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Frankreich.

20. Feb. 1891.

et d'indépendance. || Le terrain une fois préparé, il ne manquait plus qu'un Nr. 11248. prétexte ou un encouragement pour que le mouvement se dessinât. Ce prétexte ou, si l'on veut, cet encouragement, les Arméniens le trouvèrent dans la nomination, au poste de Catholicos, de Monseigneur Kirimian, ancien patriarche arménien de Constantinople, exilé à Jérusalem à cause de son patriotisme.

Mes dépêches de l'année dernière vous ont tenu au courant des événements de Césarée et de Marsivan (janvier 1893), des arrestations qui suivirent, du procès d'Angora (Mai-Juin), de l'exécution de cinq condamnés (Juillet). Par sa rigueur, la Porte consacrait un mouvement qui compte à présent ses martyrs; par son entêtement à maintenir en Arménie un véritable régime de terreurs, arrestations, assassinats, viols, etc, elle semble prendre plaisir à hâter les événements. Il y a 15 jours, des troubles si graves ont éclaté à Yuzgat, qu'on parle, à la Porte même, de 500 victimes. A Sivas, notre Consul semble craindre une explosion prochaine. Et ainsi, quand le mouvement aura gagné tous les villages et que les autorités auront achevé d'exaspérer, par leurs exactions, une population inoffensive, tout d'un coup, d'Alep à Trébizonde et d'Angora à Erzeroum, pourront se produire des événements qui amèneront probablement l'intervention de l'Europe. | Voilà quelle est, au début de 1894, l'état exact de la question arménienne: Quelles solutions peut-on proposer ou prévoir à cet état de trouble? Une Arménie indépendante? Il n'y faut pas songer. L'Arménie ne forme pas, comme la Bulgarie ou la Grèce, un état limité par des frontières naturelles ou défini par des agglomérations de population. Les Arméniens sont disséminés aux quatre coins de la Turquie, et dans l'Arménie proprement dite, ils sont partout mélangés de musulmans. Ajoutez que l'Arménie est déjà morcelée entre la Turquie, la Perse et la Russie et qu'au cas, fort improbable, où, à la suite d'une guerre, l'Europe proposerait la création d'une Arménie, il serait presque impossible de fixer l'orientation du nouvel état. || Même difficulté si l'on se demande d'établir une province privilégiée jouissant d'une demi-autonomie. Où commence, où finit l'Arménie? Reste la promesse de réformes. Mais on sait ce que vaut en Turquie ce genre de promesses.

Pour introduire une réforme il faudrait d'abord tout réformer. Quant aux améliorations de détail qui auraient peut-être satisfait les Arméniens il y a dix ans, il est à craindre qu'ils ne s'en contentent plus maintenant. || Il n'y a donc pas de solution possible à la question arménienne; elle restera ouverte et les Turcs ne feront que l'envenimer par leur mauvaise administration et leur inertie. De temps en temps, un accès de brutalité éveillera des plaintes plus vives ou excitera des rébellions; la Presse européenne finira par se saisir de ces incidents sans cesse renouvelés, l'opinion publique en pays chrétien se prendra de compassion pour les persécutés, le mouvement restreint aujourd'hui à l'Angleterre et aux États-Unis gagnera les autres nations chrétiennes, le traité de Berlin sera remis sur le tapis et une intervention s'imposera. Sera-ce demain? sera-ce dans plusieurs années? nous ne pouvons déterminer aucune

Staatsarchiv LIX.

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Frankreich.

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Nr. 11248. date. Ce qu'on peut dire, c'est qu'en Turquie les situations les plus étranges se maintiennent très longtemps: il faut seulement s'attendre tous les jours à les voir craquer et ne pas s'en étonner. P. Cambon.

20. Feb. 1894.

Nr. 11249.

Nr. 11249. FRANKREICH. Der Vizekonsul in Erzerum an den
Minister des Auswärtigen. Unruhen in Sassun.
Erzeroum, le 31. août 1894.

