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janv. 1806, à une époque où le Code avait consolidé, même à l'égard des tiers, leur contrat de vente, quoique non transcrit.

gé dans les temps mêmes qu'elles ont admis les hypothèques occultes; et cela par la raison que les acquéreurs pouvaient purger les immeubles des hypothèques existantes à l'époque des acquisitions, quoiqu'elles fussent inconnues, tandis qu'ils n'avaient aucun moyen de se garantir des actions en revendication, qui auraient pu être formées par des acquéreurs précédens. Mais s'il était nécessaire de donner aux mutations la même publicité qu'aux hypothèques, il fallait trouver un mode de publicité, autre que la tradition; car ce mode ne convenait, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, qu'à un peuple chez lequel chacun faisait valoir ses terres par lui-même, et où l'usage de l'écriture n'était pas assez répandu, pour qu'il fut possible d'avoir des registres presque sur toutes les parties du territoire. Ce changement était un effet inévitable de la civilisation; et si quelqu'un pouvait en douter, il suffirait de lui faire observer que la tradition, admise d'abord comme seul moyen de publicité, a été insensiblement remplacée, dans presque tous les Etats de l'Europe, par l'insertion des actes de mutation dans des registres publics. Ainsi, l'insinuation des actes translatifs de propriété fut ordonnée dans le Piémont, par un édit de Charles-Emmanuel, du 20 juill. 1620 (a); dans la Hollande, c'était devant le juge où l'immeuble était situé, qu'un propriétaire devait se dépouiller de sa propriété (b); il en est de même encore aujourdhui dans presque tous les Etats d'Allemagne (c); dans la Prusse, tous les immeubles sont inscrits dans des registres publics, avec les noms des propriétaires, et il y est aussi facile de connaître l'état des biens que celui des personnes (d); la publicité par des registres est également établie dans le Danemarck, et elle l'était autrefois en France, dans la Flandre flamande, et dans tous les pays de nantissement.

Lors donc que, par la loi du 11 brum. an 7, les législateurs français, après avoir ordonné la publicité des hypothèques, ont fait de la transcription une condition essentielle aux actes translatifs de propriété, ils n'ont fait que suivre l'impulsion générale et transporter en France une institution dont on avait senti le besoin dans tous les Etats. Nihil magis interest reipublicæ, disait J.H. Boehmer, quàm ut dominiarerum sint certa,et ut publicè constat,quo jure quis rem immobilem possideat, adeoque ne quis in alienatione vel hypothecæ constitutione decipiatur, necesse est ut quis tutus sit,et sine ulla formidine rem acquirere vel hypothecam in ed accipere queat. Hoc vero aliter fieri nequit, quàm si coram judice et apud acla tum harum rerum alienatio, tum hypothecæ constitutio fiat, atque judex in libris publicis hos alienationis actus annotet, ut ex his cognoscere queat, utrum consensum in alienationem vel hypothecam dare queat necne.-Exercitationes ad Pandeclas, Exercit. 60, ad lib. 20, tit. 4, cap. 2, S4, t. 3, p. 963. On voit, par ce passage, que Boehmer pensait que rien n'importait plus à l'intérêt d'un Etat que la publicité des mutations, et qu'il en faisait une condition essentielle à la publicité des hypothèques.

Pour savoir maintenant si les rédacteurs du Code devaient rejeter ou admettre la transcription, telle que la loi du 11 brum. an 7 l'avait établie, nous devons nous placer dans la même position où ils se

(a) Leggi e Constituzioni di sua Maesta, lib.5, tit. 22,cap.4, (b) P. Voet, Command. ad instit., lib. 2, tit. 1, S 44, et seq.-J. Voet, ad Pandectas, lib. 41, tit 1, § 38.

(c) J. H. Boehmer, Ercitationes ad Pand. Exercit. 60, au tit. 20. Pand., tit. 4, cap. 2, S1, t 3, p. 959.

(d) Code prussien, 15° part,, tit, 20 sect. 1, des Hypoth

Le 19 nov. 1807, arrêt de la Cour d'appel de Liége, qui ordonne la distraction de l'usufruit, dans l'intérêt des dames Clément, se fondant sur

