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le faire, une foule de points contenus dans les Annales des Daïri. C'est une des plus vastes et des plus belles entreprises de notre siècle, destinée à faire connaître la partie la plus orientale de l'Asie moyenne.

Un ouvrage aussi rempli de détails que les Annales des Daïri exigeait d'être accompagné d'une table alphabétique très-détaillée. C'est M. LANDRESSE, un des bibliothécaires de l'Institut de France, et éditeur de la Grammaire japonaise du P. Rodriguez, publiée par la Société asiatique de' Paris, qui s'est chargé de cette tâche, et il s'en est acquitté avec cette exactitude qui caractérise tous ses travaux. Je me plais à lui exprimer ici ma reconnaissance particulière, pour ce surcroît d'utilité qu'il a ajouté à l'ouvrage que j'étais chargé de publier.

Paris, ce 20 mai 1834.

J. KLAPROTH.

APERÇU

DE

L'HISTOIRE MYTHOLOGIQUE

DES JAPONAIS,

PAR M. KLAPROTH.

L'HISTOIRE fabuleuse, ou plutôt la mythologie des Japonais, donne à leur empire une antiquité démesurée; elle fait régner la première dynastie divine des cent mille millions d'années, et place le commencement de la seconde 836,702 ans avant notre ère. Cependant les gens instruits au Japon ne font aucun cas de ces chimères, et avouent que l'origine de leur nation est enveloppée de ténèbres qu'il paraît impossible de dissiper entièrement. L'opinion la plus répandue et la plus probable est, non pas que le Japon a été peuplé par des Chinois, mais que ses aborigènes ont été civilisés par des colonies de cette nation qui y sont arrivées à différentes époques. M. Titsingh, dans un manuscrit hollandais fort court et peu utile sur l'antiquité des Chi

nois, cite la colonie qui fut conduite au Japon par Go-no Taï fak, c'est-à-dire par l★ Thaï pě du pays de Ou; et il rapporte à cette occasion le 伯太 passage suivant, extrait d'un ouvrage japonais, mais mal rendu par lui ou plutôt par ses interprètes; car il ne savait lire ni le japonais ni le chinois : « Gố «tan (Koung than), grand-père de Bou wo (Wou wang), eut trois fils; l'aîné fut « Go-no Taï fak (Ou Thaï pě), le second Tsiou yeï (Tchoung young), et le « troisième Ki riak (Ki lỹ). Ce dernier succéda à son père, et son fils devint empereur sous le nom de Bou wo (Wou wang). Quand Ki riak monta sur le « trône, ses deux frères aînés se coupèrent les cheveux et se piquèrent des

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figures sur les bras qu'ils frottèrent d'une matière noirâtre; puis ils se reti

« rèrent dans une contrée située à l'est de la Chine. Go-no Taï fak, après sa

« fuite de la cour, se rendit d'abord dans le pays de Go (Ou), la Chine méri

dionale, où il s'arrêta pendant quelque temps dans le village Baï ris son.

«En le quittant, il prit avec lui plusieurs des habitans et les conduisit au

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« Japon. Il aborda dans la province de Fiouga, voisine de celle de Satsouma, et résida dans un temple appelé Taka tewo. Sa première demeure fut dans les « rochers. La terre était alors couverte d'insectes volans, de deux pouces de « long, nommés tsou sou ga1, dont la morsure était mortelle. Ses compagnons « vivaient dans des trous qu'ils creusaient sous terre. Mais à mesure que le "pays fut défriché et cultivé, ces insectes disparurent, On prétend qu'ils ont donné l'origine à la phrase par laquelle, au Japon, quand quelqu'un s'in« forme de l'état de votre santé, on lui répond, Tsou sou ga nakou, je n'ai pas de Tsou sou ga, c'est-à-dire, je me porte bien. »

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Go-no Thaï fak, ou prononcé à la chinoise Ou Thaï pě, était en effet le fils aîné de 王太 Thai Kou koung, roi de Tcheou, dont la capi

