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Pour bien apprécier ce moyen, disait le demandeur, il faut rappeler quelques principes certains. Les lois romaines prescrivaient, à peine de nullité, la nécessité de prononcer la sentence arbitrale en présence de toutes les parties, à moins qu'il n'en eût été autrement stipulé dans le compromis. Mais aussi du moment que l'arbitre avait prononcé sa sentence aux parties, il ne pouvait plus la rétracter, ni y faire aucun changement, aucune modification. Cæterum si condemnavit vel absolvit, mutare (se) sententiam non posse. Loi 19, S2, ff., de receptis, etc.; et pourquoi? C'est que, dès ce moment, il a cessé d'être arbitre: Dum arbiter esse desierit, dit la même loi.-Et c'est précisé ment la prononciation faite aux parties, qui constatait la date, l'existence et l'irrévocabilité des sentences arbitrales. Les dispositions et l'objet de ces lois devinrent une, maxime du droit français, consacrée par nos anciennes ordonnances, et par la jurisprudence des Cours souveraines. Hoc servamus, dit Mornac, sur la loi 27, S4, ff., de receptis. Et dans son recueil d'arrêts, il rapporte un arrêt conforme, rendu par le parlement de Paris, le 20 mars 1601.

rien pour l'espèce, attendu que le litige était antérieur à la publication du Code.

Il disait sur le deuxième moyen, que la supposition qu'une sentence arbitrale signée, mais non prononcée, déposée ou enregistrée, n'est qu'un projet et non un jugement dont l'essence est d'être irrévocable, est tellement contraire à la loi de 1790, qu'elle n'est véritablement pas soutenable. En effet, dans cette loi, le dépôt est nécessaire pour rendre le jugement exécutoire. Ce dernier existe donc nécessairement avant le dépôt. De plus, le président est tenu de mettre son ordonnance au bas de l'expédition. La minute doit donc exister avant cette expédition. Il y a donc, d'après la volonté de la loi, avant le dépôt et l'exequatur, un jugement réel et non un simple projet; car la loi n'ordonne pas le dépôt pour lui donner une existence, mais seulement pour le rendre exécutoire. Elle dit : « le jugement sera rendu exécutoire, etc.; à cet effet la minute du jugement, etc.;» ce qui prouve par la corrélation des mots à cet effet, et ceux sera rendu exécutoire, que cette formalité n'a d'autre objet que l'exécution et non la validité du jugement en lui-même. Aussi le président ne peut-il, dans cette circonstance, ni refuser sa signature, ni modifier ou même examiner le jugement; il ne fait seulement, par cette espèce de visa, qu'adresser son mandement à la force publique.-Il est d'ailleurs si vrai qu'un jugement ne date point du jour du dépôt, mais de celui énoncé par l'arbitre, et conséquemment que son existence précède matériellement ce dépôt, que des condamnations relatives aux intérêts, qui y seraient portées, courraient à compter de cette époque, et non de celle du dépôt. La supposition des adversaires à ce sujet serait également contraire à la nouvelle loi, qui prescrit le dépôt au moment où l'arbitre a perdu, par l'expiration du compromis, son caractère vis-à-vis des parties compromettantes.

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On peut voir aussi dans Bouve, un arrêt du M. Daniels, organe du ministère public, porparlement de Dijon, du 14 mars 1576, « qui dé- tant la parole dans cette affaire, a pensé : Sur clara, dit cet auteur, la sentence nulle, pour avoir le premier moyen, que la Cour d'appel avait été prononcée après le temps du compromis commis un excès de pouvoir, en ce qu'au lieu de expiré, nonobstant que les arbitres eussent dé- retrancher seulement de la sentence arbitrale claré avoir dressé là sentence dans le temps du quelques parties certaines et déterminées, sur compromis, d'autant que la sentence n'a effet lesquelles l'arbitre n'était pas autorisé à statuer, que du jour de la prononciation. » - Brillon, en cette Cour a fait de nouveaux calculs subversifs rapportant un arrêt conforme du parlement de du système de la sentence. Il est vrai qu'il ne Paris, du 18 juill. 1698, observe que « la sen- pouvait pas en être autrement d'après les princitence arbitrale doit être non-seulement datée, pes contraires à ceux de l'arbitre, que la Cour mais prononcée dans le temps du compromis, adoptait; mais alors elle devait prononcer la nulsinon elle est nulle; car, ajoute-t-il, c'est la pro- lité de toute la sentence, et non point la réformer. nonciation qui en assure la date, et non pas la C'est ainsi que la Cour de cassation annulle pour date qui y est donnée par les arbitres. » — M. le tout un jugement dont les dispositions sont Merlin, Répert., vo Arbitrage, atteste le même connexes, encore bien qu'il n'ait violé la loi que principe en ces termes : « Quoique l'ordonn. de relativement à un seul point. S'il arrive quel1667 ait abrogé la formalité des prononciations quefois que des dispositions d'un jugement sont des arrêts et jugemens, il faut néanmoins, pour maintenues et d'autres cassées, c'est qu'elles sont la validité d'une sentence arbitrale, qu'elle soit indépendantes les unes des autres. prononcée aux parties dans le temps du compromis autrement elle serait déclarée nulle. Deux arrêts du parlement de Paris, des 18 juin 1698 et 10 fév. 1713, l'ont ainsi jugé. Cette jurisprudence est fondée sur ce que c'est la prononciation qui assure la date de la sentence.»

