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Henrion de Pansey.-Rapp., M. Pajon.-Concl., | 1810, portait que les auteurs, soit nationaux, soit M. Merlin, proc. gén.-Pl., M. Sirey.

REQUÊTE CIVILE.- AMENDE.-Indigent. La loi du 1er therm. an 6, qui dispensait les indigens de consigner l'amende pour se pourvoir en requête civile, est abrogée par le Code de procédure. - En conséquence, le demandeur en requête civile ne peut se dispenser de fournir l'amende, en produisant un certificat d'indigence (i).

(Gallois de l'Epée C. Barrois et autres.)

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu, 1° que, par l'art. 1041, du Code de proc., il est dérogé à toutes les lois, coutumes et usages antérieurs sur cette matière; 20 Que l'art. 492 du même Code, n'établit aucune distinction en faveur des indigens, relative à la consignation d'amende ;-Rejette, etc. Du 22 mars 1810. Sect. req. Prés., M. Henrion. Concl. conf., M. Merlin, proc. gén. -Pl., M. Champion.

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE.— Etranger.
CESSION.-CONTREFACON.

Un Français, cessionnaire d'un étranger du droit d'imprimer, de graver et de vendre exclusivement en France un ouvrage littéraire non encore publié en pays étranger, peut poursuivre la contrefaçon de cet ouvrage, après s'être conformé à la loi du 19 juill. 1793 (2).

(Pieber-C. Erard.)

Cramer, compositeur à Londres, avait cédé en toute propriété aux demoiselles Erard, un ouvrage intitulé Etude pour le piano forte. Cet ouvrage fut mis en vente, après que deux exemplaires eurent été déposés à la bibliothèque nationale. Piéber, éditeur de musique, crut pouvoir le faire imprimer de son côté. Poursuite en contrefaçon.

Jugement du tribunal de la Seine, du 21 avril 1809, qui décide que la cession faite par Cramer n'a pu transmettre une propriété privative que le cédant n'aurait pu avoir que s'il eût résidé en France; qu'ainsi l'ouvrage se trouvait dans le commerce et qu'il n'y avait pas délit de contrefaçon.

Appel.-14 avr. 1809, arrêt de la Cour de justice criminelle de la Seine, qui réforme le jugement de 1re instance, déclare Pieber coupable du délit prévu par la loi du 19 juillet 1793, et prononce la confiscation des objets saisis.

POURVOI.-M. le procureur général Merlin a pensé que la loi du 19 juillet 1793 était applicable aux auteurs étrangers comme aux auteurs français; que d'ailleurs l'art. 49 du décret du 5 févr.

(1) << Inutile d'objecter, dit Merlin qui portait la parole dans cette affaire (Quest., vo Requête civile, S12), que la requète civile est plus favorable que la cassation; qu'en matière de cassation, le certificat d'indigence supplée à la consignation d'amende ; qu'il doit donc, à plus forte raison, en être de mème pour la requète civile. - Il y a une grande différence entre la consignation qui doit précéder la demande en cassation, et la consignation qui doit précéder la demande en requète civile.-La consignation qui doit précéder la demande en cassation, n'a pour objet que l'amende; et l'amende ne pouvant appartenir qu'au trésor public, la loi a pu en faire la remise aux indigens; mais la consignation qui doit précéder la demande en requête civile, a pour objet, outre l'amende qui appartient au trésor public, les dommages-intérêts de la partie contre laquelle la requête civile est intentée ;... le législateur a pu croire

