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LA COUR;-D'après les motifs énoncés dans l'arrêt rendu par la Cour spéciale du département des Landes, le 20 juin dernier, sur le vu de la procédure instruite contre Benoît Clément Basquiat et Jean Saint-Marc; Ordonne que ledit arrêt sera exécuté selon sa forme et teneur, etc.

Du 6 juill. 1810.-Sect. crim.-Prés., M. Barris.-Rapp., M. Guieu.-Concl., M. Lecoutour, av. gén.

RENTE FÉODALE.-FIEF.-CENS.

Une rente réservée dans le ci-devant val d'Aost par l'acte de concession d'un bien, pour être possédé à titre de fief roturier, c'est-à-dire non sujet à foi et hommage, a été abolie par la loi du 7 juill. 1793, lorsqu'à cette rente sont mêlés un servis et un droit de plait, encore bien qu'il soit prouvé, ou qu'il y ait lieu de présumer qu'avant la concession, le bien était possédé en franc-aleu par celui qui l'a faite (1).

(Cass. dans l'intérêt de la loi.-Aff. Vittot.) Du 10 juill. 1810.-Sect. civ.-Pres., M. Muraire, p. p.-Rapp., M. Carnot.-Concl. conf., M. Merlin, proc. gén.

ENREGISTREMENT.-USUFRUIT. Lorsqu'une vente d'immeuble est faite avec réserve d'usufruit, le droit d'enregistrement à raison de l'usufruit réservé, est, dans tous les cas, de la moitié seulement de la valeur de la nue propriété, quelle que puisse être la valeur réelle de cet usufruit (2). (Prevost de Borde—C. la régie des domaines.)

Par contrat notarié du 26 déc. 1806, le sieur Prevost de Borde avait acheté de la demoiselle Courard, sa cohéritière, la moitié d'une succession indivise; il s'agissait d'immeubles : la demoiselle Courard s'en réserva l'usufruit pendant sa vie; le prix de la nue propriété vendue fut fixé à 15,100 fr.-L'art. 15 de la loi du 22 frim. an 7 porte: «Si l'usufruit est réservé par le vendeur, il sera évalué à la moitié de tout ce qui forme le prix du contrat, et le droit sera perçu sur le total; mais il ne sera dû aucun droit pour la réunion de l'usufruit à la propriété, etc. >>

Le droit de l'enregistrement fut perçu conformément à cet article; au prix du contrat de 15,100 francs, on ajouta une moitié de ce prix pour évaluation de l'usufruit c'est-à-dire 7,550 francs.; et le droit fut perçu sur 22,650 fr.-La régie a prétendu ensuite que les biens valaient davantage; elle en a demandé l'estimation, et cette estimation a été faite par un expert nommé par elle et un expert nommé d'office pour le sieur Prevost de Borde.- La succession étant indivise, les experts furent forcés d'estimer tous les biens qui en dépendaient, et ils les estimèrent dans leur valeur absolue; ils portèrent l'estimation totale à 67,404 fr., ce qui donnait pour la moitié 33,702 fr.,

(1) V. Merlin, Quest., vo Rente foncière, § 14. (2) Cet arrêt est fort important; le principe qu'il énonce a reçu plusieurs fois son application à d'autres difficultés, mais c'est la seule fois que la Cour ait eu à statuer sur le cas où la liquidation doit avoir

et puis, évaluant la nue propriété de la moitié ac quise par le sieur Prevost de Borde, ils l'estimèrent 16,751 fr. et déclarèrent qu'ils donnaient une pareille estimation à l'usufruit réservé par la demoiselle Courard.-La régie prétendit que l'on ne devait avoir aucun égard à la distribution du prix estimatif entre la nue propriété et l'usufruit; que l'intention de la loi était que le droit d'enregistrement fût payé sur la valeur totale et absolue des biens; que cette valeur était de 33,702 francs; que le droit n'avait été perçu que sur 22,650 francs; qu'ainsi le droit et le double droit restaient à percevoir sur 11,052 francs, et elle y conclut de même qu'au paiement des frais de l'expertise.

Par son jugement du 13 oct. 1808, le tribunal de Pontoise accorda toutes les conclusions de la régie, en se fondant sur ce que le sieur Prevost de Borde n'avait payé le droit que sur la valeur présumée des biens, et non sur leur valeur réelle établie par le procès-verbal d'estimation. Pourvoi.

ARRÊT.