Le défendeur répondait sur le premier moyen, 1o qu'il était tout-à-fait raisonnable de maintenir ce qui était juste et légal, alors qu'on pouvait le séparer de ce qui ne l'était pas :-Or, ici les matières étaient distinctes et divisibles; le fait est irréfragablement constaté;-2° Que cette divisibilité, même relativement aux jugemens arbitraux, n'était prohibée par aucune loi;-3° Que, si l'art. 1028 du Code de procéd. pouvait autoriser une opinion contraire, il n'en résulterait

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Sur le second moyen, M. Daniels a dit : « Le Code civil a précisé les actes dont la date doit être réputée certaine; ce sont d'abord les actes authentiques, suivant l'art. 1317, et les actes sous signature privée, dans les cas prévus par les art. 1322 et 1328.-Le législateur n'a fait aucune exception en faveur des sentences arbitrales on ne peut donc, sans contrevenir aux dispositions textuelles de la loi, leur supposer une date certaine, à moins qu'elles ne se trouvent dans la classe des actes dont le Code a fait énumération dans les articles précités.-Ainsi, les sentences arbitrales auront une date certaine si elles ont été rédigées ou publiées en présence d'un notaire, d'un greffier ou d'un autre fone|tionnaire public ayant le droit d'instrumenter,

Elles auront encore une date certaine, aux termes de l'art. 1322, entre les parties qui n'ont pas révoqué le compromis, puisque alors la signature des arbitres équivaut à celle des parties, comme la signature du mandataire dont le mandat n'a pas été révoqué à celle de son commettant ; la signature du représentant à celle de la personne représentée.-Hors ces deux cas, il faut recourir à l'art. 1328. La partie qui a valablement révoqué le compromis lui est devenue étrangère; et, comme la sentence d'un arbitre dont les pouvoirs ont cessé d'être ne l'oblige point, elle ne peut pas non plus avoir contre elle une date certaine, ni annuler les effets de la révocation. C'est la qualité de l'arbitre, du mandataire et du représentant, qui donne à la sentence une date certaine, par application de l'art. 1322; il faut donc au moins que la qualité d'arbitre subsiste encore au moment où l'on produit la sentence dans l'intention d'en faire valoir la date dans la supposition contraire, on se jette dans un cercle vicieux, en prouvant la qualité de l'arbitre par la date, et la date par la qualité d'arbitre. Il faut donc distinguer entre le cas où l'une des parties a révoqué le compromis, et celui où les deux parties ont persisté dans l'intention de faire juger leur différend par la voie d'arbitrage.-Dans le second cas, on peut assimiler l'arbitre à un mandataire; il représente pour ainsi dire les parties contractantes; et de même qu'un acte signé par le mandataire aura une date certaine contre le mandant, on peut dire que la date d'une sentence arbitrale, signée par l'arbitre, est certaine entre les parties qui ont consenti le compromis et qui ne l'ont pas révoqué. Mais ce principe n'est plus applicable dès que l'une des parties a révoqué le compromnis et qu'elle en avait le droit.-L'arbitre ne représente plus alors la partie qui lui a retiré sa confiance; il n'est plus son mandataire : il faut donc, de deux choses l'une, ou que l'arbitre produise sans délai et à l'instant même, et qu'il dépose dans un lieu public la sentence qu'il prétend avoir été rendue avant la révocation, et alors le fait même de la production ou du dépôt en constatera l'existence; ou qu'il prouve de toute autre manière que la révocation était tardive. La date qu'il appose à sa décision ne peut pas paralyser les effets de la révocation.-La raison en est bien simple d'abord, un arbitre ne peut être ni témoin ni juge dans une affaire qui commence à l'intéresser personnellement; il ne peut donc invoquer sa propre signature pour établir qu'il a jugé en temps utile.-Considéré comme tel, l'arbitre choisi par les consentemens libres des parties n'est qu'un particulier, arbiter est persona privata; en jugeant il exécute seulement un mandat qu'il a reçu de deux ou plusieurs particuliers.-Une décision signée de sa main n'est donc pas un acte authentique; et quel serait dans cet état le motif de réputer comme certaine la date qu'il appose à sa décision, lorsqu'il ne produit le jugement que plusieurs jours après la révocation du compromis?-Aucune loi ne déclare que, nonobstant cette révocation, la sentence qu'il pourrait produire après coup sera toujours assimilée aux actes authentiques: il faut donc s'en tenir à la règle générale suivant laquelle les actes sous signature privée n'ont de date certaine contre les tiers que dans les cas prévus par l'art. 1328 du Code civil.-On observe, à la vérité, que les parties qui ont signé le compromis ne sont pas des tiers; et pour en faire la preuve, on invoque les dispositions de l'art. 1022 du Code de procédure, suivant lesquelles les jugemens arbitraux