étrangers, peuvent céder leurs droits à un imprimeur, à un libraire ou à toute autre personne; que les auteurs étrangers sont donc, quant à la garantie des propriétés littéraires, placés sur la même ligne que les nationaux. Il a ajouté qu'en supposant que le sieur Cramer n'ait pas eu en France le droit de se prévaloir des lois protectrices des propriétés littéraires, il ne s'ensuivrait pas de là que ses cessionnaires français, ne soient pas autorisés à en réclamer l'exécution. Il montrait que la règle nemo plus juris in alium transferre potest, quàm ipse habet, ne s'appliquait point à ce cas.-Sans contredit si le sieur Cramer n'avait pas été propriétaire de l'ouvrage par lui cédé, la cession qu'il a faite aux dames Lahante et Bonnemaison, aurait été sans effet, et ici, l'on citerait avec beaucoup de justesse la maxime nemo plus juris in alium; mais de ce que le sieur Cramer n'aurait pas pu, en sa qualité d'étranger, réclamer l'exécution des lois françaises, contre les usurpateurs de sa propriété, s'ensuit-il que les lois françaises doivent refuser leur protection aux Français à qui sa propriété a été transmise par le traité qu'il a fait avec eux? Non : car l'obstacle qui s'opposerait dans sa personne à ce qu'il réclamât en France l'autorité des tribunaux, n'existe plus dans la personne de ses cessionnaires: ses cessionnaires, par cela seul qu'ils sont à la fois propriétaires par l'effet de sa cession, et Français, réunissent dans leur personne tout ce qu'il faut pour que les lois françaises protégent leur propriété. Et pourquoi, dans ce cas, le cédant transmet-il plus de droits qu'il n'en a lui-même? C'est uniquement parce que le cessionnaire ne tient du cédant que la propriété même de l'ouvrage qu'il acquiert; le droit exclusif de l'imprimer et de le faire vendre, c'est la loi sous l'empire de laquelle il met son ouvrage au jour, qui le lui transmet; c'est à cette loi seule qu'il appartient de le régler, et dés qu'il est Français, les lois de son pays doivent naturellement protéger sa propriété.

ARRÊT.

LA COUR ; - Attendu qu'en jugeant qu'un Français, cessionnaire d'un étranger, du droit d'imprimer, de graver et de vendre exclusivement en France un ouvrage littéraire ou musical non encore publié en pays étranger, acquérait en France, en se conformant à la loi du 19 juill. 1793, antérieurement à la publication de l'ouvrage en pays étranger, l'exercice exclusif de la propriété par lui acquise, et avait droit à la protection et aux avantages accordés par ladite loi, la Cour de justice criminelle du département de la Seine n'a pas violé cette loi;-Que les principes reconnus par les dispositions de l'art. 40,

qu'il était à la fois juste et sage de ne pas se relâcher en faveur de l'indigence, sur une formalité qui intéresse les particuliers comme le trésor public. » C'est du reste un point qui a été formellement reconnu dans un avis du conseil d'Etat des 13-20 mars 1810. V. aussi dans le même sens, Carré, Lois de la procédure civile, tome 2, sur les articles 494 et 495; « On trouve en cela, dit cet auteur, un retour à l'ancienne règle, consacrée par une longue suite d'édits et d'ordonnances, et dont la rigueur était fondée sur ce que la trop grande facilité des demandes en rétractation des jugemens, ne tendait qu'à multiplier les procès et à les rendre interminables. »

(2) V. Merlin, Quest. de droit, vo Propriété littéraire, § 2; Favard de Langlade, Rép., eod. verb., $ 2, no 12.

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FRAUDE.-CONTRAT.-EFFET RÉTROACTIF.

INSTITUTION CONTRACTUElle.

Un contrat autorisé par la loi existante dans toutes ses dispositions et tous ses accessoires, ne peut être réputé frauduleux..... quels que soient les changemens ultérieurs dans la législation, encore que ces changemens aient été prévus à l'époque du contrat, et que les contractans aient voulu rendre sans effet, à l'égard de l'objet du contrat, les dispositions futures de la législation (1).) Et particulièrement : Une vente faite d'abord après la publication de la loi du 17 niv. an 2, de la part d'un individu qui avait dispose de sa succession par institution contractuelle, est valable et ne peut être réputée frauduleuse.... encore que les parties aient prévu que l'effet rétroactif de la loi serait rapporté, et que l'institution reprendrait son premier effet,... quand même, d'ailleurs, cette vente serait la suite d'un système de spoliation, conçu avant la loi qui avait annulé l'institution contractuelle.

(Dupuy C. Dainval.)

