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USAGE (DROIT D').-DÉFENSABILITÉ.-EXCUSE. C'est à l'administration forestière de déclarer les bois défensables.-Tant que cette administration ne décide rien à cet égard, les tribunaux ne peuvent, à peine de cassation de leurs jugemens, excuser le délit de faire dépaître du bétail dans les bois, sous prétexte que, dans la réalité, les bois étaient défensables (1). Caroillon Destillières-C. Bergassat.)—ARRÊT.

LA COUR; Vu le décret du 17 niv. an 13; Considérant qu'il est reconnu au procès et constaté par un procès-verbal régulier, que les bois taillis dans lesquels les bestiaux appartenant à Louis Bergassat et consorts ont été trouvés dépaissant à garde faite, n'avaient pas été déclarés défensables par l'administration forestière; Que le conseil d'Etat, bien loin d'avoir modifié par son avis du 18 brum. an 14, les dispositions du susdit décret du 17 niv. an 13, leur a donné au contraire de l'extension;-Qu'il résulte en effet de cet avis que l'usager ne peut pas même introduire les bestiaux dans les bois et forêts avant que les bois aient été déclarés défensables, et qu'avant cette époque le délit résulte de la seule introduction;—Qu'il résulte en outre de cet avis que le droit de déclarer l'époque à laquelle les bois sont défensables, appartient exclusivement aux administrateurs généraux des forêts ;-Que les bois dont il s'agit n'avaient pas été déclarés défensables avant le décret du 17 niv. an 13;-Que ce règlement forestier, bien loin de détruire les droits des usagers, règle uniquement l'exercice de ces droits, en conciliant l'intérêt public avec l'intérêt des particuliers;-Que ce n'est pas, par conséquent, faire rétroagir ce décret que d'en faire l'application quant au mode d'exercer les droits d'usage; -Que Louis Bergassat et consorts ont la faculté de s'adresser à l'administration forestière et de demander que les bois dont s'agit soient vérifiés contradictoirement, les parties dûment appelées, et déclarés, s'il y a lieu, défensables; - Qu'ils ne peuvent néanmoins, tant que la déclaration prescrite impérieusement par le décret n'aura pas été donnée, se permettre de faire dépaître ni même d'introduire les bestiaux dans lesdits bois ;-Que la Cour dont l'arrêt est attaqué, ne s'est pas prévalue avec plus de fondement de ce que le réclamant avait lui-même envoyé ses bestiaux dans lesdits bois et de ce qu'il avait affermé le pacage à quelques particuliers;-Considérant en effet que, d'après les principes de droit rappelés dans l'avis du conseil d'Etat du 18 brum. an 14, le propriétaire n'exerce ni un usage ni une servitude;-Que la propriété consiste au contraire dans le droit d'user et d'abuser, droit qui doit être respecté, à moins qu'il n'en résulte de gra ves abus;-Que, par conséquent, l'exercice des droits de propriété n'était pas la base de l'exercice des droits d'usage;-Considérant que la citation dirigée par le réclamant contre Louis Bergassat et consorts a été visée par le directeur du

(1) V. conf., Cass. 22 fév. 1811; 23 juin 1820; 11 oct. 1822.-Sans doute on doit empêcher qu'un usager n'exerce son droit en un temps où son usage détruirait la propriété; mais le propriétaire qui introduit des bestiaux dans ses propres bois, n'exerce ni un usage ni une servitude; il use de sa chose. La propriété consiste dans la faculté d'user et d'abuser, sauf les droits des tiers; cette faculté doit être respectée, à moins qu'il n'en résulte de graves abus. Quel que soit l'intérêt de l'Etat à la conservation des bois, on peut s'en remettre à celui des particuliers de ne pas dégrader les bois qui leur appartiennent (avis du

jury, en conformité des art. 182 du Code du 3 brum. an 4, et 38, titre 2, du décret sur la Police rurale;-Que le réclamant avait évidemment qualité pour se plaindre d'une dépaissance à garde faite, qui constituait un délit rural, puisque cette dépaissance avait eu lieu dans les bois taillis qui n'avaient pas été déclarés défensables;-Considérant enfin que, d'après le décret impérial d'amnistie du 25 mars 1810, les poursuites relatives aux peines et amendes applicables aux délits forestiers, ont été éteintes ;

Que les droits des parties civiles lésées par ces délits ont été uniquement réservés ;-Que, par conséquent, le renvoi de la cause devant une autre Cour est réduit à ce dernier objet ;-Casse, etc. Du 25 mai 1810.-Sect. crim.-Prés., M.Barris.-Rapp., M. Vergès.-Concl., M. Thuriot, av. gén.