Depuis quelque temps une certaine inquiétude règne dans les esprits à Frankreich. la suite de mesures récentes prises par les autorités militaires. La portion 31.Aug.1894. du contingent de l'armée active laissée dans ses foyers à la disposition de l'autorité militaire vient d'être appelée sous les drapeaux. Trois bataillons ont été détachés d'Erzeroum avec une batterie d'artillerie de montagne, trois autres bataillons d'Erzindjian, en tout environ 2,500 hommes; et ont reçu l'ordre de se rendre entre Mouch et Diarbékir, dans le district de Sassoun, pour y réprimer une sorte de révolte qui règne dans ces parages depuis fort longtemps déjà et qui menace de s'éterniser. Le canton de Sassoun, situé dans un centre extrêmement montagneux et d'un accès fort difficile, se compose d'une dizaine de villages habités principalement par des Arméniens. Rançonnés par des Kurdes qu'ils considéraient pour ainsi dire comme leurs suzerains naturels, les habitants de cette contrée n'ont jamais été soumis que nominalement aux autorités ottomanes. Il y a environ un an, les autorités provinciales décidèrent de mettre fin à cet état de choses et réclamèrent des impôts aux habitants; ceux-ci se sont fortifiés et se tiennent si bien sur la défensive qu'ils auraient même fait éprouver plusieurs échecs à quelques troupes, fort peu nombreuses d'ailleurs, envoyées contre eux. Tout dernièrement de nouveaux troubles auraient eu lieu dans ce même canton et un conflit assez sérieux, dit-on, aurait éclaté entre les habitants de Sassoun et des Kurdes voisins. Ce serait donc pour mettre fin une fois pour toutes à ce déplorable état de choses que les autorités militaires, sur des ordres venus sans aucun doute de Constantinople, auraient décidé d'envoyer des troupes en nombre suffisant pour châtier les rebelles: on dit que les bataillons expédiés à Sassoun cernent la contrée et ressèrent davantage de jour en jour leur cercle d'action. L'autorité cherche à cacher comme toujours le plus qu'elle peut tous ces pénibles incidents sans pouvoir toutefois ramener la tranquillité dans les esprits. A. Bergeron.

Nr. 11250.

Nr. 11250. FRANKREICH. Der Botschafter in Konstantinopel an den Minister des Auswärtigen. Die Botschafter der Mächte über die Sassuner Unruhen.

Péra, le 14 novembre 1894.

Les incidents sanglants dont la province de Bitlis a été le théâtre sont Frankreich. loin d'être oubliés malgré les efforts du Gouvernement ottoman pour les tenir 14. Nov.1894. cachés. Grâce à l'éloignement des régions où les massacres se sont produits

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14. Nov.1894.