LA COUR;-Vu l'art. 15 de la loi du 22 frim. an 7, portant dans sa première disposition: «<La valeur de la propriété et de l'usufruit des immeubles est déterminée pour la liquidation et le paiement du droit proportionnel, ainsi qu'il suit; » et au no 6: « Si l'usufruit est réservé par le vendeur, il sera évalué à la moitié de tout ce qui forme le prix du contrat, et le droit sera perçu sur le droit total; »-L'art. 18, portant: «Les frais de l'expertise seront à la charge de l'acquéreur, mais seulement lorsque l'estimation excèdera d'un huitième au moins le prix énoncé au contrat ; » et l'art. 5 de la loi du 27 vent. an 9, portant: « Dans tous les cas où les frais de l'expertise autorisée par la loi de frim. an 7 tomberont à la charge du redevable, il y aura lieu au double droit d'enregistrement sur le supplément de l'estimation; »>-Considérant qu'il résulte du texte comme de l'esprit de la loi de frimaire an 7 que le prix des contrats de vente est la seule chose soumise au droit d'enregistrement;-Que, dans un contrat de vente avec rétention d'usufruit, le prix de la nue propriété vendue est celui exprimé au contrat ou celui de cette nue propriété estimée par des experts; qu'on ne peut dire que le prix de ce contrat se compose du prix de l'usufruit qui n'est pas vendu; que si la loi l'eût voulu ainsi, elle l'eût exprimé; qu'au contraire, elle a dit que l'usufruit serait estimé à la moitié de ce qui forme le prix du contrat, et que le droit serait perçu sur le total de la somme que donnerait cette réunion; que cette disposition présente une composition à forfait, dont le double objet a été de faire payer actuellement un droit sur une chose qui n'était pas acquise, et de prévenir des discussions sur l'estimation de la valeur variable des usufruits; que, dans l'espèce, le prix de la nue propriété vendue était, suivant le contrat, 15, 100 francs; que le droit a été perçu sur cette somme et une moitié en sus, suivant l'évaluation faite par la loi; que l'estimation des experts a porté la valeur de la nue propriété acquise à la somme de 16,851 francs; que, dès lors, cette somme doit être regardée comme le prix du contrat; qu'il faut y ajouter une moitié en sus, c'est-à-dire 8,425 francs 50 cent.; ce qui donne droit à une perception sur 25,276 francs

lieu sur expertise. Cette règle ne paraît pas avoir été constatée depuis que la Cour l'a consacrée par le présent arrêt. V. le Traité des droits d'enregistrement, de MM. Championnière et Rigaud, tom. 4, no 3485, et Merlin, au Répert., vo Usufruit, § 6.

576 (12 JUILL. 1810. )

Jurisprudence de la Cour de cassation.

50 cent.; que le droit a été perçu sur 22,650 fr., et qu'ainsi il ne reste à percevoir que sur 2,626 francs 50 cent.; que cette somme est inférieure au huitième de celle de 22,650 francs, sur laquelle a été perçu le droit; en sorte qu'en ne bornant pas le droit d'enregistrement, à raison de l'usufruit retenu, à la moitié du prix du contrat, le tribunal de Pontoise a contrevenu au no 6, art. 15 de la loi du 22 frim. an 7; qu'en chargeant le sieur Prevost de Borde des frais de l'expertise, lorsque l'estimation n'excède pas d'un huitième le prix énoncé au contrat, il a contrevenu à l'art. 18 de la même loi; et qu'en le condamnant au double droit, il a contrevenu à l'art. 5 de la loi du 27 vent. an 9;-Par ces considérations, sans qu'il soit besoin de s'arrêter à la demande en cassation contre le jugement interlocutoire du 6 oct. 1807;-Casse, etc.

Du 10 juill. 1810.-Sect. civ.-Prés., M. Muraire, p. p.-Rapp., M. Gandon.-Concl., M. Daniels, av. gén.

TÉMOINS.-Officiers de polICE JUDICIAIRE Aucune loi ne défend d'entendre comme témoins les officiers de police judiciaire, soit pour qu'ils expliquent les procès-verbaux qu'ils ont dressés, soit pour qu'ils déposent sur des faits qui n'y sont pas énoncés. (C. 3

brum. an 4, art. 358.) (1)

(Canitrot.)-ARRÊT.

-

LA COUR; Vu l'art. 456, no 6 du Code du 3 brum. an 4; -Attendu que l'art. 358 du mème Code, contenant l'indication de toutes les personnes qui, lors de l'examen et des débats sur une procédure criminelle, ne peuvent être entendues en témoignage, ni à la requête de l'accusé, ni à celle de l'accusateur public, ni à celle de la partie plaignante, ne comprend point dans cette exclusion le commissaire qui a dressé le procès-verbal annexé a l'acte d'accusation; Attendu qu'aucune loi ne prohibe d'entendre les officiers de police judiciaire, soit pour qu'ils expliquent ce qui est porté aux procès-verbaux par eux dressés, soit pour qu'ils déposent sur des faits non énoncés dans ces procès-verbaux; d'où il suit que la Cour de justice criminelle, en jugeant que le commissaire de police de la ville de Rhodez ne pouvait pas être entendu comme témoin, par cela seul qu'il avait dressé le procèsverbal annexé à l'acte d'accusation, a, par excès de pouvoir, étendu la prohibition au delà des termes de la loi; -Casse, etc.