BILLON.-PAIEMENT.-USAGE LOCAL.

Dans les paiemens, il est permis de faire emploi de la monnaie de billon, pour un quarantième et les appoints.

Il n'est pas permis d'en faire emploi, contre le gré du créancier, au delà d'un quarantième, quel que soit l'usage local.-A cet égard, les règles établies pour les caisses publiques sont également applicables de particulier à particulier.

Dans ce quarantième, il ne faut pas employer les pièces de dix centimes, dont la fabrication a été ordonnée par la loi du 15 septemb. 1807. Elles ne valent que pour appoints d'un franc et au-dessous (2).

(Intérêt de la loi.-Bijotat.)

ARRET (après délib. en ch. du cons.). LA COUR;-Vu les arrêts du conseil des 1er août 1738 et 22 août 1771; les arrêtés du directoire exécutif des 14 niv. an 4 et 18 vend. an 6, et le décret du 29 mai 1808; - Et attendu qu'il résulte des dispositions desdites lois qu'il ne peut entrer plus d'un quarantième de monnaie de billon dans les paiemens, outre les appoints;

Que si les arrêtés du directoire exécutif ne parlent que des versemens à faire dans les caisses publiques, et si le décret du 29 mai 1808 n'a été rendu que pour les Etats de Parme et de Plaisance, ils n'en confirment pas moins le principe général établi par les arrêts du conseil de 1738 et 1771;

Que c'est ainsi que lesdits arrêtés et décret ont été constamment entendus et exécutés dans tout l'empire, tant sous le rapport des caisses publiques que sous celui des paiemens entre particuliers; que tout autre mode en effet serait incompatible avec l'uniformité si nécessaire à maintenir dans la valeur et la circulation des monnaies;-Qu'il est résulté de là que les lettres patentes des 11 déc. 1774 et 21 janv. 1781, qui n'admettaient la monnaie de billon dans les paiemens que pour les appoints, ont dû être considérées comme non avenues; la modification cons. d'Etat du 18 brum. an 14, approuvé le 16 frim. an 14). *

(2) V. le réquisitoire de Merlin dans cette affaire, Quest. de droit, vo Paiement, § 3. La solution que nous recueillons ici n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt historique, puisque le décret du 18 août 1810 a ordonné que la monnaie de cuivre ou de billon de fabrication française ne pourrait (si ce n'est de grẻ a gré) être employée dans les paiemens que pour l'appoint de la pièce de 5 francs. V, sur ce point Toullier, t. 7, no 54.

qu'ils apportaient aux arrêts du conseil de 1738 et 1771, ayant été révoquée implicitement par les arrêtés et décret dont il s'agit, et par l'usage général qui s'est établi en conséquence; - Qu'il demeure dès lors bien constant que, dans l'état actuel de la législation, les particuliers, comme les caisses publiques, peuvent faire entrer dans leurs paiemens un quarantième de monnaie de billon, outre les appoints, mais sans qu'il leur soit permis d'y en faire entrer pour une plus forte somme contre le gré du créancier; - Que cependant le tribunal de commerce de Lorient, par son jugement en dernier ressort, du 8 août 1809, a autorisé un débiteur, contre la volonté de son créancier, à faire entrer dans ses paiemens un dixième en monnaie de billon, au lieu seulement du quarantième que les lois et l'usage généralement observé l'autorisaient à y employer; -Que le tribunal de commerce de Lorient s'est vainement fondé, pour le juger de la sorte, sur l'usage local de cette ville, qu'il a déclaré s'y être établi depuis plusieurs mois; qu'en effet, l'usage d'une place ne peut déroger à une loi générale et d'ordre public;-Qu'une loi ne peut être considérée abrogée par l'usage, que quand cet usage est l'expression et le résultat de la volonté.de tous, et non pas lorsqu'il se trouve concentré dans une partie quelconque du territoire qui s'y trouve soumis; que la loi est en effet réputée la volonté de tous; d'où il suit que ce ne peut être également que par la volonté de tous qu'elle peut être abrogée;-Qu'en faisant donc prévaloir l'usage local de la place de Lorient, à l'usage général établi dans tout le reste de l'empire, sur la manière d'entendre et d'appliquer les lois de la matière, le tribunal de commerce de Lorient a non-seulement violé lesdites lois, mais commis un excès de pouvoir; - Par ces motifs, faisant droit au réquisitoire de M. le procureur général; Casse, dans l'intérêt de la loi seule

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MATERNITÉ.-PREUVE PAR ÉCRIT (COMMENCEMENT DE). — ACTE DE NAISSANCE. IDENTITÉ.-PRÉSOMPTIONS.