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sont trouvés, lorsqu'ils ont eu à discuter la loi relative aux hypothèques, et examiner les raisons qui devaient faire maintenir la publicité, et celles qu'on a données pour la combattre. Nous examinerons ensuite si l'intention de rendre les mutations publiques ne résulte pas des discussions qui eurent lieu au conseil d'Etat, et de l'ensemble des dispositions du Code. Nous avons déjà vu que les lois avaient exigé la publicité des mutations dans un temps où le territoire de chaque peuple ayant peu d'étendue, et les hommes pouvant se connaître mutuellement, les effets de la méfiance devaient être peu sensibles; où la rusticité des mœurs pouvait bien produire quelques actes de violence, mais où elle rendait peu craindre l'astuce et la fraude; enfin, où chacun étant attaché à l'agriculture, la stabilité des fortunes rendait la circulation des immeubles peu nécessaire. Mais telle n'était pas la situation de la France quand la loi sur les hypothèques a été rédigée : le territoire était trop étendu pour que les citoyens pussent se connaître, et avoir une confiance mutuelle les uns dans les autres; les actes de violence n'étaient plus à craindre, mais la civilisation avait rendu la ruse et la fraude plus communes; le luxe, renversant les fortunes avec la même rapidité qu'il les avait élevées, avait rendu la circulation des immeubles nécessaire; et il était du plus grand intérêt pour l'Etat, de ne pas les retenir dans des mains qui, ne pouvant ni les cultiver ni les transmettre, les auraient nécessairement laissé dépérir.-La publicité des mutations était donc plus nécessaire qu'elle ne l'avait été jusqu'alors; cependant elle ne pouvait plus résulter de la possession, puisque, par la promulgation de la loi du 11 brum. et de la loi relative à la vente, la tradition des choses immobilières avait cessé d'être nécessaire pour transférer la propriété à l'égard des tiers. Les fraudes qui auraient pu résulter du défaut de publicité, ne pouvaient pas non plus être réprimées par la crainte des châtimens, puisque les peines prononcées contre les stelliona. taires, soit par les lois romaines, soit par les anciennes lois françaises, avaient été précédemment abrogées. Il ne restait donc que là transcription pour prévenir les fraudes et pour rassurer les acquéreurs. Mais si le législateur avait encore détruit ce moyen, il en serait résulté qu'après avoir aboli les peines prononcées contre les coupables, il aurait augmenté la facilité de commettre les crimes, précisément dans un temps où il était nécessaire, plus que jamais, de les prévenir ou de les réprimer; il aurait donc violé ce principe fondamental de toute bonne législation criminelle, que la gravité de la peine doit toujours être en raison de la gravité du délit et de la facilité qu'on trouve à le commettre.

Il est vrai que, suivant les dispositions de la loi du 15 germ. an 6, les stellionataires pouvaient encore être contraints par corps à rembourser les sommes qu'ils avaient extorquées. Mais il faut observer que, suivant les dispositions de cette loi, celui qui fait emprisonner son débiteur, même stellionataire, est obligé de lui fournir des alimens; et que c'est un fort mauvais moyen de prévenir le vol, que d'obliger la personne volée à fournir des alimens à son voleur.D'ailleurs, les stellionataires n'auraientils pas été assurés de l'impunité, toutes les fois qu'ils auraient réduit à la misére les personnes qu'ils auraient trompées et pourrait-on dire qu'une loi suffit pour réprimer le crime, si elle laissait le coupable impuni, précisément dans les cas où la peine devait être la plus forte? Enfin la contrainte par corps est un moyen d'exécution des jugemens, et n'est point une peine, elle n'imprime aucune flé

les art. 1583 et 2182 du Code civ., abolitifs de la transcription.

POURVOI en cassation, pour violation des

trissure sur celui contre lequel elle est exercée, et le débiteur peut toujours s'en affranchir en payant ce qu'il doit au créancier qui l'a fait emprisonner.

La transcription des actes de mutation était donc le seul moyen de prévenir les fraudes qui auraient pu résulter du défaut de publicité. Mais le mal qui devait en être la suite n'était-il pas plus grave que celui qu'elle tendait à prévenir? En un mot, devait-elle être maintenue? Les adversaires de la loi du 11 brum. an 7, ennemis déclarés de toute espèce de publicité, ont fait une multitude d'objections contre ce système : ils ont surtout dirigé leurs efforts contre les dispositions qui exigeaient que les hypothèques fussent publiques. Ils ont prétendu qu'il était dangereux de divulguer les secrets des familles, et de faire dépendre la fortune des citoyens d'une foule de formalités plus embarrassantes les unes que les autres ; que le plus grand nombre des hypothèques étaient indéterminées; qu'il était impossible de les évaluer; que la plupart des faits qui leur donnaient naissance, tels que les mariages et les tutelles, n'avaient pas moins de publicité que les registres des conservateurs; que la publicité n'avait jamais été connue des Romains, nos maitres en législation; qu'elle était une invention purement fiscale; que les hommes ne contractaient entre eux que lorsqu'ils se connaissaient; qu'il fallait leur laisser le soin de veiller eux-mêmes à leurs intérêts; enfin, que les lois ne devaient pas supporter la fraude.