(1) Cette proposition ne peut faire aucun doute. V. Carnot, Instr. crim., t. 2, p. 523.

(2) Sous le Code du 3 brum. an 4, la dénonciation calomnieuse n'était punie que de dommagesintérêts. L'art. 373 du Code pénal l'a rangée dans la classe des délits. Mais il faut encore juger, comme l'a fait l'arrêt que nous rapportons, que la dénonciation non justifiée ne peut constituer une injure, car l'injure a ses caractères propres qui ne doivent pas être confondus avec ceux de la fausse dénonciation;

d'où il faut conclure que la plainte ne peut donner lieu qu'à des dommages-intérêts lorsqu'elle n'est pas justifiée, et que pour la transformer en dénonciation calomnieuse, il serait nécessaire que le fait de calomnie fùt établi. (Théorie du Code pénal, tom. 6, p. 495.) V. aussi Merlin, Répert., vo Calomniateur, § 3; Legraverend, Législ. crim. (édit. belge), t. 2, p. 247, et Carnot, Instr. crim., t. 1er, p. 115. *

(3) Il importe de remarquer que cet arrêt n'approuve pas les mesures prises à l'égard de l'accusé dans l'espèce: il ne juge qu'un point, c'est que ces

(12 JUILL. 1810.)

Du 12 juill. 1810. Sect. crim.-Prés., M. Barris.-Rapp., M. Lamarque.-Concl., M. LeCoutour, av. gén.

INJURE.-Plainte.

On ne peut considérer comme une injure, passible des peines légales, le fait d'avoir porté plainte et de ne pouvoir justifier cette plainte (2).

(Quétel-C. N...)— ARRÊT.

LA COUR; Vu l'art. 556 du Code des délits et des peines; Attendu qu'aucune loi n'a mis dans la classe des délits le défaut de justifier une plainte; que tel est le fait que reproche audit Quetel le jugement dénoncé; que ce jugement a fait une fausse application de l'art. 605 du Code des délits et des peines, en prononçant contre ledit Quétel une peine que ledit article a établie contre ceux qui se permettent de proférer des injures, mais non contre ceux qui en ont Par ce porté plainte, même sans en justifier;motif, et dans l'intérêt de la loi seulement; Casse, etc.

Sect. crim. - Prés., M.
Du 12 juill. 1810.
Barris.-Rapp.,M. Bauchau.- Concl., M. Le-
coutour, av. gén.

ACCUSE.-CONSEIL.-COMMUNICATION. — Dé

FENSE.

La loi, en accordant à l'accusé le droit de communiquer avec les conseils, n'a rien prescrit relativement au mode de cette communication: le ministère public peut donc ordonner qu'elle n'aura lieu qu'en présence du geolier. (Cod. 3 brum. an 4, art. 321.) (3) Lorsque le défenseur nommé d'office ou choisi pour l'accuse, refuse de l'assister aux débats, la nomination d'un second défenseur lors de l'ouverture de ces débats, n'est pas exigée à peine de nullité (4).

(Maigne.)

Un arrêt de la Cour de justice criminelle avait approuvé l'ordre donné par le procureur général au geôlier, d'assister aux communications de l'accusé Maigne avec son défenseur; mais celuici refusa de le défendre, et aucun nouveau défenseur ne fut nommé à l'accusé.-Pourvoi fondé sur ce double incident.

ARRÊT.

LA COUR;- Attendu, 1o que la loi, en accordant à l'accusé le droit de communiquer avec mesures n'ont pu opérer une nullité. Les auteurs sont, du reste, unanimes pour blâmer cette restriction au droit de la défense: «Un pareil ordre, dit Carnot (sur l'art. 302 du Code d'inst. crim., t. 2, p. 438), ne viole pas sans doute la loi d'une manière formelle; mais il n'en porte pas moins une atteinte indirecte au droit de communiquer avec son conseil que la loi accorde à l'accusé dans toute sa plénitude un conseil est comme un confesseur, il a le même secret à garder.»-Bourguignon, ajoute : «I] y aurait une sorte de barbarie à gérer la défense, en interposant un espion entre l'accusé et son conseil. Le droit de l'accusé ne peut s'entendre que d'une communication libre,»-. l'art. 302 du Code d'instr. crim. V. aussi Cass. 5 mars 1812, 21 août 1818, et 3 oct. 1822. *