L'enfant naturel ne peut être admis à prouver par témoins qu'il est le même que celui dont une femme, qu'il réclame pour sa mère, est accouchée, s'il n'a déjà un commencement de preuve par écrit.(Cod. civ., 341.) (1)—Et ce commencement de preuve par écrit ne peut résulter de son acte de naissance (2). Les présomptions graves qui, selon l'art. 323, Cod. civ., rendent admissible la preuve testimoniale, au cas de recherche de la maternité légitime, n'ont pas le même effet au cas de recherche de la maternité naturelle, autorisée par l'art. 341, Cod. civil (3).

(1) Cela est évident. V. dans le même sens, sançon, 1er mai 1806.

Be

(2) V. en ce sens, Bourges, 2 mai 1837 (Volume 1837).-Cette solution est conforme aux art. 324 et 341 du Code civ. D'une part, en effet, il faut rejeter l'acte de naissance comme acte étranger à la femme réclamée pour mère, attendu que l'art. 324 ne considère comme commencement de preuve par écrit que les écrits qui émanent d'une partie engagée dans la contestation ou de ses auteurs (Duranton, t. 3, no 237). D'autre part, il est à remarquer que le commencement de preuve par écrit exigé par Part. 341 doit avoir un rapport direct avec le fait à prouver qui est l'identité, et que l'acte de naissance

(Coron-C. Hamelin.)

30 germ. an 5, acte de l'état civil, dressé à Nantes, sur la déclaration de Perrine Baudru, femme Maillard, sage-femme, constatant la naissance d'un enfant mâle, nommé Abel, déclaré fils de père inconnu, et de la demoiselle FélicitéDésirée Hamelin, lingère, âgée de 21 ans, fille de Abel Hamelin et de Marie-Madeleine Gildin, native de la paroisse de Saint-Nicolas, accouchée ce jour, à cinq heures du matin, dans la demeure de ladite sage-femme.-Il paraît que depuis le 30 germ. an 5 jusqu'au 16 déc. 1806, l'enfant a été d'abord en nourrice, puis élevé par la femme Maillard.

Le 16 déc. 1806, six témoins se rendent spontanément devant le juge de paix, en qualité de plus proches voisins et amis du mineur Abel Hamelin, le reconnaissent pour fils de la demoiselle Hamelin, femme Coron, et nomment l'un d'eux, le sieur Testefort, pour tuteur, avec un subrogé tuteur.

Le 16 mars 1807, la dame Maillard assigne le tuteur de l'enfant pour avoir a lui payer les alimens par lui reçus au passé; et, de plus, lui payer à l'avenir une somme annuelle de 300 francs, à moins qu'il ne préfère de retirer l'enfant.

Le 20 mars suiv., de son côté, le tuteur assigne la demoiselle Hamelin, femme Coron, attendu qu'elle est la mère de l'enfant dont il est tu

teur.

La demoiselle Hamelin, sur l'assignation, répond qu'elle n'est pas la mère d'Abel; qu'en tout cas rien ne justifiait l'identité.

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Le 19 avril 1807, requête dans l'intérêt du mineur Abel, tendante à faire preuve d'un très grand nombre de faits établissant la filiation et l'identité. Il en est deux qui se rattachent à l'acte de naissance et aux faits qu'il constate. 1o On demande à prouver que cette même dame Maillard, qui, selon l'acte de naissance, fut dépositaire du secret de la demoiselle Hamelin pour ses couches, a été ensuite dépositaire de son secret pour l'éducation et la garde de cet Abel qui en est cause, et qu'elle l'a gardé en effet chez elle pendant dix ans pourquoi la demoiselle Hamelin aurait souvent compté de l'argent à la dame Maillard; 2° on demande encore à établir qu'une certaine dame Cadillon qui a été témoin dans l'acte de naissance, comme amie de la demoiselle Hamelin, avait été ensuite négociatrice entre elle et la dame Maillard, pour obtenir de celle-ci qu'elle se chargeât de l'enfant.

Le 7 novembre 1807, la demoiselle Hamelin convient d'avoir eu des rapports avec la dame Maillard, lui avoir même compté de l'argent; mais elle nie que ce soit relativement à Abel; elle soutient que c'est à titre de prêt. Au total, elle oppose une fin de non-recevoir, prise de l'article 341 du Code civil, en ce qu'il n'y a pas de commencement de preuve par écrit.