ne peuvent, dans aucun cas, être opposés à des tiers. Or, dit le défendeur, on demande si cela veut dire que les jugemens arbitraux ne seront, dans aucun cas, opposés aux parties qui ont consenti le compromis? Mais il me semble que c'est précisément le même article qui justifie la distinction que nous venons d'établir entre le cas où les parties ont persisté dans l'intention de faire juger leur différend par un arbitre, et le cas d'une révocation autorisée par la loi.-Le jugement arbitral ne peut être opposé à la partie qui a révoqué le compromis, puisque, par l'effet de cette révocation, elle est devenue étrangère au contrat qu'elle a résilié; il n'y a donc, sous ce rapport, aucune différence entre le tiers qui n'a jamais consenti le compromis, et la partie qui, usant de la faculté que lui accordait la loi, a rétracté son consentement; ni l'un ni l'autre n'est lié par la sentence arbitrale: pourquoi n'en serait-il pas de même lorsqu'il s'agit de savoir si la date portée dans une décision arbitrale est certaine où ne l'est pas ?-Elle est certaine entre les parties qui n'ont pas révoqué le compromis, mais il me paraît inconcevable qu'elle le soit également contre celui qui a révoqué le compromis.-La partie qui le révoque déclare que l'arbitre a perdu sa confiance; et l'on veut que le même arbitre ait encore la faculté d'opposer à la même partie une décision qu'il ne juge à propos de produire que quelques jours après!-Donner cette autorité à l'arbitre, c'est renverser les dispositions de l'art. 1328 du Code civil et éluder à la fois l'art. 3 du titre 1er de la loi du 24 août 1790.

<< Mais, nous dira-t-on, il est au moins possible que le jugement arbitral ait existé avant la révocation du compromis; il est possible que déjà le 17 le sieur Chagot ait apposé sa signature, et si la possibilité seule ne suffit pas pour en prouver la réalité, quelle sera donc la conduite d'un arbitre dont les pouvoirs sont révoqués dans un moment où il croit avoir rempli ses fonctions? La réponse ne peut pas être embarrassante: il remettra sans délai son jugement entre les mains d'un tiers; il en préviendra sur-le-champ les parties, et abandonnera aux tribunaux le soin de juger si la révocation ou la sentence doit avoir son effet. Ce moyen est bien simple la raison et la délicatesse le suggèreront, il me semble, à tout arbitre qui se trouve dans une pareille position. -On me demande, à la vérité, comment il pourrait se faire que les parties qui ont donné à l'arbitre la faculté de prononcer sur toute leur fortune, eussent un motif tant soit peu plausible de ne pas ajouter foi à la date qu'il aurait apposée à la sentence; mais je demanderai à mon tour comment est-il possible qu'un arbitre dont les pouvoirs sont révoqués avant que personne n'ait vu son jugement, compte toujours sur la confiance des parties? Elles avaient donné à l'arbitre la facilité de prononcer sur toute leur fortune; mais elles n'avaient pas renoncé au droit de lui retirer cette confiance après l'expiration du délai; et dès qu'elles ont révoqué le compromis, l'arbitre ne peut plus prononcer sur leur fortune ni directement, ni indirectement; or, il pourrait le faire, si on lui abandonnait le pouvoir de dater, comme il veut, un jugement qu'il ne produit que quelque temps après. On prétend encore que le Code civil n'est pas la loi de la matière; mais toujours est-il qu'un arbitre choisi par les parties n'est qu'un particulier, et qu'il faut une loi formelle pour établir en príncipe, que la sentence, qu'il ne produit que quelques jours après la révocation du compromis, a toujours une date certaine. Or, ni le Code de procédure civile, ni