De toutes ces objections, celles qui étaient les moins mal fondées se dirigeaient contre la publicité des hypothèques : cependant elles furent rejetées. Il semble que les autres auraient dù l'ètre également, puisque la publicité des mutations avait un objet beaucoup plus étendu que la publicité des hypothèques, qu'elle n'en avait pas les inconvéniens, et qu'elle était la base du système hypothécaire qu'on adoptait.

Les adversaires de la loi du 11 brumaire, forcés de convenir que les objections les plus fortes ont été rejetées, soutiennent néanmoins que les plus faibles ont été accueillies; et que par conséquent on n'a plus voulu de la transcription. Mais, pour supposer que le conseil d'Etat a été frappé des objections qu'on a faites contre la publicité des mutations, il faudrait supposer qu'elles avaient au moins le mérite de paraître spécieuses: or, nous prouverons jusqu'à la dernière évidence, qu'elles n'avaient pas même ce genre de mérite.-D'abord il est faux que les Romains n'aient pas connu la publicité des mutations ou qu'ils l'aient rejetée; nous avons déjà prouvé que dans tous les temps ils avaient fait de la tradition une condition essentielle à la translation de la propriété, et que, lorsque ce moyen avait cessé d'ètre suffisant pour rendre les mutations publiques, ils y avaient pourvu par des lois criminelles. Il est également faux que le système de la publicité soit une invention fiscale; nous avons vu, au contraire, que l'édit de 1673 n'avait demeuré sans exécution que par les intrigues des traitans qui rougissaient de leur fortune, et par les clameurs des gens ruinés qui voulaient conserver leur crédit. Čes faits résultent des monumens historiques; ils sont d'ailleurs attestés par Basnage, dont le témoignage ne doit pas être suspect. Au surplus l'objection, fùt-elle exacte, ne prouverait rien contre l'utilité du système, à moins qu'on prétende qu'un projet utile ne saurait sortir de la tête d'un homme de finance.

Que les hommes ne contractent qu'avec des personnes qu'ils connaissent; c'est une proposition V.-I PARTIE.

art. 26 et 28 de la loi du 11 brum. an 7, et fausse application des art. 1583 et 2182 du Code civ.Bolzée prétendait que pour juger quel effet pou

vraie ou fausse, selon le genre de contrat dont on veut parler. S'agit-il d'une société, d'un mandat, d'un dépôt, d'un prêt à usage? la proposition est vraie parce que dans ces contrats on regarde à la convenance des personnes, et point du tout à celle des choses. S'agit-il d'une constitution d'hypothèque, d'un échange, d'une vente? la proposition est évidemment fausse, parce qu'ici la considération de la personne n'entre pour rien, on n'a égard qu'à la chose. Vouloir réduire ceux qui ont des immeubles à vendre ou de l'argent à emprunter, à ne trouver des acquéreurs ou des prêteurs que dans le nombre de leur amis, c'est vouloir rendre les prêts et les ventes presque impossibles, et faire de la méfiance le caractère général de la nation; mais rendre les prêts et les ventes impossibles en portant la méfiance dans tous les esprits, c'est arrèter la circulation des espèces, c'est anéantir l'agriculture, c'est porter aux mœurs une atteinte fatale. Et quel est en effet celui qui oserait acquérir des immeubles, s'il pouvait présumer qu'après en avoir payé la valeur, il pourrait être évincé par un acquéreur précédent, en vertu d'un titre qu'on aurait laissé jusqu'alors dans les ténèbres. Celui qui voudra se rendre acquéreur, pourra, dit-on, connaître le véritable propriétaire, soit au moyen de la possession, soit par la représentation des titres. Mais après avoir établi en principe que la possession n'est pas une preuve de la propriété (Code civ., art. 1138 ), est-il raisonnable de prétendre qu'on peut reconnaître la propriété au moyen de la possession? Quant à la représentation des titres, il est évident qu'elle ne peut rien prouver, puisqu'elle ne détruit pas la possibilité d'une aliénation qui leur soit pos

térieure.

Mais, continue-t-on, les fraudes sont rares, et le législateur ne doit s'occuper que de ce qui arrive communément. Que les fraudes soient rares, à la bonne heure; mais on conviendra du moins qu'elles sont possibles, et qu'il ne faut pas être doué d'un grand génie pour les exécuter. Or, cette possibilité suffit pour inspirer une crainte générale, et pour faire tomber les immeubles au plus bas prix; ainsi, quand même nous admettrions cet adage trivial, que le législateur ne doit pas s'occuper des cas extraordinaires, on ne saurait en tirer aucune conséquence pour prouver que la transcription ne devait pas être admise.