«En effet, dit-elle, aux termes de l'article 341

ne peut donner à cet égard aucune lumière et n'a avec ce fait aucune espèce de rapport (Toullier, t. 2, no 948; Richefort, de la Paternité et de la Filiation, p.330.)

(3) MM. Toullier, t. 2, no 944, et Duranton, t. 3, n° 237, partagent cette opinion. Il est clair, en effet, que le législateur s'est montré moins favorable à la preuve de la filiation naturelle qu'à celle de la filiation légitime, et l'art. 341 du Code civ., relatif à la maternité naturelle, en ne reproduisant pas la partie de l'art. 323 relatif à la filiation légitime, qui place les présomptions ou indices graves sur la même ligne que le commencement de preuve par écrit, en exclus virtuellemen l'application aux enfans naturels.

du Code civil, il n'est permis d'admettre Abel à la preuve testimoniale, qu'autant qu'il y aurait un commencement de preuve par écrit du fait d'accouchement: or, dans l'espèce, il n'y a pas de commencement de preuve par écrit sur le fait d'accouchement; car il n'est question de l'accouchement que dans l'acte de naissance du 30 germ. an 5 or cet acte de naissance ne fait pas foi de mon accouchement, il fait seulement foi que la sage-femme l'a déclaré; mais une déclaration étrangère à la mère (pas même celle du père) ne peut être commencement de preuve, à l'égard de la mère (art. 336 du Code civil). Il ne peut y avoir de commencement de preuve par écrit contre moi que dans un acte émané de moi (art. 1347).

<< Et qu'on n'invoque pas la force probante des actes de naissances! Ils sont pleins de force, sans doute, à l'égard d'enfans qui réclament un état légitime; mais l'intérêt social ne permet pas de leur accorder la moindre confiance, lorsqu'il s'agit du sort d'un enfant naturel. >>

Le tuteur d'Abel demande, par requête signifiée le 9 février 1808, que la demoiselle Hamelin soit interrogée sur les faits déjà articulés dans la requête du 19 avril 1807, et en outre sur ce qui s'était passé entre elle, demoiselle Hamelin, le sieur Maillard, gardien de l'enfant, et le sieur T...., père d'Abel; comment elle avait gémi sur l'abandon de cet amant, relativement à Abel, et relativement à elle-même; comment elle avait supplié le sieur Maillard, gardien de l'enfant, de s'entremettre auprès du sieur T....; comment ce père, cet amant, était indisposé par les torts de la demoiselle Hamelin; comment....

La dame Coron répond que tout ce qu'on allègue de ses amours avec T.... est fabuleux; que jamais elle n'a eu pour confidente la femme Cadillon, qui n'est autre chose qu'une artisane de prostitution; que tout ce qu'on peut lui reprocher, relativement à ses mœurs, c'est qu'elle a consenti à un mariage secret et religieux avec le sieur Mabit, de qui elle eut deux enfans avant d'être mariée civilement.-Elle se refusa à tout interrogatoire sur les faits allégués; elle s'opposa même à ce qu'ils devinssent la matière d'une enquête, avant qu'à cet égard il y eût un commencement de preuve par écrit.

17 mai 1808, jugement du tribunal de première instance qui rejette la fin de non-recevoir, et admet Abel (ou son tuteur) à la preuve testimoniale, «< attendu que son acte de naissance est au moins un commencement de preuve par écrit du fait de maternité. »

31 août 1808, arrêt de la Cour d'appel de Rennes (consultis classibus), qui confirme la décision des premiers juges « Considérant que la loi du 20 sep. 1792, sous l'empire de laquelle est né le mineur Abel, ordonne aux sages-femmes et aux maîtres de maisons, sous peine de deux mois de prison, de déclarer à l'officier public la naissance de l'enfant qui est né chez eux; que par conséquent l'épouse du sieur Maillard avait une mission légale pour déclarer la naissance dudit Abel. Il résulte de ce que dessus que les irrégularités qu'on a reprochées à l'acte de naissance du 30 germ. an 5, n'existent pas ;-Considérant que l'article 10 de la loi du 12 brum. an 2 veut que l'état et les droits des enfans nés hors du mariage, dont le père et la mère seront encore existants lors de la promulgation du Code civil, soient en tout point réglés par lui;-Que l'art. 341 de ce Code contient les dispositions législatives applicables à l'espèce;-Qu'elles gardent le silence, comme l'avaient fait les lois anciennes, sur la question de savoir si l'acte de naissance peut être le commencement de preuve