aucune autre loi ne lui accordent ce privilège; il faut donc lui appliquer la règle générale, suivant laquelle un acte sous signature privée n'a de date certaine que dans le cas prévu par la loi. - Il est bien vrai qu'un testament olographe, écrit, daté et signé de la main du testateur, est censé avoir une date certaine, même dans l'intérêt des tiers, puisque sans cela il serait presque toujours impossible d'en constater la validité : mais comment voudra-t-on appliquer à une sentence arbitrale ce que la loi à statué par une exception à la règle, sur la date des testamens olographes? Qu'on lui attache une date certaine tant que le compromis subsiste, nous ne prétendons pas le contraire; mais tout ce qu'on a dit de l'efficacité du compromis, de la confiance accordée à l'arbitre et du consentement des parties, tombe du moment même où le compromis est révoqué. La Cour d'appel a donc créé une fin de non-recevoir qui n'est fondée sur aucune loi, en décidant que les sieurs Vanderberghe et Ouvrard étaient non recevables à contester la date de la sentence arbitrale dont il s'agit, par cela seul qu'ils n'avaient pas pris la voie d'inscription de faux.- Mais admettons le contraire, reste toujours à examiner si la décision dont il s'agit, a pu être qualifiée jugement arbitral avant le 1 mars 1806, jour de son enregistrement, en un mot avant que l'existence du jugement ne fût constatée, ni sa teneur rendue publique. De tous les temps et jusqu'à la publication de la loi du 24 août 1790, les lois positives ont exigé un acte extérieur, pour imprimer à l'opinion de l'arbitre les caractères d'un jugement. Les lois romaines avaient voulu que l'arbitre prononçât son jugement en présence de toutes les parties. L'absence d'une seule emportait la nullité de la prononciation et du jugement, à moins que le compromis n'accordât expressément le contraire.

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La jurisprudence, tout en conservant le principe de publication, en modifia seulement les formalités; elle n'exigeait plus, à peine de nullité, la présence de toutes les parties; et la raison en était bien simple: en insistant sur la nécessité de leur comparution, on aurait donné à chacune la faculté de résilier le compromis, ou d'en éluder les effets; mais il fallait toujours un acte extérieur bien constant et indépendant de la seule déclaration des arbitres.