Que répondre maintenant à ces deux objections, que les lois doivent laisser aux parties contractantes le soin de veiller elles-mêmes à leurs intérêts, et ne pas s'occuper de fraude et de simulation? Si par la première on veut dire que le législateur doit donner aux transactions la plus grande latitude possible, nous convenons que la proposition est vraie, mais bien loin de combattre la publicité des mutations, elle en prouve au contraire la nécessité : si l'on vent dire que la liberté des contrats doit aller jusqu'à laisser aux hommes la faculté de se tromper mutuellement, nous n'avons rien à répondre. Pour ce qui est de cette étrange proposition, que le législa teur ne doit pas s'occuper de fraude, elle est si évidemment fausse, qu'il est impossible de croire qu'elle ait été avancée sérieusement. Et qui s'avisa jamais, en effet, de prétendre que le législateur ne devait pas prévenir la fraude? et comment pourraitil la prévenir, s'il ne la supposait pas ?

Les objections dirigées contre la publicité des mutations étaient donc dénuées de tout fondement; et le conseil d'Etat devait d'autant moins s'y arrêter, qu'elles tendaient à rendre sans objet la publicité des hypothèques qu'il avait adoptée. Nous avons

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vait produire à son égard la vente du 25 pluv. an 11, la Cour d'appel aurait dù ne voir que la loi existante à l'époque où cette vente avait eu lieu.

déjà fait observer, en effet, qu'il serait fort inutile de connaître les charges dont un immeuble serait grevé, s il était impossible de savoir à qui cet imineuble appartient et comme il serait impossible de savoir à qui un immeuble appartient, si les mutations n'étaient pas publiques, nous avons dù croire que le legislateur en a voulu la publicité, parce que celui qui veut la fin, doit vouloir aussi les moyens. Ce raisonnement nous paraissait invincible; cependant voici de quelle maniere y répondent ceux qui combattent le système de la publicité. Dans la Grèce, disent-ils, les hypothèques furent publiques, mais les mutations ne le furent pas également. L'édit de 1673 avait ordonné la publicité des hypothèques, sans exiger la publicité des mutations; et il en fut de même de la loi du 9 mess. an 3. Les hypothèques peuvent donc être publiques, quoique les mutations ne le soient pas. Nous n'examinons pas si les lois des Grecs exigeaient ou non que les mutations fussent publiques, il nous suffit d'observer que rien ne prouve qu'elles ne le furent pas. L'édit de 1673, ni la loi du 9 mess. an 3, n'exigeaient pas la transcription, cela est vrai; mais alors la tradition était encore nécessaire pour transférer la propriété. D'ailleurs ces deux lois eurent une existence si éphémère, que, quand même on se serait aperçu des vices qu'elles pouvaient renfermer, on n'aurait pas eu le temps de les corriger. La réponse des adversaires de la transcription est donc insignifiante; et il reste démontré que la publicité des hypothèques est vaine, sans la publicité des mutations. La transcription devait donc etre adoptée, comme étant le fondement du système hypothécaire; aussi voyons-nous que le conseil d'Etat manifesta toujours l'intention de l'admettre. Dans le projet de loi sur les hypotheques, il existait un article ainsi conçu :

«Les actes translatifs de propriété qui n'ont pas « été ainsi transcrits, ne peuvent être opposés aux « tiers qui auraient contracté avec le vendeur, et « qui se seraient conformés aux dispositions de la <<< présente. >>>

Lorsque cet article fut présenté à la discussion, M. Tronchet attaqua la disposition en elle-même ; les autres membres du conseil la trouvèrent utile: ils observerent seulement que la rédaction était obscure, en ce qu'elle laissait douter si les actes translatifs de propriété antérieurs à la loi du 11 brum, an 7 auraient besoin d'etre transcrits, en ce qu'elle pourrait laisser penser que celui qui aurait acquis un immeuble d'un individu qui n'en aurait jamais été le propriétaire, pourrait néanmoins le conserver en faisant transcrire son titre. Le consul Cambacérès invita la section à s'expliquer positivement sur ces deux points; la discussion s'engagea de nouveau, et voici quel en fut le résultat : (Nous copions le procès-verbal). - «Le conseil adopte en principe: — « 1o Que la disposition de l'article n'est pas applicable aux contrats de vente antérieurs à la loi du 11 brumaire. << 2o Que la transcription du contrat ne transfere pas à l'acheteur la propriété, lorsque le vendeur n'était pas propriétaire. Les deux articles sont renvoyés a la section pour les rédiger dans le sens des amendemens adoptés. >> Ainsi, nous voyons qu'il résulte du dernier état des discussions, que le Conseil voulut faire de la transcription une condition essentielle aux actes translatifs de propriété. Il est vrai que les deux articles qui furent alors adoptés, ne se trouvent pas aujourd'hui dans le Code, mais nous examinerons bientot quelles sont les conséquences qu'il faut tirer de cette omission, Il suffit que nous

C'est une maxime constante, disait-il, que les lois nouvelles ne régissent pas l'effet des contrats passés antérieurement à leur promulgation.

ayons établi qu'il n'existait aucun motif d'abolir la transcription, et que le conseil d'Etat, bien loin de vouloir l'abroger, avait manifesté au contraire l'intention formelle de la maintenir.