par écrit qui est exigé de l'enfant naturel, pour qu'il puisse être admis à prouver par témoins qu'il est identiquement le même que l'enfant dont celle qu'il réclame pour mère est accouchée;-Que le législateur n'a pu décider cette question par une règle générale, parce qu'il est des espèces où il est juste et même nécessaire que l'acte de naissance soit admis comme commencement de preuve par écrit, et d'autres où il ne doit pas l'être; que s'il avait défendu de l'admettre, dans tous les cas, comme commencement de preuve par écrit, il serait très souvent impossible de prouver la maternité dont cependant la loi a admis la recherche ;-Que les juges, après un grand approfondissement des faits, peuvent seuls décider si on doit accorder à l'acte de naissance la valeur d'un commencement de preuve par écrit, ou si on doit la lui refuser; que telle a toujours été la jurisprudence antérieure au Code;-Considérant que, dans l'espèce soumise à la décision de la Cour, les actes de naissance des deux enfans nés hors mariage, dont l'appelante est accouchée tandis qu'elle a vécu avec Mabit, et les autres faits qui résultent de l'état du procès, présentent un ensemble de présomptions trop fortes et trop concordantes, pour qu'il soit possible de refuser au mineur Abel, pourvu d'un acte de naissance en bonne forme, la faculté de faire par témoins les preuves qu'il offre d'administrer. >>

POUR VOI en cassation de la part des sieur et dame Coron, pour contravention à l'article 341 du Code civil.

Le pourvoi présentait trois questions à décider:

Première question.-L'art. 341 du Cod. civil, exige-t-il un commencement de preuve par écrit de l'identité, alors même que déjà il y aurait eu preuve écrite sur la filiation?

La Cour d'appel semblait avoir jugé ou supposé la négative.-Devant la Cour de cassation, les demandeurs ont soutenu l'affirmative, fondés sur l'évidence prétendue du texte, et sur la discussion au conseil d'Etat (dont le texte se trouve rapporté plus bas, question deuxième.)-Le défendeur ne pouvait se dissimuler que les auteurs de la discussion rapportée par M. Locré, avaient raisonné dans cette supposition. Cependant, il trouvait, soit dans le texte de la loi, soit dans la discussion elle-même, soit dans le vœu nécessaire du législateur, de grandes raisons de douter. -Le défendeur soutenait que l'art. 341 ne dit pas que le commencement de preuve par écrit doive porter sur l'identité; que si l'art. 341 exige réellement un commencement de preuve par écrit, c'est indifféremment sur l'un et sur l'autre des deux faits, de la filiation ou de l'identité.Il penchait même à croire que c'est l'accouchement, plutôt que l'identité, qu'il faut prouver par un commencement de preuve par écrit.-Il indiquait deux motifs de préférence, l'un pris de la difficulté de prouver par écrit l'identité, l'autre de l'importance plus grande des preuves de l'accouchement.-En effet, disait-il, de quelques écrits qu'un individu soit porteur, il restera toujours à prouver que le porteur de ces écrits est bien l'individu pour lequel les écrits ont été faits, ou si le porteur ne les a pas ravis au propriétaire.Aussi, les lois qui ordonnent des reconnaissances d'identité, prescrivent-elles plutôt d'appeler des témoins, que de chercher des actes écrits. (Loi du 22 frim. an 8.)

Et parce que nous ne pensons pas que le législateur ait voulu astreindre l'enfant naturel à un genre de preuve le plus souvent impossible, nous pencherions à croire que, dans le

sens de l'art. 341 du Code civil, le commencement de preave par écrit (s'il ne fallait pas l'entendre dans le sens de l'art. 323) doit porter, non sur l'identité de l'enfant, mais sur l'accouchement de la mère, ou bien nous penserions que peu importe au législateur auquel des deux faits de filiation ou d'identité se rattache le commencement de preuve par écrit.

Le 2e motif est puisé dans l'intérêt de la mère. -Replagons-nous, en effet, disait toujours le défendeur, devant le tribunal de première instance l'enfant naturel demande qu'une telle soit reconnue pour sa mère naturelle, et offre de faire les preuves prescrites par l'article 341 du Code civil.- Que répondra la mère? Dira-t-elle qu'il faut avant tout prouver l'identité? mais il serait absurde de parler d'identité, avant qu'il soit constant qu'elle ait accouché. Elle dira donc qu'avant tout, il faut prouver qu'elle a accouché. Et, sur l'admissibilité à la preuve de l'accouchement, elle opposera fin de non-recevoir, tant qu'il n'y aura pas commencement de preuve par écrit. Elle argumentera de l'article 46 du Code civil, combiné avec l'art. 341. Et si l'enfant a possession d'état, ou s'il a été inscrit comme né d'une mère inconnue, celui-ci s'étaiera de l'article 323.