(4) Le principe en cette matière est que, lorsque c'est par le fait du défenseur ou de l'accusé lui-même que ce dernier a été privé d'un conseil, il ne peut résulter aucune nullité de cette absence. La nullité ne prendrait naissance que si l'absence du conseil était due à l'omission des formes prescrites par la loi.

ses conseils, n'a rien prescrit relativement au mode de cette communication; que, dès lors, la justice criminelle a pu, par son arrêt du 14 du même mois, et sans violer aucune loi, approuver le mode de communication qui, d'après les circonstances particulières de l'affaire, a été suivi conformément aux ordres du procureur général près ladite Cour.

Attendu, 2o que l'art. 321 du Code des délits et des peines, n'ordonne de nommer d'office un conseil à l'accusé que dans le seul cas où celuici n'en aurait désigné aucun, lors de son interrogatoire, devant le président de la Cour de justice criminelle ou devant le juge de paix par lui délégué; que, dans l'espèce, il a été satisfait au prescrit dudit article; que, conséquemment, le défaut d'une seconde nomination d'office d'un conseil à l'accusé lors de l'ouverture des débats ne peut constituer une contravention à la loi; -Rejette, etc.

Du 12 juill. 1810.-Sect. crim. -Rapp., M. Busschop. Concl., M. Lecoutour, av. gén.

(1) Cette question et ses analogues n'ont pas laissé que d'occuper beaucoup nos docteurs et nos casuistes, depuis que la liberté de croyance religieuse est devenue un des principes de notre droit public.

Un point fondamental, auquel se rattache toute la controverse en cette matière, est de savoir si le serment prêté en justice, et surtout le serment décisoire ou supplétoire dont parlent les art. 1357 et suiv. du Code civil, est un acte purement civil, ou un acte à la fois civil et religieux. Or, la solution de la question dans ce dernier sens ne nous paraît guère susceptible d'une difficulté sérieuse. Dans le système contraire, on fait remarquer qu'aucune des lois qui prescrivent ou admettent chez nous le serment judiciaire comme moyen de preuve ou de liberation, n'en a réglé la formule, et n'a dit qu'il dùt être prété selon le rit particulier de quelqu'une des religions pratiquées en France, même de la religion dominante, ou, comme nous le disons depuis la charte de 1830, de la majorité des Français. Mais s'ensuitil de là que le serment ne soit pas un acte religieux? S'ensuit-il, comme on l'a dit, en ce point comme en beaucoup d'autres, que nos lois soient athées? Nullement. C'est précisément, au contraire, parce que nos lois actuelles considèrent le serment comme un acte essentiellement religieux, qu'elles se sont bien gardé d'en déterminer la forme, afin que chacun pùt le prêter, selon sa croyance, dans la forme usitée par le culte qu'il professe. Soumettre le serment à une forme unique, qui eût été la même pour tous, sans distinction de culte ou de croyance, c'eùt été le soustraire à l'empire du sentiment religieux qui en fait toute la force. En cela nos législateurs n'ont fait que suivre l'opinion des pères de l'Eglise, de Bossuet lui-même qui, dans sa Politique tirée de l'Ecriture Sainte, dit qu'il n'est pas nécessaire de jurer par le Dieu véritable; qu'il suffit que chacun jure par le Dieu qu'il reconnaît.

Du reste, ces principes ne sont pas nouveaux ; ils étaient proclamés dans le droit romain par les empereurs: on lit dans la loi 5, ff.,de Jurejurando: Divus Pius rescripsit jurejurando quod propria superstitione juratum est, standum; ce qui, suivant la note de Godefroi sur ce texte, signifie que juramentum cujuscumque sectæ et religionis sit, inter eos qui ità juraverint, ratum haberi oportet; et breviter, propria superstitio jurantem, eo casu, vel obligat, vel excusat.-« Il n'y a, ajoute Merlin, qui cite ces textes dans ses conclusions sur l'affaire que nous recueillons ici (Quest., vo Serment, § 2), qu'une seule exception à cette règle : c'est que les sectaires d'un culte prohibé dans un Etat ne peuvent, dans les V.-I PARTIE,

RENTE FONCIÈRE.-PROPRE.

Avant la loi du 17 niv. an 2, la rente foncière était subrogée dans la personne du bailleur à la qualité de propre paternel ou maternel qu'avait dans ses mains l'héritage aliéné moyennant cette rente, encore que la vente eût été stipulée rachetable, qu'il eût été donne des deniers d'entrée, mais modiques, au bailleur, et que la question s'élevât dans des coutumes où le bail à rente rachetable fait avec des deniers d'entrée, était soumis au retrait, soit féodal, soit lignager. (Chopelis C. Rochier et le sieur Mesnard Lugroye.)