et à l'absence sur les lieux d'agents étrangers, la Porte est parvenue à laisser Nr. 11250. planer un certain doute sur l'exactitude des rumeurs qui sont arrivées jusqu'aux ambassades à Constantinople. La provenance incertaine de ces nouvelles faisait hésiter à les accepter sans contrôle; leur gravité exceptionnelle méritait toutefois d'autres explications que les négations dans lesquelles la Porte s'est obstinée à se renfermer, et d'autres mesures que l'inertie dans laquelle elle est restée. Les renseignements recueillis par notre agent à Diarbékir concordent à peu de choses près avec ceux qui ont été reçus à l'Ambassade britannique. || L'Ambassadeur d'Angleterre est décidé à faire poursuivre une enquête; M. Shipley, drogman de l'Ambassade, est parti hier pour Erzeroum où il est allé faire une gérance du Consulat; mais il ira plus loin dans l'intérieur, et il a en réalité pour mission de se rendre un compte exact des faits reprochés aux troupes turques. Le colonel Chermside, attaché militaire, doit partir également sous peu de jours et se rendre dans la province de Bitlis où il poursuivra une enquête analogue. C'est le réveil probable de la question arménienne dans des conditions particulièrement inquiétantes pour le Gouvernement turc. || Le Sultan m'a fait demander mon avis. Je lui ai fait répondre qu'il y avait certainement des réformes à introduire dans l'Administration en Arménie, des actes coupables à réprimer, particulièrement de la part des régiments Hamidiés, son autorité souveraine à restaurer, son Gouvernement à faire sentir. Qu'il n'avait rien à craindre de l'enquête des agents anglais si lui-même se hâtait d'en confier une à des hommes considérables, respectés, jouissant de sa confiance et d'une autorité suffisante pour faire rentrer dans l'ordre les coupables, remettre les gens et les choses à leur place. || J'ai lieu de croire que mes collègues ont été également consultés et qu'ils ont tous fait entendre les mêmes conseils. M. de Nélidow a répondu dans les mêmes termes que moi. L'Ambassadeur d'Autriche, à qui j'ai fait connaître ma manière de voir, m'a dit: ,,Nous pensons tous de même". L'unanimité de ces sentiments chez les représentants des grandes puissances ne peut manquer de produire une impression sur le Sultan; il fera sans doute un effort dans le sens indiqué par tous, mais sa tentative sera très vraisemblablement insuffisante, et les effets en seront tout au moins de peu de durée. S'il met la main sur des hommes assez énergiques pour rétablir l'ordre et prendre de sages mesures, il ne trouvera pas les fonctionnaires civils ou militaires qu'il faudrait pour administrer avec équité; quelque incomplet que puisse être le résultat d'un pareil effort il devrait être tenté, car c'est le seul moyen pour le Sultan de faire marquer un nouveau temps d'arrêt à une question qui devient chaque année plus aigüe. P. Cambon.

Nr. 11251.

20.Nov.1894.

Nr. 11251. FRANKREICH.- Derselbe an Denselben. Ernennung einer türkischen Untersuchungskommission.

Péra, le 20 novembre 1894.

L'Ambassadeur d'Angleterre a suspendu le départ de l'attaché militaire Frankreich. anglais, qu'il était question d'envoyer faire une enquête en Asie-Mineure. Munir-Bey est venu de la part du Sultan m'annoncer qu'une Commission d'enquête allait partir pour l'Arménie et me faire connaître les noms des Commissaires nommés par Sa Majesté Impériale. Ce sont: || Le général de division Abdullah Pacha, aide de camp du Sultan; || Le général de brigade Tewfik Pacha, aide de camp du Sultan; || Eumer Bey, directeur de la Caisse d'épargne; Medjib-Effendi, chef de bureau au Ministère de l'Intérieur. || Les deux premiers et particulièrement le chef de la mission connu pour son honorabilité, ont une excellente réputation et sont un très bon choix. || Les motifs que le journal officieux turc le Tarik met en avant pour expliquer la nomination de cette Commission d'enquête, sembleraient d'autre part indiquer que sa mission ne sera pas sérieuse. || Elle se rend, dit-il, dans la province de Bitlis pour se livrer à une enquête au sujet des actes criminels commis par des brigands arméniens qui ont pillé et dévasté les villages". S'il en est ainsi, son but sera donc uniquement de confirmer la version que le Gouvernement ottoman a toujours cherché à faire prévaloir et de ne donner qu'une satisfaction apparente aux réclamations soulevées par les incidents sanglants de Sassoun. P. Cambon.

Nr. 11252. Frankreich. 24. Nov.1894.

Nr. 11252. FRANKREICH. Der Konsul in Erzerum an den
Minister des Auswärtigen. Die Unruhen in Sassun.
Massregeln der türkischen Regierung gegen die
Kurden.

Erzeroum, le 24 novembre 1894.