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Là, sera tout l'intérêt de la mère; car si une fois il est prouvé qu'elle a accouché, sa réputation est désormais flétrie : dès lors, quelques écus qui peuvent en être la suite ne sont plus dignes que d'un intérêt bien secondaire. Mais si c'est le fait d'accouchement, à l'égard duquel il importe le plus d'être difficile dans l'admission de la preuve testimoniale, il en résulte que, lorsque l'accouchement a été prouvé par écrit, il n'y a plus à exiger de preuve écrite sur l'identité; ou il faut arriver franchement à cette conséquence, que le législateur exige DEUX commencemens de preuve par écrit, également sur les deux faits d'accouchement et d'identité.

Or, énoncer disertement cette proposition, c'est se mettre en opposition avec le texte de la loi. C'est surtout contrarier pleinement l'intention du législateur, telle que nous l'atteste M. Locré, en son esprit du Code civil. sur l'art. 341, p. 220, édition in-4o, no 2 et 3.-« L'art. 341, disait-il, veut que la maternité ne résulte que du concours de deux faits, de la certitude de l'accouchement de la mère, et de l'identité prouvée entre le réclamant et l'enfant qui est né. La sagesse de cette disposition est trop évidente pour qu'il soit besoin de la faire apercevoir. La loi a cru devoir prendre des précautions contre le genre de preuves qui pourra être admis. Si la crainte des vexations et de la diffamation a fait rejeter les recherches de la paternité, ce serait pour les femmes un malheur encore plus grand, si leur honneur pouvait être compromis par quelques témoins complaisans ou subordonnés. On ne présume point qu'un enfant ait été mis au monde sans qu'il y ait, par écrit, quelques traces, SOIT de l'accouchement, SOIT des soins donnés à cet enfant. Il était donc à la fois de justice particulière et d'honnêteté publique de n'admettre l'enfant à prouver qu'il est identiquement le même que celui dont la mère qu'il réclame est accouchée, que dans le cas où il aura déjà un Commencement de preuve par écrit. »

Ainsi, disait le défendeur, l'art. 341 n'exige qu'un commencement de preuve sur l'un ou l'autre des deux faits de filiation ou d'identité; --Donc, là où il y a eu preuve écrite sur la filiation, il n'y a pas nécessité d'un autre commencement de preuve par écrit sur l'identité.

Deuxième question. -Peut-on puiser dans

l'acte de naissance un commencement de preuve

par écrit sur l'IDENTITÉ?

L'arrêt dénoncé n'avait pas discrtement prononcé sur cette question.-Il dit bien que l'acte de naissance et les présomptions graves lui fournissaient le commencement de preuve par écrit exigé par l'art. 341; mais il ne dit pas que ce fût relativement à l'identité. En Cour d'appel, la décision sur ce point était restée un peu vague, par cette raison bien simple, que la demoiselle Hamelin ne s'était point attachée à nier l'identité; que toutes ses dénégations avaient porté sur le fait d'accouchement au 30 germinal an 5. Quoi qu'il en soit, les demandeurs en cassation soutenaient que les juges d'appel avaient contrevenu à l'art. 341, en décidant ou en supposant que dans l'espèce il y avait commencement de preuve par écrit.-Car, disaient-ils, le seul acte qu'ils aient relaté est l'acte de naissance: or, la loi ne permet pas de puiser dans un tel acte commencement de preuve par écrit sur le fait d'identité c'est ce qui résulte du principe général consacré par l'art. 1317, et même de l'art. 324, qui veulent que l'acte soit émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qui le représente, et rende vraisemblable le fait allégué. Or, l'acte de naissance n'est aucunement émané de la mère; et d'ailleurs il ne dit rien, absolument rien, sur le fait d'identité. C'est en outre ce qui résulte de la discussion au conseil d'état. (Esprit du Code civil, sur l'art. 341.)

