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Racan.

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Je fuis, en me perdant, l'auteur de tant de pertes;
Je n'ai plus foin de rien, mes terres font défertes;
Tandis qu'en ces forêts tout feul je m'entretiens,
Je laiffe mon troupeau fur la foi de mes chiens.
Mes doigts appefantis ne font plus rien qui vaille,
Ni des chapeaux de jonc, ni des paniers de paille;
A peine me fouviens-je, en voyant ces rofeaux,
D'avoir fçú compaffer les trous des chalumeaux.
Autrefois mes travaux n'étoient pas inutiles,
Ma befogne avoit cours dans les meilleures villes;
Jen rapportois toujours, en revenant au foir,
Quelque piece d'argent au coin de mon mouchoir.
Il faut enfin quitter cette humeur folitaire,
Et reprendre le train de ma vie ordinaire;
Chaffer de mon efprit ces inutiles foins,
Qui ne veulent avoir que les bois pour témoins;
Mépriser à mon tour celle qui me méprise,
Et rompre fa prison pour ravoir ma franchise.

Mais, ô Dieux! qu'ai-je dit? Amour, pardon-
ne moi,

Je ne puis ni ne veux jamais vivre fans toi:
Quand je parle autrement, je fuis hors de moi
même;

Contre une Déïté je commets un blafphême:
Je te vois dans fes yeux plus puiffant que jamais:
Fais ce que tu voudras, à tout je me foumets;
Auffi-bien ma raifon ne m'en fçauroit défendre:
*) Le falut des vaincus eft de n'en plus attendre.

Choeur de Bergers.

Toujours la colere des cieux
Ne tonne pas deffus nos têtes;
Toujours les vents feditieux

N'enflent pas la mer de tempêtes:

Toujours

*) Ce Vers est une heureuse traduction de celui-ci de Vir

gile:

Una falus victis nullam fperare falutem.

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Segrais.

Segrais.

(Jean Renaud Segrais, geboren 1625, gestorben 1701, gab der Hirtenpoesie seiner Nation eine reinere, eds lere Schreibart, als sie bisher gehabt hatte, und suchte darin auch der Natur und Schicklichkeit getreu zu bleiben. Nicht immer aber war er glücklich genug, die dem Schäfers dichter so gefährliche Klippe einer allzu poetischen Darstel lung und Diktion zu vermeiden; und es gehört Nachsicht gegen manche und öftre Mängel dieses Dichters dazu, wenu man mit Boileau ihm das Zeugniß geben will:

Que Ségrais, dans l'Eclogue, enchante les forêts.)

URANI E.

Eclogue, à Monfieur le Marquis de Gamaches

Sur les Rives de l'Orne, un Berger amoureux
Songeant aux cruautez de fon fort malheureux,
Tourmenté de fes maux, accablé de fes, chaînes,
Cherchoit une retraite à foûpirer fes peines,
Lorsqu'aveuglé de pleurs, plein de divers foucis,
Tous fes fens de trifteffe étouffez et tranfis,
Et guidé feulement de fa douleur profonde,
Il fe trouva conduit au plus beau lieu du monde.

Dans un bois écarté, dont les ombrages verds Ne fentirent jamais la rigueur des Hyvers,

Au pied d'un haut rocher, qui femble dans les

nuës

Vouloir cacher l'horreur de fes pointes chenuës,
Eft une Grotte fombre, où Nature fait voir
Un effai merveilleux de fon divin pouvoir;
ой par mille beautez que fa main liberale
Dans ces aimables lieux confufement étale,
Elle a voulu montrer fans étude et fans fard,
Combien fes ornements font audeffus de l'Art,

C'eft

C'eft-là que le Zéphir a placé fon empire,
C'est dans ce beau féjour que pour Flere il foupire.
Ni les âpres frimats, ni les grandes chaleurs
N'y terniffent jamais le bel émail des fleurs:
Des bruians Aquilons les rapides haleines
N'y troublerent jamais le criftal des fontaines,
Qui fur un gravier d'or font écouler leurs eaux
Et proche du Rocher forment deux clairs ruif-
faux,

"

Qui paffant au travers de cette Grotte obfcure,
Mouillent les bords d'un lit de mouffe et de ver-
dure,

Où leur murmure lent invite à fommeiller
Ce que les plus grands foins forceroient de veiller.

Certes d'un fi beau lieu les fecrettes amorces
Pour charmer les douleurs avoient affez de forces,
Et devoient amoindrir celles de ce Berger:
Mais, las! il n'y venoit qu'afin de f'affliger,
Et cherchoit feulement ces belles folitudes
Pour fe donner en proie à fes inquiétudes.

Ce fut-là que d'abord fon cruel fouvenir
De tous fes maux paffez le vint entretenir,
Lui mit devant les yeux l'histoire de fa vie,
Avec tous les malheurs dont elle étoit fuivie,
Lui fit voir de fon fort l'implacable rigueur,
Ses Troupeaux devorez, ou fechez de langueur,
Ses Vergers languiffans, fes Cabanes brûlées,
Ses meilleurs Champs en friche, et fes Moiffons grê-
lées,

Et toute fois encore il f'eftimoit heureux

Tant qu'il fe vit exempt des foucis amoureux.

Mais, hélas! quand après tant de fujet de

plaintes,

1

Amour, pour lui porter de plus rudes atteintes,
Lui mit devant les yeux les céleftes apas
De la rare beauté qui caufoit fon trépas,
Et lui répresenta combien peu d'efperance

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Segrais.

Segrais., Devoit accompagner fon extrême fouffrance; Qu'il répandit de pleurs, qu'il poussa de foûpirs! Enfin gelé de crainte et brûlé de defirs,

Il voulut exprimer fa douleur infinie.

O trop belle! (fans doute il eut dit Uranie)
Mais le puiffant respect qui regnoit dans fon coeur
Défendit à fa voix de nommer fon Vainqueur;
Et plus cruel encor que fon martire même,
Voulut qu'il en eclât la violence extrême,
Doutant fi ce Rocher, cet Antre, et ces Forêts,
Pour en être témoins étoient affez fecrets.

O! combien en fon ame il forma de penfées.
Et combien auffi-tôt en furent effacées!
O! combien il conceut de funeftes deffeins,
Qui tous contre fa vie exciterent fes mains!
Certes, de moins de fruits nous enrichit l'Autonne,
L'Eté de moins d'epices nos Campagnes couronne,
L'Hyver a moins de vents, le Printemps moins de
Aeurs

Qu'il ne fentit alors de mortelles douleurs:
De fombres defespoirs tous fes fens f'occupérent,
La rage et la fureur à l'envie l'attaquerent,
Et fon efprit, emû de leurs rudes transports,
Fut cent fois fur le point d'abandonner fon corps:
Il le croïoit du moins, lorsqu'en la forte idée,
Dont fon amour tendoit fon ame poffedée,
Il penfa que fa Nymphe avec tous fes apas
Dans ce lieu folitaire eût adreffé fes pas.
Ses yeux foibles déja de verfer tant de larmes
Crurent être éblouïs de l'éclat de fes charmes,
Ses fentimens perdus, fes efprits diffipez
De leur perçans raïons crurent être trapez:
Même il f'imagina, que de cet antre fombre
Leur fplendeur banniffoit et la fraîcheur et l'om-
bre;

L'air qu'il y refpiroit lui fembloit allumé,
Et c'étoit fes foûpirs qui l'avoient enflamé.

Ce n'est pas toutefois qu'en fon ame infenfée,'
Il ofât concevoir la fuperbe pensée,

Que

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