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et la date est constatée par les registres publics,
et les sentences arbitrales qu'un arbitre rédige
dans son cabinet ?-L'édit du mois de mars 1673,
créa enfin des greffiers des arbitrages, et leur
donna le pouvoir de faire, à l'exclusion des no-
taires et autres officiers, les compromis, écrire et
expédier les jugemens, sentences et autres actes
faits par les arbitres. Et qu'on nous dise quel
aurait pu être le but de cette institution, si, à
cette époque, on avait cru qu'une sentence arbi-
trale a une date certaine par la signature de l'ar-
bitre, et que, pour avoir les effets d'un jugement,
il n'est pas même nécessaire qu'elle sorte du ca-
binet de l'arbitre, ni qu'elle soit rendue publique
par un acte quelconque ? Ce que les notaires
ou les greffiers avaient fait avant l'édit de 1673,
se faisait maintenant par les greffiers des arbi-
trages; ils prononçaient les sentences, ils en dres-
saient un acte, ils le faisaient signer par les par-
ties ou en constataient le refus. Telles étaient les
formalités nécessaires pour constater l'existence,
la teneur et la date d'un jugement arbitral.-
Mais, dit-on, la loi du 24 août 1790 n'en parle
plus. Il est aisé de concevoir qu'il ne pouvait
pas entrer dans le plan du législateur de renfer-
mer dans le cadre de six articles toute la matière
des compromis et des sentences arbitrales, ni
d'abolir ce qui n'était pas nominativement ré-
pété. La même loi ne dit point qu'il sera per-
mis de former opposition aux sentences arbitra-
les, rendues par défaut; elle ne dit rien des de-
mandes en nullité, ni de la requête civile contre
les jugemens arbitraux; et cependant vous avez
cassé plusieurs arrêts par lesquels on avait voulu
établir en principe qu'une sentence arbitrale ne
pouvait être attaquée ni par la voie d'opposition,
ni par une demande en nullité, ni par la requête
civile. Pourquoi ne dirions-nous pas également
dans notre espèce, que le législateur a voulu
maintenir les anciens principes et les ordonnan-
ces, en tant qu'ils ne seraient pas contraires à la
loi nouvelle, puisqu'il ne les a ni révoqués ni
modifiés ? A l'époque de la publication de la
loi du 24 août 1790, les greffiers des arbitrages
existaient encore; il était donc inutile de renou-
veler les anciens principes sur la manière de pu-
blier les sentences arbitrales, s'ils étaient connus
de tout le monde. Il est bien vrai que, par une
loi postérieure, on supprime enfin leurs fonc-
tions; mais peut-on en conclure que depuis cette
époque aucun acte extérieur n'était plus néces-
saire pour constater l'existence et la date d'un
jugement arbitral? Il faudrait donc dire, par la
même raison, qu'il n'était plus nécessaire d'écrire
les sentences arbitrales, puisque les greffiers des
arbitrages étaient également institués pour les
écrire. Leur suppression n'avait d'autre effet que
celui de faire rentrer les notaires dans leurs an-
ciens droits. La nécessité de donner de la publi-
cité aux sentences arbitrales subsistait toujours.
Elle résultait même de la nature des choses.-
Pour que le jugement arbitral devienne la pro-

« L'art. 7 du titre 26 de l'ordonn. de 1667 abrogea la formalité des prononciations des arrêts et desjugemens; mais on savait trop bien interpréter les lois, pour en conclure qu'un écrit signé par un arbitre dans l'intérieur de son cabinet, recevait au même instant le caractère et les effets d'un jugement. Et, en effet, l'ordonnance ne parle que des arrêts et jugemens; elle abolit la formalité des prononciations; mais elle ne dit point qu'aucun acte extérieur ne sera plus nécessaire pour assurer leur existence et leur invariabilité-Aussi le parlement de Paris a-t-il constamment jugé, après comme avant l'ordonn. de 1667, que, pour la validité d'une sentence arbi-priété des parties, il faut un acte extérieur, un trale, il était absolument nécessaire qu'un acte extérieur lui imprimât ce caractère; il déclarait nulles les sentences arbitrales qui n'avaient pas ce caractère avant l'expiration du délai du compromis. Les arrêts des 18 juin 1698 et 20 février 1732, tous les deux postérieurs à l'ordonnance, ont confirmé ce principe, et Jousse observe que si l'une des parties lève une expédition de la sentence, et la fait signifier aux autres parties, cette signification tient lieu de la prononciation; et n'est-il pas d'ailleurs bien palpable qu'il existe sous ce rapport une grande différence entre les arrêts ou jugemens des tribunaux, dont l'existence V.-I' PARTIE.

acte solennel, suivant les éditeurs du nouveau Denisart, art. Arbitre, § 3; et tant que l'arbitre a le droit d'en changer ou modifier les dispositions, il est impossible qu'il soit obligatoire pour les parties, puisque ce serait dire tout à la fois qu'il a, et qu'il n'a pas les effets d'un jugement. -Le même juge ne prononce pas deux ou plusieurs fois sur la même question entre les mêmes parties. Il en est de même de l'arbitre, et si erraverit in sententiâ dicendâ, corrigere eam non potest, dit la loi 20, T., de receptis.-Or, il est bien évident qu'un arbitre ne contracte jamais par le seul fait de la signature, l'obligation