Du 12 juill. 1810-Sect. req.-Rapp., M. Borel. Concl., M. Merlin, proc. gén.

1° SERMENT.-JUIFS.-ENQUÊTE. 2o DÉPENS.-SOMMATION.-SERMENT. 1o Les juifs témoins dans une enquête, peuvent prêter serment selon lerit judaïque (1). tribunaux de cet Etat, être admis ni contraints à jurer dans la forme déterminée par les rites de ce culte : sed si quis illicitum jusjurandum detulerit, scilicet improbatæ publicæ religionis, videamus an pro eo habeatur atque si juratum non esset? Quod magis existimo dicendum. Ce sont les termes du § 3 de la loi précitée. »>

Depuis longtemps, en France, la forme du serment, pour ceux qui professent la religion catholique ou mème la religion réformée, consiste uniquement dans ces paroles je le jure, prononcées en face du juge, en levant la main droite. Mais il est bien entendu que dans cette simple formule, où le nom de Dieu n'est pas même prononcé, par respect sans doute pour la majesté divine, Dieu lui-mème est pris à témoin de ce que l'on affirme ou de ce que l'on nie, et que le serment ainsi prêté renferme tacitement une imprécation appelant la vengeance céleste sur celui qui se rendrait coupable de parjure; et ici les lois humaines viennent en aide à la loi divine pour punir de peines sévères ceux qui, devant la justice, soit en matière civile, soit en matiere criminelle, se seraient joués de la sainteté du serment (C. pén., 361 et suiv.). Ainsi entendu, et quelle que soit aujourd'hui la tiédeur des croyances religieuses, le serment peut eucore offrir de fortes garanties morales à la justice, aussi bien qu'aux parties contre lesquelles il est prêté et qui en doivent subir les conséquences juridiques. Mais par contre, il perd toute sa force et se trouve rabaissé au niveau d'une simple affirmation, si on le dépouille des formes essentielles qui, dans chaque culte, lui impriment un caractère religieux et sacré, car il ne faut pas perdre de vue qu'en cette matière, plus encore que dans toute autre, c'est la forme qui donne l'ètre à la chose (forma dat esse rei comme disent les docteurs), et que dans l'opinion commune (préjugé ou non), sans l'exacte observation des formes prescrites ou usitées, il n'y a point de serment. Lors donc qu'il est reconnu, qu'il est notoire que certains individus professent un culte selon lequel le serment n'acquiert toute la force d'un lien obligatoire et religieux, qu'autant qu'il est prêté dans une forme déterminée, avec certaines solennités particulières, différentes de celles usitées pour les cultes chrétiens, il est naturel et légal d'exiger de ces personnes qu'elles prètent serment dans cette forme et avec toutes ces solennités.

Tel est évidemment le cas où se trouvent les juifs: à leur égard, il est de notoriété que le serment religieux est assujetti à certaines formes toutes spéciales, sans lesquelles il n'est plus qu'une affir

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2o La partie qui n'adhère pas formellement à la sommation qui lui est faite d'admettre mation ordinaire; de plus, à tort ou à raison, on leur reproche de ne se pas croire liés par un serment ordinaire envers les individus d'une autre religion, ou mème d'admettre en prêtant un tel serment, des restrictions mentales à la faveur desquelles ils se croient absous du parjure... (Beck, de Jure Judæorum, c. 16, § 29; Estor, de Lubricitate jurisjurandi Judæorum; Hoffaker, Principia juris civilis, S 4507; Pastoret, dans son ouvrage intitulé Moïse considéré comme législateur, ch. 5, art. 3, p. 398. V. aussi les considérans très développés de l'arrêt de Colmar du 10 janv.1828).-Pour ceux qui admettent de telles distinctions ou plutôt de telles subtilités, il est évident qu'il n'y a de serment véritable remplissant le vœu de la loi, que celui qui est prêté avec toutes les formes et solennités requises par la religion qu'ils professent, et que par conséquent ceux qui ont à subir les conséquences de ce serment, sont en droit d'exiger qu'il soit prété ainsi que le veut la loi de Moïse, more judaico; autrement, on peut craindre de n'obtenir qu'une vaine cérémonie, qu'un simulacre de serment, semblable à ceux que prètaient autrefois certains chrétiens, qui tout en professant une grande dévotion pour les reliques des saints, se parjuraient sans scrupule sur un reliquaire vide.