Si des discussions qui eurent lieu au conseil d'Etat, nous passons aux dispositions du Code, nous verrons qu'il résulte de leur ensemble que la transcription est aussi nécessarie aujourd'hui pour transférer la propriété, qu'elle l'était sous l'empire de la loi du 11 brum. an 7. D'abord il est bien évident que les actes d'aliénation à titre gratuit ne peuvent être opposés à des tiers qu'à compter du jour qu'ils ont été transcrits; cela résulte textuellement des art. 939 et 941 du Code, et nous ne pensons pas qu'on puisse soutenir le contraire. Mais si les actes d'aliénation à titre gratuit doivent être transcrits, pourquoi n'en serait-il pas de même des actes d'aliénation à titre onéreux ? C'est, dit-on, parce que le législateur n'a établi la publicité, que pour empêcher les libéralités immorales auxquelles le secret pourrait donner lieu; et on cite Furgole, Ricard et autres à l'appui de cette opinion. On suppose donc que la transcription n'a été établie que pour remplacer l'insinuation, et pour empêcher les donations immorales. Mais c'est une erreur manifeste; car il résulte bien clairement des discours des orateurs du gouvernement, des dispositions même du Code et de la jurisprudence de la Cour de cassation (a), que le législateur a maintenu la transcription dans le même esprit qu'elle avait été établie. L'article 1583 du Code, qui détermine les conditions essentielles au contrat de vente, n'exige pas expressément la transcription, mais il la suppose, puisque le concours des conditions qu'il prescrit ne transfère la propriété de la chose qu'à l'égard du vendeur. La vente est parfaite entre les parties, dit-il, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur, à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas été livrée ni le prix payé; et de là nous devons conclure que, quoique les parties aient convenu de la chose et du prix, la vente n'est pas encore faite à l'égard des tiers, et qu'elle ne peut le devenir que par la transcription. Ce raisonnement acquiert un nouveau degré de force, lorsqu'on fait attention que ces mots à l'égard du vendeur, ne se trouvaient pas dans le projet du Code, parce que les rédacteurs avaient proposé l'abrogation de la loi du 11 brumaire, et qu'ils furent ensuite ajoutés lorsqu'on prévit que cette loi ne serait pas abrogée.

Mais une disposition qui prouve surtout la nécessité de la transcription, c'est celle de l'art.2189, combinée avec les dispositions de l'art. 2181. On sait que, suivant les dispositions de ce dernier article, l'acquéreur qui veut purger les hypothėques dont un immeuble se trouve grevé, est tenu de faire transcrire son contrat sur les registres du conservateur; on sait aussi que tout créancier hypothécaire inscrit a le droit de faire mettre aux enchères l'immeuble aliéné par son débiteur, et que l'acquéreur peut s'en rendre adjudicataire. Tel est le cas prévu par l'art. 2189; et que veut cet article? il veut que l'acquéreur ou le donataire qui conserve l'immeuble mis aux enchères, en se rendant dernier enchérisseur, ne soit pas tenu de faire transcrire le jugement d'adjudication. Et pourquoi le législateur le dispense-t-il de faire transcrire le jugement? Parce que la transcription n'est requise que pour faire connaître au public les mutations de propriété, et qu'il n'y a pas de mutation de pro

(a) V, l'arrêt de la Cour de cassation du 12 déc. 1810.

(Reinhardt, Selectæ observationes ad Christinæum, tom. 1er, observ. 49, chap. 3.) Or, à l'époque du 25 pluv. an 11, date du contrat des da

priété, lorsque l'acquéreur ou le donataire, après avoir fait transcrire son contrat, conserve l'immeuble en vertu du jugement d'adjudication. Mais si le législateur s'est cru obligé de faire une exception en faveur de celui qui se trouvait dernier inscrit sur le registre des mutations, comment peut-on supposer qu'il a établi une règle générale pour dispenser de la transcription toute espèce d'acquéreurs. Ainsi de deux choses l'une; ou la transcription est encore nécessaire pour transférer la propriété à l'égard des tiers, ou les dispositions de l'art. 2189 sont entièrement inutiles. Or, il en est de l'interprétation des lois comme de l'interprétation des conventions on doit plutôt les entendre dans le sens avec lequel elles peuvent avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elles n'en pourraient produire aucun; donc il faut admettre que la transcription n'a pas été abrogée, puisque autrement l'art. 2189 serait inutile.