--

La dame Villiers de Louvencourt, après avoir institué contractuellement pour ses héritiers, les époux Dainval, en 1787, avait fait de nombreuses aliénations tant à titre onéreux qu'à titre gratuit. Après son décès, les époux Dainyal attaquèrent ces aliénations comme faites en fraude de l'institution contractuelle. La Cour d'appel d'Amiens, par arrêt du 19 juill. 1806, maintient plusieurs ventes, comme faites à des tiers de bonne foi; mais elle annulle une donation faite, en 1790, au sieur Guillaume Villiers aux droits duquel se trouvait la dame Dupuy, et une vente faite audit Jean Dupuy, le 15 prair. an 2. La dame Dupuy se pourvut contre cet arrêt, et en obtint la cassation, sur le motif que la dame de Louvencourt s'était expressément réservé dans l'institution; le droit de disposer d'une partie de sa fortune équivalente aux biens compris dans la donation de 1790, et qu'ainsi cette donation ne pouvait être annulée, mais seulement réduite dans le cas où elle aurait été excessive. V. Cass. 7 juin 1808.

en fraude de l'institution, quelle qu'eût pu être d'ailleurs l'intention de la venderesse et de l'acheteur.

ARRET (après délib. en ch. du cons.)

LA COUR;-Vu les art. 1er de la loi du 17 niv. an 2, et 1er de la loi du 3 vendém. an 4;-Attendu que l'acte de vente consenti à Jean Dupuy, de la terre de Domfront et de ses dépendances, faisant partie des propres de la veuve Louvencourt, porte la date du 15 prair. an 2; et que d'une part l'institution contractuelle dont il s'agit au procès n'existait pas à cette époque, non plus que la donation entre vifs du même domaine faite à Guillaume Devilliers, le 4 sept. 1790, ces deux contrats ayant été révoqués et anéantis par la disposition précitée de la loi du 17 niv. an 2; que, d'autre part, cette date du 15 prair. an 2 place la vente dont il s'agit, dans la clause des actes formellement maintenus et confirmés par la loi du 3 vendém. an 4; Attendu que, dès lors, les actes d'aliénation de propres consentis à cet époque de l'an 2, ne pouvaient être annulés sous prétexte de fraude à l'institution contractuelle dont il s'agit, sans une contravention évidente, tant à la loi du 17 niv. an 2, qu'a celle du 3 vendém. an 4, puisque, d'une part, c'était adopinstitution, alors que la loi la déclarait nulle et ter, comme existante et obligatoire, cette même de nul effet; et que, d'autre part c'était annuler un contrat au mépris de la disposition expresse d'une loi qui l'avait déclaré légitime et valable;

Attendu que ces ouvertures de cassation s'appliquent, par voie de conséquence, non seulement à tout le dispositif de l'arrêt du 19 juill. 1806, en ce qui concerne Jean Dupuy; mais encore au dispositif du second arrêt du 15 juill. 1807, qui n'est que la suite et l'exécution du premier, et qui, comme le premier, a eu pour unique base les mêmes motifs de fraude, c'est-à-dire la prétendue fraude à une institution contractuelle qui n'existait pas à l'époque où l'on a prétendu que le dessein de fraude fut conçu et manifesté par les premiers actes d'aliénation;-Considérant, au surplus, que, par la cassation pure et simple de ces deux arrêts et par la restitution des parties au même état où elles étaient avant iceux. les faits de dol et de fraude pourront être articulés, et les questions qui en résulteront pourront être agitées, concernant chacune des aliénations faites à des époques où les lois des 17 niv. an 2 et 3 vendém. an 4 n'ont dû avoir aucune influence; que, par ce moyen, les juges seront mis à portée de statuer librement sur toutes les questions du fond, et d'apprécier isolément ou dans leur ensemble chacun des actes d'aliénation, abstraction faite de leur rapport avec ceux des 4 sept. 1790 et 15 prair. an 2;-Déterminée par ces motifs,— Casse, etc.

Mais Jean Dupuy s'est pourvu de son côté contre l'arrêt de la Cour d'Amiens, en ce qu'il annulait la vente faite à son profit; et c'est sur ce pourvoi que statue l'arrêt qui va suivre. Comme Du 26 mars 1810.-Sect. civ.-Prés., M. Mula partie de sa fortune dont la dame de Louyen-raire.-Rapp., M. Genevois.-Concl., M. LeCoutour, subst.-Pl., MM. Mailhe, Duprat et Guichard.

court s'était réservé la disponibilité, se trouvait
épuisée et au-delà par les aliénations antérieures
à la vente du 15 prair. an 2, Jean Dupuy ne pou-
vait invoquer à l'égard de cette vente le système
qui avait réussi à la dame Dupuy pour la dona- |
tion de 1790; mais il a soutenu que l'institution
contractuelle de 1787 se trouvant abrogée, au
moment de la vente, par l'effet de la loi du 17
niv. an 2, la Cour n'avait pu, sans violer cette
loi, décider que la vente de l'an 2 avait été faite

(1) V. en ce sens, Cass. 3 fév. 1813.