Thai wang
wang ou

tale était Khi tcheou, ville située dans la partie septentrionale de la province Ki lý (le Ki riak des Japonais),

actuelle de Tchỹ li. Son frère cadet qui régna plus tard sous le nom de Wang ki, et fut le père de Wen wang, naquit, selon les auteurs chinois, en 1283 avant J. C., et parvint au trône en 1230. Thaï pé, qui lui céda volontairement le trône, s'expatria alors avec son frère Tchoung young où † Yu tchoung, ainsi 570 ans avant la 1a année du règne de Zin mou ten o; époque sur laquelle les Japonais n'ont aucun doute, et qu'ils prennent pour base de toute leur chronologie. On voit donc que Ou Thaï pě ne pouvait être le même personnage que Zin mou, et qu'il doit y avoir erreur dans la traduction de M. Titsingh.

Thaï pě, et son frère Tchoung young, qui se trouvaient alors sur le mont Heng chan pour y cueillir des plantes médicinales, allèrent chez les # King man, peuple à moitié barbare, habitant sur les bords du Kiang, dans le département actuel de King tcheou fou, dans le Hou pě. Ces King man se tatouaient le corps et se coupaient les cheveux (usages que les anciens Chinois ne suivaient pas). Ils choisirent Thaï pě pour leur chef, qui donna à sa nouvelle principauté le nom de Keou Ou. Comme il mourut sans enfans, le fils de son frère lui succéda. Le petit-fils de celui-ci vivait à l'époque de la destruction de la dynastie de Chang parWou wang, qui, en 1122 avant J. C., le fit roi de Ou; mais dans un pays différent et situé dans le département actuel de Sou tcheou fou, province de Kiang nan. Les descendans de ce prince,

(1) C'est en vain que j'ai cherché le nom de cet insecte dans les lexiques et vocabulaires japonais qui sont à ma disposition; il ne se trouve

pas non plus dans la grande Encyclopédie japonaise.

nommé

Tcheou tchang, y régnèrent pendant 659 ans, jusqu'en 473 avant notre ère, époque à laquelle leur territoire fut conquis par le roi de 越 Yue. Fou tchha, dernier roi de Ou, se pendit alors pour ne pas survivre à la perte de ses états. Voici ce que l'auteur du Thsian pian, ou de la première partie du Thoung kian kang mou, ajoute à cette occasion : « On compte « dans le royaume de Ou, depuis Thaï pë jusqu'à Fou tchha, vingt-six généra«tions. Les rois du Japon de nos jours sont aussi regardés comme descendans « de Ou Thaï pě. Après la destruction de ce royaume, les fils, les petits-fils et la parenté du dernier roi de Ou, mirent en mer, et devinrent les { Wo « ou Japonais 1.

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Ce passage des livres chinois est le seul qui soit relatif à la descendance des Japonais ou de leurs princes de la famille de Ou Thaï pě. Mais comme le Thsian pian ne place l'expatriation de cette dernière qu'à la conquête de leur royaume par les Yue, en 473 avant J. C., ou 188 ans après l'avènement de Zin mou ten o, il est clair que celui-ci ne peut passer pour descendre de ces émigrés chinois, qui néanmoins peuvent avoir conduit une colonie au Japon. Aussi le rédacteur de la grande Encyclopédie japonaise, si habilement analysée M. Abel-Rémusat, s'écrie-t-il : « Pour ce qui regarde la supposition que Zin « mou ten o soit descendant de Go-no Taï fak (Ou Thaï pe), elle est de toute fausseté et inventée du temps des Thang. » Il déclare également que l'opinion de l'auteur du Thsian pian, que je viens de rapporter, n'est que du 談墨 (mě than) ou bavardage d'écrivain.

par

Kaïbara Tok zin, auteur d'une Histoire des origines japonaises, cite, à l'endroit où il parle des premières habitations humaines1, un passage de Son ken (Sun hian), autre écrivain japonais, qui dit : « Après la création du monde, les << hommes demeurèrent d'abord en plein air; mais y étant exposés aux effets « du vent, de la pluie et de la chaleur, le besoin leur apprit à creuser des ca« vernes dont ils préférèrent le séjour, malgré l'humidité de la terre, qui leur «< causa des maladies.