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de ne plus changer d'opinion. Et comment voudrait-on, en effet, concevoir une obligation qu'un arbitre se serait imposée lui-même, sans intervention de personne qui aurait pu accepter son engagement, une obligation qu'il aurait la faculté d'enfreindre à chaque moment, dont il serait seul le dépositaire et le témoin? Les lois et la jurisprudence ne nous offrent point d'exemple d'une obligation aussi précaire. Tant que l'arbitre n'a communiqué personne ni déposé dans un lieu public la sentence qu'il veut rendre, elle n'appartient qu'à lui seul, il en est le maître; et s'il en change les dispositions, personne ne dira que sa première opinion doit prévaloir: elle n'a donc également aucun effet entre les parties, par cela seul qu'elle est révocable. »

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ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'il s'agissait d'un jugement arbitral rendu sous l'empire de la loi du 24 août 1790, et qu'il n'y avait aucune loi qui défendit aux juges d'ordonner l'exécution des dispositions qu'ils trouvaient conformes au compromis souscrit par les parties, après avoir annulé et retranché celles qui contenaient un excès de pouvoir; Que cette séparation a toujours été autorisée à l'égard des jugemens rendus par les tribunaux de justice; Que les inductions qu'on pourrait tirer de l'art. 1028 du Code de procédure, pour soutenir que cette division ne peut pas avoir lieu à l'égard des jugemens rendus par des arbitres, ne peuvent pas avoir leur application à la cause actuelle, où il s'agissait d'un jugement arbitral, rendu avant la publication du Code de procédure civile ;

Attendu que la loi du 24 août 1790 n'avait assujetti lesjugemens des arbitres à aucune formalité; qu'elle n'avait ni exigé le dépôt de la minute au greffe, ni prescrit aucun délai pour sa rémission, et qu'elle reconnaissait le jugement arbitral comme existant et ayant acquis sa perfection, indépendamment de tout concours de l'autorité publique, puisque le président du tribunal civil était tenu d'en ordonner l'exécution sur la seule présentation de l'expédition de ce jugement; Attendu que l'art. 3, même loi, porte expressément que, même après le délai expiré, le compromis sera valable et aura son exécution jusqu'à ce qu'une des parties ait fait signifier aux arbitres qu'elle ne veut plus s'en tenir à l'arbitrage; d'où il suit que la Cour d'appel de Paris, en déclarant que la date apposée au jugement arbitral dont il s'agit, antérieure à la révocation signifiée à l'arbitre, devait faire foi, n'a violé aucune loi, et qu'elle a, au contraire, jugé dans le sens et les termes de la loi susdite du 24 août 1790;Rejette, etc.

Du 31 mai 1809.- Sect. civ.- Prés., M. Muraire.- Rapp., M. Audier-Massillon. Concl., M. Daniels, subst.- Pl., MM. Mailhe, Berryer, Geoffrenet et Delamalle.

SURENCHÈRE.-CAUTION.-DÉLAI. Avant le Code de procédure, le créancier surenchérisseur qui offrait de donner caution

(1) V. en ce sens, Aix, 20 niv. an 13, et la note. (2) Il est des circonstances dans lesquelles la mise en cause d'un tiers peut avoir de l'influence sur la décision du procès au fond. De même aussi, il peut s'en rencontrer dans lesquelles cette mise en cause ne préjuge en aucune manière l'issue définitive du débat. Aussi le point de savoir quel caractère doit être attribué au jugement qui, avant faire droit, ordonne cette mesure préliminaire, s'il doit être con

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CAUSE.-APPEL.

Un jugement qui ordonne la mise en cause d'un tiers pour l'éclaircissement des faits, peut être réputé interlocutoire, et comme tel, susceptible d'appel avant le jugement définitif. (Cod. proc., art. 451 et 452.) (2).

(Devroëde C. les héritiers Joly.)

Le sieur Devroëde ayant, en qualité de commissaire aux saisies réelles, droit de percevoir les fruits des biens mis sous la main de justice, avait fait condamner le sieur Joly à lui rendre compte de ceux qu'il avait perçus comme curateur à la faillite des frères Cloteau. Le sieur Joly étant décédé, Deyroëde a continué ses poursuites contre les héritiers. Ceux-ci se sont défendus, en disant que le compte avait été rendu aux créanciers, et pour preuve, ils ont produit deux actes ratifiés, suivant eux, par la masse.

27 janv. 1807, jugement du tribunal civil de Rocroy, par lequel il est ordonné de mettre en cause les créanciers, par le motif que cela ne pouvait qu'être utile pour l'éclaircissement des faits.