(2) V. aux Quest. de droit, v° Serment, S 1, le remarquable plaidoyer de Merlin dans cette affaire. -«Il résulte de cette décision, disait M. Sirey en rapportant l'arrêt (t. 10 de son Recueil, tre partie,

SERMENT.-QUAKER. L'affirmation en âme et conscience, faite par un quaker, suffit au vœu de la loi, qui prescrit le serment judiciaire. Les juges peuvent permettre qu'un quaker fasse le serment en cette forme. (Code civil, articles 1357 et 1366.) (2)

p. 226), que les juges du fond peuvent ex arbitrio concilier le respect dù à l'intérêt social et le respect dù à la liberté des consciences; que leurs décisions à cet égard ne peuvent offrir de moyen de cassation; et la conséquence de cette observation, c'est que sur

(Fenvick et Masson-C. Jonas Jones.) Un jugement du 9 germ. an 11 avait relaxé le sieur Jonas Jones d'une demande formée contre lui par les sieurs Fenwick, Masson et compagnie; mais à la charge par lui d'affirmer par serment que certains faits allégués par ses adversaires n'existaient pas.

Le 10 mars 1807, nouveau jugement qui donne acte au sieur Jonas Jones de ce qu'il avait affirmé dans les principes de sa religion, et en son âme et conscience.

Il faut observer que Jones professait le quakérisme, et que cette religion défend de prendre le nom de Dieu en vain ou à propos des intérêts de la terre.

Fenwick et Masson interjetèrent appel du jugement du 10 mars 1807.

En fait, disent-ils à Jones, il n'est pas constant que vous soyez un vrai quaker; vos pratiques attestent que vous n'observez les règles du quakérisme ni dans votre costume ni dans vos habitudes; vous faites plus, vous faites des sermens quand cela vous plaît (et cela était justifié par des lettres de Jones).

a de Dieu des idées si sublimes qu'il tremble sous le poids de son nom, et sent sa langue liée par la terreur quand il faut prononcer ce nom sacré ?

A cet égard, disait Jones, je ne demande aux juges de s'enquérir ni des dogmes, ni des pratiques de ma religion, ni des secrets de ma conscience; je leur demande seulement de partir de faits constans et de notoriété publique, savoir, que je suis membre de la société religieuse de quakers; que, dans cette société religieuse, c'est profaner le nom de Dieu que de l'invoquer dans les affaires humaines; que l'affirmation en âme et conscience a le même sens et offre la même garantie que le serment déféré par la loi.-Jones observait qu'une décision royale contre les anabaptistes, dans un temps où les lois françaises étaient intolérantes, se trouvait essentiellement abrogée par une législation qui a proclamé la tolérance de toutes les religions, et qui a organisé sur son territoire toutes celles qui avaient un nombre suffisant de sectateurs.

elles-mêmes.-Si de qualitate juramenti fuerit inter partes dubitatum, conceptio ejus in arbitrio judicantis est. L. 34, § 5., fr., de Jure jur. Jones trouvait encore au besoin dans les lois romaines, une disposition expresse de l'empereur Antonin qui permet à chacun de jurer selon sa religion Divus pius jure jurando, quod propriâ superstitione juratum est, standum rescripsit. (L. 5, § 1, ff., de Jure jur.)

Enfin, il soutenait que, pour concilier le respect dû à la loi et le respect dû aux consciences, D'ailleurs et en droit, il est certain, et vous les juges doivent avoir un certain pouvoir disen convenez, qu'aucune religion ne peut dispen-crétionnaire. Ainsi le voulaient les lois romaines ser d'observer la loi (elle ne serait plus religion ou lien du ciel avec la terre): or, la loi qui vous défère le serment, en prescrit les termes et la formule; donc, ces termes et ces formules sont obligatoires.-Vous dites offrir un équivalent, mais cet équivalent n'est qu'une modification du serment prescrit par la loi. Cette modification, vous la réclamez par égard pour votre religion; mais des juges peuvent-ils prendre sur eux d'admettre ainsi des équivalens qui modifient la loi? Peuvent-ils bien s'enquérir de la religion particulière à chaque citoyen? Ici l'on rappelait la loi 3, § 4, C. de Jure jur., qui ne permet pas de convertir le serment par Dieu (per Deum) en un serment par un autre objet plus ou moins important, même par sa tête (per caput).-On s'étayait surtout d'une décision royale du 9 sept. 1766, qui refusa aux anabaptistes la faveur aujourd'hui réclamée pour les quakers. (Dict. des arrêts de Prost et Royer, vo Anabaptiste.)