Il importe de consigner ici littéralement la discussion au conseil d'Etat, parce que les demandeurs la présentaient comme décisive, et qu'elle a été jugé telle. «Les commissaires, dit M. Locré, et les rédacteurs avaient ajouté à l'article qu'ils proposaient: 1o que la preuve testimoniale serait admise lorsque l'enfant aurait une possession constante de la qualité du fils naturel né de la mère qu'il réclame; -2° Que le registre de l'état civil qui constate la naissance d'un enfant né de la mère réclamée, et duquel le décès n'est pas prouvé, pourrait servir de commencement de preuve par écrit. Ces deux dispositions ont été retranchées par des motifs qui jettent beaucoup de jour sur la manière d'entendre et d'appliquer l'art. 341.-On a dit sur la première, que toutes les fois qu'on jouit de son état constamment, publiquement et sans trouble, on a le plus puissant de tous les titres; qu'il serait doncabsurde de présenter la possession constante comme un simple commencement de preuve, puisque cette sorte de possession est la plus naturelle et la plus complète de toutes les preuves. Des faits de possession isolés, passagers et purement indicatifs peuvent n'être qu'un commencement de preuve; mais encore une fois il y a preuve entière lorsqu'il y a possession constante. On a dit sur la seconde disposition: Le principe de cet article entraînerait de grands inconvéniens, s'il donnait trop de facilité pour prouver la filiation contre une mère de famille ou contre une fille honnéte dont la faiblesse serait restée ignorée, on a donc eu raison d'en circonscrire l'application, de manière qu'elle ne dépendit pas de preuves arbitraires. Les conditions dont on l'a fait dépendre sont bien choisies; mais on les affaiblit, si l'on décide que le registre qui constatera la naissance d'un enfant né de la mère réclamée, et duquel le décès ne sera pas prouvé, pourra servir de commencement de preuve par écrit. Voici l'abus qui peut résulter de cette disposition. Un aventurier qui trouvera sur les registres l'inscription d'un enfant dont le décès ne sera pas prouvé, prétendra qu'il est cet enfant, et à l'aide de quelques témoins subornés,

réussira dans sa demande.-Il est difficile de concevoir jusqu'à quel point la preuve testimoniale doit être suspecte quand elle porte sur l'identité. Il existe maintenant un procès dans lequel une femme prétend qu'on a faussement répandu le bruit de sa mort et de ses funérailles; des témoins ont été entendus, beaucoup la reconnaissent et beaucoup ne la reconnaissent pas. Indépendamment de ces considérations, on peut aussi faire valoir des raisons de droit. Il n'y a un véritable commencement de preuve par écrit, que lorsqu'il est direct et relatif à la personne, et non lorsqu'il peut s'appliquer à plusieurs. Ici la question sera de savoir si le registre s'applique à l'enfant, et cependant ce sera du registre même qu'on prétendra tirer les premiers traits de lumière sur cette application : on tombe done dans un cercle vicieux: il faut laisser au réclamant la faculté d'argumenter du registre, et non en faire un commencement de preuve par écrit.»

Question de savoir si cette discussion offrait la solution de notre difficulté.-Le défendeur rappelait d'abord que l'acte ne naissance fait foi de son contenu, soit dans ce qui est constaté par Tofficier public lui-même, soit dans ses énonciations substantielles. Je suppose, disait-il, le principe reconnu où irréfragable. Il est bien vrai que l'art. 1347 n'admet comme commencement de preuve par écrit, qu'un écrit émané de la partie à qui on l'oppose; mais l'art. 324 ne dit pas toutà-fait cela il laisse douter si le mot émané doit s'entendre même des actes publics; car un acte public n'émane réellement que du fonctionnaire public qui lui donne l'existence. Au surplus, inutile de discourir à cet égard ; j'admetrai, si l'on veut, en règle générale, qu'un acte ne peut faire commencement de preuve par écrit qu'à l'égard de ceux de qui il émane; mais alors je soutiendrai qu'un acte de l'état civil émane directement ou indirectement de la mère, dont l'accouchement est constaté par l'acte de naissance. Ce sera, si l'on veut, parce que l'officier public a un caractère particulier qui lui fait représenter la mère, ou bien ce sera parce que la sage-femme, ou autre déclarant, a un mandat nécessaire qui lui fait représenter la mère. Quel qu'en soit le motif, il est certain et incontestable qu'un acte de naissance fait foi, en général, de ce qu'il constate et de ses énonciations substantielles; que, sous ce premier rapport, on ne peut opposer ni l'art. 324, ni l'art. 1347, pour dire qu'il ne peut faire foi contre la mère parce qu'il n'est pas émané d'elle.-Reste donc à savoir si, dans le sens de l'art 341, l'acte de naissance peut rendre vraisemblable le fait d'identité.