Appel de la part des héritiers Joly.-Devroëde leur à opposé une fin de non-recevoir tirée de ce que le jugement dont il s'agit étant purement d'instruction, et par conséquent préparatoire, l'appel n'en pouvait, aux termes de l'art. 451 du Code de procédure, être interjeté qu'après jugement définitif;

Mais par arrêt du 18 fév. 1808, la Cour d'appel de Metz a rejeté la fin de non-recevoir, attendu qu'à raison de l'influence que le jugement dont était appel avait sur le fond, il devait être réputé interlocutoire.

Pourvoi en cassation pour contravention aux articles 451 et 452 du Code de procéd. Le demandeur a soutenu que, d'après la définition donnée par l'art. 452 du jugement préparatoire, il était impossible, sans contrevenir à cet article, et, par suite, à l'art. 451, de réputer interlocutoire le jugement du 27 janv. 1807.

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu qu'en rangeant le jugement de première instance dans la classe et dans l'ordre des jugemens interlocutoires, à raison de l'influence que cette mise en cause pouvait avoir sur la décision du fond du procès, la Cour d'appel n'a pu contrevenir aux art. 450 et 451 du Code de procéd.;-Rejette, etc.

sidéré comme interlocutoire ou simplement préparatoire, ne saurait-il être décidé en principe général, et doit-il être subordonné aux circonstances particulières de chaque cause. Telle est l'opinion de Carré, Lois de la proc. civ., t. 2, quest. 1616 et 1618. V. aussi arrêts de la Cour de cassation des 8 déc. 1813 et 19 avril 1826; et des Cours d'Amiens du 26 janv. 1822; de Paris du 10 déc. 1823; de Poitiers du 18 janv. 1831, et d'Agen du 5 juill, 1831,

Du 1er juin 1809.-Sect. req.-Prés., M. Pajon.-Rapp., M. Cochard.-Concl., M. Thuriot, subst.

FAUX.-CARACTÈRES.-Billets de loterie. Celui qui signe une lettre d'un nom imaginaire, pour déterminer un receveur de la loterie à recevoir des mises à crédit, ne commet pas le crime de faux à l'égard de l'administration de la loterie, puisque le nom de l'actionnaire n'est porté ni sur les registres ni sur les billets (1).

Le receveur de la loterie qui déclare sur ses registres avoir reçu le montant d'un certain nombre de billets de loterie par lui délivrés à crédit, ne fait en cela qu'établir un titre à sa charge et ne commet pas le crime de faux (2).

(Garnier et Ansart.)

Garnier avait présenté au receveur de la loterie de Saint-Pol, une lettre signée du nom de Spescha, qu'il prétendait être l'agent d'une société d'actionnaires. Cette lettre indiquait les numéros, déterminait les mises, et promettait de faire les fonds avant le tirage. Le sieur Ansart, receveur, admet les mises à crédit, pour 360,000 francs. Le sort fut favorable à Garnier: les billets gagnans sortirent pour 450,000 fr., en sorte qu'il se trouva avoir gagné 90,000 fr. L'administration fit vérifier les livres du receveur et reconnut que les mises n'avaient pas été réalisées. Les billets gagnans furent en conséquence annulés, et une instruction pour faux fut commencée contre Garnier et Ansart. La Cour spéciale du Pas-de-Calais s'étant déclarée compétente, cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation.

ARRÊT.

LA COUR;-Vu l'art. 2 de la loi du 23 flor. an 10;-Attendu que Garnier n'a pas pris personnellement un faux nom par écrit;-Attendu que la lettre du 2 janv. 1809, signée du nom imaginaire de Spescha, n'a pu avoir le caractère du faux, puisque le nom de l'actionnaire de la loterie ne paraît pas dans les mises; qu'il ne doit être porté ni sur les registres du receveur, ni sur les billets d'actions; qu'il ne doit pas, par conséquent, être connu de l'administration; qu'il peut même ne pas l'être du receveur;-Que la sûreté de l'administration est dans la réalisation même de la mise, sans laquelle un billet ne doit point être délivré, et, au cas d'infraction des réglemens de la part du receveur à cet égard, dans sa responsabilité personnelle, dans son cautionnement, et subsidiairement dans le reste de ses biens; Que cette lettre supposée n'a pas trompé le receveur Ansart, puisqu'il est déclaré par la Cour de justice criminelle qu'il en connaissait la simulation; que, l'eùt-elle trompé, elle n'en aurait pas