Jones disait, en fait, que la société religieuse dont il était membre notoirement, était celle des quakers, et qu'à cet égard, il importait peu de savoir s'il était ou n'était pas fidèle à remplir ses devoirs religieux;- Qu'il était également constant et reconnu que, selon la religion des quakers, il n'est pas permis d'interposer le nom de Dieu dans les affaires d'intérêt temporel; que l'affirmation en âme et conscience avait d'ailleurs le même sens et les mêmes effets.-Celui qui lie son âme et sa conscience, qui engage pour ainsi dire tous ses droits au bonheur du ciel, ne se met-il pas en effet dans un rapport nécessaire avec le Dieu de l'univers, qui a formé nos âmes, qui éclaire nos consciences et qui les fortifie de tout le poids des espérances et des craintes religieuses?-Loin qu'en cette occasion, l'absence du nom de Dieu dans la formule labiale ôte rien à la sainteté du serment, on peut dire que cette omission, dans ses motifs, rend l'affirmation du quaker plus imposante et plus digne de foi: quelle confiance, en effet, ne semble pas devoir montrer l'affirmation religieuse d'un sectaire qui

ces sortes de questions, les juges doivent prendre pour règle ce qui est notoire et constant; qu'ils doivent bien se garder de scruter l'intérieur des consciences et de trancher des questions de controverse sur tout ce qui est dogme, morale, ou pratique de religion... Nous reviendrons plus tard sur ces idées,

14 mars 1809, arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, ainsi conçu :

« Considérant qu'il résulte du jugement du 9 germ. an 11, que le sieur Jones, par ses conclusions, avait offert d'affirmer, suivant les principes de sa religion, qu'il n'avait point autorisé le rachat qu'on prétendait avoir été fait pour son compte-Que dès lors, le tribunal de commerce, en ordonnant que le sieur Jones se purgerait par serment et conformément à ses offres, est censé n'avoir entendu et n'a pu entendre autre chose, si ce n'est que le sieur Jones ferait l'affirmation judiciaire qu'il avait offerte, parce que, d'après le langage des auteurs et les dictionnaires de droit, les mots serment et affirmation se confondent dans la même acception; - Qu'autrement il y aurait contradiction dans les termes du dispositif du jugement, en ce que d'une part le tribunal aurait adopté le serment ou l'affirmation offerte par le sieur Jones; que d'autre part, il aurait ordonné un serment contraire à celui qui était offert; Que cette contradiction n'existe point, puisque les juges du tribunal de commerce, en recevant, par leur jugement du 10 mars 1807, l'affirmation offerte par le sieur Jones, lui donnèrent acte de ce que, en exécution du jugement du 9 germ. an 11, il avait affirmé dans les principes de sa religion, en son âme et conscience: d'où il suit que le même tribunal a décidé qu'il n'avait ordonné que l'affirmation judiciaire offerte par le sieur Jones, et suivant les principes de sa religion sans quoi il n'aurait reçu cette affirmation ni n'en aurait donné acte; Considérant d'ailleurs que le serment est tout à la fois un acte

en rapportant un arrêt de Cassation du 12 juill. 1810 relatif au serment des juifs.-Sur la question de savoir jusqu'à quel point la simple affirmation peut tenir lieu d'un serment, on peut voir encore ce que dit Toullier dans son tom. 10, no 452 et suiv., et l'arr. rapporté ci-après à la date du 10avr. 1810(aff. Leguyader).