Mais, dit-on, s'il faut exiger des juifs un serment conforme à leur culte, faudra-t-il exiger aussi des chrétiens dissidens, des protestans, des luthériens, des calvinistes, des anabaptistes, des quakers, un serment de secte?...Nous n'hésiterions pas à répondre affirmativement, s'il était constant que ces différens religionnaires mettent quelque importance dans la forme extrinsèque du serment, et ne se croient pas liés par celui que prètent la généralité des citoyens, dans la forme ordinaire. Mais il n'en est point ainsi, et si quelques exceptions ou distinctions existaient encore à cet égard, ce serait aux juges à les reconnaître et à prescrire le serment en conséquence. Il faudra donc, ajoute-t-on, obliger chacun, avant de l'admettre au serment, à une profession de foi religieuse, et à déclarer à quel culte, à quelle secte i appartient: ce sera, par exemple, placer le juif, qui aurait renoncé à Moïse pour Jésus, dans la nécessité de faire connaître sa conversion et de passer pour apostat aux yeux de ses anciens coreligionnaires. Or, c'est là porter atteinte au principe de la liberté de conscience et de la liberté des cultes. D'ailleurs quel serment exigera-t-on des disciples de Lucrèce et de Spinosa, qui n'appartiennent et ne veulent appartenir à aucune société religieuse... (V. les observations qui accompagnent l'arret cidessus dans l'ancien Recueil de M. Sirey, t. 10. 1. 329). Ces objections nous semblent de peu de poids. Dans la pratique, le juge n'a point à s'enquérir de la religion que professe celui qui se présente au serment, s'il ne se refuse pas à jurer dans la forme ordinaire. C'est la partie seule contre laquelle le serment est prêté ou qui en doit subir les effets, qui pourrait avoir intérêt à en surveiller la sincérité et à demander qu'il soit prêté dans la forme particulière au culte que professe celui dont l'affirmation ou le témoignage est requis. Or, ici, les tribunaux sont nécessairement investis d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation pour décider, d'après les déclarations respectives des parties, d'après les circonstances, d'après la notoriété publique, s'il y a lieu ou non d'exiger un serment dans une forme autre que la forme ordinaire, ou mème si, comme cela a été jugé à l'égard d'un quaker auquel on sait que tout serment est interdit, on ne doit pas se contenter d'une simple affirmation. (V. l'arrêt de Cass. du 28 mars 1810.) Demander à quelqu'un s'il est

le serment en cette forme, et qui par suite est citée à l'audience pour voir prononcer

vrai qu'il professe telle religion pour lui imposer de jurer selon les rites de cette religion, ce n'est point faire violence à sa foi, ni porter atteinte à sa liberté de conscience; c'est au contraire la respecter, et dans les cas rares où celui qui aurait changé de religion n'aurait pas le courage de l'avouer, c'est à lui de répondre ce que sa conscience lui dictera; ce sera au juge à apprécier, et à prescrire ensuite le serment comme il le croira sage: les inconvéniens plus ou moins réels qui pourraient se manifester dans cette hypothèse toute spéciale, ne sauraient détruire le principe général de la nécessité d'un serment religieux pour que le but de la loi soit rempli.

En ce qui touche le serment des juifs en particulier, les difficultés jusqu'ici révélées par la jurisprudence se sont présentées sous trois faces principales. On s'est d'abord demandé si les juifs appelés à prêter serment en justice, peuvent être admis à jurer more judaico?-Sur ce point, la jurisprudence s'est constamment prononcée pour l'affirmative; elle résulte de l'arrêt que nous recueillons ici, et de tous les arrêts de Cours d'appel ci-après indiqués, dans lesquels le serment selon le rit mosaïque a été admis ou ordonné en justice.

