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Lorsque les penchans sont énergiques, la plus petite circonstance suffit pour les faire paraître. La seule vue, la seule pensée d'un aliment qui excite l'appétit, fait jaillir la salive, ou, suivant l'expression vulgaire, fait venir l'eau à la bouche. Mais si le penchant est faible, il faudra un stimulant plus actif pour le faire éclore.

Les penchans énergiques percent et se développent par leur propre activité, nonobstant les plus grands obstacles. Les grands hommes, il est vrai, portent l'empreinte de leur siècle, et ne peuvent pas se défendre entièrement de l'impression des objets qui les entourent; mais l'on voit constamment que celui qui est doué d'une disposition dominante poursuit sa marche particulière, et saisit avec force l'objet que la nature lui a désigné.

Si, par le concours des circonstances, un homme doué de qualités très-prononcées a été empêché de suivre sa vocation, on remarque au moins que la qualité dominante qu'il a apportée en naissant déterminera les jouissances et les occupations favorites de sa vie. C'est pour cela que certains rois se sont livrés à des occupations d'artistes ou d'artisans, et que l'on voit des paysans, des hommes de métier et des bergers devenir astronomes, poètes, physiciens, philosophes, guerriers, etc. Il n'y a pas d'hommes distingués qui, nonobstant leurs occupations ordinaires, ne soient plus ou moins entraînés, sans s'en apercevoir, vers l'objet auquel la nature les a particulièrement appelés.

Dans tous les temps les grands évènemens font paraître les grands hommes, parce qu'alors les circonstances où ils se trouvent présentent une ample matière au libre exercice de leurs facultés. Il faut souvent ces circonstances pour révéler à ces indivi

dus leur propre génie; et lorsqu'elles se présentent, la force et la solidité de ces penchans jusque là enfouis, font assez juger que leur existence avait précédé l'action qui les décèle.

En général, tout développement d'une disposition particulière ne se fait qu'aux dépens d'une autre, à moins qu'elles n'aient entre elles de l'analogie : ainsi, celui qui a des dispositions imminentes pour un art, doit, par-là même, en manquer pour un autre, et réciproquement. C'est ainsi que tout se compense dans la nature, et que si quelques hommes peuvent se glorifier de certains talens, sous d'autres rapports ils trouvent de quoi rabaisser leur orgueil et devenir humbles.

Lorsque les penchans sont modérés, et que l'on éprouve de légers obstacles à les satisfaire, ils donnent naissance au désir (377).

Mais si le désir provient d'un penchant énergique, ou qu'il y ait un grand obstacle à son accomplissement, il devient extrême, et prend le nom de Passion.

Les passions sont donc des besoins résultant de notre manière de sentir, qui nous portent avec violence à rompre l'obstacle qui nous arrête, pour les satisfaire.

Nous nous bornerons ici à faire remarquer que les passions, qui prennent un grand développement par l'intelligence, tirent leurs sources de la vie sensitive, nous réservant de les examiner dans toute leur étendue lorsque nous traiterons de la vie spirituelle (377).

Dictionnaire des Sciences médicales, mot PERCEPTION. OEuvres complètes de Th. REID. — Traité d'Association domestique-agricole, de· Ch. FOURIER. La Phalange du 10 janvier 1837.

TITRE QUATRIÈME.

Rappel des Affections par le souvenir.

Par quels moyens ce phénomène s'opère. Nécessité de ce rappel. Le souvenir ne nous donne que la connaissance des choses. Il réside dans le moi. Il est en rapport avec le moi et les organes.

268. Lorsque les affections sont passées, le Souvenir les rappelle: c'est ainsi qu'il reproduit dans l'ame les affections qu'elle a éprouvées, sans que nous sachions comment ce phénomène s'opère.

Le rappel des affections ne se représente pas seulement de lui-même : il est encore occasioné par la présence des objets extérieurs, quand ces objets sont en rapport avec l'idée que nous avons dans le souvenir. Dans ce cas on appelle Signe l'objet qui nous rappelle l'idée.

Il est évident que l'objet du signe n'occupe pas le souvenir par lui-même par exemple, si c'est un portrait, ce n'est pas sur la peinture que se porte le souvenir, mais sur la personne qu'elle représente.