civil et religieux; qu'il ne peut être par conséquent | obligatoire pour celui qui le prête, qu'autant qu'il est conforme à sa croyance religieuse; que ce serait un acte indifférent et dérisoire qu'un serment contraire à la religion et au culte de celui à qui la justice l'impose; qu'il est prouvé au procès que le sieur Jones est né quaker et professe la religion des quakers; que le sieur Fenwick conteste vainement aujourd'hui ce qu'il a formellement reconnu dans sa lettre du 18 mars 1808; que la négligence des devoirs d'une religion n'en détruit pas la croyance; que la religion des quakers leur interdit de jurer au nom de Dieu, et ne leur permet que l'affirmation en leur âme et conscience; Qu'on ne pourrait donc exiger du sieur Jones un serment au nom de Dieu, contraire à sa religion, qu'en violant la liberté des cultes et des consciences, qui est expressément garantie par les lois de l'Etat; qu'aucune loi civile actuellement en vigueur n'a prescrit aucune forme exclusive du serment, et qu'ainsi on ne peut pas exiger d'aucun citoyen d'autre serment que celui que sa religion lui permet; que ces maximes ont été consacrées par plusieurs arrêts récens, et notamment par celui de la Cour d'appel de Nanci, du 10 juil. 1808, rendu dans la cause de deux juifs, et qu'il ne parait point qu'il en ait été rendu de contraire par la Cour de cassation; -Que de la résulte cette conséquence ultérieure, que les sieurs Fenwick, Masson et compagnie sont non recevables, sous tous les rapports, à se plaindre du jugement du 10 mars 1807, qui a reçu l'affirmation judiciaire du sieur Jones, en exécution de celui du 9 germ. an 11;-Reçoit les sieurs Fenwick, Masson et compagnie, opposans pour la forme envers l'arrêt du 23 fév. 1808;-Néanmoins, ordonne que ledit arrêt sera exécuté selon sa forme et teneur, etc. »>

Pourvoi en cassation par Masson et Fenwick pour violation de la loi 33, ff., de jurejur., et des art. 1357 et 1366 du Code civil, relatifs au serment judiciaire.

M. Merlin a conclu au rejet du pourvoi, dans un réquisitoire remarquable par la science et l'érudition, qui se trouve rapporté dans ses Quest. de droit, vo Serment, § 1.

ARRÊT.

LA COUR;-Attendu, 1o que la liberté des cultes est garantie par les lois du royaume à

tous

ceux qui habitent son territoire; — Attendu, 2o qu'il est universellement reconnu que la religion connue sous le nom de quakérisme interdit à ses sectateurs de jurer au nom de Dieu, et ne leur permet pas de prêter d'autre serment que d'affirmer en leur âme et conscience;-Attendu, 3° qu'il est reconnu par l'arrêt attaqué, que le sieur Jones est un sectateur de cette religion; d'où il résulte que l'arrêt attaqué, en décidant que l'affirmation prêtée par le sieur Jones, devant le tribunal de commerce, en la forme y énoncée, était un véritable serment, n'a pu violer les articles cités du Code ci

(1) Cette solution ne saurait faire l'objet d'un doute sérieux. V. Chauveau, Comment. du Tarif, t. 2, p. 344.

(2) V. conf., Cass. 21 juin 1810, 25 janv. 1821; Paris, 30 août, 29 nov. 1809; Nîmes, 31 août 1809; Caen, 1er fév. 1825; Merlin, Quest. de droit, vo Protet, $7 et 8; Favard de Langlade, vo Lettre de change, sect. 4, § 2, no 2; Pardessus, Contrat de change, t. 1er, no 366; Vincens, Législ. comm., t. 2, p. 209; E. Persil, Lettre de change, art. 162, no 11, et l'avis du conseil d'Etat du 25 janv. 1814, qui décide que l'invasion de l'ennemi est un cas de force majeure qui peut relever le porteur de lettres de

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En matière sommaire, le délai pour former opposition à la liquidation des dépens est, comme en matière ordinaire, de trois jours, à partir de la signification de l'acte qui en contient la liquidation. (Cod. proc., art. 543; Décr. 16 fév. 1807, art. 6.) (1) (Fenwick, Masson et compagnie-C. Jonas-Jones.)

Dans l'affaire qui précède, les sieurs Fenwick, Masson et compagnie se sont rendus opposans à une liquidation de dépens faite en matière sommaire par la Cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu au profit du sieur Jonas-Jones, le 29 mars 1809. - Mais l'opposition n'ayant été formée qu'après les trois jours de la signification de l'arrêt à l'avoué, le sieur Jonas-Jones a prétendu qu'elle était non recevable d'après l'art. 6 du décret impérial du 16 fév. 1807, portant: « L'exécutoire et le jugement au chef de la liquidation seront susceptibles d'opposition. L'opposition sera formée dans les trois jours de la signification à avoué, avec citation. >>

Le 27 juin 1809, arrêt qui, sur ce motif, déclare l'opposition non recevable.

