaires pour les faire jouer; -Considérant que le ruisseau d'Arches coule en trop petit volume pour servir tout à la fois, et à l'irrigation des prairies et au jeu des moulins; Considérant qu'en les divisant, ce serait nuire aux meuniers, sans utilité pour les propriétaires, puisque, dans les temps de sécheresse, il est constant, par l'état des lieux, qu'elles seraient absorbées, et au delà, par les propriétaires les plus voisins du ruisseau, sans qu'il en restât pour les propriétaires inférieurs; -Considérant que les propriétaires des moulins ont consenti, dans leur mémoire signifié, que les lavoirs subsistassent dans l'état où ils sont actuellement, à la charge par les propriétaires de ces lavoirs d'en rendre les eaux au ruisseau;-Dit et prononce : Que les propriétaires des moulins sont gardés et maintenus dans l'usage exclusif des eaux de la fontaine du ruisseau d'Arches, pour le jeu de leurs moulins; fait défenses aux propriétaires riverains de les détourner pour arroser leurs prairies; donne acte aux propriétaires des moulins, de la déclaration qu'ils consentent que les propriétaires des lavoirs actuellement existans s'en servent, etc. »,

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Appel par les sieurs Besnier et consorts (1).

du territoire qu'ils traversaient. Il y avait même des lettres patentes de Henri II, qui avaient dit que, par droit de coutume, appartenaient à Sa Majesté et autres seigneurs, les eaux des rivières et ruisseaux. Mais il faut convenir que la plus grande partie des auteurs avaient soutenu au contraire, que les ruisseaux appartenaient aux propriétaires dans les fonds desquels ils coulaient, et non pas aux seigneurs. C'est l'opinion, entre autres, de Loysel, qui en avait fait une règle de ses Institutions coutumières : «les rivières et les chemins sont aux seigneurs des terres, et les ruisseaux aux particuliers tenanciers (liv. 2, tit. 2, règle 6). » Boucheuil disait aussi, sur la coutume de Poitou: «les eaux privées, les petites rivières, les ruisseaux, sont aux propriétaires voisins et qui ont

19 mai 1808, arrêt infirmatif de la Cour d'appel de Lyon ainsi motivé : - « Considérant que tout propriétaire riverain d'une eau courante a le

les rivages (art. 40, no 6). » Bacquet, dans son Traité des droits de justice, dit également, qu'il y a des rivières qui ne sont ni publiques ni navigables, et qui appartiennent à des particuliers, soit seigneurs justiciers féodaux, ou autres personnes, tout ainsi que les héritages propres ou particuliers (ch. 20). Boutaric, dans ses Institutions du droit français, pose aussi le même principe : « Les rivières non navigables, dit-il, appartiennent aux seigneurs hautsjusticiers; mais en est-il de même des ruisseaux? Non, sans doute. Tous les auteurs conviennent que la propriété des ruisseaux appartient aux propriétaires des fonds dans lesquels ils coulent.» (P. 126.) Ricard, Basnage, Lacombe, Brillon, en un mot une multitude de jurisconsultes célèbres tiennent aussi le même langage. De ce principe que les ruisseaux appartenaient aux propriétaires des fonds dans lesquels ils coulaient, dérivait naturellement cet autre principe, que les propriétaires riverains avaient le droit de se servir des eaux de ces ruisseaux pour l'arrosement de leurs possessions, et qu'ils n'avaient pas même besoin de titres ou de servitudes pour s'approprier cet usage, parce qu'il était dans la nature des choses, et qu'aucune possession contraire, quelle qu'elle fût, ne pouvait les en dépouiller. C'est l'observation extrêmement juste que faisait Cochin, et qu'il faisait contre des propriétaires mêmes de moulins. «Le cours des eaux est de droit public, disait dans une consultation ce grand orateur, et l'on ne prescrit point contre le droit de ceux à qui | ces eaux appartiennent dans l'ordre de la nature. >> (T. 6, p. 505.) Ricard allait même jusqu'à dire qu'en supposant dans le propriétaire d'un moulin un temps suffisant pour acquérir la prescription du droit de retenir les eaux pour son usage, « néanmoins ceux qui avaient des prés le long de l'eau, pouvaient saigner le ruisseau ou la rivière pour le leur propre.»> (Sur la cout. de Senlis.) Bretonnier fait aussi à peu près la même remarque, précisément pour le Lyonnais. Il observe qu'au sujet de l'irrigation des prés, il y a toujours eu dans le Lyonnais, et dans tous les pays secs, beaucoup de procès; et il rend compte à cette occasion d'un arrêt du parlement de Paris, du 7 sept. 1696, qui jugea en faveur du sieur Arnold Albigny, « que le propriétaire d'une prairie avait le droit de conduire l'eau nécessaire pour l'arroser, et de la faire passer sur l'héritage de ses voisins, sans avoir besoin de titres; que c'était un servitude naturelle , pour l'établissement de laquelle les titres n'étaient pas nécessaires, parce que, sans le secours de l'irrigation, les prés seraient stériles, surtout dans les pays qui sont secs, soit à cause du climat, soit pour raison de leur situation». (T.6, quest. 149.) Une infinité d'autres auteurs ont attesté aussi l'existence de cette faculté naturelle, qu'ont toujours eue les propriétaires d'héritages traversés par des ruisseaux ou de petites rivières, d'y prendre de l'eau pour l'arrosement de ces héritages. Cette faculté ne pouvait pas même être contrariée par les propriétaires de moulins inférieurs construits sur ces mêmes rivières ou ruisseaux. Et la raison en était toute simple: c'est que rien n'empêchait que l'eau qui traversait les héritages, ne servît à les arroser à son passage, et n'allât ensuite faire valoir les moulins qui étaient au-dessous. Cette espèce de distribution, ordonnée par la nature elle-même, était de justice. Il n'était pas naturel, en effet, que le propriétaire qui voyait ses fonds baignés par une eau courante, n'eût pas le pouvoir de puiser dans le ruisseau qui la lui amenait, pour remédier, dans les ardeurs de l'été, à la sécheresse de ces fonds mêmes. D'un autre côté, il était également juste que les propriétaires

