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RECUEIL GÉNÉRAL

DE

JURISPRUDENCE

ROYAUME DE BELGIQUE

1889

[re PARTIE.

ARRETS DE LA COUR DE CASSATION.

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19 décembre 1854, la cour de Bruxelles a rapproché ces expressions de celles d'autres dispositions de la même loi, et décidé que la définition des biens communaux, donnée par l'article 542 du code civil, est étrangère à l'ordre d'idées dans lequel s'est placé le législateur de 1854. C'est là, évidemment, statuer en droit et non en fait.

<< Vainement les défendeurs invoquent-ils ici votre arrêt du 3 novembre 1884 (2). La décision dénoncée à cette époque disait, en principe, qu'il était du devoir de l'administration poursuivante de prouver que le bois dans lequel le délit aurait été commis est soumis au régime forestier. Elle estimait que cette preuve n'était pas faite, le bois dont il

s'agissait appartenant aux princes de Chimay.

Pour le surplus, l'arrêt ne faisait pas connaître le genre de preuve auquel l'administration avait eu recours; il n'énonçait même pas qu'elle eût essayé de faire une preuve quelconque. Dans ces circonstances, vous avez jugé qu'après avoir décidé souverainement que l'administration n'avait pas fait la preuve qui lui incombait, la cour d'appel avait justement conclu qu'elle ne justifiait

2) PASIC., 1884, 1, 324.

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pas du fondement de son droit. Et, en vérité, le recours, tel qu'il se produisait en 1884, ne pouvait pas recevoir un autre accueil.

<< Bien différente est la situation actuelle. L'administration a cherché à prouver que le bois dont il s'agissait au procès était soumis au régime forestier. Elle a fait sa preuve en invoquant exclusivement des considérations de droit; et l'arrêt attaqué les fait connaître en les combattant. La question se présente donc aujourd'hui tout autrement qu'en 1884; la cour de cassation en est régulièrement saisie, et il entre dans ses attributions de l'examiner.

«Au fond: l'article 1er, no 2, de la loi du 19 décembre 1854 soumet au régime forestier « les bois et forêts des communes >>.

« L'arrêt attaqué décide que la loi entend exclusivement par ces expressions les bois et forêts qui appartiennent aux communes en toute propriété.

« Le pourvoi soutient que la disposition de l'article 1er comprend aussi les bois et forêts sur lesquels la commune a, comme dans l'espèce, des droits d'usage qui absorbent tous les produits de la superficie.

<< Nous estimons que cette dernière interprétation est la bonne.

«Si, à toutes les époques, les bois des communes ont été régis par l'administration, c'est parce que « lorsqu'une génération << d'habitants se trouve en jouissance des bois <«< communaux, elle cherche, en général, à << retirer de cette jouissance la plus grande << quantité possible de produits, sans s'in«quiéter des conséquences que cette percep«<tion exagérée peut avoir pour l'avenir de «la forêt». (MEAUME, Des droits d'usage dans les forêts, t. II, no 431.)

«L'avenir de la forêt, voilà, en effet, le grand et unique intérêt qui a dicté les dispositions des législations forestières qui se sont succédé. La loi du 19 décembre 1854 n'a pas d'autre but. A ce point de vue, il importe assez peu de savoir qui est propriétaire du sol de la forêt la chose intéressante est de savoir quel est celui qui a le droit d'absorber tous les produits de la superficie, car celuilà est seul en mesure de nuire à l'intérêt général que la loi a voulu protéger. Partant, si c'est à une commune ou à un établissement public que des droits aussi étendus ont été concédés, toutes les raisons qui justifient la haute tutelle exercée par l'Etat sur l'administration de cette partie de leurs biens s'appliquent à cette situation avec autant de force que si, outre le droit de plein usage des produits forestiers, la commune avait encore la propriété du sol.

«Il en a toujours été ainsi. L'article 1er du titre XXV de l'ordonnance de 1669 sou

mettait au régime forestier tous les bois dépendants des paroisses et des communautés. Et chaque fois que les communes en avaient le plein usage, leurs bois et forêts étaient régis par l'administration forestière (1).

«Le législateur de 1854 a-t-il entendu abandonner ce grand intérêt public et rompre avec un passé séculaire? Rien ne permet de le supposer. On invoque le texte de l'article 1er, no 2, de la loi portant que les «< bois « des communes » sont soumis au régime forestier. Mais, pour la législation forestière, le bois dont une commune a le droit d'absorber tout le produit forestier n'est-il pas véritablement un bois de la commune? La propriété du sol même n'ajouterait rien à son droit d'user de la forêt. Cette propriété, destituée de son attribut principal: l'absorption des produits de la forêt, est chose étrangère aux préoccupations du législateur de 1854.

« On ajoute qu'il serait peu conforme au langage juridique d'appeler bois communal le bois dont la commune n'aurait pas le droit de disposer de la manière la plus absolue, conformément à l'article 544 du code civil. La qualification serait peut-être contraire au langage du droit civil, mais non à celui du langage administratif. Si l'on tient compte de l'ordre de choses organisé par la loi de 1854, on comprend aisément que les mots bois des communes aient pu être employés dans notre disposition sans impliquer nécessairement que la commune dût avoir sur ces bois le droit de propriété défini par le code civil. On se conforme, au contraire, aux règles de l'interprétation rationnelle en donnant à ces mots le sens qui s'harmonise le mieux avec l'objet de la loi.