Pourvoi en cassation de la part des sieurs Fenwick et compagnie, fondé sur ce que l'art. 6 n'était applicable qu'aux matières ordinaires. - Ils ont dit que le décret impérial du 16 fév. 1807 distingne soigneusement les dépens en matière sommaire et en matière ordinaire; que les règles faites pour les uns ne sont donc pas applicables aux autres; que toutes les dispositions à observer pour les dépens en matière sommaire, se retrouvent dans l'art. 1er, lequel ne prescrit rien touchant le délai d'opposition: d'où la conséquence que le délai pour l'opposition à la taxe des dépens en matière sommaire, reste soumis aux règles générales en matière de délai pour l'opposition. ARRÊT,

LA COUR;-Attendu que l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste application de l'art. 6 du décr. du 16 fév. 1807, en déclarant les demandeurs non recevables dans leur opposition;-Rejette, etc.

Du 28 mars 1810. Sect. req. Prés., M. Henrion de Pansey.-Rapp., M. Pajon.-Concl., M. Merlin, proc. gén.

PROTET.-FORCE MAJEURE.

Le cas de force majeure peut, selon l'arbitrage des juges, offrir une exception à l'art. 168, Cod. comm., qui prive de tout recours, contre les endosseurs, le porteur d'une lettre de change, s'il n'a fait la présentation ou le protèt à l'échéance (2).

change ou billets à ordre, de la déchéance prononcée à défaut de protêt. Lors de la discussion du Code de commerce, au conseil d'Etat, on proposa d'insérer dans la loi une disposition formelle en ce sens; mais après une longue délibération, cette disposition fut rejetée, par le motif, « qu'il ne fallait pas ouvrir la porte aux abus, en liant la conscience du juge par une disposition trop précise.» (V. Locré, Esprit du Code de comm., t. 2, p. 207 et 270.)-II résulte bien évidemment de cette délibération que la force majeure peut dispenser du protêt, et que l'appréciation des cas de force majeure est laissée à la sagesse des tribunaux, V, cependant, en sens

(Les frères Bodin-C. Oneto.) Une lettre de change de 980 piastres 8 réaux avait été tirée le 29 mars 1808, de Lyon sur Madrid, pour être payée le 13 juillet suivant.-Il n'y eut présentation et protêt à défaut de paiement, que le 24 août : ce retard fut l'effet d'une force majeure causée par l'état de guerre, interceptant les communications entre Cadix et Madrid.-Jacques Oneto, l'un des endosseurs, a remboursé; puis exercé son recours contre Hagerman, qui a appelé en garantie les frères Bodin, premiers endosseurs ceux-ci se sont prévalus de l'art. 168 du Code de com., portant qu'à défaut de protèt en temps utile, les endosseurs sont à l'abri de tout recours. Oneto a répliqué que la disposition souffrait exception au cas de force majeure.

Le tribunal de commerce de Gênes adopta en principe que le cas de force majeure relevait le porteur de la déchéance portée en l'art. 168; cependant il ne condamna les frères Bodin que provisoirement, en ce que les preuves de la force majeure avaient besoin d'être fortifiées.