Dans un rapport en date du 31 août dernier, j'avais cru devoir signaler à Votre Excellence l'inquiétude qui régnait dans les esprits au sujet des événements qui se passaient dans le canton de Sassoun, où l'on venait d'envoyer une quantité de troupes assez considérable pour réprimer un mouvement qui venait d'éclater, disait-on, parmi les habitants de cette région. Ces nouvelles se trouvent confirmées par les renseignements que j'ai reçus depuis lors. | Vers le commencement de l'été, des Kurdes nomades tombèrent à l'improviste sur les Sassounlis, leur tuèrent un homme et se livrèrent au pillage. Des représailles suivirent de près cette razzia. || Les Kurdes portèrent plainte auprès des autorités contre les Sassounlis. || Sur un ordre adressé au muchir Zéki Pacha, commandant le 4° corps d'armée à Erzindjian, plusieurs escadrons Hamidiés (6,000 cavaliers, dit-on) et une dizaine de bataillons d'infanterie, en tout 12,000 hommes ont été dirigés sur le Sassoun. || Ce fut alors que se

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24. Nov. 1894.

produisirent les événements qui ont ému l'opinion publique. || Le corps ex- Nr. 11252. péditionnaire pénétra dans le canton de Kavar, limitrophe de celui de Sassoun et habité uniquement par des Arméniens: la population tout entière des trois premiers villages fut passée au fil de l'épée et le feu mis à toutes les maisons. Affolés par ces atrocités, les habitants des vingt-trois autres villages dont se compose le canton de Kavar prirent la fuite avec leurs familles et se réfugièrent en partie à Sassoun; le plus grand nombre se dirigea vers Diarbékir; mais presque tous ces malheureux furent massacrés par les Hamidiés lancés à leur poursuite. || Attaqués à leur tour, les Sassounlis se défendirent avec énergie pendant près d'un mois; mais ils durent livrer leurs villages les uns après les autres. Les villages furent détruits, les habitants massacrés; un très petit nombre de ces malheureux aurait pu trouver le salut dans la fuite. On parle de milliers de victimes et à l'heure actuelle le Sassoun ne serait plus qu'un monceau de ruines. || Si ces faits sont réels, quels sont donc les véritables ordres qui ont été donnés pour réprimer les troubles de Sassoun? La troupe aurait-elle pu se livrer à de tels actes sans y avoir été, sinon encouragée, du moins autorisée tacitement? Et sur qui doit retomber la responsabilité d'une aussi sanglante répression? Pourquoi le Gouvernement a-t-il gardé constamment le plus grand mystère sur tous ces événements? Pourquoi tous les fonctionnaires semblent-ils avoir reçu comme mot d'ordre de ne point parler des faits qui viennent d'avoir lieu? Et, juste à cette époque, pour donner le change à l'opinion publique, les journaux de Constantinople annonçaient que le Muchir Zéki Pacha venait de faire une tournée d'inspection et de visiter les dépôts de la cavalerie Hamidié. A son retour de Mouch, où il était arrivé d'ailleurs au moment où tout était terminé, il recevait de S. M. le Sultan l'ordre du Liakat. || Le Vice-Consul anglais à Van s'était rendu dernièrement à Mouch et à Bitlis pour essayer de pénétrer dans le Sassoun, afin de se rendre compte de visu de la situation exacte de la contrée. A Mouch et à Bitlis, les autorités le firent surveiller de si près par la police qu'il ne put communiquer, pour ainsi dire, avec personne. Lorsqu'on apprit son intention de se rendre à Sassoun, on établit immédiatement des cordons sanitaires sur plusieurs points, afin de l'empêcher de passer, et force lui fut, en présence de tous ces obstacles qui se dressaient devant lui, de rebrousser chemin et de rentrer à Van. || Que conclure de toutes ces précautions prises par les autorités et quel intérêt peut bien avoir le Gouvernement à interdire l'entrée du Sassoun si rien d'extraordinaire ne s'y est passé ? Une telle mesure laisse le champ libre à toutes les suppositions. || Depuis le mois dernier, un revirement vient de se produire dans la politique du Gouvernement qui avait jusqu'à ce jour fermé les yeux sur tous les méfaits commis à chaque instant par les Kurdes et par les Hamidiés. || A la suite probablement d'une entente entre le Vali et le Muchir du 4° corps, entente qui n'a dû avoir lieu que sur un ordre spécial venu de Constantinople, Emin Bey, colonel de la gendarmerie, accompagné d'un lieutenant-colonel de l'armée, a été envoyé à la

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