Les signes peuvent nous être propres, et n'être d'aucun usage à tout autre qu'à nous; ou bien ils sont généraux, et peuvent être compris par tout le monde: tels sont les signes indicateurs.

Les signes qui nous sont propres, sont les objets que quelques circonstances ont liés avec nos idées, en sorte qu'ils ont le pouvoir de les réveiller : ainsi, toutes les parties d'un objet composé que nous avons l'habitude d'embrasser d'un coup d'œil, servent à le rappeler et à le retracer à l'esprit. Quand, par exemple, un objet qui fait partie d'une campagne, d'un paysage, d'un jardin, d'une personne dont les détails nous sont familiers, vient s'offrir à la vue, il réveille ou retrace ordinairement le groupe des

objets environnans: ainsi, les fleurs nous rappellent le jardin où nous les avons cueillies; le vêtement d'un ami nous rappelle sa personne, son maintien, son caractère, etc. Dans ce rappel, nous ne faisons que compléter un même tableau. La distinction que nous établissons quand nous séparons l'idée des fleurs de celle du jardin, l'idée du vêtement de celle de la personne à laquelle il appartient, est une opération de l'esprit; mais la liaison primitive de ces idées est instinctive, elle suppose une même impulsion sur l'organe de la vision. Dans ce cas, l'association des idées a précédé leur distinction. Ces signes ne sont point produits avec réflexion, et ne se présentent pas à volonté : ils ne doivent donc rien au choix de l'homme; leur valeur est déterminée par les seules causes qui décident de la liaison des idées.

Le souvenir ne rappelle pas seulement les affections, mais encore leur ordre, leur connexité; il nous rappelle même nos propres souvenirs. Cependant il ne produit pas toujours des effets aussi étendus: le rappel de nos affections manqué quelquefois de perfection. Nous nous rappelons tantôt un objet sans nous rappeler ses circonstances, et tantôt quelques-unes de ses circonstances sans pouvoir nous rappeler l'objet. Ce qui subsiste dans le souvenir est ce qui nous a le plus frappé; le reste s'efface avec le temps.

Sans les souvenirs, la vie eût été bornée au moment présent. Ils sont les liens qui conservent la série des manières d'être pendant toute l'existence; ils servent à nous rappeler que nous avons vécu, par la représentation des affections que nous avons éprouvées. C'est donc le souvenir qui nous donne le moyen de franchir les bornes étroites du présent où nous sommes renfermés, en rattachant notre existence à

tous les âges que nous avons parcourus. Sans les idées reproduites par cette faculté, le moi serait, pour ainsi dire, renouvelé ou recréé à chaque instant.

Le souvenir n'aborde pas directement les choses, mais seulement la connaissance que nous en avons prise; nous ne nous souvenons de rien qui n'ait été l'intuition immédiate de la conscience, c'est-à-dire que nous ne nous souvenons que de nous-mêmes.

On a prétendu expliquer le souvenir par des traces conservées dans le cerveau. Mais si les souvenirs étaient l'effet d'une chose physique, d'une trace, d'une impression, ils seraient permanens; et ils sont intermittens: ils paraissent donc dépendre d'un principe d'action qui n'est pas soumis à la nécessité physique, mais qui agit quand il lui plaît, ou qui, lorsque son action est forcée, obéit à des lois qui lui sont propres, et qui n'ont aucun rapport ou sont incompatibles avec celles de la matière morte ou vivante.

Etant bien reconnu que le souvenir est la répétition d'une modification ou d'un acte du moi, de la conscience, c'est dans le moi qu'il réside; et si le moi est hors de tout organe, ce n'est pas dans les organes qu'il faut mettre son siége. Il est en effet bien évident qu'il réside dans le moi lorsque c'est la volonté seule qui le suscite, comme cela a lieu dans la mémoire (278). Mais il est encore dans le moi, quand il est sollicité par les objets extérieurs : seulement, dans ce cas, il est en rapport avec les organes, et son action forcée est soumise à des lois particulières qui ne ressemblent en rien aux lois qui président aux mouvemens forcés de la matière connue. A la vérité, il faut que le cerveau soit dans l'intégrité, pour que le souvenir, et même la mémoire, aient lieu; mais c'est simplement comme condition,

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