Mais un point sur lequel la controverse s'est produite avec plus de gravité, est celui de savoir si les juifs, nonobstant leur offre de jurer dans la forme ordinaire, peuvent être contraints à prêter serment more judaïco. - L'arrêt que nous recueillons, bien qu'il rejette le pourvoi formé contre un arrêt qui avait ordonné que des juifs appelés en témoignage dans une enquête prêteraient serment selon le culte mosaïque, ne nous paraît pas cependant décider la question, parce que le juif contre lequel le serment devait être prêté et ceux qui devaient le prèter, s'en étaient rapportés à justice sur ce point, et n'avaient pas prétendu que le serment dût être prêté en la forme ordinaire.-Mais la question a été formellement résolue pour l'affirmative, par les arrêts ci-après, de Nanci, 15 juill. 1808; de Turin, 15 juin 1811, et surtout de Colmar, 5 mai 1815 et 18 janv. 1828.-A ces arrêts se joint l'opinion presque unanime des auteurs, mais exprimée avec plus ou moins de précision ou de développemens, par MM. Toullier, t. 10, nos 342 et suiv.; Duranton, t. 13, no 593; Rolland de Villargues, Rép. du Not., vo Serm. jud., no 30 et 31; Favard, eod. verb., sect. 3, § 1, no 23 ; Carnot, Comm. inst. crim., t. 1er, p. 140; auxquels auteurs on pourrait ajouter Merlin, dans ses conclusions sur l'affaire du quaker Jonas-Jones (arrêt du 28 mars 1810, Quest., vo Serment, § 1er), si, plus tard, dans ses additions, eod. verb., p. 229, il n'avait paru modifier ses principes (a). - Toutefois, aux arrêts ci-dessus indiqués, on peut opposer, dans le système du serment ordinaire, un arrêt de Turin du 22 fév. 1809, deux arrêts de Nimes des 10 janv. et 7 juin 1827, et un arrêt d'Aix du 13 août 1829.

Enfin, une troisième question sur la matière est celle de savoir si le serment qu'un juif a prêté

(a) A ces autorités il convient d'ajouter encore une lettre du grand juge ministre de la justice adressée, le 26 nov. 1806, au procureur impérail de Mayence.-Cette lettre est ainsi conçue:

«Non-seulement rien n'empêche que votre tribunal,Monsieur, n'assujettisse ies juifs à prêter leur serment selon les rits particuliers à leur religion; mais je pense même qu'il doit en gir ainsi. Le serment est un acte religieux et par conséquent doit être prêté dans les formes prescrites par la religion que professe celui auquel il est déféré.

« Ce principe s'accorde d'ailleurs parfaitement avec l'état actuel des choses, et il est une suite de la liberté des cultes. >>

sur l'incident, doit en supporter les frais, alors même qu'elle déclare s'en rapporter à la justice.

(Hirtz-C. Spinner.)

Le juif Jacques Hirtz était porteur d'un titre de créance de 900 francs, souscrit à son profit par Spinner et sa femme le 19 juillet 1807, par lequel il avait été autorisé à percevoir les loyers de la maison Spinner.-Plus tard, Spinner assigne Hirtz, pour voir dire que, sans s'arrêter au traité par lui fait et qui sera déclaré usuraire, il lui sera loisible de percevoir lui-même ses loyers.

7 septembre 1808, jugement du tribunal civil de Colmar, qui accueille la demande de Spinner.

Appel, et le 16 juin 1809, arrêt de la Cour d'appel de Colmar, portant que Hirtz prouvera que la valeur portée au titre, a été fournie entière et sans fraude, aux termes de l'art. 4 du décret impérial du 17 mars 1808. (V. la note qui accompagne l'arrêt du 7 juin 1810.)

Hirtz notifie la liste de ses témoins, parmi lesquels se trouvent deux juifs.-Spinner ne croyant pas que le serment simple lui offre une garantie suffisante, somme Hirtz de consentir à ce serment more judaïco et le cite à l'audience « pour voir ordonner que les témoins Scheligman-Meyer et Léon Pignard prêteront serment, avant de déposer dans son enquête, sur le Coscher sepher thora (le livre de la loi de Moïse), suivant le rite judaïque. »

Hirtz comparaît et déclare s'en rapporter à la prudence de la Cour.

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8 juill. 1809, arrêt interlocutoire qui ordonne que le serment sera prêté more judaico, et condamne Hirtz aux dépens de l'incident. Voici les termes de cet arrêt: « Attendu que la Cour a déjà jugé, notamment par son arrêt du 10 février dernier, que le juif auquel le

dans la forme ordinaire, sans opposition des parties intéressées, est valable ?-L'affirmative résulte encore de deux arrêts de la Cour de cassation rendus, il est vrai, en matière criminelle,l'un à la date du 19 mai 1826 (aff. Malagutti, dans laquelle il s'agissait du serment prêté en la forme ordinaire par un témoin juif), et l'autre du 10 juill. 1828 (aff. Gatien Bensse, dans laquelle il s'agissait du serment prêté en la même forme par deux jurés professant le culte israélite). Adde, dans le même sens, 31 déc. 1812; 18 fév. et 1er avril 1813.-M. Legraverend, Législ. crim., ch. 6, § 1er, en résumant son opinion su ces divers arrêts, et sur la question du serment en général, s'exprime en ces termes (pag. 207 de l'édit, belge): « J'estime, que les juges peuvent recevoir le serment d'un témoin avec les formalités qui appartiennent à sa religion, qu'ils peuvent même ordonner qu'il le prêtera avec ces formalités, quand elles sont susceptibles d'être exécutées sans que les règles de la procédure soient violées; mais qu'ils ne sont, à cet égard, astreints à aucune obligation, et que ces formalités ne sont point nécessaires pour l'efficacité du serment, ou en d'autres termes, que le serment existe, quel que soit le culte que professe le témoin, lorsque, interpellé par le juge, sous la religion du serment, de déposer toute la vérité, rien que la vérité, il a répondu d'une manière affirmative à cette interpellation. »