(1 et 2) L'arrêt, en décidant ainsi ces deux points, nous paraît avoir fait une saine application de ce principe incontestable en matière de faux, qu'il n'y a de crime qu'autant que l'altération peut causer quelque préjudice à autrui. Non punitur falsitas in scriptura quæ non solùm non nocuit, sed nec erat apta nocere. (L. 6, ff., et L. 20, au C. ad leg corn. de falsis.) Or, quel pouvait être vis-à-vis de l'administration le préjudice résultant de la fausse lettre missive et de la délivrance des billets qui en avaient été la suite? Il était nul, puisque, ainsi que le fait remarquer l'arrêt, l'administration avait son recours pour le paiement des billets contre son préposé. Quel pouvait être le résultat de la fausse mention, écrite par le receveur sur ses registres, que les mises avaient été réalisées ? Cette mention ne produisait également aucun résultat, si

contracté le caractère du faux, puisqu'elle n'aurait pas pu, quand même tout y eût été sincère et vrai, autoriser ce receveur à faire une délivrance de billets sans mise actuelle et effective de fonds; Qu'il n'y a donc pas eu, sous le rapport de cette lettre, de crime de faux; qu'il n'a pas pu conséquemment y avoir complicité de ce crime;

Attendu que le registre du receveur et les billets de mise ne devant point porter le nom de l'actionnaire, la fausse déclaration sur ces registres et sur ces billets d'un versement de fonds ne peut produire qu'un titre à la charge du receveur, en le constituant comptable et débiteur du montant de ces versemens supposés; qu'il ne peut y avoir faux dans un fait qui grève d'une obligation celui qui en est l'auteur;-Que si, par l'effet des chances du sort et par l'insuffisance de la responsabilité du receveur, l'administration de la loterie pouvait éprouver du préjudice de ces suppositions de versement, il n'en résulterait pas que ces suppositions pussent prendre le caractère du faux, mais seulement qu'elles pourraient, selon les circonstances, être envisagées et poursuivies comme vol, ou comme divertissement de deniers publics, ou comme tentative de ces crimes; Que la compétence d'une Cour spéciale ne peut donc être fondée non plus sur la fausseté des déclarations des versemens insérées dans les registres du receveur ou des mises énoncées dans les billets;-Qu'en se déclarant compétente, la Cour spéciale du département du Pas-de-Calais a donc violé les règles de compétence établies par la loi, et faussement appliqué l'art. 2 de la loi du 23 flor. an 10;-Casse, etc.

Du 2 juin 1809.- Sect. crim.-Prés., M. Barris.-Rapp., M. Vergès. Concl., M. Daniels, subst.

SEL.-MAGASIN.

Les tribunaux ne peuvent se dispenser d'envisager comme magasinier, tout individu chez qui l'on trouve une quantité de sel excédant 50 kilogrammes (3).

(Droits réunis-C. Coste.)

Du6 juin 1809.-Sect. civ.-Prés. M. Boyer. -Rapp., M. Gandon.-Concl., M. Pons, subst.

NOTAIRE.-RÉPERTOIRE.-DÉLAI. - AMENDE. Le notaire qui, pour le dépôt du double de son répertoire au greffe, est en retard seulement d'un ou deux jours, est passible de la peine que la loi inflige, de cent francs pour un mois de retard (4).

C'est au greffe du tribunal indiqué, que le dépôt doit avoir lieu dans les délais de droit.

- En conséquence, le notaire n'est pas dispensé de l'amende, par cela seul qu'il a remis, dans le délai, à la poste de son domi

ce n'est qu'elle obligeait le receveur à tenir compte du montant des billets par lui délivrés, quelles qu'eussent été les chances du sort. Il n'y avait donc, dans l'un et l'autre cas, aucun préjudice possible pour l'Etat; dès lors il manquait au crime l'un de ces élémens, il n'y avait pas de faux punissable. Cette décision a donc conservé tout son intérêt; et elle ne contrarie en rien la doctrine consacrée par la Cour de cassation dans ses arrêts des 3 juill. et 13 août 1807, et 24 fév. 1809, qui ont jugé que l'emploi d'un faux nom ou mème d'un nom imaginaire dans des lettres missives pour se faire remettre des valeurs, est constitutif du faux.

(3) Sic, Cass. 23 août et 17 oct. 1808.

(4) Conf., Cass. 10 mai 1819, 4 juill. 1820 et 15 mai 1822.

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