«Trouve-t-on, d'ailleurs, dans le code civil une précision aussi rigoureuse dans les termes? Le même mot, employé dans le même texte, a-t-il toujours la même signification? Prenons, par exemple, l'article 542 de ce code. Il s'y agit précisément du droit d'usage dont nous nous occupons ici. Aux termes de cette disposition, les biens communaux sont ceux à la propriété où au produit desquels les habitants d'une commune ont des droits acquis. Il suit de là qu'un bois dont la commune est propriétaire est un bien communal, et que, d'autre part, un bois au produit duquel elle a droit seulement est aussi un bien communal. Nous savons que la définition a été critiquée. On a dit que, dans ce dernier cas, le bien communal consiste, non dans le bien assujetti à l'usage, mais dans le droit

(1) LATRUFFE, Traité des droits des communes sur les biens communaux, t. Ier, p. 415.

d'user de ses produits. L'observation est juste, mais elle ne renverse pas notre argument. Et, en effet, si en traitant des biens de la commune le législateur du code civil a qualifié lui-même de bien communal un bien dont la commune n'a que le produit, on ne saurait s'étonner qu'en réglant ce qui est d'intérêt forestier, le législateur ait appelé aussi bois des communes les bois dont tout le produit forestier appartient à la com

mune.

«En présence de la législation antérieure, des intérêts particuliers que la loi de 1854 protège, et de son texte même, il faut donc admettre que les expressions bois des communes de l'article 2, no 2, ne sont nullement Synonymes de bois appartenant aux commanes en pleine propriété.

S'il en est ainsi, les mots que l'arrêt releve dans le n° 3 et dans l'article 3 n'ont plus d'importance au procès. Ce n'est pas, en effet, parce que les bois dont la propriété est indivise entre communes et particuliers sont soumis au régime forestier, et parce que les bois appartenant aux particuliers n'y sont pas soumis, que les expressions bois des communes du n° 2 devront recevoir un sens qu'elles ne comportent ni historiquement, ni Logiquement.

Il va de soi que nous n'entendons soumettre au régime forestier que les bois semblables à ceux décrits par l'arrêt, c'est-àdire les bois dans lesquels la commune a un droit d'usage absorbant tous les produits de la superficie. Si l'usage était spécifié ou s'il pouvait être limité, en un mot s'il rentrait dans la catégorie des droits d'usage régis par le titre IX du code forestier, la forêt qui y serait assujettie resterait évidemment soumise au régime qui lui est propre.

Il importe de remarquer que le titre IX ne traite que des usages partiels. Pour justider les dispositions présentées à cet égard, la commission gouvernementale avait dit : On peut affirmer qu'au moment de la concession il n'a pu entrer dans l'idée d'aucune des parties que les usages puissent, à ⚫ aucune époque et quel que soit leur accroissement, enlever la totalité des fruits au propriétaire. » Dans le rapport fait à la chambre des représentants le 4 février 1852, M. Orts a protesté également contre les abus aés des usages sans limites. «Tolérer l'exereice illimité de ces droits », disait-il, c'est tuer la forêt (1). » De là, l'article 84 de la loi, qui interdit toute concession de droits d'usage dans les forêts de l'Etat, des communes et des établissements publics, et

1) Annales parlementaires, 1851-1832, p. 529.

l'article 87, qui permet de réduire l'exercice des droits d'usage suivant l'état et la possibilité des forêts.

« Ces dispositions sont certainement excellentes, et la seconde s'applique aux bois des particuliers comme aux bois de l'Etat, des communes et des établissements publics. Seulement, s'il était permis au législateur de supposer qu'un particulier n'aurait jamais accordé à l'usager le droit d'enlever la totalité des fruits de ses bois, pareille supposition doit céder devant la preuve contraire. Le particulier, propriétaire d'une forêt, était libre de faire à un tiers toutes les concessions imaginables et de ne conserver pour lui que les attributs de la propriété qu'il lui convenait de retenir. De pareilles conventions relèvent exclusivement du droit privé. C'est ce que l'Exposé des motifs de la loi de 1854 rappelait dans les termes suivants : « Les dispositions réglant <«<les rapports entre le propriétaire et l'usa«ger ne pourraient être introduites dans la «<loi et avoir effet quant aux droits existants << sans porter atteinte au principe de la non« rétroactivité des lois, et sans trancher des << difficultés que le pouvoir judiciaire a seul «mission de juger; et en ce qui concerne «<les droits à concéder dans l'avenir, ces « dispositions seraient complètement inu<< tiles (2). »