Ici, le défendeur commençait par affirmer que l'on se trompait évidemment et matériellement, quand on disait que le conseil d'Etat avait décidé la question.-Le conseil d'Etat ne s'occupa que d'une question particulière toutà-fait étrangère à notre espèce; il ne s'occupa point du principe général que l'on veut faire aujourd'hui consacrer par la Cour.- Non, le conseil d'Etat n'imagina pas d'assigner des bornes au possible; il n'examina pas s'il était possible que les contestations ou énonciations substantielles d'un acte de naissance rendissent vraisemblable le fait d'identité. Rappelons bien les circonstance de cette discussion.

Après avoir adopté l'art. 341, le conseil d'Etat s'occupa de suite d'un projet de tempérament à la disposition de cet art. 341. Il examina si le cas de possession d'état pourrait servir à l'enfant naturel comme preuve écrite. Le principe fut adopté; et s'il n'y eut pas règle expresse, c'est parce qu'on jugea superflu de proclamer cette

règle. — On dit ensuite, selon le projet, que le cas de possession d'état n'était pas le seul qui, d'avance, rendit vraisemblable le fait d'identité. -On fut d'avis que l'absence de preuve du décès d'un enfant dont la naissance était constatée, devait suffire pour autoriser la prétention d'iden tité. Cette règle, que l'on voulait insérer dans le Code, était la règle antérieure.

«Quand il est prouvé, dit Cochin, t. 4, p. 486, qu'un enfant est né, et qu'il n'y a aucune preuve de son décès, en sorte qu'il ne s'agit que de savoir si celui qui se présente est ce même enfant, non-seulement on ne peut refuser la preuve testimoniale; mais, on l'ose dire, c'est une preuve souvent nécessaire, et, pour ainsi dire, la seule à laquelle on puisse recourir... >> Il y eut des réclamations contre cet article du projet Son Exc. le grand juge fit observer qu'on pourrait en abuser. Il fut donc rejeté.

Nous pourrions, disait le défendeur, tirer avantage de ce que Son Exc. le grand juge convient cependant que le réclamant peut tirer argument de l'acte de naissance.

Mais supposons que l'article du projet a été rejeté purement et simplement; il s'ensuit qu'il ne suffira pas au porteur d'un acte de naissance de dire à une femme : « Vous avez accouché. En voici la preuve donc, il faut, ou me reconnaître, ou justifier du décès de l'enfant; donc il est prouvé que vous avez accouché. »>-Assurément, Hamelin n'a rien dit de pareil, et les juges d'appel n'ont rien décidé qui ressemble à cet argument. Ainsi, laissons là toute discussion du conseil d'Etat sur un cas particulier qui n'est pas le nôtre. Rentrons dans la règle générale.-En règle générale, que veut l'art. 324, ou même l'art. 1347, pour qu'un acte ait l'effet d'un commencement de preuve par écrit à l'égard des personnes de qui il émane directement ou indirecternent? C'est qu'il rende vraisemblable le fait allégué.

Nous

Or, est-il dans la nature des choses, ou dans le texte de la loi, qu'un acte de naissance ne puisse aucunement rendre vraisemblable le fait d'identité ? - Entendons-nous bien. - L'acte de naissance, en tant qu'il est preuve de filiation, n'est pas, par cela même, preuve d'identité. en convenons. Aussi nul n'a pensé à soutenir ce système déraisonnable. Mais est-il impossible qu'un acte de naissance contienne des indications et des désignations qui aient trait à l'identité ? Et, s'il en contient de cette espèce, ne rend-il pas l'identité vraisemblable?

sance.

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Supposons qu'un acte de naissance dise, à l'occasion d'un enfant, qu'on n'a pas su distinguer son véritable sexe, attendu qu'il offre des signes de l'un et de l'autre sexe, ou bien parce qu'il y a absence des parties sexuelles.-Supposons qu'au bout de dix ans, il se présente un enfant porteur de cet acte de naissance, annonçant par ses traits précisément l'âge de dix ans, et offrant aux yeux des juges, ou aux gens de l'art, tous les mêmes signes distinctifs constatés par l'acte de naisDira-t-on qu'en un tel cas l'acte de naissance ne serait pas commencement de preuve de l'identité ? Rentrons dans notre espèce. Abel se présente aux juges, et leur dit : « N'est-il pas vraisemblable que les mêmes individus à qui est confié le secret de la naissance d'un enfant naturel, ont aussi reçu le secret de son éducation pendant l'enfance, et que ces mêmes confidens représenteront un jour cet enfant naturel à ses auteurs et à la société? Oui, sans doute, cela est vraisemblable. Eh bien! relativement à Abel, fils de la demoiselle Hamelin, l'acte de naissance Vous atteste que la demoiselle Hamelin avait confié le secret de sa maternité à la dame Mail

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