Appel de toutes parties. 28 avril 1809, arrêt de la Cour de Gênes qui met au néant l'appel des frères Bodin, et, sur l'appel de Oneto, convertit en définitive la condamnation provisoirement prononcée à son profit :-« Considérant que s'étant élevé au conseil d'Etat, lors de la rédaction du projet du nouveau Code de commerce, la question de savoir si l'on devait prévoir et régir, par une disposition expresse du même Code, le cas où le porteur d'une lettre de change aurait été empêché, par suite de force majeure, de la présenter à son échéance et d'en lever, en cas de non-paiement, le protêt en temps utile, trois avis se sont ouverts à cet égard, dont le premier tendait à relever positivement le porteur de la déchéance encourue, et admettre l'exception de la force majeure; le second, tout-à-fait opposé au premier, voulait que le porteur fût définitivement déchu de son droit de recours en garantie contre le tireur; le troisième, enfin, plus modéré et moins absolu, proposait de ne rien statuer, afin de ne rien préjuger ni gêner strictement la conscience des juges; que ce dernier système s'étayait sur ce qu'il ne faut pas que dans une légis lation destinée, comme celle du commerce, à tout régler ex æquo et bono, on trouve une disposition qui punisse invariablement le malheur; que l'on devait donc permettre aux juges de prononcer ou non cette déchéance, suivant les circonstances: «étant persuadés, disaient les conseillers d'Etat qui partageaient cette opinion, qu'on ne fera pas résulter l'impossibilité, du simple retard d'un courrier qu'aucun retard fortuit n'a arrêté dans sa route; mais d'événemens graves, tels qu'une épidémie, un siége, et ceux, enfin, qui interrompent toute communication, et les tribunaux pèseront ces circonstances; » que ce système a été adopté; et le Conseil arrêta qu'afin de ne pas ouvrir la porte aux abus, en liant la conscience des tribunaux par une règle trop précise, il ne serait pas inséré dans le Code de commerce de disposition sur la force majeure; qu'il résulte de là que le nouveau Code de commerce n'a rien innové à l'ancienne jurisprudence plus constamment suivie dans les matières commerciales, par laquelle, lorsque le porteur n'avait point omis les diligences nécessaires pour recevoir à l'échéance le montant de la lettre de change, ou pour en faire le protêt en temps utile, les

contraire, un arrêt de la Cour de Paris rendu dans une espèce absolument semblable à celle ci-dessus, le 25 janv. 1810, et un autre de la même Cour du 12 mars 1812.

suites de la force majeure grave étaient à la charge du tireur;-Considérant qu'il résulte en fait, et a même été admis par les parties, qu'à l'époque de l'échéance de la lettre de change dont il s'agit, l'Espagne étant, par suite de son insurrection, le théâtre de la guerre, toute communication entre la ville de Cadix et celles de Valence et Madrid, était interrompue, et qu'il a été absolument impossible au sieur Giordano Oneto, porteur de la lettre de change en question, de la présenter au lieu destiné pour le paiement, et d'en faire le protêt dans le délai fatal; que cette impossibilité reconnue, résultant d'un de ces événemens graves, et qui ne sauraient se reproduire qu'à de longs intervalles, est d'un tel poids à déterminer les juges à relever le porteur à qui aucune négligence n'est imputable, et qui s'est empressé de remplir ses devoirs aussitôt que l'empêchement cessa, de la déchéance encourue, et de le remettre en temps utile à exercer son recours en garantie contre les endosseurs ou ti

reur. >>>

POURVOI en cassation de la part des frères Bodin, pour contravention à l'art. 168 du Code de commerce, et excès de pouvoir en créant une exception non admise par la loi. Les demandeurs posaient d'abord en principe, que des juges ne peuvent ajouter à la loi.-Puis ils disaient que, dans l'espèce, les juges avaient méconnu l'intention du législateur, qui a prévu le cas de force majeure pour le seul cas de guerre maritime, et cependant, n'a laissé, même en ce cas, qu'un temps déterminé au porteur d'une lettre de change (166, Code de comm.). Enfin, ils observaient que les principes du législateur, en matière de lettre de change, conduisaient à un résultat contraire.-Les droits et les devoirs des tireurs et des porteurs ont été clairement déterminés. « Le tireur et les endosseurs, dit l'orateur du gouvernement, sont tenus de garantir le paiement à l'échéance, comme réciproquement le porteur est obligé de se présenter à ce même terme d'échéance pour en exiger le paiement. >> On ne peut dire plus clairement que si le paiement est à la charge des tireur et endosseurs, la présentation est à la charge du porteur.

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ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que le Code de commerce n'ayant rien statué sur le cas où des événemens de force majeure auraient empêché la présentation, et, par suite, le protêt de lettres de change à leur échéance, le jugement de cette exception est abandonné aux lumières et à la conscience des juges, qui doivent la rejeter ou l'admettre, d'après les règles de la justice et de l'équité, appliquées aux faits et aux circonstances que présentent les affaires qui leur sont soumises; d'où il suit qu'en accueillant, dans l'espèce, l'exception de force majeure proposée par Oneto, la Cour d'appel de Gênes n'a violé ni le Code de commerce ni aucune autre loi; - Rejette, etc. Du 28 mars 1810. Sect. req. - Prés., M. Henrion de Pansey. Rapp., M. Aumont. Concl., M. Merlin, proc. gén.-Pl., M. Darrieux.

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