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Son ken ajoute qu'il a parcouru tout l'empire pour en examiner les diverses localités. C'est dans la partie la plus escarpée des montagnes, et sur-tout dans des lieux éloignés des villes, qu'il trouva un grand nombre de cavernes dont l'intérieur était garni de grosses pierres. Ces antres avaient leur ouverture du côté du sud, et se composaient ordinairement de deux ou trois compartimens. Il en vit des milliers dans la province de Kawatsi, près des rives du 1

(1) Thoung kian kang mou, Thsian pian; édition impériale de 1717, liv. xvIII, fol. 20 verso.

(2) Wa zi si, publié en 1690; vol. II, fol.

13 et suiv.

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Fatori gawa (Fou pou tchhouan), au pied du mont

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ga take, et aussi dans le canton de Yama be-no kóri, dans le Yamato. Toutes paraissaient avoir été habitées.

A cette occasion, Kaïbara Tok zin rapporte qu'ayant parcouru la province de Tsikouzen, il y avait découvert plusieurs milliers de ces cavernes, disposées par groupes de six à vingt. Les habitans des villages voisins les exploitaient, et se servaient des pierres pour faire des gouttières, des digues, et les fondemens de leurs maisons. Tous ces antres étaient ouverts du côté du sud. « On n'en trouve point, ajoute-t-il, dans le voisinage de la capitale de la pro« vince, mais bien dans les lieux les plus éloignés et déserts. Ceux qui étaient « situés près des endroits habités ont tous été exploités, et les pierres employées à divers usages. » Comme on avait supposé que ces cavernes avaient autrefois servi de sépulcres, Kaïbara Tok zin les a examinées sous ce rapport; mais il n'y a trouvé nulle part le moindre reste d'ossemens : par conséquent, il rejette cette opinion, et dit qu'il est convaincu qu'elles ont été habitées anciennement, et qu'il y a probablement de semblables grottes en Chine, quoique les ouvrages chinois et japonais n'en fassent pas mention.

que ce

D'autres auteurs japonais, jaloux de la gloriole de descendre d'autochthones, rejettent le récit de l'arrivée de Go-no Taï fak au Japon, ainsi qu'on raconte des insectes tsou sou ga; ils déclarent que ces récits sont d'invention moderne.

Quelques écrivains japonais placent pourtant la colonisation du Japon par les Chinois à une époque beaucoup plus reculée, savoir, sous le règne de l'ancien empereur Houang ti, que les chronologistes chinois les plus modérés font parvenir au trône en 2697 avant notre ère. Ces écrivains basent leur système sur une autorité assez suspecte, celle du San gaï kio (Chan hai king), antique livre chinois qui contient une cosmographie fabuleuse, et qu'on attribue faussement à l'empereur Yu. Ils rapportent en même temps qu'on trouve dans leur pays un bois pétrifié et noirâtre, qui est fort estimé, et qu'on nomme ★Fou só bok (Fou sang mou) ou bois du pays Fou sô (Fou sang) 1; que ce pays est le Japon, qui a reçu ce nom à cause de sa

(1) Le célèbre Deguignes, ayant trouvé dans les livres chinois la description du pays de Fou sang, situé à une grande distance à l'orient de la Chine, à ce qu'il lui sembla, crut que cette contrée pouvait bien être une partie de l'Amérique. Il a exposé cette opinion dans un mémoire lu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et intitulé Recherches sur les navi

gations des Chinois du côté de l'Amérique, et sur plusieurs peuples situés à l'extrémité orientale de l'Asie (Mém. de l'Acad. des inscr. et bell. lett., vol. XXVIII, pages 505 à 526).

Il faut d'abord observer que ce titre est inexact. Il ne s'agit nullement, dans l'original chinois que Deguignes a eu devant les yeux, d'une navigation entreprise par les Chinois au Fou sang,

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