Nous trouvons une nouvelle preuve de cette vérité dans les art. 2198, 2199 et 2200 qui déterminent les devoirs des conservateurs. Par le premier, nous voyons que l'immeuble à l'égard duquel le conservateur aurait omis, dans ses certificats, une ou plusieurs des charges inscrites, en demeure affranchi dans les mains du nouveau possesseur, pourvu qu'il ait requis le certificat depuis la transcription de son titre. Mais pourquoi l'immeuble ne demeure-t-il affranchi des charges omises, que dans le cas où le certificat a été requis après la transcription du titre ? C'est évidemment parce que l'acquéreur ne peut se dire véritablement propriétaire qu'après qu'il a fait transcrire son titre, et que jusqu'alors l'immeuble peut être grevé de nouvelles charges. Si le contrat pouvait seu! transférer la propriété, pourquoi le certificat du conservateur produirait-il, après sa transcription, un effet qu'il ne pouvait pas produire avant? Il serait impossible de se rendre raison de cette différence, si l'on déclarait que l'acquéreur n'est pas tenu de faire transcrire son titre; mais, en décidant le contraire, la disposition de l'art. 2198 est une conséquence rigoureuse de la nécessité de la transcription.

L'article 2199 en est une seconde conséquence. Après avoir établi que les créanciers hypothécaires seraient colloqués suivant le rang de leurs inscriptions, et qu'entre deux acquéreurs du même immeuble, la préférence serait due à celui qui, le premier, aurait fait transcrire son titre, les rédacteurs du Code songèrent à prévenir les fraudes, dont ceux qui auraient déjà hypothéqué ou aliéné leurs immeubles pourraient se rendre coupables, soit en les aliénant de nouveau, soit en les grevant de nouvelles hypothèques, avant que les premiers crêanciers ou les premiers acquéreurs eussent fait inscrire ou transcrire leurs titres. Et pour cela, que firentils? Ils déclarèrent que dans aucun cas les conservateurs ne pourraient refuser ni retarder la transcription des actes de mutation, l'inscription des droits hypothécaires, ni la délivrance des certificats requis, sous peine des dommages et intérêts des parties; et qu'à cet effet, proces-verbaux des refus ou retardement seraient, à la diligence des requérans, dressés sur-le-champ, soit par un juge de paix, soit par un huissier audiencier du tribunal, soit par un autre huissier ou un notaire assisté de deux témoins.

Par l'article 2200, les rédacteurs du Code prévoyant le cas où un individu aurait successivement hypothéqué ou aliéné les mèmes biens en faveur de plusieurs personnes, et où il serait impossible au conservateur de faire sur-le-champ les inscriptions ou les transcriptions requises par les créan

mes Clément, la loi du 11 brum. an 7 n'attachait aucun effet à ce contrat, à défaut de transcription; donc la Cour d'appel n'a pu lui en donner, ciers ou les acquéreurs, ordonnèrent que le conservateur serait tenu d'avoir un registre sur lequel il inscrirait jour par jour, et par ordre numérique, les remises qui lui seraient faites d'acte de mutation pour être transcrits, ou de bordereaux pour être inscrits; qu'il donnerait au requérant une reconnaissance sur papier timbré, qui rappellerait le numéro du registre sur lequel la remise aurait été inscrite, et qu'il ne pourrait transcrire les actes de mutation, ou inscrire les bordereaux sur les registres à ce destinés, qu'à la date et dans l'ordre des remises qui lui en auraient été faites.