« Pour déterminer l'étendue du droit d'usage concédé aux communes sur les bois des princes de Chimay et les conséquences juridiques qui en dérivent, il faut donc s'en rapporter exclusivement aux actes intervenus entre parties, interprétés par des décisions de justice que l'arrêt attaqué interprète à son tour. Or, le droit d'usage qu'il définit dans l'espèce, celui qui absorbe tous les produits de la superficie, est essentiellement différent des droits d'usage partiels réglés au titre IX de la loi. Que l'on donne à ce droit de plein usage le nom que l'on voudra; par cela même qu'il embrasse la perception de tous les produits forestiers, il équivaut, au point de vue de la loi forestière, au droit de propriété plein et entier. La convention des parties a fait du bois aussi complètement assujetti un véritable bois communal rentrant dans les prévisions de l'article 1er, no 2, de la loi. Enfin, il n'y a aucune inconséquence à placer des bois de l'espèce sous le régime forestier, tandis que les bois soumis à des usages partiels sont régis par le titre IX de la loi. Il est naturel, au contraire, que des bois assujettis à des droits aussi différents soient placés sous des régimes différents,

(2) Annales parlementaires, 1850 1851, p. 1672.

chacun de ces régimes étant approprié à l'objet auquel il s'applique. »>

Conclusions à la cassation avec renvoi.

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le premier moyen, accusant la violation de l'article 1er, no 2, de la loi du 19 décembre 1854, en ce que l'arrêt dénoncé refuse de considérer comme bois de commune, soumis au régime forestier, un bois dans lequel la commune a droit à tous les produits de la superficie:

Considérant que l'arrêt dénoncé constate en fait que la ville de Chimay n'est pas propriétaire des bois dont il s'agit, mais qu'elle à des droits d'usage qui absorbent tous les produits de la superficie; que la question résolue par la cour est une question de droit, puisqu'elle en a cherché la solution dans l'interprétation de l'article 542 du code civil mis en rapport avec les dispositions spéciales de la loi du 19 décembre 1854; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par la partie défenderesse;

Au fond:

Considérant qu'au point de vue de la législation forestière, il n'est pas nécessaire pour qu'un bois soit communal que la propriété du sol appartienne à la commune; qu'à la vérité, il résulte de la combinaison des articles 1er, 3 et 178 de la loi du 19 décembre 1854, qu'un bois appartenant à un particulier peut se trouver grevé de droits d'usage au profit d'une commune sans être soumis pour cela au régime forestier; mais qu'il n'en est ainsi que pour autant que ces droits d'usage soient restreints et n'aillent pas jusqu'à attribuer à la commune la jouissance perpétuelle de tous les produits de la superficie; que la distinction existait déjà sous l'empire du droit ancien, où l'on voit que les bois qui dépendaient des communes en droit de plein usage tombaient sous l'application des règles de police, d'aménagement et d'administration édictées par le titre XXV de l'ordonnance de 1669; que, lors de la confection de la loi de 1854, le législateur n'a manifesté nulle part l'intention d'innover sur ce point; et qu'il n'y avait, d'ailleurs, aucune raison d'innover, puisque, d'une part, quand la commune absorbe la totalité des produits de la superficie, tout ce qui a nature de bois est à la commune, et qu'ainsi, dans le langage administratif, la qualification de bois des communes est littéralement exacte; d'autre part, que c'est en vue non pas du fonds ou du tréfonds, mais bien des produits superficiels du bois que sont établies les dispositions tutélaires du code forestier, de

sorte qu'en vertu du texte de la loi, aussi bien que des motifs qui l'ont inspirée, il faut appeler bois des communes ceux qui, comme dans l'espèce, sont grevés d'un droit de plein usage au profit des communes ;

Considérant, dès lors, qu'en refusant de soumettre ce bois au régime forestier et en déniant à l'administration des eaux et forêts qualité pour poursuivre la réparation des infractions qui y ont été commises, l'arrêt dénoncé contrevient à l'article 1er, no 2, de la loi du 19 décembre 1854;

Par ces motifs, casse.. ; renvoie la cause à la cour d'appel de Liège.

Du 15 octobre 1888.2 ch. - Prés. M. le chevalier Hynderick, président. - Rapp. M. Cornil. Concl. conf. M. Mélot, premier avocat général. Pl. MM. Bilaut et Anspach-Puissant.

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« Le procureur général, agissant d'après les instructions de M. le ministre de la justice, en vertu des prescriptions de l'article 443 du Code d'instruction criminelle, a l'honneur de vous exposer que par jugement par défaut du 4 juin 1888, le tribunal correctionnel de Termonde a condamné Léonard Van Hal, âgé de 46 ans, matelot à Burght, domicilié à Zwyndrecht, à une amende de 15 francs du chef d'injures verbales adressées le 18 mars à Zwyndrecht, au sieur Henri Moortgat.

« Ce jugement fut signifié au condamné le 15 juin.

« Cependant le tribunal de police du canton de Beveren, par jugement contradictoire du 1er août 1888, condamna à une amende de 5 francs pour le même fait, le nommé Liévin Van Ulle, âgé de 48 ans, matelot domicilié à Zwyndrecht.

(1) Cass., 9 janvier 1838 (PASIC., 1888, 1, 74%: Belg. jud., t. XXXV, p. 143.

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