droit de s'en servir, à son passage, pour l'irrigation de ses propriétés ;—Que ce droit naturel et commun, proclamé par les lois romaines et par des moulins placés au-dessous de l'héritage ainsi arrosé en passant, eussent la liberté de recevoir les leurs moulins que l'intérêt public rendait nécessaieaux à leur tour, et de les employer au service de res. C'était là aussi ce qui se pratiquait dans l'usage. On avait même fait de ce principe une règle générale. Le Répert. de jurisprudence l'a remarqué avec beaucoup de raison. «Nous devons tenir, a-t-il dit, pour règle générale, que le propriétaire d'un moulin construit sur une rivière, ne peut pas empêcher les propriétaires riverains d'y prendre de l'eau jusqu'à concurrence du besoin qu'en ont leurs héritages. L'eau est un don de la nature : elle est commune à tous les propriétaires riverains. Tous doivent donc en user de manière à ne pas priver les autres du même usage. Il serait contre toute équité que l'avantage fùt entièrement d'un côté, et qu'il ne restât de l'autre que le préjudice. » Il discute trois objections, qui sont les seules qu'on pourrait chercher à opposer à ce principe si sage tout à la fois et si raisonnable, comme l'utilité des moulins, l'insuffisance de l'eau pour le nombre des propriétaires, et l'abus qu'on objections avec une justesse de raisonnement qui ne pourrait en faire en la détournant; et il réfute ces comporte pas de réponse. « On parle, dit-il, de l'utilité des moulins. Sans doute les moulins sont très l'arrosement des héritages. L'eau est l'élément de utiles au public, mais ils ne sont pas préférables à On peut suppléer à l'eau par la mouture mécanique l'agriculture. On peut construire des moulins à vent. des grains. Rien ne peut tenir lieu de l'eau pour la fertilisation des domaines. On oppose que l'eau peut n'être pas suffisante pour les propriétaires et pour les moulins. Mais si le volume d'eau d'un ruisseau n'est pas suffisant pour servir à la fois à tous les propriétaires pour arroser tous les près, et en mème temps pour faire tourner les moulins, la libre disposition de l'eau doit être réglée par des arbitres. Ils quels chaque particulier s'appropriera l'eau en endoivent fixer les temps et les heures pendant lestier. A défaut d'arbitres, le juge doit distribuer l'eau chaque riverain. »Voilà donc les principes que la avec équité et proportionnellement aux besoins de jurisprudence avait adoptés sur la distribution des eaux, même dans ces temps de féodalité où les seigneurs prétendaient s'emparer de tout, et où, comme l'observe Boissieu, dans son savant Traité sur l'us'approprier les terres par le moyen des champarts, sage des fiefs, «ils ne s'étaient pas contentés de des agriers, des censives; mais ils s'étaient encore puisqu'ils prenaient en quelques lieux un droit pour attribué les eaux, les petites rivières, jusqu'à l'air, échappé à leur domination, puisqu'ils exigeaient des la naissance; et jusqu'au feu même, qui n'était pas redevances pour chaque habitant faisant feu ou fuqu'on a atteint l'époque où notre législation a changé mée.» (ch.34.)—C'est à travers cette jurisprudence de forme, et où, dans tout ce qui tenait surtout à la liberté naturelle, soit des hommes, soit des choses, nos principes ont acquis bien plus d'étendue. >> M.Desèze, après avoir indiqué quels avaient été les projets de l'assemblée constituante relativement à un Code rural qu'elle avait voulu rédiger, projets auxquels ses immenses travaux l'empêchèrent de donqui avait été présenté à cet égard, et dans lequel on ner suite; après avoir signalé le projet de décret posait en principe que « le cours des rivières, comme tionale; mais que les riverains ont droit d'user des celui des fleuves, est une propriété commune et naeaux en se conformant, pour l'exercice de cet usage, après avoir cité l'art. 4, tit. 1er du décret du 28 sept. aux règles à établir par le corps législatif; » enfin,

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