Mais si les rédacteurs du Code avaient pensé que les actes translatifs de propriété n'auraient pas besoin d'être transcrits pour pouvoir être opposés à des tiers, ou que la priorité des transcriptions n'aurait pas le même effet que la priorité des inscriptions hypothécaires, pourquoi auraient-ils placé dans les mêmes dispositions les acquéreurs et les créanciers? Pourquoi auraient-ils pris, à l'égard des premiers, les mêmes précautions qu'à l'égard des seconds, s'ils n'avaient pas jugé ces précautions nécessaires pour les uns comme pour les autres? Si, comme on le prétend aujourd'hui, la transcription n'était nécessaire que pour purger les hypothèques, si la date des titres décidait de la préférence entre plusieurs ventes successives, l'ordre dans lequel les transcriptions seraient faites ne blesserait en rien les intérêts des acquéreurs, puisque le premier en date serait toujours préféré; et alors à quoi bon toutes les précautions exigées par les articles précités ? -Il ne résulte pas moins évidemment de l'art. 2108, que la propriété n'est acquise à l'acquéreur que par la transcription. Le projet de cet article portait que le vendeur conserverait son privilége par la transcription du titre qui aurait transféré la propriété à l'acquéreur, et qui constaterait que la totalité ou partie du prix luí était due; à l'effet de quoi le conservateur ferait d'office l'inscription sur son registre des créances non encore inscrites qui résulteraient de ce titre; et que le vendeur pourrait aussi faire la TRANSCRIPTION du contrat de vente, à l'effet d'acquérir l'INSCRIPTION de ce qui lui serait dû à luimême sur le prix. Suivant les dispositions de cet article, deux conditions étaient imposées au vendeur qui voulait rendre son privilége public; la transcription du contrat d'abord, et ensuite l'inscription de la créance. Mais pourquoi, dans ce cas, l'inscrip tion n'était-elle pas suffisante? La raison en était sensible; c'est que l'inscription ne pouvait être prise que sur les biens de l'acquéreur, et pour avertir les tiers qui auraient contracté avec lui; et que jusqu'à la transcription, l'acquéreur n'étant pas propriétaire à l'égard des tiers, nul ne pouvait être trompé. Il fallait donc que la propriété fùt transférée à l'acquéreur par la transcription, avant que le vendeur pût faire inscrire son privilége.

Lors de la discussion de cet article, le consul Cambacérès en trouva les dispositions fort sages;il demanda seulement que l'effet du privilége ne dépendit point de l'exactitude du conservateur. Il est utile de faire inscrire la créance du vendeur, disaitil, afin que chacun sache que l'immeuble est grevé, et qu'il n'y ait pas de surprise : quand la transcription atteste que le prix n'a pas été payé en entier, le public est suffisamment averti; ni les acquéreurs, ni les prèteurs ne peuvent plus être trompés. Toute inscription particulière devient donc inutile, et il n'y a pas de motif d'en faire une condition qui expose la créance du vendeur, si le conservateur est négligent. M. Treilhard proposa de déclarer que la trans cription vaudrait inscription pour la partie du prix

sous le prétexte que le Code civil dispose autrement que la loi de brum., sans violer cette der nière loi, et faussement appliquer la première.

qui n'aurait pas été payée; et M. Jolivet, sans combattre les opinions précédemment émises, demanda que le conservateur, afin que le registre des inscriptions ne demeurât pas incomplet, fut tenu d'y porter la créance du vendeur, sans cependant que l'omission de cette formalité pùt nuire à la conservation du privilége. L'article fut adopté avec ces amendemens.-Nous voyons donc que le conseil d'Etat persévéra à exiger la transcription du titre pour la translation de la propriété, et l'inscription pour la conservation de la créance. Que si l'accomplissement de cette dernière formalité ne fut pas rigoureusement exigé, c'est qu'on ne crut pas que cela fùt nécessaire pour avertir les tiers; mais toujours est-il vrai que conseil d'Etat exigea que le privilége du vendeur fût rendu public, afin que personne ne fùt induit en erreur, et qu'il voulut que la publicité résultât de la transcription, parce que ce n'était que du moment où cette formalité avait été remplie que l'acquéreur était propriétaire, et que des tiers pouvaient être trompés. La vérité de cette interprétation devient encore plus frappante, si l'on fait attention que l'article qui exige que le privilége du vendeur soit rendu public, déclare expressément que la transcription du contrat FAITE PAR L'ACQUÉREUR vaudra inscription pour le vendeur; or, comment peut-on concevoir

que le législateur ait dispensé l'acquéreur de faire transcrire son contrat, et qu'il ait néanmoins déclaré que le privilége du vendeur se conserverait par la transcription faite par l'acquéreur? Dira-t-on que l'acquéreur est obligé de faire transcrire au moins pour purger les hypothèques? Mais alors le privifége du vendeur ne sera connu que lorsque la connaissance n'en pourra plus être utile c'est-à-dire qu'on ne sera tenu de le rendre public que pour apprendre aux créanciers ou aux acquéreurs subséquens qu'ils ont été trompés.

personne;

Enfin, la transcription des actes translatifs de la propriété se trouve encore exigée par la disposition de l'art. 2180, relatif à la prescription des priviléges et hypothèques. Suivant les dispositions de l'art. 2227, il faut, pour pouvoir prescrire, une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriété; et suivant les art. 2265, 2266 et 2267, le temps de la prescription est de dix ou vingt ans, selon que le véritable propriétaire est présent ou absent, lorsque, de bonne foi, le possesseur jouit en vertu d'un titre valable dans la forme et translatif de propriété. Or, lorsqu'un individu possède un immeuble grevé d'hypothèque, dans quel temps prescrit-il l'action hypothécaire? Il la prescrit par le temps réglé pour la prescription de la propriété à son profit, et il prescrit la propriété par dix ou vingt ans, si c'est en vertu d'un titre qu'il possède; mais dans ce cas, la prescription ne commence à courir en sa faveur qu'à compter du jour qu'il a fait transcrire son titre. Lorsque la prescription suppose un titre, dit l'art. 2180, elle ne commence à courir que du jour où il a été transcrit sur les registres du conservateur. Or, s'il est vrai qu'on prescrit par dix ou vingt ans, toutes les fois qu'on possède en vertu d'un titre translatif de propriété, et qu'on ne peut pas prescrire de cette manière en vertu d'un titre qui n'a pas été transcrit sur les registres du conservateur, il s'ensuit nécessairement qu'un pareil titre n'est point translatif de propriété.