Remarquons en terminant qu'il existe des lettres patentes du 10 juillet 1784, qui ont déterminé en quelle forme les juifs d'Alsace devraient préter le serment en justice; qu'elles ont formellement prescrit que les juifs de cette province prèteraient le serment d'après le rit hébraïque usité en Allemagne, et cela par le motif que les juifs de cette province, allemande d'origine, suivent de point en point le rit hébraïque usité en Allemagne, c'est-à-dire qu'ils

serment était déféré, était dans le cas de le prêter en présence du juge commissaire, et par le ministère de celui qui remplit les fonctions de rabbin, et ce, suivant le culte mosaïque et dans la synagogue, de la même manière et avec les formalités voulues par le rite juif, pour le serment qui se prête par les citoyens de ce culte ;Attendu qu'il y a parité de raison dans le cas où des juifs sont appelés en témoignage; qu'ainsi, les deux juifs assignés pour déposer en l'enquête à laquelle entend faire procéder le juif intimé, doivent prêter préalablement le serment dans la forme qui vient d'être indiquée;-La Cour, faisant droit sur l'incident, faute par le défendeur d'avoir répondu à l'acte de protestation à lui signifié le 4 juill. courant, ordonne que les deux juifs Scheligmann-Meyer, colporteur à Herbourg, et Léon Pignard, marchand à Colmar, appelés en témoignage par le défendeur, pour déposer dans l'enquête que celui-ci entend faire faire par-devant M. Bernard, juge commissaire, nommé par arrêt du 16 juin dernier, prêteront préalablement, more judaico, sur le Coscher sepher thora, le serment exigé, et condamne le défendeur aux dépens liquidés à 35 francs 50 cent., non compris l'expédition du présent arrêt ni l'enregistrement d'icelui, sous la réserve expresse des demandeurs de fournir leurs reproches contre les témoins du défendeur, et sous toutes autres réserves et protestations que de droit. »

En exécution de cet arrêt, le magistrat, nommé commissaire à l'enquête, se rend à la synagogue établie dans la commune de Wintzenheim, près Colmar; là, il fait prêter aux deux témoins juifs le serment sur le Coscher sepher thora, entre les mains du rabbin consistorial, puis de retour à Colmar, il entend et ces deux témoins et deux autres produits par Jacques Hirtz (1).

sont comme eux talmudistes; tandis que les juifs du midi de la France suivent le rit portugais, et n'admettent que la seule loi de Moïse dans toute sa pureté; qu'ils n'ont pas, comme les juifs allemands, deux manières de prêter serment: l'une entre eux, d'après le mode prescrit par leur rit, qui seul les lie à leurs yeux; l'autre en justice et à l'égard de ceux qui ne sont pas de leur culte, auquel serment ils mettent beaucoup moins d'importance et par lequel on prétend même qu'ils ne se croient pas liés. (V. l'arrêt de Colmar du 18 janv. 1828.)

V. enfin, dans la note qui suit, quelle est la forme usitée par les juifs d'Alsace pour la prestation

de leur serment.

(1) Il importe de connaître le mode de prestation de serment des juifs dans la synagogue: voici la copie du procès-verbal de cette prestation de serment par le même Hirtz, dans une affaire semblable, telle que la donne le Journal de jurisp. de Colmar, t. 9, p. 436:

«L'an mil huit cent douze, le vingt-trois novembre, onze heures du matin, nous Jean-FrançoisPhilippe Rossée, chevalier de la Légion-d'Honneur, premier président de chambre en Cour impériale

de Colmar, commissaire nommé par arrêt de ladite Cour, en date du 23 mai dernier, nous étant rendu en la synagogue consistoriale de Wintzenheim, en conséquence de notre ordonnance, délivrée le 19 du courant, accompagné de Jean-Louis Hirn, avoué près la Cour, lequel nous avons commis greffier ad hoc, les greffier en chef et commis assermentés de la Cour étant tous employés à d'autres fonctions; lequel dit Hirn a, à l'instant, et en présence des avoués et parties ci-après nommés, prèté le serment au cas requis.

«Est comparu Me Wilhelm, avoué de Jacques Hirtz de Wintzenheim, et assisté de ce dernier, le

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