Mais ce n'est pas tout; si l'on décide qu'aujourd'hui la transcription n'est plus nécessaire pour transférer la propriété à l'égard des tiers, nonseulement on rendra sans effet les dispositions des articles précédemment cités, on sera conduit en

Pour les dames Clément on répondait. En général, la loi nouvelle s'applique dans tous les cas où elle peut être invoquée sans effet rétroac

core à donner à d'autres un sens absurde ou ridicule, et à violer ouvertement la volonté du législateur. Nous avons vu que, suivant l'art. 2103 du Code, le vendeur a un privilége sur l'immeuble vendu ; et que, d'après l'art. 2108, il conserve son privilége par la transcription du titre qui a transféré la propriété à l'acquéreur, et qui constate que la totalité ou partie du prix lui est due. Mais en obligeant le vendeur à rendre son privilége public, la loi ne lui accorde aucun délai à cet effet, et la raison en est simple: tant que la vente n'est pas transcrite, elle est à l'égard des tiers comme si elle n'existait pas, et par conséquent ils ne peuvent être trompés ni par l'acquéreur ni par le vendeur : aussitôt que la transcription est faite, le privilége du vendeur est public, et nul ne peut plus être trompé. Ce système était trop sage; il devait déplaire aux commentateurs; aussi n'ont-ils pas manqué de l'attaquer et de lui en substituer un de leur façon. Ils ont prétendu que l'acquéreur était propriétaire sans transcription, et que par conséquent il pouvait à son gré hypothéquer ou aliéner l'immeuble qu'il avait acquis; mais que le privilége du vendeur pouvait être inscrit pendant trente ans, au préjudice des créanciers et des acquéreurs; ce qui revenait à dire que la transcription était nécessaire, non pas pour conserver le privilége, ainsi que ledit l'art. 2108 du Code, mais seulement pour l'exercer. Ainsi, d'une formalité que le législateur avait établie pour prévenir les fraudes et dans l'intérêt des tiers acquéreurs ou des créanciers, on a fait une formalité sans objet, qui ne doit être remplie que lorsqu'elle ne peut plus être utile à personne.

Un autre inconvénient qui doit résulter du défaut de publicité des mutations, c'est qu'il ne sera plus possible de renouveler les inscriptions hypothécaires, ainsi que le prescrit l'art. 2154 du Code; ou que du moins le renouvellement n'atteindra plus le but que le législateur s'est proposé. Supposons, en effet, qu'un débiteur aliène des biens grevés d'hypothèque, et que, quelques jours après, ses créanciers aient besoin de renouveler leurs inscriptions; quel sera le débiteur qu'ils indiqueront dans leurs bordereaux? Sera-ce le débiteur originaire? Mais alors les biens se trouveront dans les mains du tiers détenteur, libres de toute hypothèque en apparence, quoique réellement affectés au paiement des dettes du vendeur, et par conséquent ceux qui contracteront avec l'acquéreur seront exposés à être trompés. Décidera-t on au contraire que les créanciers doivent indiquer dans leurs bordereaux le nom du tiers détenteur? Mais comment pourront-ils connaître qu'il y a eu aliénation, si les mutations ne sont pas publiques? On se trouvera donc placé dans cette alternative, ou de faire perdre les droits des créanciers qui ne connaîtront pas le tiers détenteur, et qui par conséquent ne pourront pas renouveler leurs inscriptions; ou de tolérer les fraudes qui résulteront de ce que le public croira libres des biens qui seront en effet hypothéqués.

A tous ces raisonnemens, quelles sont les objections qu'on oppose? On soutient, 1o qu'il n'existe aucune disposition dans le Code, qui exige expressément que les actes translatifs de propriété soient transcrits pour pouvoir être opposés à des tiers, et que les tribunaux ne peuvent, de leur chef, ordonner l'accomplissement d'une formalité qui n'est ni de l'essence ni de la nature des contrats; 2o qu'il existait dans le projet de loi sur les hypothèques une disposition qui ordonnait que tous les actes de

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